Dictionnaire de la Bible/Tome I.1.b AMAAD-APION - Wikisource (2024)

Fulcran Vigouroux

Dictionnaire de la Bible

Letouzey et Ané, (Volume I,p.425-426-741-742).

Tome I.1.a A-ALVAREZ

Tome I.1.c APOCALYPSE-ARMONI

appliqué à indiquer les doubles noms géographiques pourles localités qui en avaient changé. Cf. v. 2, 3, 7, 17. DéjàOrigène, In Num., hom. xix, t. xii, col. 719, se servait de Gen., xiv, 7, pour distinguer les Amalécites battus par Chodorlahom*or des Amalécites descendants d'Ésaü. Il est vrai qu’il suit, sans la contrôler, la leçon des Septante, qui ne permet pas d’expliquer le passage par une prolepse: «Et ils battirent les princes des Amalécites et lesAmorrhéens.» (Par confusion du i et du i, ils ont luŝarê, «princes,» au lieu de Sade, «champ, pays;» la version syriaque suit la même leçon que les Septante.) —2° Que les Amalécites remontent, en effet, à une époqueantérieure à Ésaü, et appartiennent au groupe de populations établies en Ghanaan avant la migration d’Abraham, c’est ce qu’on peut conclure non seulement du titre énigmatique donné par Balaam à Amalec dans son oracle: «Amalec, commencement (aîné) des peuples,» Num., xxiv, 20; mais surtout de l’indication rapide de I Reg., xxvii, 8, qui montre Amalec occupant depuis les temps reculés (mê’ôlam, si le texte n’est pas altéré) la région méridionale avec d’autres peuples chananéens. Avec ces désignations coïncideraient certaines traditions arabes, qui représentent Amalec tantôt comme un fils de Cham et comme le père d’Ad et des Adites, que d’autres rattachent à la ligne de Sem, tantôt comme un frère de Lud etd’Arphaxad. Cf. d’Herbelot, Bibliothèque orient., 1697, aumot Amlik; de Sacy, Excerpta ex Abulfeda, dans Poco*cke, Specimen hist. arab., p. 464. Mais Nöldeke, Ueber dieAmalekiter und einige and. Nachbarvölker der Isræliten, Gœttingue, 1864, a montré qu’on ne pouvait fairegrand fonds sur ces traditions assez incohérentes, recueillies à une époque bien postérieure à Mahomet et au Coran, ni les regarder comme indépendantes du titre d’aîné despeuples, donné par Balaam. — 3° Il vaut mieux revenirsimplement aux données bibliques, et remarquer d’unepart que les Amalécites ne sont jamais présentés commefaisant partie de la nation iduméenne, qu’ils en sont plutôtdistingués, II Reg., viii, 12, 13; I Par., xviii, 11; Ps. lxxxii, 7, 8; si bien que, tandis que les Iduméens, comme les peuples parents d’Israël, doivent être épargnés et leur territoire respecté, Deut., ii, 4-8, 9, 19, Amalec est voué à la mort, Exod., xvii, 4; Deut., xxv, 17-19; I Reg., xv, 2-3, et son pays doit appartenir aux Hébreux. Num., xiv, 24-25. D’autre part, jamais Amalec n’est donné comme frère des Israélites, ni pour éveiller en lui quelque sympathie, ni pour faire ressortir l’odieux de sa conduite et expliquer par cette circonstance aggravante la malédiction qui le frappe. «Il est donc vraisemblable, conclut dom Calmet, Dictionnaire de la Bible, édit. de 1730, que les Amalécites dont il est si souvent parlé dans l'Écriture étaient un peuple descendu de Chanaan et dévoué à l’anathème de même que les autres Amorrhéens, et fort différente des descendants d’Amalec, petit-fils d'Ésaü.» La même conclusion est soutenue par Reland, Palæstina, lib. I, ch. xiv, édit. de 1724, p. 78; J. D. Michælis, ouv. cit.; F. K. Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, 1823, t. iii, p. 90-94; Welte, Kirchenlexicon, 1886, 1. 1, p. 673; cf. Iperen, Historia critica Edom et Amalec, in-4°, Leovard., 1768. Comme cependant Moïse ne rattache pas les Amalécites à Chanaan, on peut aussi en faire un peuple d’une autre race. — Si un petit-fils d'Ésaü et ses descendants portèrent aussi le nom d’Amalec, ce fut peut-être parce que, dans leur situation géographique ou dans leurs relations sociales, ils eurent avec les anciennes populations amalécites un contact plus étroit que les autres tribus iduméennes.

J. Thomas.

2. AMALEC. Nom d’une montagne située dans la tribud'Éphraïm sur laquelle se trouvait la ville de Pharaton, d’où était originaire et où fut enterré un juge d’Israël, Abdon, fils de Hillel. Jud., xji, 14-15. Sur la cause quifit donner à une localité de la tribu d’Ephraïm le nomd' Amalec, voir Amalécite, col. 429. La position de cettemontagne nous est conservée grâce au village actuel deFer’ata, à deux heures et demie au sud-ouest de Naplouse, que plusieurs considèrent comme l’ancienne Phir’aton.E. Robinson, Later biblical researches in Palestine, 1856, p. 134; V. Guérin, Samarie, 1875, t. II, p. 179-180. C’est à cette montagne d' Amalec que se rapporte sans doute l’obscur et difficile passage, Jud., v, 14; Débora, énumérant celles d’entre les tribus qui ont pris part avec Barac à la campagne contre les Chananéens, nomme d’abord: «d'Éphraïm ceux qui ont leur racine en Amalec.» Telle est l’interprétation la plus probable du texte dans son étatactuel; la Vulgate n’en suppose pas un autre, mais sa traduction n’a aucun lien avec le contexte: Ex Ephraïmdelevit eos in Amalec. Elle répète ensuite le nom d’Amalec, qui ne se trouve pas dans l’original: Et post eum exBenjamin in populos tuos, o Amalec. Saint Jérôme, sansdoute sur les indications de ses maîtres juifs, entendantle passage comme l’auteur du Targum, y a vu une allusion à la victoire de Saùl de la tribu de Benjamin, et, pourmontrer plus clairement à quoi se rapporte le possessiftuos, a ajouté: o Amalec. C’est ce qu’explique une scholiedu Correctorium dominicain [Vatican., fonds Ottoboni, mss. 293): «D'Éphraïm naquit Josué, qui battit Amalec, comme on lit dans l’Exode, et de Benjamin naquit Saùl, qui, lui, détruisit Amalec, ce qui est ici prophétisé. Maisl’addition finale: o Amalec n’est pas dans l’hébreu, maisest suppléée pour le sens.» — «Ex Ephraim fuit Josue, qui percussit Amalec, ut legitur in Exodo; et ex Benjamin fuit Saul, qui et ipse delevit Amalec, quod hic prophetatur. Sed quod in fine additur o Amalec, non est in hebræo, sed gratia sensus apponitur.» Cf. Vercellone, Var. lection. Vulg. lat., t. ii, p. 98; mais il ne signale pas le rapprochement avec le Targum, qui nous montre, comme plus bas pour Tela’îm de I Reg., xv, 4 (voir Amalécite, col. 429-430), qu’un certain nombre des variantes propres à la Vulgate viennent des interprétations empruntées directement ou indirectement par saint Jérôme aux paraphrases juives.

J. Thomas.


3. AMALEC. Nom d’une localité. Nous lisons I Reg., xv, 5: «Saül vint jusqu’à la ville d’Amalec, et mit uneembuscade dans la vallée.» Nulle part ailleurs il n’estquestion de ville portant ce nom, ni même de ville proprement dite appartenant aux Amalécites. Il s’agit plutôt ici du principal campement où se trouvaient en ce moment établis Amalec et son roi Agag. Le nom hébreu ʿir, dans son acception générale et conforme à son étymologie (ʿur, «veille, poste d’observation» ), peut s’appliquer à un simple campement de nomades. Les espions israélites sont chargés par Moïse de voir ce que sont les villes (ʿarîm) où habite Chanaan, «si elles sont des campements (mahânim), ou bien des lieux fortifiés (mibeṣarîm).» Num., xiii, 19 (20). Les douars des Arabes d’Afrique, venus primitivement de l’Arabie, peuvent, comme le remarque E. H. Palmer, The desert of the Exodus, t. ii, p. 322, nous donner une idée exacte de ce qu'était ce ʿîr Ămâlêq. «Quand on a choisi un endroit convenable pour camper, les troupeaux, qui forment la plus grande richesse de la tribu, sont réunis en un même lieu. On plante les huttes ou les tentes à l’entour. Un petit mur de pierre en forme de cercle fait la clôture de défense; entre les pierres on met de gros fa*gots d’acacia épineux, et ces branches entrelacées et armées de pointes acérées (voir Acacia) protègent le campement comme une barrière infranchissable. Tel est ce qu’on appelle un douar.» Et tel était sans doute le ʿîr Ămâlêq sur lequel Saül fit main basse.

J. Thomas.


AMALÉCITE (hébreu: ʿĂmâlêqî), nom d’un peuplequi tirait son nom d’Amalec, voir Amalec, et qui est souvent appelé lui-même simplement Amalec. Nous allons: 1° en déterminer la position géographique; 2° en esquisserl’histoire.

I. Position géographique des Amalécites. — 1° Il est assez difficile de fixer les limites du territoire occupé parun peuple nomade; il nous manque, dans ce cas, les principaux points de repère, c’est-à-dire les villes. Cependant des textes qui appartiennent à différentes époques, partant de données diverses et se contrôlant ainsi les uns les autres, s’accordent à nous montrer Amalec dans la région septentrionale de la péninsule sinaïtique, de la frontière d’Egypte au sud de la Palestine et sur les confins de l’Arabie Pétrée (fig. 110).

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110. — Carte du pays des Amalécites.

Le passage 1 Reg., xv, 7, nous fournirait une indication générale assez précise: «De Havila à Sur, qui est en avant de l’Egypte,» si nous étions sûrs de la position d’Havila, qu’il faut chercher sans doute au nord de la péninsule arabique. Quant à Sur (une région plutôt qu’une ville), elle était en avant, c’est-à-dire sur la frontière orientale de l’Egypte, au nord et à l’est du golfe deSuez, où nous ramène Exod., xv, 22, et c’est, en effet, de ce côté, avant d’arriver au Sinaï, que les Hébreux se rencontrent pour la première fois avec les Amalécites. Exod., xvii, 8. Mais ils s’étendaient à l’est jusqu’à la frontière méridionale de la Palestine, comme nous l’apprennent les explorateurs de la Terre Promise, Num., xiii, ’211, et c’est là que les Hébreux les rencontrent une seconde fuis, Num., XIV, 45, cf. 25, quand ils veulent s’avancer du désert dePharan et de Cadès. Num., xiii, 1, 27. C’est là aussi que Chodorlahom*or, après avoir poussé son invasion vers le sud «jusqu’à Pharan, qui est dans le désert», et repris la direction du nord, trouve, après Cadès, «le pays desAmalécites», puis celui des «Amorrhéens, qui habitentAsasonthamar». Gen., xiv, 0-7. Aussi, quand Saül prépare son expédition contre Amalec, rassemble-t-il sestroupes dans une ville du sud de Juda, Télém, Jos., xv, 21, dont le nom est écrit Tela’îm dans 1 Sam., xv, 4. (La Vulgate traduit: quasi agnos, «comme des agneaux,» en confondant la préposition z, be, dans, avec la particule z, be, comme, et en prenant, comme l’a fait aussi le Tm^um de Jonathan, le nom de la ville pour le pluriel de tell, «agneau,» ) Dans I Reg., xxvii, 7 et suiv., et xxx, on voit que les Amalécites étaient dans le voisinage des Philistins, tandis que I Par., iv, 43, les met en rapport avec les montagnes de Séir. La région des Amalécites confinait donc à l’Egypte, aux Philistins, au sud de Juda et aux Iduméens. C’est là que nous ramène la donnée assezvague de Josèphe, Ant. jud., VI, vii, 3, paraphrasant I Reg., xv, 7: «Tous ceux qui vont de Péluse à la mer Rouge,» où il faut entendre plus spécialement le golfe d’Akaba. Cf. aussi Eusèbe, dans l’Onomasticon, où il définit Amalec «la région dans le désert situé au sud de laJudée, s’étendant jusqu’à la ville maintenant appelée Pétra, quand on va vers Aila.» (Dans les Œuvres de saint Jérôme, t. xxiii, col. 121.) C’est par une singulière méprise que Josèphe parle de «villes amalécites» dont Saül aurait fait le siège en règle; il oublie le caractère nomade de ce peuple, tel que l’Écriture nous le présente partout. La prophétie de Balaam, Num., xxiv, 20-21, nous montre qu’Amalec vivait à côté des Cinéens, autres tribus errantes, et ce trait est confirmé par I Reg., xv, 6. L’humeur vagabonde et l’instinct pillard d’Amalec expliquent comment nous le voyons envahir le territoire d’Israël par la Transjordanie au temps des Juges, tantôt uni à Moab et à Arnmon, Jud., iii, 13, et tantôt aux Madianites. Jud., vi, 3. C’est probablement alors, sinon dans une circonstance analogue antérieure, non mentionnée dans l’Écriture, qu’une famille d’Amalécites s’établit un certain temps jusque dans les montagnes d’Éphraïm, et y laissa son nom à une localité. Jud. xii, 15. Cf. le texte si obscur et peut-être altéré, v, 14. Voir Amalec 2.

La région qu’occupait Amalec est en grande partie représentée par ce qu’on appelle aujourd’hui le désert d’Et-Tih (de l’égarement); ce n’est pas une région absolument aride et sablonneuse, mais le sol est trop maigre, trop desséché pour être cultivé, sauf en quelques oasis; à la saison des pluies, il se couvre d’une végétation abondante, et peut nourrir des troupeaux, qui, dans la saison chaude, sont parqués dans les oasis. Autrefois même, comme l’attestent de nombreuses vallées et les lits de torrents qui se ramifient en divers sens, ce pays jouissait d’un régime d’eau plus abondant; il pouvait par conséquent nourrir une population pastorale plus dense. Le Tilt répond parfaitement à la notion hébraïque du midbar, qui désigne une région inhabitée sans doute, impropre à l’agriculture, mais où l’on conduit et nourrit des troupeaux. Aujourd’hui les principales tribus bédouines de la péninsule sinaïtique sont les Tiyahâ (habitants du Tih) et les Towarâ (Arabes de Tor); de ces derniers, E. Reclus nous dit dans sa Nouvelle Géographie, t. ix, Asie antérieure, 1884, p. 747: «On les croit descendants des Amalékites, que les Hébreux sortis d’Egypte vainquirent à Raphidim, au pied du mont Sorbal.» Mais ce sont plutôt les Tiyahà, comme le pense L. de Laborde, qui tiennent la place des Amalécites. Commentaire géographique de l’Exode, 1841, p. 99.

II. Histoire des Amalécites. — C’est dans le récit del’invasion de Chodorlahom*or que se trouve la plus anciennemention du «pays de l’Amalécite». Gen., xiv, 7. Quelques siècles après, les Amalécites furent les premiers ennemis qu’eurent à combattre les Hébreux, au sortir de l’Egypte, à Raphidim, à une petite distance au nord-ouest du mont Sinai. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. ii, p. 409. Ces hordes de pillards, attirés sans doute par l’espoir d’un facile butin, «chargèrent en queue» les émigrants fatigués par la marche, la faim et la soif, «frappant les traînards» sans pitié. Deut., xxv, 17-19. Josué fut chargé de repousser les assaillants, tandis que Moïse montait sur une colline voisine, accompagné d’Aaron et de Hur, et grâce à leur appui tenait ses bras étendus, ayant en sa main la «verge de Dieu». Exod., xvii, 8-10. Amalec fut battu, et Moïse dut écrire «dansle livre» le souvenir de la victoire et la promesse qu’Amalec serait entièrement détruit. Nous suivons dès lors dans l’histoire le cours de cette malédiction, que reprendsous une autre forme Bulaam, Num., xxiv, 20, et querépète le Deutéronome, xxv, 17-19, en recommandant àIsraël d’accomplir cette menace: prescription bien étrange, surtout au milieu des dispositions législatives qui l’entourent, si le Deutéronome n’avait été composé qu’à l’époquede Josias, quand Amalec n’existait plus depuis bien longtemps, comme nous le verrons. L’allusion est d’autantplus remarquable, qu’en traits rapides elle caractériseexactement l’attaque de ces hordes pillardes du désert.Au contraire, dans les développements d’un âge postérieur, dans la prière du grand prêtre Éliachim, on sereprésente l’armée d’Amalec avec des chars et des cavaliers, comme celle des grands peuples, Assyriens ou Chaldéens, avec lesquels on s’était trouvé depuis en contact.Judith, IV, 13 (Vulgate; le grec ne renferme pas ce développement; remarquons que ce n’est pas l’auteur du livrequi parie, mais le grand prêtre).

L’année suivante, après avoir quitté le Sinaï, les Hébreuxse rapprochèrent des confins de la Terre Promise et duterritoire des Amalécites qui étaient dans le Négeb. Num., xiii, 30. Découragés d’abord par le rapport des explorateurs, ils murmurèrent et voulurent retourner en Égypte.Num., xiv, 4. Comme punition, ils reçurent l’ordre derevenir sur leurs pas. ꝟ. 25. Alors, — curieux exempled’une multitude qui ne sait trop ce qu’elle veut, — ils nevoient plus que les inconvénients de ce retour en arrière, et, impatients d’atteindre le but par le plus court chemin, ils attaquent, malgré Dieu et Moïse, les premiers ennemisqu’ils ont devant eux, les Amalécites et les Chananéens; mais ils sont battus et poursuivis jusqu’à Horma. ꝟ. 40-45.Ce dernier verset paraît en contradiction avec le ꝟ. 25, si on ne remarque pas que le ꝟ. 25 se rapporte d’une façon générale à toute la région habitée par l’Amalécite et le Chananéen, plateau qui se présente comme un endroit abaissé, une plaine, ’êrnéq, relativement au massif montagneux du sud de la Palestine, tandis que le y. 45 parle plus spécialement de la crête de hauteurs ( «cette montagne,» comme il y a dans l’hébreu; cꝟ. 40-44) qui séparait Israël de ses ennemis, et qu’il essaya de franchir sans l’ordre de Dieu. Au Deutéronome, i, 44, où l’hébreu lit aussi sur cette montagne, au lieu de l’expression trop générale in montibus, «sur les montagnes,» de la Vulgate, le même fait est rappelé, mais sans nommer l’Amalécite, et en donnant à la population chananéenne qui habitait de ce côté son nom particulier d’Àmorrhéen. Cf. Gen., xiv, 7. Le samaritain (Deut., i, 44, texte et version) répète, comme dans les Nombres: «L’Amalécite et le Chananéen qui habitait cette montagne.»

Les Hébreux durent renoncer à entrer dans la Palestine par le sud; l’heure où se réaliseraient les menaces contre Amalec était par là même différée après la conquête de la Terre Promise; elle se fit même attendre plusieurs siècles.À l’époque des Juges, deux fois Amalec fut un de ces instrumentsdont Dieu se servait pour châtier son peuple prévaricateur, Jud., x, 12; cependant, dans les deux cas, iln’apparaît qu’au second plan, et sous la conduite d’unplus puissant envahisseur: la première fois, sous celle desMoabites, Jud., iii, 13; la deuxième, uni aux Madianites.Jud., vi, 1, 3, 33; vii, 12. Avec ces derniers, pendant septans, il prit part aux fructueuses razzias que ces nomades allaient faire en Israël chaque printemps, après les semailles; il fut battu aussi avec eux par Gédéon. Voir Gédéon.

Quand, par l’établissem*nt de la royauté, Israël se trouva de nouveau réuni sous un seul chef, il fut capable d’exécuter la menace qui pesait dès les temps anciens sur Amalec. Saül reçut de Samuel l’ordre de l’accomplir. Nous avons dans I Reg., xv (déjà, par anticipation, xiv, 48), le récit de la campagne et de la victoire complète de Saül, et aussi celui de sa faute, qui eut pour lui de si graves conséquences: Saül épargna le roi Agag et le peuple, ce qu’il y eut de meilleur dans les troupeaux et dans lesrichesses d’Amalec. Cependant les Amalécites ne se relevèrent pas de ce coup. Quelques années après, ils ne peuvent se défendre contre les razzias que David organise contre eux pour plaire à Achis, roi de Geth, chez qui il s’était réfugié. I Reg., xxvii, 8-12. Ce n’est que par ruse, en profitant de l’absence de David et de ses partisans, que pour se venger ils s’emparent de Siceleg, la ville donnéepar Achis à David, la pillent, la brûlent, et s’en vont emmenant captives toutes les femmes. I Reg., xxx; II Reg., i, 1. Mais David, revenu à temps, et guidé par un esclave égyptien malade, que les Amalécites avaient abandonné, atteint la bande des pillards au moment où, sans défiance, ils se livraient à la bonne chère avec le butin enlevé. Il en lit un grand carnage: quatre cents jeunes gens réussirent seuls à s’enfuir sur des chameaux, I Reg., xxx, 17; les prisonnières, les enfants et les richessesemportées furent recouvrés, y. 18-19.

Dans ce même temps, il devait y avoir quelques famillesd’Amalec vivant en paix, et campant parmi les Israélitesdu nord, comme celle de l’Amalécite qui, se trouvant surla colline de Gelboé au moment de la mort de Saül, ledépouilla de ses insignes royaux et vint les apporter àDavid. II Reg., i, 2, 8-13. — La mention d’Amalec parmiles ennemis vaincus et spoliés par David, II Reg., viii, 12; I Par., xviii, 11, suppose-t-elle une nouvelle campagne, ou fait-elle allusion aux anciennes? Il est difficile derépondre. Dans tous les cas, à partir de ce moment, l’histoirene parle plus d’Amalec, sinon en passant, dans lagénéalogie de la tribu de Siméon, I Par., iv, 42-43, oùnous voyons qu’au temps d’Ézéchias (d’après le y. 41), cinq cents Siméonites s’avancèrent dans les montagnes deSéir, y tuèrent «ce qui restait des Amalécites», et habitèrentà leur place. Dès lors il n’est plus question d’Amalec; son souvenir semble même perdu; la littérature prophétique, qui date en grande partie de cette époque(viiie et viie siècles avant J.-C), si riche en indicationsou allusions sur les anciens voisins et ennemis d’Israël, ne prononce pas même le nom d’Amalec. Les conquérantsassyriens du même temps, qui ont rencontré et mentionnédans leurs inscriptions presque tous les peuples de l’estet du sud de la Palestine, n’en parlent pas non plus. Cefait a une grande importance pour la critique biblique, car il prouve que les traditions relatives à Amalec, si concordantes entre elles malgré la diversité des documents et des livres où elles nous arrivent, se sont formées et fixées avant l’époque des plus anciens prophètes qui nous ont laissé des écrits, c’est-à-dire avant le milieu du viiie siècle.

J. Thomas.

AMAM (hébreu: ’Amâm; Septante: Σήν), ville méridionalede la tribu de Juda, mentionnée entre Carioth etHesron, Sama et Molada. Jos., xv, 26. Eusèbe, Onomasticon, Gœttingue, 1870, au mot Ἀμέμ, et S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 870, la citent, mais sans en déterminer la position. Elle estrestée inconnue jusqu’ici. Parmi les villes qui la précèdentet la suivent dans le texte sacré, deux surtout, dont l’identification semble très probable, sinon certaine, peuvent d’une façon générale délimiter l’espace où il lafaudrait chercher. C’est, au nord, Carioth (unie à Hesrondans l’hébreu), que Robinson propose de voir dans Khirbetel-Kurijéleïn, et, au sud, Molada, que le même savantassimile à Klùrbet el-Milh. Cf. Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 101 et 201. Voir la carte de la tribu de Juda.

A. Legendre.

AMAMA Sixtin, orientaliste protestant hollandais, né à Franeker, le 15 octobre 1593, mort dans cette ville, le 9 novembre 1629. Il fut professeur d’hébreu à l’universitéde Franeker, et publia l’Antibarbarus biblicus sex libris, in-4o, Franeker, 1628; 2e édit., in-4°, 1656. Le barbare contre lequel s’élève Amama, c’est Mersenne et en général celui qui n’attache pas, d’après lui, assez importance à l’étude des langues sacrées. L’auteur se proposaitde donner à son ouvrage deux parties renfermant chacunetrois livres, mais la mort l’empêcha de réaliser son dessein.Le livre quatrième fut ajouté à la deuxième édition, publiée en 1656. Amama, en défendant les textes originaux dans cet ouvrage un peu confus, dépassa la mesure. Il est d’une sévérité outrée et injuste contre l’édition de la Vulgate publiée par Sixte V et Clément VIII. Il critique spécialement la version des livres historiques, des Psaumes et des écrits de Salomon. Dans le livre qui fut publié après sa mort, la traduction d’Isaïe et celle de Jérémie sont critiquées d’une manière analogue. Amama publia aussi une collation de la version hollandaise de la Bible avec les textes originaux, Bybelsche Conferencie, Amsterdam, 1623, et une grammaire hébraïque, Amsterdam, 1625. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 10-11.

AMAN (hébreu: Hâmân, nom d’origine persane, «estimé;» Septante: Ἁμάν), premier ministre d’Assuérus(identifié avec Xerxès Ier, fils de Darius, voir Assuérus), fils d’Amadathi l’Agagite, c’est-à-dire originaire de la province d’Agag, en Médie. Voir Agagite. Aman n’était donc pas d’origine perse, comme l’a soutenu Eichhorn, en s’appuyant sur cette raison que chez les Perses la loi s’opposait à ce qu’un étranger fût élevé à une dignité comme celle de premier ministre. Einleitung, t. iii, p. 653. C’est là une affirmation sans fondement, car les rois de Perse, comme tous les monarques orientaux, étaient des despotes dont la volonté faisait loi contre la loi même. De nombreux documents les montrent, au contraire, distribuant les dignités selon leur fantaisie. Baumgarten, De fide libri Estheri, p. 26. La Médie faisait d’ailleurs partie de l’empire perse.

Ce fut la douzième année du règne d’Assuérus, ou peuauparavant (vers 473 avant J.-C), qu’Aman fut élevé à ladignité de premier ministre, car c’est à cette époque qu’ilprit en haine Mardochée, dont la fière attitude le blessaprofondément. Or Mardochée lui refusa les honneurs auxquelsil prétendait, dès le début de son élévation, et l’onne peut douter que le favori royal n’ait formé immédiatement ses projets de vengeance et arrêté contre les Juifs une action d’éclat. Esth., iii, 7. Cf.-Neteler. Die Bücher Esdras, Nehemias und Esther, Munster, 1877, p. 102. Au même temps Mardochée avait découvert et révélé un complot tramé contre la vie du roi par deux eunuques, et Aman, qui était leur ami, peut-être leur complice, en avait conçu contre le Juif une nouvelle animosité. Esth., xii, 3-6. L’exégèse rationaliste et protestante a voulu voir une contradiction entre ce dernier passage et celui où le refus d’adoration de la part de Mardochée est donné comme la cause de la colère d’Aman, Esth., iii, 4-5, comme si une double cause n’avait pu concourir à développer dans le premier ministre d’Assuérus l’esprit de vengeance. Ces deux récits se complètent, loin de se contredire.

En effet, Assuérus, à qui ses sujets rendaient hommageen fléchissant le genou, selon l’usage persan (Hérodote, vin, 136), avait voulu qu’Aman partageât avec lui cet honneur.Mais cette volonté, devant laquelle tout pliait, étaitvenue se briser contre la résolution d’un Juif obscur, Mardochée, dont la noble fierté n’avait pas voulu se soumettreà ce servilisme répugnant. Non qu’il fût interditaux Juifs de rendre hommage à des hommes en fléchissantle genou, ou même en se prosternant, le front dansla poussière. II Rog., xiv, 4; xviii, 28; III Reg., i, 16.Ce que Mardochée tenait comme interdit à son honneur, c’était la prestation à un indigne ministre de cet hommage, réservé aux souverains. Aman, en jurant de sevenger, voulut étendre le châtiment à toute la nation deMardochée: il résolut donc de l’exterminer en masse.Esth., iii, 6. Selon nos idées et nos mœurs empreintes de l’esprit chrétien, cette prétention paraît, de la part d’Aman, si exorbitante de cruauté et d’orgueil, que des rationalistes modernes en ont voulu conclure que cette histoire n’est qu’une fable; mais les analogies sont là pour témoigner en faveur du caractère historique de ce récit. Mithridate, roi du Pont, sans autre raison que la haine de Rome, ne porta-t-il pas contre tous les Romains résidant dans son royaume un édit de mort, à la suite duquel, selon Plutarque, Vit. parall., Sylla, x, cent cinquante mille sujetsde la République furent massacrés dans le même jour?

C’est au mois de nisan, le premier de l’année, qni correspondà la fin de notre mois de mars et au commencementd’avril, qu’Aman se mit à l’œuvre. Assuérus comptait onzeans accomplis de règne, on était en 473. Superstitieuxcomme tous les Perses, et imbu du préjugé, très répandualors, qu’il existait des jours fastes et des jours néfastes, Aman fit tirer au sort, par quelque devin, l’époque àlaquelle devrait se faire l’exécution, et cela, avant mêmed’en conférer avec le roi, tellement il se sentait maîtredans le royaume. Cette opération des sorts est désignéedans le texte hébreu par deux mots dont l’un est l’explicationde l’autre: pur hû’haggôrâl. «Il jeta le sort (pur), c’est-à-dire le gôrâl.» Le premier de ces termes n’est pasun mot hébreu, ce qui a amené l’anteur d’Esther à le fairesuivre du mot explicatif gôrâl, qui désigne toujours dansla Bible l’opération dont il est question ici. Lev., xvi, 8-10; Ezech., xxiv, 6; Jon., i, 7, etc. Au contraire, le mot pur, qui est persan et répond au persan moderne behr (la part, le sort), ne se trouve nulle part ailleurs dans l’Écriture.L’hébreu et les Septante sont plus explicites que la Vulgatesur la manière dont ce. sort fut conduit. On y lit: «Et il jeta le sort de jour en jour et de mois en mois;» Septante: καὶ ἔλαβε κλήρους ἡμέραν ἐξ ἡμέρας καὶ μῆνα ἐκ μηνός. Esth., iii, 7. D’après cela, on tira d’abord le jourdu mois, puis le mois lui-même.

— Le jour amené par le sort fut le treizième, Esth., iii, 13, et le mois fut le douzième, Esth., iii, 7, qui est celui d’adar, répondant à notre fin février et commencement de mars.Ainsi la Providence avait conduit l’opération de telle sorteque les Juifs eussent tout le temps nécessaire pour parerle coup et échapper aux projets sanguinaires d’Aman.L’époque du massacre ainsi déterminée, il fallut obtenirla sanction d’Assuérus; Aman, pour se l’assurer plus aisément, l’acheta.. Que le roi signât l’édit, et il s’engageait àverser dans le trésor royal, fort épuisé, dix mille talents(talents d’argent d’après l’hébreu, les Septante et le chaldéen), Esth., iii, 9, somme considérable, bien que notreignorance de la valeur exacte du talent, chez les Perses, nous empêche d’en déterminer l’équivalent en notre monnaie.Xerxès (Assuérus) venait de terminer malheureusem*ntson expédition on Grèce (480-479), il avait besoind’argent. Ce détail montre que les Juifs pendant la captivitéavaient prospéré, puisque Aman se faisait fort de tirerd’eux une somme aussi considérable. Cf. Tob., iv, 21-22.Le roi cependant voulut se montrer encore plus généreuxque son ministre; car, après lui avoir passé au doigt sonanneau ou sceau royal, en signe du plein pouvoir qu’illui donnait de décréter et de sceller ce qu’il voudrait contre les Juifs, il lui abandonna les dix mille talents, comme gratification de l’important service qu’il rendait au royaume. Aman triomphait.

Rédiger l’édit, en faire des copies et des traductions, Esth., iii, 12, et les expédier aux gouverneurs des cent vingt-sept medtnôt, Esth., i, 1, 22; viii, 9; cf. Dan., in, 2, 3, ou subdivisions de l’empire, fut l’affaire do quelques jours. Hérodote, viii, 98, parle de la rapidité avec laquelle se faisait chez les Perses la transmission des ordres royaux aux contrées les plus éloignées, par une organisation merveilleuse de courriers et de relais, dont l’institution remontait à Cyrus. Brisson, De regio Persarum apparatu, 1710, p. 311-315. En moins de deux mois, tous les gouverneurs avaient reçu l’ordre d’Aman; mais ils devaient attendre neuf mois environ avant de l’exécuter. C’était bien contre son gré que le cruel ministre laissait s’écouler un si long temps avant le massacre; mais sa superstition l’emportait sur ses désirs de vengeance. Il aurait craint d’aller contre le sort en avançant l’exécution; d’autre part il redoutait qu’Assuérus, avec son esprit capricieux, ne fut influencé en sens contraire et n’en vînt à annuler l'édit. En le publiant, il rendait toute modification moralement impossible. De plus, les Juifs étaient dès lors mis au ban de l’empire, ils devenaient l’objet de la haine publique, c'était préparer et assurer une extermination universelle. On ne peut donc rien conclure de ce délai contre la véracité du livre, et les exégètes rationalistes frappent à faux quand ils l’attaquent sur ce point. Cf. Bleek, Einleitung in das Alte Testament, 4e édit., p. 299.

L'édit d’Aman n’existe pas dans le texte hébreu; on letrouve dans les Septante après le chapitre iii, 13, et dans la Vulgate, xiii, 1-7. Les protestants le rejettent comme apocryphe avec tous les autres passages deutérocanoniques d’Esther; cependant il est certain qu’il existait dans le texte hébreu primitif, et qu’il a été rendu en grec par le traducteur du reste du livre. Cornely, Introductio specialis in libros Veteris Testamenti, part, i, p. 418, 435. Il y a à la vérité une légère contradiction entre le jour fixé pour le massacre dans l'édit, Esth., xiii, (3, et dansle texte protocanonique, Esth., iii, 13; ix, 1: ici le treizième, là le quatorzième jour d’adar. C’est une simple faute de copiste qui ne peut tirer à conséquence, pas plus que Γαβαθὰ pour Bαγαθὰν, Esth., xii, 1, et Ἀρταξέρξης pour Ξέρξης Esth., i, 1 et passim.

Pendant qu’Aman se croyait sûr du succès, les Juifspriaient et jeûnaient, Esth., iv, 16-17, et Esther, au péril de sa vie, allait trouver le roi et obtenait de lui que, accompagné de son ministre, il vînt dîner à sa table. Aman sortait joyeux de ce festin, lorsque la rencontre de Mardochée, toujours inflexible et demeurant assis à son passage, le mit dans une nouvelle fureur. Après avoir pris conseil de sa femme Zarès et de ses amis, il résolut de devancer l'édit pour ce Juif impertinent, et, ne doutant pas de l’acquiescement du roi, il fit dresser sur l’heure une potence de cinquante coudées pour y attacher Mardochée dès le lendemain. Le lendemain, la face des choses était changée, et Aman attaché lui-même à ce gibet. Mais auparavant l’orgueilleux ministre devait subir une humiliation plus cruelle que la mort. Pendant cette nuit où Aman préparait la mort de Mardochée, Assuérus, ne pouvant dormir, s'était fait lire les annales de son règne. Il entendit le récit de la conjuration formée contre sa personne par les eunuques Bagathan et Tharès, et découverte par Mardochée, qui la lit échouer. Il demanda alors quelle récompense avait reçue ce fidèle sujet, et, apprenant que rien n’avait été fait pour lui, il appela Aman afin d’avoir son avis sur la manière de traiter un homme que le roi voulait honorer. Aman, persuadé que lui seul pouvait être ce sujet digne d’honneur, réclama le plus éclatant triomphe: habitsroyaux, cheval du roi, diadème sur la tête, marche solennelle par les rues de Suse, où résidait alors Assuérus, Esth., i, 2, 5; les princes de l’empire remplissant l’office de hérauts devant le triomphateur, Esth., vi, 8-9. Or Aman décernait à son insu tous ces honneurs à son mortel ennemi, Mardochée, et lui-même dut non seulement en assurer l’exécution, mais encore y prendre part, tenant la bride du cheval et criant: «Ainsi est honoré celui que le roi veut honorer!» Aman, toujours superstitieux, vit là un mauvais présage, et rentra triste et abattu.

Il comptait parmi ses conseillers et ses amis des devins(hébreu: ḥăkàmâv, «ses sages;» Septante: φίλοι, Esth., VI, 13). C’est sur leurs réponses qu’il avait préparé l’extermination des Juifs, et maintenant il n’en obtenait plus que des présages funestes: «Si Mardochée est Juif, de même que tu as commencé à être abaissé devant lui, tu le seras encore.» Esth., vi, 13. Sous le coup de son humiliation, Aman accompagna Assuérus à un second repas chez Esther. La reine en profita pour exposer au roi la demande qu’elle n’avait pas voulu formuler la veille. Elle révéla son origine juive et supplia le roi en faveur de sa propre vie à elle et de celle de son peuple, qu’un ennemi cruel voulait exterminer. Cet ennemi, elle lenomma en sa présence, et elle le fit avec une telle énergie, qu’Aman baissa les yeux et demeura sans mot dire. Il comprit qu’il était perdu et qu’il n’avait plus d’espoir que dans la clémence de la reine elle-même. Pendant qu’Assuérus était allé prendre l’air dans le jardin pour calmer ses impressions, Aman s'était approché du lit de table d’Esther, et, penché vers elle, il demandait grâce, quand Assuérus rentra. Le monarque, aveuglé par sa colère, crut qu’Aman voulait attenter à l’honneur de la reine: il n’entendit plus rien, et condamnant son premier ministre avec la même facilité avec laquelle il lui avait livré les Juifs, il donna l’ordre de le mettre à mort, ce qui fut exécuté à l’instant même. Selon l’usage des anciens à l'égard des condamnés à mort, un des eunuques lui jeta un voile sur la tête, Quinte-Curce, vi, 8, 22; Cicéron, Pro Rabirio, iv, 13; un autre, nommé Harbona, fit remarquer au roi qu’Aman venait de faire dresser «dans sa maison» un gibet pour y pendre Mardochée. «Qu’il y soit lui-même pendu,» dit Assuérus; ce qui fut fait, «et la colère du roi s’apaisa.» Esth., vii, 9-10. Il est à noter que d’après le chapitre xvi, verset 18, la potence fut transportée de la maison d’Aman auprès de la porte de Suse, où le persécuteur subit son supplice.

L’exécution d’Aman fut suivie de celle de sa famille.Quand le treizième jour du douzième mois arriva, lesJuifs, aidés des fonctionnaires royaux, prirent l’offensive, et firent un grand carnage de leurs ennemis, parmi lesquels se trouvèrent les dix fils d’Aman. Esth., IX, (J-9. Ils périrent donc, non pas en même temps que leur père, comme il semblerait d’après Esth., IX, 25, mais neuf mois après. Cf. vii, 10; viii, 9, 12; ix, 14. Ainsi disparut la race de cet homme cruel et vindicatif, dont les hautes fonctions furent données à Mardochée, Esth., X, 3, comme sa maison avait été donnée à Esther, viii, 1. Ainsi se réalisait le songe qu’avait eu Mardochée la deuxième année du règne d’Assuérus (484): il avait vu deux énormes dragons (hébreu: tanntm) acharnés l’un contre l’autre, et représentant la lutte d’Aman contre Mardochée. Esth., x, 5-7; xi, 5-12. En mémoire de la chute de son ennemi et de la délivrance de son peuple, Mardochée institua à perpétuité la fête des Sorts ou des Pûrim, ainsi appelée à cause des sorts jetés par Aman pour l’extermination des Juifs. Voir Phurim. Pendant la lecture du livre d’Esther qu’on fait en cette fête, les passages relatifs à Aman sonttoujours signalés par des malédictions; celui où il estquestion de son supplice et de celui de ses fils doit se prononcer très vite et sans respirer pour marquer que tousfurent pendus à la fois, ce qui d’ailleurs n’est pas exact, et pendant ce temps les assistants frappent des mains et des pieds pour que ce nom maudit ne soit pas entendu. Enfin, en mémoire du supplice des fils d’Aman, les trois versets où il est rapporté, Esth., ix, 7-9, sont écrits, dans les manuscrits hébreux, sur trois colonnes parallèles représentant les trois cordes auxquelles furent pendus, d’après la tradition, les fils du ministre maudit, attachés à chacune d’elles par groupes de trois, trois et quatre; cette tradition est du reste sans fondement dans l’histoire, et très peu vraisemblable.

Il est à noter que, dans la lettre de révocation de l'éditd’extermination, Assuérus attribue à Aman un desseinqu’on ne trouve mentionné nulle part ailleurs, celui dese tourner contre le roi lui-même après avoir affaibli sesmoyens de défense par le massacre des Juifs, et de livreraux Mèdes (Septante: εἰς τοὺς Μακεδόνας , qu’il faut interpréter comme: ὁ Μακεδών, Esth., ix, 21; cf. xvi, 10, dans le sens de Mède ou Agagite (voir Agagite), l’empire des Perses. Esth., xvi, 14. Cette allégation est sans doute une pure supposition, qui pouvait d’ailleurs facilement venir à l’esprit du roi.

Aman est souvent donné par les auteurs spirituels commele symbole des ennemis de l'Église, dont Esther est la figure. Cf. Rupert, De Victoria verbi divini, viii, 3, t. clxix, col. 1381; Raban Maur, In lib. Esth., i, 6, t. cix, col. «52-660.

P. Renard.

AMANA (hébreu: ʾĂmânâh), montagne mentionnéedans le Cantique des cantiques, IV, 8. Les Septante en ont fait un nom commun, et ont traduit mêrô's ʾĂmânâh, «du sommet d’Amanah,» par ἀπὸ ἀρχῆς πίστεως, «du commencement de la foi,» interprétation condamnée par le contexte et le parallélisme, d’après lesquels le mot correspond à ceux de Liban, de Sanir et d’Hermon. Le nom d’ʾĂmânâh se lit aussi IV Reg., v, 12, pour désigner un fleuve de Damas, dans le geri et le ketib d’un certainnombre de manuscrits, dans le Targum de Jonathan et laversion syriaque, au lieu d’Abânâh, leçon courante dutexte. Voir Abana. C’est ce qui a fait supposer à la plupart des auteurs qu’entre celui-ci et la montagne il y avait la relation du cours d’eau à la source, et que l’un donnait son nom à l’autre. L’Amana serait donc un des sommets de l’Anti-Liban, d’où sort l’Abana, aujourd’hui le Barada, c’est-à-dire le Djebel Zebdâni, au nord du grand Hermon, dominant du côté de l’est une grande plaine qui est le point le plus central et la vallée la plus pittoresque de la chaîne orientale. «Le Talmud de Jérusalem, tr. Schebiith, vi, 2, identifie l’Amanah de la Bible, Cant., iv, 8, avec l’Amanus.» A. Neubauer, La Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 7, n. 3. Nous croyons avec Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, 1. 1, p. 320, que le «sommet» dont parle le Cantique sacré ne saurait être confondu avec la montagne bien connue du nord de la Syrie. Les noms qui accompagnent Amana suffisent à eux seuls pour rejeter cette assimilation.

A. Legendre.


AMAND DE ZIERICZÉE, en Zélande, mineur observant, hébraïsant, enseigna la théologie dans le collège deson ordre à Louvain, et fut premier supérieur de la province de Cologne, dans le temps où elle comprenait lesPays-Bas. Il mourut le 8 juin 1524, d’après Jean de Saint-Antoine, en 1535, d’après Sbaraglia, et fut enseveli devant l’autel majeur de son couvent. Il laissait divers ouvrages d’exégèse dont les bibliographes susdits, non plus que les autres, ne nous font connaître le sort: 1° Commentaria in Genesim; 2° Commentaria in Psalmum cxviii; 3° Commentaria in librum Job; 4° Commentaria in Ecclesiasten; 5° De lxx hebdomadibus Danielis liber unus. Voir Ruland, dans l’Allgemeine Deutsche Biographie, 1. 1, 1875, p. 388.

P. Apollinaire.


AMANDE, fruit de l’amandier. — 1° Lorsque Jacobrenvoya ses enfants pour la seconde fois en Égypte, avecBenjamin, pour y chercher du blé, il les chargea d’offrirau premier ministre d’Égypte, qu’il ignorait être son filsJoseph, «les meilleures productions de la terre» de Chanaan, et parmi ces productions figurent les amandes. Gen., xliii, 11. Elles sont appelées en hébreu šeqêdîm; Septante: κάρυα; Vulgate: amygdalæ. — 2° Il est question une seconde fois des amandes, dans la Bible, à propos de la verge d’Aaron, qui fleurit miraculeusem*nt, lors de la sédition de Coré, Dathan et Abiron. La verge d’Aaron, qui était sans doute un rameau d’amandier, ayant été placée dans le tabernacle avec celles des onze autres tribus, fut la seule qui en un jour porta des fleurs, des feuilles et des fruits, qui sont appelés dans le texte original šeqêdîm , c’est-à-dire «amandes», comme l’ont traduit exactement les anciennes versions. Num., xvii, 8. — 3° Un troisième passage du Pentateuque, Exod., xxv, 33, 34 (répété d’une manière analogue Exod., xxxvii, 19, 20), parle d’ornements «en forme d’amande», quasi in nucis modum (Vulgate), destinés à orner le chandelier à sept branches. Les ornements auxquels est attribuée cette forme sont appelés gebi’îm, c’est-à-dire «coupes, calices (de fleurs)»; d’où il suit qu’ils n’avaient pas la forme du fruit de l’amandier, qui ne ressemble nullement à une coupe ou à un calice; mais, comme on le traduit assez communément aujourd’hui, de la fleur de cet arbre. Le chandelier à sept branches se composait de sept tiges disposées sur un même plan comme en éventail, et partant deux par deux d’un même point, à l’exception de celle du milieu. Celle-ci était verticale. Les trois paires latérales formaient trois demi-cercles ou trois arcs de cercle s'élevant à la même hauteur, de manière que les sept lampes fussent placées sur une même ligne horizontale.Les sept tiges n'étaient pas unies, mais constituées partrois pièces qui paraissaient insérées l’une dans l’autre, dans une sorte de bouton qui s’ouvrait en forme de caliceou de fleur d’amandier. De la fleur d’amandier inférieuresortait la pièce supérieure. La tige du milieu avait quatre coupes en forme de fleur, au lieu de trois, parce que les trois inférieures étaient le point de départ des trois tiges latérales. Voir Amandier et Chandelier a sept branches.

F. Vigouroux.

AMANDIER, arbre de la famille des Rosacées, de latribu desPrunées. L’amandier commun (fig. 111) est originaire de l’Asie. Quelques botanistes pensent qu’il est spontané en Syrie. On le cultive avec succès dans le midi de la France.

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111. — Amandier.

Il atteint en moyenne, en Palestine, de quatre à cinq mètres de hauteur. Ses feuilles sont alternes, glabres, oblongues, lancéolées, dentelées, aiguës; ses fleurs, axillaires, solitaires ou géminées, petites, au calicecampanule, à cinq pétales, blanches avec une légère teinterose. Elles s'épanouissent en Palestine dès le mois dejanvier, avant le développement des feuilles. Le fruit del’amandier est enveloppé d’une écorce vert-cendré, quifinit par se dessécher comme le noyau, et s’en séparefacilement à la maturité. Il est allongé et marqué d’unsillon longitudinal; il renferme un noyau dont la surface, presque lisse, est criblée de perforations étroites, et dans lequel se trouve l’amande (fig. 112). Le fruit jeune contient deux ovules, dont un seul habituellement se développe jusqu'à maturité. En Orient, on mange volontiers le fruit entier, avec l'écorce, quand il est encore tendre. Je l’ai vu manger ainsi à Jaffa au commencement de mars. Le boisd’amandier est dur, d’une belle couleur, susceptible d’être poli. Il produit une gomme jaunâtre, qu’on emploie quelquefois à la place de la gomme arabique. — Parmi lesespèces d’amandier, on distingue celui du Levant, Amydalus orientalis ou Amydalus argentea, dit vulgairement Amandier satiné, Amandier argenté, à cause de ses feuilles cotonneuses et argentées.

L’amandier porte en hébreu deux noms différents: celuide lûz et celui de šâqêd. Dans le premier passage de l’Écriture où il est nommé, Gen., xxx, 37, il est appelé lûz; c’est du moins l’interprétation la plus commune, confirmée par la langue arabe, où amandier se dit aussi lauz. Quelques traducteurs rendent le mot hébreu lûz par noisetier, mais avec peu de vraisemblance.

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112. — Fleurs, feuilles et fruit de l’amandier.

La Genèse raconte que Jacob, pendant qu’il gardait les troupeaux de Laban, obtenait des agneaux de la couleur qu’il voulait, en plaçant des baguettes en partie pelées de divers arbres dans les canaux où allaient boire les brebis qui étaient près de concevoir. Gen., xxx, 35-43. Le lûz est un des trois arbres mentionnés dans cette circonstance. Ce mot ne reparaît plus dans la Bible hébraïque que comme nom propre. La ville de Béthel, avant d’être ainsi désignée, s’appelait Luz (Luza) ou «l’Amandier», Jos., xviii, 13; Jud., 1, 23; probablement à cause de quelque arbre remarquable de cette espèce qui croissait en ce lieu, ou à cause de l’abondance de ses amandiers. Le Chananéen qui livra la ville de Luza ou Luz aux Israélites, s’étant réfugié dans le pays des Héthéens, y bâtit une ville à laquelle il donna le même nom. Jud., i, 26.

Le second nom de l’amandier dans l’Écriture, qui paraîtavoir été plus usité que le précédent, puisqu’on le lit dans tous les autres passages où il est question de cet arbre, est šâqêd. Il vient du verbe šâqad, qui signifie «veiller, se hâter», parce que l’amandier fleurit avant tous les autres arbres, et semble ainsi s’éveiller tandis que les autres dorment encore leur sommeil d’hiver. Le prophète Jérémie, dans sa première vision, i, 11, voit «un rameau d’amandier», qui est l’emblème de la vigilance et du zèle, à cause de la floraison hâtive de cet arbre. Ce passage renfermeune allusion à l’étymologie de šâqêd. «Que vois-tu?demande Dieu à son prophète. — Je vois un rameau d’amandier. — Tu as bien vu, lui réplique le Seigneur, parce que je me hâte (šôqêd) d’exécuter ma parole.» Jer., i, 11-12. La Vulgate, pour conserver le jeu de mots, a traduit: «Je vois une verge vigilante (virgam vigilantem).» Et le Seigneur lui répond: «Tu as bien vu, parce que je veillerai (vigilabo) sur ma parole afin que je l’accomplisse.»

Il n’y a rien d’étonnant qu’un arbre commun en Palestine, remarquable entre tous comme étant le premier à fleurir, et produisant des fruits très appréciés, y portât deux noms différents. Il est néanmoins possible que lûz soit un nom antique, qui a été supplanté plus tard enPalestine par celui de šâqêd, puisque ce dernier se trouve partout dans l’Ancien Testament, excepté dans le plus ancien passage de la Genèse. Rosenmüller y voit une autre différence: il suppose que lûz désigne l’amandier sauvage, et šâqêd l’amandier cultivé. Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, part, i, p. 264. Encore aujourd’huion trouve l’un et l’autre en Palestine. L’amandiersauvage croît sur le mont Carmel; l’amandier cultivé est, avec le pêcher, une des beautés de Naplouse, l’antiqueSichem. Quand, au commencement du printemps, les(leurs roses du pêcher se mêlent aux fleurs relativementblanches de l’amandier, on ne peut rien voir de plus gracieux.

L’amande a toujours été considérée comme l’un desfruits les plus estimés de la terre, de Chanaan. VoirAmande. Quelques savants ont pensé que l’amandiern’était pas cultivé en Égypte du temps de Joseph, puisqueJacob y envoyait les fruits de cet arbre. W. H. Groser, Scripture natural History, 1888, p. 88. La raison n’est pas absolument concluante, car rien n’empêche d’importer dans un pays les fruits qu’il produit lui-même, surtout lorsque ceux qui viennent de l’étranger sont «excellents». Gen., xliii, 11. Quoi qu’il en soit, l’amandier a été connu au moins plus tard en Égypte. M. Brugsch croit avoir trouvé son nom sous la forme Modèle:Égyptien, neṣ. Aegypt. Wôrterbuch, Suppl., p. 713. Cf. Ch. E. Noldenke, Ueber die in altägyptischen Texten erwähnten Baume, 1886, p. 143. Il est vrai d’ailleurs que l’amandier a été importé de l’Asie occidentale en Egypte, comme plus tard en Grèce et en Italie.

En dehors des passages déjà rapportés, l’amandier n’estnommé qu’une autre fois dans l’Écriture: c’est dans l’Ecclésiaste, où, dans la célèbre description de la vieillesse, nous lisons, xii, 5: «L’amandier fleurira,» c’est-à-dire, d’après l’interprétation commune, la tête du vieillard se couvrira de cheveux blancs, par allusion aux fleurs de l’amandier, qui au moment de sa floraison, n’ayant encore aucune feuille, paraît tout blanc. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1473, et un certain nombre de commentateurs à sa suite, rejettent cette explication, en disant que la fleur de l’amandier est rose, et ils traduisent: «(Le vieillard) méprise l’amande,» parce que, n’ayant plus de dents, il ne peut la manger. La raison sur laquelle s’appuientces interprètes pour condamner le sens adopté par les anciennes versions et par la plupart des exégètes est fausse: il suffit d’avoir vu des amandiers en pleinefleur dans les pays où ils croissent en grand nombre, pourreconnaître que la comparaison que fait l’Ecclésiaste avecles cheveux blancs du vieillard est naturelle et fondée; car à une certaine distance ces arbres fleuris ont l’aspect tout blanc, à la différence des champs de pêchers, qui paraissent tout roses. La fleur de l’amandier, d’un rose tendre et clair avant d’être tout à fait éclose, est pour la plus grande partie blanche quand elle est entièrement ouverte, et blanchit de plus en plus jusqu’au moment où elle tombe. Voir Celsius, Hierobotanicon, l. 1, p. 253, 297; Loudon, Arboretum et fruticetum Britannicum, Londres, 1838, t. ii, p. 673; Strumpf, Handbuch der Arzneimittellehre, Berlin, 1848, t. i, p. 93; Leng, Botanik, p. 705.

F. Vigouroux.

AMARAL (Pierre de), commentateur portugais, né

à Zurara en 1621, entra au noviciat de la Compagnie deJésus le 10 janvier ou juin 1636, professa les humanités et la rhétorique à Braga, la philosophie et l'Écriture Sainte à Coïmbre, fut recteur du collège de Braga, et mourut à Lisbonne le 29 décembre 1711. Il a commenté le Magnificat: Canticum Marianum, hoc est sanctissimse Dei Genitricis Maries canticum, nempe ejus Magnificat litteralibus pariter ac mysticis illustrationibus investigatum, in-4°, Évora, 1709.

G. Sommervogel.


AMARIAS ou AMARIA, hébreu: 'Âmaryâh et 'Âmaryâhû, «Jéhovah a parlé,» c’est-à-dire «promis»; Septante: Ἀμαρία et Ἀμαρίας.

1. AMARIAS, grand prêtre, fils de Méraioth et pèred’Achitob. I Par., vi, 7, 52. Voir Grands prêtres.

2. AMARIAS, grand prêtre du temps de Josaphat, successeur d’Azarias et père d’un autre Achitob. I Par., vi, 11; II Par., xix, 11; I Esdr., vii, 3. Josèphe, Antiq. jud., IX, I, l’appelle Amaziah.

3. AMARIAS, fils d’Hébron ou Jahath, et chef d’unefamille des lévites de la branche de Coré, au temps deDavid. I Par., xxiii, 19; xxiv, 23.

4. AMARIAS, lévite préposé à la distribution des dons entre les lévites, sous le roi Ézéchias. II Par., xxxi, 15.

5. AMARIAS, prêtre chef d’une famille, qui revintà Jérusalem avec Zorobabel du temps du grand prêtreJosué. II Esdr., xii, 2. Il signa avec Néhémie le renouvellement de l’alliance avec Dieu. II Esdr., x, 3.

6. AMARIAS, nom d’une famille de prêtres dont Johanan était le chef sous le grand prêtre Joacim. II Esdr., xii, 13. Probablement c’est la même famille qui est appelée Emmer, I Par., xxiv, 14.

7. AMARIAS, père de Godolias, aïeul du prophèteSophonie. Soph., i, 1.

8. AMARIAS (Septante: Σαμαρία), descendant de Phares, de la tribu de Juda. II Esdr., xi, 4.

9. AMARIAS, un des fils de Bani, sous Esdras. Il futun de ceux qui se séparèrent de leurs femmes après lesavoir prises contre la loi. I Esdr., x, 42.


AMASA, hébreu: ʿĂmâšâʾ, «charge;» Septante: Ἀμεσσαῖ.

1. AMASA, fils d’un homme inconnu, nommé Jétra ouJéther, et d’Abigaïl, sœur de David. Plusieurs commentateurs ont pensé qu’Amasa était le fruit d’une union illégitime, d’après ce qui est dit, II Reg., xvii, 25, des rapports de Jéther et d’Abigaïl. Mais cette interprétation est contestable, puisque l’expression qu’on relève dans ce passage est prise en bonne part dans plusieurs autres: Gen., xvi, 2, et xxx, 3; Deut., xxii, 14, etc. Un autre point qui paraîtplus probable, c’est que le père d’Amasa était de nationalité étrangère. En effet, si Jéther est donné comme étant de Jesraél, II Reg., xvii, 25, il est appelé ailleurs Ismaélite par la Vulgate elle-même, IPar., ii, 17, et la diversité actuelle des leçons tait supposer avec raison qu’il était qualifié de la même manière dans le texte primitif de II Reg., xvii, 25.

C’est peut-être ce qui expliquerait l'éloignement danslequel David paraît avoir tenu son neveu. Malgré sesgrands talents militaires, auxquels Absalom et David rendirent témoignage à la fin, en le choisissant l’un après l’autre pour leur général en chef, et malgré son étroite parenté avec le roi, on ne voit figurer nulle part Amasa comme exerçant un commandement important dans lesarmées d’Israël; il n’est pas même compté parmi «lesvaillants de David», énumérés II Reg., xxiii, et I Par., xi et xii, à moins qu’on ne l’identifie, comme le font quelques-uns, avec cet Amasaï, un des principaux entre les officiers appelés šališim, qui vint rejoindre David àSiceleg, vers la fin du règne de Saûl. I Par., xii, 16-18.

Si telle était en réalité la situation d’Amasa vis-à-visde David, il dut se laisser gagner sans peine à la caused’Absalom. Il embrassa, en effet, le parti de ce prince, lorsqu’il se révolta contre son père. Placé par lui à la têtede son armée, il passa le Jourdain et alla établir son campau pays de Galaad, dans la forêt d'Éphraïm; il y fut attaquéet complètement battu par Joab, qui commandait, avecAbisaï et Éthaï, les troupes de David. II Reg., xvii, 25-26; xviii, 6-8.

Aussitôt après sa défaite, un singulier revirement defortune le fit succéder à Joab, son vainqueur, commegénéral en chef de David. Joab, qui depuis longtempsfaisait trop sentir au roi son caractère dominateur, venaitd’achever de s’aliéner son esprit en donnant, contreses ordres formels, la mort à Absalom. II Reg., xviii, 14-15. David profita de cette occasion pour s’affranchirde l’espèce de dépendance dans laquelle Joab prétendaitle tenir. II Reg., iii, 24-25, 39; xix, 5-7. Il fit donc desavances à Amasa, et lui promit avec serment le commandement suprême de ses troupes. II Reg., xix, 13. C'étaitdu reste le moyen de décapiter en quelque sorte la sédition, en lui ôtant son général pour se l’attacher irrévocablement, et de faire rentrer en même temps beaucoupde révoltés dans le devoir à la suite d’Amasa.

Le nouveau général eut immédiatement à exercer sesfonctions. Le retour triomphal de David, auquel «le peuplede Juda» avait eu la principale part, venait de réveilleravec une extrême vivacité les vieux dissentiments entrela tribu de Juda et les autres tribus d’Israël. II Reg., xix, 41-43. Israël en masse se déclara contre David, à l’instigation du Benjamite Séba, et la révolte pouvait devenirplus redoutable encore que celle d’Absalom. II Reg., xx, 1-6. Il fallait donc se hâter, et ne pas laisser aux rebellesle temps de se rendre maîtres de quelques places forteset de s’y établir. David ordonna à Amasa d’aller convoquertous les hommes de Juda, et de se rendre avec eux danstrois jours à Jérusalem, où il venait lui-même de rentrer.

Amasa dut éprouver des difficultés imprévues dansl’exécution de cet ordre, peut-être à cause de la défianced’un grand nombre pour ce nouveau chef, qui était laveille encore le général des révoltés; car il ne put accomplir sa mission dans les trois jours, et arriver à Jérusalemau moment indiqué. Il y serait toutefois revenu, quoiqueen retard, d’après les Septante, et en serait reparti à latête des troupes, ayant sous ses ordres Abisaï et les soldatsde Joab. II Reg., xx, 6-7. Mais cette manière de présenterles faits ne paraît guère s’accorder avec ce qui est ditau y. 8, qu’Amasa «vint au-devant d’eux»; cette rencontre s’explique au contraire tout naturellement, si l’onadmet, comme semblent le supposer l’hébreu et la Vulgate, que David ne voulut pas attendre le retour d’Amasa, et qu’il chargea Abisaï (ou Joab, selon le syriaque etJosèphe) de prendre le commandement des troupes présentes, et de se mettre incontinent à la poursuite de Séba.Amasa, qui revenait enfin, les rencontra aux environs deGabaon, la moderne El-Djib.

Ce fut le moment que choisit Joab pour assouvir savengeance; la façon dont est décrit son équipement donneà entendre qu’il avait prémédité et préparé à l’avancel’assassinat de son cousin. «Salut, mon frère!» lui dit-ilen lui prenant la barbe de la main droite, à la manièreorientale, comme pour l’embrasser, tandis que de la maingauche il lui plongeait son épée dans le flanc. Il continuaaussitôt sa route, après avoir laissé un de ses soldats à lagarde d’Amasa, étendu mort au milieu du chemin: c’estdu moins ce que semblent dire l’hébreu, les Septante et le chaldéen. Cet homme, voyant que le peuple s’arrêtaitpour regarder le cadavre, le transporta dans un champvoisin, et le couvrit d’un manteau. II Reg., xx, 6-13. Une fois de plus le glaive de la justice divine frappait, selon la prophétie de Nathan, II Reg., xii, 10, sur la maison de David, et cette fois encore c’est de cette maison mêmeque partait le coup, car Joab et Amasa étaient l’un etl’autre neveux du roi. Cf. II Reg., xiii, 28; xviii, 14.

Ainsi périt Amasa, au moment où David venait de letirer du long oubli dans lequel il.parait l’avoir laisséjusqu’alors, pour lui conférer la plus haute charge duroyaume, et le traiter désormais comme un des membresles plus chers de sa famille. «N’es-tu pas l’os de mes os, et la chair de ma chair?» lui avait-il fait dire après la mort d’Absalom. II Reg., xix, 13. Joab empêcha par son crime l’entière réalisation de ce dessein. David voulut du moins venger la mort d’Amasa, et s’il ne put le faire immédiatement, parce que les services de Joab, devenu d’ailleurs plus puissant que jamais, lui étaient nécessaires, il confia en mourant ce soin à Salomon. III Reg., ii, 5, 34.

E. Palis.

2. AMASA, Éphraïmite, fils d’Adali. De concert avecd’autres chefs de sa tribu, il s’opposa à ce qu’on fit entrer dans Samarie les prisonniers que les Israélites avaient faits sur les tribus de Juda et de Benjamin, sous le règne d’Achaz. Il obtint leur liberté et les renvoya avec tout le butin. II Par., xxviii, 12.

AMASAÏ , hébreu: ʿĂmâšaï, «onéreux, à charge.»

1. AMASAÏ (Septante: Ἀμεσσί, Ἀμαθί), fils d’Elcana, lévite de la branche de Caath. I Par., vi, 25, 35.

2. AMASAÏ (Septante: Ἀμασαί), chef des guerriers des tribus de Juda et de Benjamin, combattant sur des chars. Il s’attacha à David fuyant devant Saül, et devint dès lors un de ses généraux. I Par., xii, 18. On n’est pas d’accord sur la question de savoir s’il est le même qu’Amasa, neveu de David. Voir Amasa 1.

3. AMASAÏ (Septante: Ἀμασαῖ), un des prêtres quisonnaient de la trompette devant l’arche, quand David lafit transporter dans la maison d’Obédédom, à Jérusalem.I Par., xv, 24.

4. AMASAÏ (Septante: Ἀμασί) lévite, père d’un Mahath qui vivait sous le règne d'Ézéchias. Il Par., xxix, 12. Ce n’est peut-être que le nom de la famille; dans ce cas, ce serait un descendant d’Amasaï 1.

5. AMASAÏ ( hébreu: ʾAmṣi, «fort;» Septante: Ἀμεσσία), lévite de la brandie de Mérari, fils de Boni et ancêtre d'Éthan. I Par., vi, 46.

AMASIAS, hébreu: ʿĂmaṣyâh, ʿĂmaṣyâhû, «Jéhovah fortifie;» Septante: Ἀμεσσίας, Ἀμασίας, Ἀμεσσάς.

1. AMASIAS (hébreu: ʿĂmaṣyâh, IV Reg., xii, 21; xiv, 8; xv, 1, et ʿĂmaṣyâhû, IV Reg., xiv, 1, 9, 11; II Par., xxv, 1; Septante: Ἀμεσσίας), huitième roi de Juda, fils de Joas et de Joadan (appelée aussi Joaden, Il Par., xxv, 1). Il monta sur le trône la seconde année du règne de Joas, roi d’Israël, IV Reg., xiv, 1, et régna vingt-neuf ans, y. 2 (838-809). Malgré sa jeunesse, — il n’avait alors que vingt-cinq ans, II Par., xxv, 1, — il sut montrer autant de fermeté que de prudence pour réprimer l’anarchie qui avait suivi la mort de son père, tombé victime d’une révolte de palais, IV Reg., xii, 20. Fidèle, dans la répression du crime, à la loi qui portait: «Les pères ne mourront point pour leurs fils ni les fils pour leurs pères, mais chacun sera responsable de son péché,» Deut., xxiv, 16, il fit périr les meurtriers en laissant vivre leurs enfants, IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 4, ce qui parut à cette époque une marque exceptionnelle de clémence. Cf. Hérodote, iii, 119; Ammien Marcellin, xxiii, 6; Quinte-Curce, v, ll, 20. Dans l’ensemble de sa conduite, sans pouvoir être comparé pour la rectitude et la sincérité à David, son aïeul, IV Reg., xiv, 3; II Par., xxv, 2; cf. III Reg., xi, 4, il fit cependant «ce qui était juste devant le Seigneur». IV Reg., xiv, 3. Sentant que pour affermir son autorité il fallait d’abord réorganiser l’armée, il fit un recensem*nt général de tous les jeunes gens de vingt ans et au-dessus, capables de porter le bouclier et de manier la lance. On en compta trois cent mille, parmi lesquels il établit une puissante hiérarchie, les sectionnant par familles, dont chacune était sous les ordres d’un chiliarque et de centeniers. II Par., xxv, 5. Le chiffre de trois cent mille ne peut paraître excessif, il est même peu considérable si on le compare à celui que fournit le recensem*nt militaire fait par David, II Reg., xxiv, 9; I Par., xxi, o; par Josaphat, II Par., xvii, 14-19, et par Asa, II Par., xiv, 8, à ce point qu’il faut recourir aux guerres sanglantes récemment faites contre les Arabes et les Philistins, II Par., xxi, 16-17, et contre les Syriens, II Par, xxii, 5; xxiv, 23-26, pour expliquer une telle diminution.

C’est peut-être pour combler ce déficit qu’Amasias, avecle consentement du roi d’Israël, enrôla, au prix de centtalents d’argent, environ 850 000 francs de notre monnaie, cent mille mercenaires israélites. II Par., xxv, 6. C’est la première armée de mercenaires dont il soit question dans la Bible. Il avait l’intention de les diriger, avec ses propres troupes, contre les Iduinéens, qui sous Joram s'étaient rendus indépendants, IV Reg., viii, 20-22; II Par., xxi, 10 ret menaçaient maintenant la frontière méridionale de Juda.Un millième de talent d’argent (huit francs cinquante denotre monnaie), par homme, était une somme si minime, qu’Amasias avait dû y joindre quelque promesse formelled’une large part de butin. Or, sur l’ordre de Dieu, unprophète dont le nom n’est pas indiqué (ʾiš hâělohîm, un homme de Dieu), II Par., xxv, 7, intervint, défendant à Amasias de garder ces mercenaires à son service, «parce que Jéhovah n’est pas avec Israël,» adonné plus que jamais au culte des idoles. La force de Juda, ajoutait le Voyant, n'était pas dans le nombre de ses soldats, mais en Dieu, «à qui il appartient de secourir et de mettre en fuite.» II Par., xxv, 7-8. Docile jusqu'à l’héroïsme, Amasias renvoya ses cent mille auxiliaires, et avec ses seules troupes il se jeta sur les Iduméens, qu’il battit dans la vallée des Salines, IV Reg., xiv, 7; II Par., xxv, 11; cf.Gen., xiv, 8; II Reg., viii, 13; Ps. lix, 2, au sud de la mer Morte, et assiégea leur capitale, nommée Séla' ou Pétra. IV Reg., xiv, 7. Amasias la prit d’assaut, et, selon un ancien usage, il marqua d’une manière symbolique sa domination sur elle en changeant son nom en celui de Jectéhel (hébreu: ioqṭeʾêl, «conquis par Jéhovah» d’après Gesenius), lui imposant ainsi le nom d’une ville de Juda. Jos., xv, 38. Voir Jecthel. Dans ces batailles, dix mille Iduméens étaient restés sur le terrain, et dix mille autres avaient été précipités du haut du rocher escarpé qui dominait Pétra, de telle sorte que la puissance des fils de Séïr paraissait anéantie. II Par., xxv, 11-12.

Malheureusem*nt ce succès enivra Amasias et fut l’occasion de sa ruine; car, suivant l’usage reçu parmi lespaïens d’emporter les dieux des peuples vaincus et de leshonorer pour se les rendre favorables, il adora les dieuxde I’Idumée et leur brûla de l’encens, II Par., xxv, 14, ce qui lui valut bientôt ce reproche: «Pourquoi as-tu adoré des dieux qui n’ont pas délivré leur peuple de tes mains?» II Par., xxv, 15. Ainsi lui parlait Jéhovah par la bouche d’un prophète; mais Amasias, aveuglé par l’orgueil, refusa d’entendre, et proféra même contre l’homme de Dieu des menaces de mort, auxquelles le Voyant répondit en lui prédisant la vengeance du Seigneur et une mort prochaine. II Par., xxv, 16. Alors la présomption d' Amasias devint une vraie démence. Les mercenaires d’Israël, renvoyés par lui, se voyant privés du butin qu’ils espéraient, avaient ravagé la frontière septentrionale de Juda, «de Samarie jusqu'à Béthoron,» tué trois mille hommes et mis tout le pays au pillage. II Par., xxv, 13. Amasias, qui ne cherchait qu’un prétexte pour attaquer Joas, roi d’Israël et, d’après Josèphe, tenter de reconquérir les dix tribus, Ant. jud., IX, lx, le rendit peut-être responsable de ces déprédations; bientôt il lui jeta ce défi ironique: «Viens et voyons-nous de plus près.» IV Reg., xiv, 8; II Par., xxv, 8. Josèphe ajoute même que le roi de Juda écrivit à son rival une lettre menaçante pour lui enjoindre de se soumettre, lui et son peuple, Ant. jud., IX, ix; ce qui lui attira cette réponse noble et écrasante, dont la couleur orientale atteste l’authenticité: «Le chardon (hébreu: haḥôḥa, «l'épine,» dans le sens de buisson d'épines, cf. Job, [xxxi, 40; Prov., xxvi, 9) du Liban envoyavers le cèdre qui est au Liban, et lui dit: Donnez votrefille pour épouse à mon fils; mais les bêtes de la forêtdu Liban passèrent et foulèrent aux pieds le chardon.» IV Reg., xiv, 9; II Par., xxv, 18. Cet apologue, qui rappelle celui de Joatham, Jud., ix, 8, nous apprend qu’Amasias avait demandé en mariage pour son fils la fille de Joas. Le roi d’Israël, malgré ce ton menaçant et ces paroles blessantes, ne voulait pas la guerre; il conseillait à Amasias de rester en paix et de jouir de ses récents succès, IV Reg., xiv, 10; II Par., xxv, 19: conseil plein de sagesse, malheureusem*nt incompris, car le roi de Juda se mitbientôt en campagne. Contre toute attente, la rencontreeut lieu, non en Israël, mais en Juda; car Joas avait pris les devants, et par une marche rapide avait porté laguerre au cœur même des États d’Amasias. Bethsamès, ville sur les confins de Dan et de Juda, beaucoup plusproche de Jérusalem que de Samarie, fut le lieu du combat, dans lequel Amasias fut battu, IV Reg., xiv, 11; II Par., xxv, 22; cf. Jos., xv, 10, «parce que le Seigneur avait résolu de le livrer aux mains de ses ennemis à cause des dieux d'Édom.» II Par., xxv, 20. Fait prisonnier, il fut emmené à la suite de son vainqueur, et dut assister à son entrée triomphale à Jérusalem. IV Reg., xiv, 13; II Par., xxv, 23.

Joas pilla le palais et le temple, dont les trésors étaient sous la garde d’un certain lévite Obédédom. IV Reg., xiv, 14; II Par., xxv, 24; cf. I Par., xxvi, 8, 15. Ces trésors ne pouvaient être considérables depuis que Joas, roi de Juda, les avait employés pour acheter la retraite d’Hazaël, roi de Syrie. IV Reg., xii, 18. Le vainqueur, généreux envers Amasias, lui laissa la liberté et même la couronne, Josèphe, Ant. jud., IX, ix; mais, en garantie de sa soumission, il fit, probablement parmi les familles principales, de nombreux otages, et établit le royaume de Juda dans une sorte de vassalité, IV Reg., xiv, 14; toutefois Dieu, qui avait ses desseins sur ce royaume, ne permit pas qu’il disparut.

Les quinze années qu’Amasias régna après la mort deJoas, roi d’Israël, IV Reg., xiv, 17; II Par., xxv, 25, furent sans gloire. Soit découragement, soit sentiment de sa réelle impuissance, il ne fit rien pour rendre à ses États leur ancienne prospérité. C’est alors que s'éleva contre lui à Jérusalem une conjuration dont le texte ne désigne ni le motif ni les auteurs. En réalité ce fut un châtiment providentiel de son mépris pour Dieu et de son idolâtrie. II Par., xxv, 26; cf. IV Reg., xiv, 3; II Par., xxv, 14, 20. Ce n'était pas d’ailleurs une révolution politique, mais un ressentiment tout personnel, puisque lesconjurés lui donnèrent comme successeur son propre fils.Amasias n’osa tenir tête à l'émeute, sentant sans doutecombien peu il avait les sympathies de son peuple, chezlequel subsistait le mécontentement d’avoir été entraînédans l’entreprise aventureuse contre Israël, d’avoir vu lacité sainte démantelée et les principaux citoyens pris enotages. Il se réfugia à Lachis, où il fut bientôt rejoint par les conjurés et mis à mort. IV Reg., xiv, 19; II Par., xxv, 27. Il était âgé de cinquante-quatre ans. IV Reg., xiv, 2. De splendides funérailles lui furent faites: son

corps porté «sur des chevaux», IV Reg., xiv, 20; II Par., xxv, 28, à Jérusalem, fut déposé solennellement dans le tombeau de ses pères. Amasias avait régné vingt-neuf ans, durant lesquels son caractère s'était manifesté par les plus étranges contrastes, à tel point que l'Écriture Sainte peut successivement le louer comme un roi craignant Dieu, et le condamner comme un impie. Tel il fut en effet, tantôt fidèle au Seigneur jusqu'à l’héroïsme, comme lorsqu’il renvoya son armée de mercenaires, II Par., xxv, 10, tantôtinfidèle jusqu'à adorer les dieux des vaincus, II Par., xxv, 14; parfois prudent, modéré dans sa vengeance, IV Reg., xiv, 6; II Par., xxv, 3, 4, habile organisateur, II Par., xxv, 5, et parfois mesquin, II Par., xxv, 9, présomptueux, IV Reg., xiv, 8; II Par., xxv, 16, violent, II Par., xxv, 16, et cruel, II Par., xxv, 11-12. Son règne a donc un double aspect, glorieux et ignominieux. Comment Amasias passa-t-il de l’un à l’autre? Par l’orgueil que lui donnèrent ses premiers succès. Il faut noter dans le récit de son règne l’allusion à la loi mosaïque, IV Reg., xiv, 6, qui est une preuve de l’existence du Deutéronome, et par conséquent du Pentateuque au temps d’Amasias.

P. Renard.

2. AMASIAS, prêtre du veau d’or à Bethel, sous le règne de Jéroboam II, roi d’Israël. Amos, vii, 10-17. Il dénonça à ce roi les prophéties que faisait Amos contre le royaume d’Israël, et il pressa ce prophète lui-même de retourner dans le royaume de Juda. Amos lui prédit qu’en punition de sa résistance aux ordres de Dieu, les plus grands malheurs tomberaient sur sa famille, et que lui-même mourrait dans une terre étrangère.

3. AMASIAS, père de Josa, de la tribu de Siméon. I Par., iv, 34.

4. AMASIAS, lévite, fils d’Helcias, de la branche de Mérari. I Par., vi, 45.

5. AMASIAS (hébreu: ʿĂmasyâh, «celui que Jéhovah porte;» Septante: Ἀμασίας), fils de Zéchri, grand capitaine sous le règne de Josaphat. Il commandait deux cent mille hommes. II Par., xvii, 16.

AMASSAI (hébreu: ʿÂmaššaï; Septante: Ἀμασία), fils d’Azréel, prêtre habitant Jérusalem au temps de Néhémie. II Esdr., xi, 13. Probablement le même que Maasaï, IPar., ix, 12.


AMAT Félix Torres, écrivain espagnol, né le 6 août 1772 à Sallent, diocèse de Vich, mort à Madrid le 29 décembre 1847. Il fut chanoine de la collégiale de Saint-Ildefonse en 1805, et en 1815 sacriste de Barcelone. Le1er mai 1834 il fut sacré évêque d’Astorga, et il gouverna ce diocèse jusqu'à sa mort. Son œuvre principale, qui est rappelée comme son plus beau titre de gloire dansl'épitaphe qu’on lit sur son tombeau dans l’hôpital de laCorona de Aragon, c’est sa traduction des Saintes Écritures en espagnol. La sagrada Biblia, mievamente traducida de la Vulgata latina al espaiiol, aclarado et sentido de algunos lugares con la litz que dan los testas originales hebreo y griego, é ilustrada con varias notas sacadas de los santos Padres y espositores sagrados, 9 in-4°, Madrid, 1823-1825; 2<= édit, 6 in-l», Madrid, 1832-1835. Cette traduction n’a pas supplanté complètement celle de Scio, si célèbre en Espagne; elle a eu néanmoins un très grand succès, et a été approuvée et recommandéepar un grand nombre d'évêques, et comme la Sociétébiblique a imprimé pour son compte la version de Scio, on a réimprimé à Barcelone, en un seul volume in-8°, en 1876, La sagrada Biblia d’Amat, afin de combattre la propagande protestante. La brièveté et la clarté des notes de l'évêque d’Astorga ont fait de sa traduction une œuvre vraiment populaire. Quelques mots ajoutés çà et là dans le texte en italiques lui suffisent souvent pour éclairer le sens. Les difficultés sont expliquées au bas des pages. Saversion se recommande d’ailleurs par une fidélité qui n’arien de servile et par l'élégance du style. Comme la Biblede Scio contient des annotations en plus grand nombre, on a publié vers 1885 La Santa Biblia vulgata latina y su traduction al español por Félix Torres Amat, con notas de este y del P. Felipe Scio de San Miguel, cronologias del P. Fidel Fita, S. J., comentarios y vindicias, 12 in-8°, Barcelone (sans date).

L'évêque d’Astorga a composé plusieurs autres ouvrages, parmi lesquels on peut mentionner ses Memorias paraayudar a formar un Diccionario critico de los escritorescatalanes, in-8°, Barcelone, 1836. Cet ouvrage contientdes notices sur plusieurs commentateurs espagnols. VoirM. Salvâ et P. Sainz de Baranda, Coleccion de documentes ineditos para la historia de Espana, t. xxii, Madrid, 1853, p. 66.

AMATH, ville de Syrie. Voir Amathite et Émath.


AMATHÉEN (hébreu: Ḥămâṭi; Septante: à 'A(ioiôt), nom d’une des familles qui descendaient de Chanaan. Elle occupe la dernière place dans la liste des fils de Chanaan. Gen., x, 18; I Par., i, 16. (La Vulgate écrit Amathæus dans Gen., x, 18, et Hamathæus dans I Par., i, 16.) LesAmathéens sont indubitablement les Chananéens qui s'établirent à Emath (hébreu: Ḥămàt), à la frontière septentrionale de la Palestine. Voir Émath.


AMATHI (hébreu: ʾĂmiṭṭaï, «sincère;» Septante: Ἀμαθί, père du prophète Jonas. IV Reg., xiv, 25; Jon., 1, 1.


AMATHIE, AMATHIS. Voir Amathite.


AMATHITE (grec: Ἀμαθῖτις), I Mach., xii, 25.Région au nord de la Palestine, située autour d'Émath ou Amath, d’où elle tirait son nom. Voir Émath. C’est là que Jonathas Machabée rencontra l’armée de Démétrius IINicator, laquelle se retira précipitamment pendant la nuit, n’osant pas risquer la bataille avec les Juifs. I Mach., xii, 24-28. — Quelques commentateurs ont confondu à tort l’Amathite avec la région située autour d’Amathonte ou Amathus (Ἀμαθoύς, xà Ἀμαθά), ville forte à l’est du Jourdain, qui fut prise par Alexandre Jannée, et dont il est plusieurs fois question dans Josèphe. Ant. jud., XIII, xiii, 3; XIV, v, 4; XVII, x, 6; Bell, jud., i, iv, 3; viii, 5.Amathonte est l’Amata visitée par Burckardt, Travels, p. 346, près du Jourdain, un peu au nord du Zerka, l’ancien Jaboc. L’Amathite de I Mach., xii, 25, était beaucoup plus au nord.


AMBARACH Pierre, jésuite d’origine maronite, néen 1663, à Gusta, en Syrie, mort à Rome, le 25 août 1742.Il fut élevé à Rome, au collège des Maronites, par lesjésuites, de 1672 à 1685, et retourna en Syrie en décembre1685. Envoyé plus tard par ses compatriotes auprès duSaint-Siège pour y traiter quelques affaires intéressant leur Église, il fut retenu à Florence, après avoir rempli sa mission, par le grand-duc Côme III de Médicis, qui lechargea d’abord d’organiser une imprimerie orientale etle nomma ensuite professeur d'Écriture Sainte à Pise. Le30 octobre 1707, Ambarach entra au noviciat des jésuitesà Rome, et, quelque temps après, Clément XI le nommamembre de la commission chargée de préparer l'éditionpontificale de la Bible grecque des Septante. Il publiaaussi les deux premiers volumes des Œuvres de saintÉphrem en syriaque, etc. Comme son nom en arabesignifie «béni», il a pris dans l'édition de saint Éphrem le nom de Benedictus. Le P. de Backer l’appelle Benedetti, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, 1890, t. i, col. 1295, nom sous lequel il est connu en Italie; la Biographie universelle de Michaud, t. iv, 1811, p. 198, le nomme Benoît.


AMBASSADE, AMBASSADEUR. On appelle aujourd’hui ambassadeur le représentant officiel d’un souverain ou d’un État auprès d’un gouvernement étranger.Il réside ordinairement dans le pays où il est accrédité.Les anciens, et en particulier les Hébreux, n’ont pas eud’ambassadeurs dans ce sens moderne; ils ont eu seulement des envoyés chargés de porter des messages; on n’endonne pas moins assez souvent à ces envoyés le nomd’ambassadeur, et à la mission qu’ils remplissaient le nomd’ambassade. Un verset des Proverbes, xiii, 17, nous fait connaître deux des noms par lesquels on désignait en Israël les personnages à qui étaient confiées ces fonctions importantes:

Le méchant messager (malʾâk) tombera dans le mal,
Mais l’envoyé (ṣîr) fidèle est le salut.

Le mot malʾâk, qui signifie un messager quelconque, Job, i, 14, etc., et spécialement un envoyé de Dieu, un ange, Gen., xlviii, 16, etc., désigne plusieurs fois dans l'Écriture un messager public, politique. Jud., xi, 12, 17, 19; I Sam., xvi, 19; xix, 11, 14, 20; I (III) Reg., xix, 2; II Par., xxxv, 21; Is., xxx, 4; xxxiii, 7; Ezech., xvii, 15, etc. La Vulgate, dans ce dernier sens, traduit malʾâk par nuntius. Le mot sîr, comme nom d’agent, signifie toujours un homme chargé de porter un message. Prov., xiii, 17; xxv, 13; Is., xviii, 2; lvii, 9; Jer., xlix, 14; Abd., 1. Notre Vulgate le rend par le substantif legatus, qui est le mot consacré en latin pour exprimer un ambassadeur. Au second livre des Paralipomènes, xxxii, 31, les ambassadeurs de Babylone sont appelés melisîm (Vulgate: in legatione), c’est-à-dire «interprètes». Souvent du reste, quand les écrivains sacrés racontent des ambassades, ils ne donnent aucun titre spécial à ceux qui les remplissent.

Ceux qui étaient chargés d’un message à l'étrangerétaient naturellement des hommes importants, par exemple, des officiers de la cour, quand ils étaient envoyés parle roi. Voir II Reg., x, 1-5; IV Reg., xviii, 17; etc. Ils étaient considérés comme des personnes sacrées et en quelque sorte inviolables, si nous en jugeons par la guerre qui fut la conséquence des outrages faits par les Ammonites aux envoyés de David. II Reg., x.

La mission la plus ordinaire des ambassadeurs consistaità demander la paix, l’alliance avec un peuple étranger oucertaines faveurs, comme dans les premiers exemples quenous connaissons, où Moïse envoie, mais sans succès, des messagers aux Iduméens et aux Amorrhéens, Num., xx, 14-21; xxi, 21-23; Jud., xi, 17-21, pour obtenir le libre passage sur leurs terres. Les Gabaonites vont trouver Josué pour faire alliance avec lui. Jos., îx, 3-16. Jephté envoie inutilement des ambassadeurs aux Ammonites afin qu’ils cessent de piller les tribus transjordaniennes. Jud., xi, 12-28. Les tribus d’Israël réunies à Maspha font demander par des envoyés à la tribu de Benjamin de leur livrerles coupables qui avaient outragé la femme du lévited'Éphraïm; ils ne l’obtiennent point. Jud., xx, 12-13. Benadad, roi de Syrie, exige d’Achab, par une double ambassade, qu’il lui livre tout ce qu’il possède. III Reg., xx, 1-6. Amasias, roi de Juda, sollicite une entrevue et une alliance matrimoniale de Joas, roi d’Israël, et ses envoyés lui rapportent une réponse outrageante. IV Reg., xiv, 8-9. Achaz, roi de Juda, se reconnaît tributaire de Téglathphalasar, roi d’Assyrie, pour obtenir de lui des secours. IV Reg., xvi, 7. Ézéchias, fils et successeur d’Achaz, faitdemander la paix à Sennachérib, roi d’Assyrie, qui aenvahi ses États, IV Reg., xviii, 14, et Sennachérib, après avoir accepté son tribut, le fait sommer néanmoins à deux reprises, par plusieurs de ses grands officiers, de se soumettre complètement à lui. IV Reg., xviii, 17-34; xix, 9-14; Is., xxxvi, 1-20; xxxvii, 9-14. MérodachBaladan, roi de Babylone, envoie à Ézéchias une ambassade avec des lettres et des présents, pour le féliciter sur sa guérison miraculeuse, IV Reg., xx, 12; II Par., xxxii, 31; Is., xxxix, 1, et noue avec lui une alliance contre le roi d’Assyrie. Une des plus célèbres ambassades racontées dans les Saints Livres est celle que Judas Machabée envoya aux Romains pour conclure avec eux une alliance qui le mit en état de résister aux forces supérieures des rois deSyrie. I Mach., viii, 17-30. Voir Alliance 1.

Les ambassadeurs étaient chargés parfois simplementde porter les tributs, Jud., iii, 15; d’aller féliciter un roi sur son avènement au trône, II Reg., viii, 10; III Reg., v, i, ou de lui apporter des compliments de condoléancesur la mort de son prédécesseur, II Reg., x, 2.

Dans le Nouveau Testament, saint Paul considère métaphoriquement les ministres de l’Évangile comme des ambassadeurs de Dieu auprès des hommes, des legati envoyés par leur maître pour tenir sa place, de même que le πρεσβευτής, le legatus tenait la place de l’empereur romain dans la province de Syrie où l’Apôtre était né. C’est dans ce sens qu’il emploie le verbe πρεσβεύειν. II Cor., v, 20; Eph., vi, 20.

F. Vigouroux.

AMBRE. On distingue deux espèces d’ambres, quin’ont guère de commun que le nom: l’ambre gris, qui provient de certains cachalots, — il n’en est certainement pas question dans l’Écriture, — et l’ambre jaune, appelé aussi succin, qui serait mentionné dans Ézéchiel, i, 4, 27; viii, 2, d’après une interprétation desanciennes versions. Voir J. Oppert, L’ambre jaune chez les Assyriens, dans le Recueil des travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptienne et assyrienne, t. ii, 1880, p. 46-47. L’ambre jaune est une substance minéralesolide, couleur jaune paille, transparente, et susceptible de recevoir un beau poli (fig. 113). C’est une espèce de résine fossile qui se présente en masses arrondies, offrant les formes qu’affecte la résine en coulant. Il brûle avec flamme et fumée, en répandant une odeur aromatique particulière. Il fond à la température élevée où le verre devient mou. Avant d'être fossile, il était à l'état fluide, comme le montrent les insectes et les débris de végétaux qui y sont quelquefois enfermés (fig. 114). Quand on le frotte avec de la laine ou de la peau, il développe facilement de l'électricité négative, et c’est à cause de cette propriété, depuis longtemps connue, qu’on a tiré de son nom grec, ἤλεκτρον, le nom même de l'électricité. On letrouve dans plusieurs parties de l’Europe, et principalement sur les bords de la Baltique, de Mesnel à Dantzig. Mais il est à remarquer qu’il ne se rencontre pas en Orient. «On n’a pas encore trouvé d’ambre en Mésopotamie. Cette substance, dont les riverains de la Méditerranée faisaient déjà un grand usage dès le Xe siècle avant notre ère, neparaît pas avoir été portée par le commerce dans l’intérieur de l’Asie… Ce qui est certain, c’est que ni au Louvre ni au Musée britannique, parmi les objets de tout genre qui ont été recueillis dans les ruines de la Chaldée et de l’Assyrie par les explorateurs dont le butin est venu se classer dans ces deux grands dépôts, on ne saurait montrer la moindre parcelle d’ambre. Si les Assyriens avaientconnu l’ambre, où celui-ci aurait-il mieux trouvé saplace que dans ces colliers où l’on réunissait, à l’aide d’un fil, toutes les pierres que l’on avait sous la main, le verre et la terre émaillée? Or, parmi les milliers d'éléments qui les composaient, on n’a pas signalé la plus petite boule d’ambre.» G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 768-769; cf. t. i, p. 840; t. iii, p. 854-855.

Ézéchiel n’a donc pu parler d’une substance inconnuesur les bords de l’Euphrate. Aussi est-on aujourd’hui à peu près unanime à reconnaître que le mot ḥašmal employé dans le texte original du prophète, Ezech., i, 4, 27; viii, 2, ne signifie point l’ambre jaune.

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114. — Ambre renfermant des insectes.
Les deux morceaux les plus petit*, à droite et & gauche, en haut, renferment, celui de droite, une mouche, celui de gauche, une petite araignée. Celui du milieu renferme un scarabée à ailes vertes et à tête Jaune. Celui de dessous, diverses mouches et autres insectes. Dessiné sur les spécimens du Musée de minéralogie du Jardin des plantes de Paris.

La plupart pensent que le mot ἤλεκτρον (Vulgate: electrum) ne désigne pas le succin, mais un métal composé d’un mélange d’or, d’argent ou de cuivre, appelé aurichalcum et ressemblantpar sa couleur à l’ambre jaune. Ḥašmal peut signifier aussi émail. Voir Electrum, Émail. Cf. F. Waldmann, Der Bernstein in Altertum, in-4o, Fellin, 1883; H. Göppertet A. Menge, Die Flora des Bernsteins, in-f°, Dantzig, 1883.

F. Vigouroux.

AMBROGIO Teseo, orientaliste italien, né à Pavie, en 1469, mort dans cette ville en 1540. Issu de la noble famille d’Albonesa de Lomellina, il devint chanoine régulier de Saint-Jean-de-Latran, et fut l’un des premiers Italiens qui s’adonnèrent aux études orientales. On dit qu’il savait dix-huit langues, et spécialement le syriaque. Léon X lui fit ouvrir une école pour enseigner cette dernière langue à Dologne. On a de lui Introductio in chaldaicam linguam, syriacam atque armenicam et decem alias linguas, in-4o, Pavie, 1539. Voir Jöcher, Allgemeine Gelehrten-Lexicon, Leipzig, 1750, t. i, col. 337; Adelung, Fortsetzung und Ergânzungen zu Jochers Gelehrten Lexico, t. x, col. 711-712.

1. AMBROISE (Saint), évêque de Milan et docteur de l'Église, né à Trêves, vers 340, d’une illustre famille romaine, mort à Milan, le 4 avril 397. Il eut pour maîtres, à Rome, Æmilius Probus et Symmaque. Valentinien le nomma, en 373, préfet consulaire des provinces de Ligurie et d’Émilie. Il établit sa résidence à Milan, et en 374 le suffrage unanime des Milanais l’acclamait évêque, quoiqu’il ne fût encore que catéchumène. Il gouverna sonÉglise pendant vingt-trois ans, de 374 à 397, avec une grande fermeté tempérée par beaucoup de douceur. Jusqu'à son élévation à l'épiscopat, il n’avait cultivé que l'éloquence du barreau. Dès lors il s’adonna avec soin à l'étude de l'Écriture Sainte, et s’en pénétra profondément. Plus homme d’action qu'écrivain, il avait néanmoins un grand talent d’orateur; il gagnait les cœurs par une onction qui charme encore dans ses écrits, et fit de lui un des instruments dont Dieu se servit pour ramener saint Augustin dans le giron de l'Église. La plupart de ses ouvrages ne sont que des homélies, retouchées après coup pour leur donner la forme sous laquelle elles nous ont été conservées. Ce sont surtout des leçons morales, généralement tirées des Livres Saints. Saint Ambroise expose dans le sens littéral les faits historiques racontés dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, et en tiredes exhortations pieuses, qu’il relève par des allégories mystiques. Il emprunte beaucoup à Philon et aux Pères grecs, qu’il lisait dans leur langue originale, en particulier à saint Basile, à Origène et à saint Hippolyte. Son goût est celui de son époque; il surcharge sa phrase d’antithèses, et son style, ordinairement noble et éloquent, manque parfois de naturel et de clarté. Il appartient àl'école allégorique. Mais, quoique son exégèse soit d’ordinaire plus édifiante que scientifique, il n’en mérite pas moins justement le titre de Docteur de l'Église pour l’exactitude et la solidité de sa doctrine. Parmi les éditions de ses Œuvres, on remarque celle des Bénédictins de Saint-Maur, 2 in-f°, Paris, 1686-1690, réimprimée dans la Patrologie latine de Migne, t. xiv-xvii, et celle de P. A. Ballerini, 6 in-f°, Milan, 1876-1886.

Les écrits de saint Ambroise qu’on peut ranger dansla classe des écrits exégétiques sont les suivants: 1° Hexæmeron, t. xiv, col. 123-274, explication de l'œuvre des six jours de la création, prêchée d’abord en neuf sermons, en 389, puis réduite en six livres, d’après Origène, saint Hippolyte et saint Basile. L'évêque de Milan traduit quelquefois des passages entiers de l’Hexaméron de ce dernier Père, ce qui ne l’empêche point d’ailleurs d’avoir des opinions différentes. C’est de tous ses écrits exégétiques celui où il s’occupe le plus du sens littéral; on y trouve des pensées profondes et des passages remarquables.— 2° Liber de paradiso, composé en 325, t. xiv, col. 275-314, brève exposition historique, longues applications allégoriques à l'âme humaine. — 3° De Cain et Abel libri duo, écrits vers 375, t. xiv, col. 314-360, commentaire allégorique et dogmatique. — 4° Liber de Noe et arca, composé vers 379, t. xiv, col. 361-416, un des ouvrages les plus soignés du saint docteur, soit pour l’explication dusens littéral, soit pour l’exposition du sens mystique. — 5° Libri septem de patriarchis, composés vers 387, et comprenant: De Abraham libri duo, t. xiv, col. 419-500; Liber de Isaac et anima, col. 501-534; Libri duo de Jacob et vita beata, col. 597-638; Liber de Joseph patriarcha, col. 641-682; Liber de benedictionibus Patriarcharum, col. 673-694. Ce dernier est une explication de la prophétie de Jacob, Gen., xlix, explication allégorique et pratique, comme tous les livres sur les patriarches, résumés d’instructions données aux catéchumènes. —6° Liber de Elia et jejunio, col. 697-728, vers 389 ou 390. Contre l’intempérance. — 7° Liber de Nabuthe et Jezrælita, col. 731-756, vers 395. Contre l’avarice. — 8° Liber de Tobia, col. 759-794, vers 377. Contre l’usure. — 9° Libri quatuor de interpellatione Job et David, col. 797-850, écrits en 383. Les deux premiers livres traitent des plaintes que leurs souffrances arrachent à Job et à David; les deux derniers expliquent, pour défendre la Providence contreles païens, pourquoi les justes sont quelquefois malheureux. — 10° Apologia prophetæ David ad Theodosium Augustum, col. 851-884, vers 384. David fut coupable d’adultère et d’homicide, mais il expia ses crimes. — 11° Enarrationes in duodecim diversos Psalmos, col. 922-1180, vers 390-397. Explication surtout morale des Psaumes I, xxxv, xxxvi, xxxvii, xxxviii, xxxix, XL, xliii, xlv, XL vii, xlviii et lxi. En tête est placée une belle préface sur les Psaumes, imitée de saint Basile. — 12° Expositio in Psalrnum cxviii, t. xv, col. 1197-1526, vers 386-387. Elle renferme vingt-deux sermons. C’est une des œuvres les plus célèbres de l'évêque de Milan. «Saint Ambroise, dit dom Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1729-1763, ch. iv, art. 8, n. 2, p. 687, s’est comme surpassé lui-même dans l’explication du Psaume cxviii; rien n’est plus beau ni plus édifiant; c’est un trésor de vérités morales et de maximes de la vie chrétienne, traitées avec autant d’esprit et d'éloquence que de zèle et de piété.» — 13° Expositio Evangelii secundum Lucam, t. xv, col. 1527-1850, vers 386-387. Commentaire littéral, moral et polémique, contre les manichéens, les photiniens et surtout les ariens. — 14° Epistolæ biblicæ, t. xvi, col. 1046 et suiv. On peut désigner sous ce titre plusieurs lettres où le saint docteur répond aux questions qui lui étaient proposées sur la Sainte Écriture. On y trouve l’explication de beaucoup de passages du Pentateuque, des Prophètes, de saint Paul, etc.

Saint Ambroise avait aussi expliqué Isaïe et les autres prophètes, les Proverbes et la Sagesse; mais ces ouvrages sont perdus. Parmi les œuvres contestées, on remarque Altera apologia Davidis, t. xv, col. 887-917, dans laquelle l’auteur montre que David pèche par faiblesse humaine et se relève par sa vertu. — Commentaria in Epistolas sancti Pauli. Ces commentaires sont de l'écrivain désigné sous le nom d’Ambrosiaster. Voir Ambrosiaster. — Un savant allemand, Rudorff, Ueber den Ursprung und die Bestimmung der Lex Dei oder Mosaicarum et Romanarum legum collatio, dans les Abhandlungen der philosophisch-historischen Klasse der Berliner Akademie der Wissenschaften, 1868, p. 265-296, attribue cet ouvrage à l'évêque de Milan; mais son sentiment n’a pas prévalu, quoiqu’on reconnaisse que la Lex Dei est de l'époque de saint Ambroise. Voir Ph. Ed. Huschke, Jurisprudentiæ antejustinianæ quæ supersunt, 2e édit., Leipzig, 1867, p. 547-609. On a attribué longtemps à saint Ambroise un Commentarius in Apocalypsim, dont le véritableauteur est Bérengaud, diacre d’Angers. Voir Bérengaud.

Voir Paulini, diaconi Mediolanensis, Vita sancti Ambrosii, Migne, t. xiv; C. Baronius, Vita sancti Ambrosii, en tête de l'édition des Œuvres de saint Ambroise, Rome, 1580; Vita sancti Ambrosii ex ejus potissimum scriptis collecta, en tête de l'édition des Bénédictins, Migne, t. xiv; G. Hermant, Vie de saint Ambroise, in-4o, Paris, 1678; A. Baunard, Histoire de saint Ambroise, in-8o, Paris, 1872; J. P. Silbert, Leben des hl. Ambrosius, in-8°, Vienne, 1841; J. Pruner, Die Théologie des hl. Ambrosius, Eichstadt, 1862; Fessler-Jungmann, Institutiones Patrologiæ, l. 1, Innsprück, 1890, 655-705.

2. AMBROISE d’Alexandrie. Saint Jérôme, ' au chapitre cxxvi de son De viris illustribus, t. xxiii, col. 751, mentionne un disciple de l’Alexandrin Didyme comme l’auteur d’un traité contre Apollinaire de Laodicée. Cet Ambroise vivait encore en 392, au moment où saint Jérôme écrivait son De viris illustribus: «…usque hodie superest,» dit-il. Et saint Jérôme lui attribue un commentaire du livre de Job, Commentarius in Iob. Ce commentaire ne nous est point parvenu. — Il ne faut point confondre cet Ambroise avec celui qui fut l’ami et le disciple d’Origène. Ramené du marcionisme au catholicisme par Origène, il s’attacha à la personne de son maître, et fit les frais de ses grandes publications: «Hujus industria et sumptu et instantia adjutus infinita Origenes dictavit volumina,» écrit saint Jérôme dans son De viris ill., lvi, t. xxiii, col. 669. Il mourut avant Origène, et sans avoir rien écrit. — Sur Ambroise, disciple de Didyme, voyez J. Dräseke, Patristische Untersuchungen, p. 201 et suiv., Leipzig, 1889.

P. Batiffol.

3. AMBROISE AUTPERT. Voir AUTPERT.

4. AMBROISE DE LISIEUX, religieux du tiers ordre de Saint-François de la congrégation gallicane, fut gardien du couvent de cet ordre dit de Notre-Dame des Miracles, à Rome, et mourut en 1630. La bibliothèque de son couvent de Paris conservait de lui un manuscrit intitulé; Lampas accensa in quatuor Evangelia, Actus Apostolorum, omnes Epistolas Pauli, atque septem catholicas.

P. Apollinaire.

5. AMBROISE DE NAPLES, religieux augustin, etévêque-administrateur, depuis 1517, du diocèse de Mantoue, vivait encore en 1524. Il fut un des meilleurs prédicateurs et des plus habiles docteurs de son temps. Il composa, entre autres ouvrages, De genitura mundi, ubi sex dierum opera explicantur; Conciones super Salutationem angelicam et canticum B. Mariæ; De tribus Magdalenis et unica Magdalena. Ces écrits se sont conservés manuscrits dans la bibliothèque de Sainte-Agnès deMantoue. Voir N. Toppi, Biblioteca napoletana, in-f°, Naples, 1678, p. 11; J. Chr. Adelung, Fortsetzung und Ergänzungen zu Chr. G. Jöchers Allgemeinem Gelehrten-Lexicon, t. i, Leipzig, 1784, col. 709.

6. AMBROISE THÉSÉE. Voir AMBROGIO.

7. AMBROISE MILLET. Voir Millet AMBROISE.

AMBROSIASTER ou Pseudo-Ambroise. On désigneordinairement sous ce nom l’auteur inconnu des Commentaria in tredecim Epistolas B. Pauli, qui ont été longtemps attribués à saint Ambroise de Milan. (Dans Migne, Patr, lat., t. xvii, col. 47-536.) Ils expliquent en généralbrièvement, mais non sans mérite, les Épîtres de l’Apôtre.Le commentateur dit expressément qu’il vivait du tempsdu pape Damase, in I Tim., iii, 15, t. xvii, col. 471, parconséquent de 366 à 384. C’est tout ce qu’on sait de lui.Hincmar de Reims, vers 870, attribua le premier cetouvrage à saint Ambroise, et il fut suivi par Ives deChartres († 1115), Pierre Lombard († 1164) et beaucoupd’autres. Erasme, en 1527, contesta cette attribution, et laplupart des critiques, entre autres les Bénédictins de Saint-Maur, dans Migne, Patr, lat., t. xvii, col. 39-41, ontadopté son opinion. P. A. Ballerini, dans son édition desaint Ambroise, a essayé néanmoins de lui restituer cescommentaires. S. Ambrosii Opera, Milan, 1876-1886, t. iii, p. 349-372, 971-974. Saint Augustin, Contra duas Epistolas Pelagianorum, iv, 4, n° 7, t. xliv, col. 614, cite un passage de ce commentaire, Rom., v, 12, t. xvii, col. 97, sous le nom de saint Hilaire; ce qui est, outreles raisons tirées du style et de la doctrine, qui n’est pastoujours celle de saint Ambroise, une difficulté gravecontre le sentiment de Ballerini.

En s’appuyant sur l’autorité de saint Augustin, plusieursont attribué les Commentaria à saint Hilaire de Poitiers(† 368), mais cette opinion s’accorde peu avec le style dece dernier. D’autres les ont attribués à un diacre romain dunom d’Hilaire, qui vivait du temps de saint Damase (voirS. Jérôme, Dial. cont. Luciferianos, 24, t. xxiii, col. 184), ou à un évêque de Pavie, du même nom et de la mêmeépoque, etc. Voir J. Langen, De Commentariorum in Epistolas Paulinas qui Ambrosii nomine feruntur scriptore, in-4°, Bonn, 1880. D’après J. Th. Plitt, dans Herzoget Plitt, Real-Encyklopädie, 2° édit., t. i, p. 330, lesCommentaires de l’Ambrosiaster sont une compilation, œuvre de plusieurs moines, qui était déjà commencéeen 380, ce qui explique comment l'évêque d’Hippone apu déjà la citer, mais qui ne fut achevée sous sa formeactuelle que vers l’an 800, et elle est composée d’extraits, d’ailleurs bien choisis, de saint Augustin, de saint JeanChrysostome, de saint Jérôme, etc. Quelque grande quesoit la diversité des opinions sur l’origine de ces commentaires, tous les critiques s’accordent à reconnaître qu’ilssont remarquables.


ÂME dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.— Nous ferons connaître d’abord les noms de l’âme dansla Bible, nous étudierons ensuite les enseignements de laSainte Ecriture sur la nature, l’origine et la destinée del’âme.

I. Noms de l'âme dans la Bible.

L'âme est désignéedans l’hébreu de la Bible par différents noms qui ont desacceptions assez diverses. Elle est appelée néféš, nešâmâh, rûaḥ, et par métaphore lêb.

1° Le mot néféš (ordinairement dans les Septante: ψυχή; dans la Vulgate: anima)vient du verbe nâfaš, respirer. Comme la respiration estle signe de la vie, on a désigné par ce mot la vie et leprincipe de vie. Entendu en ce sens, le néféš réside dansle sang, Gen., ix, 4, 5; Lev., xvii, 11; Deut., xii, 23, et il meurt, Jud., xvi, 30.

On a désigné par le même terme leprincipe commun, Exod., xxiii, 9; Job, xvi, 4; I Reg., i, 15; xx, 4; Prov., xii, 10, des sentiments, des passions, des pensées et de la science. On attribue au néféš l’affection, Gen., xxxiv, 3; Cant., i, 6; iii, 1-4; Is., xlii, 1; la joie, Ps. lxxxv, 4; la crainte, Ps. vi, 4; Is., xv, 4; la piété, Ps. lxxxv, 4; ciii, 1, 35; cxlii, 8; la confiance, Ps. lvi, 2; des désirs et des sentiments de toute sorte; lessouvenirs, Deut., iv, 9; Thren., iii, 20; les volontés, Gen., xxiii, 8; II Reg., iii, 21; I Par., xxii, 19; la connaissance, Ps. cxxxviii, 14; la science, Prov., xix, 2.

Par extension, on a nommé néféš tout être qui possède la vieanimale, la personne, le cadavre des morts, Num., ix, 6; enfin ce terme exprimant la personne a été employé commepronom réfléchi.

2° Le terme nešâmâh (ordinairementdans les Septante: πνοή; dans la Vulgate: spiraculum, halitus, spiritus) a la même signification étymologiqueque néféš, et comme lui désigne tantôt le souffle vital, Gen., vii, 22; Job, xxvii, 3; Is., xlii, 5; Dan., x, 17; tantôtla vie et son principe, Is., lvii, 16; tantôt, suivant le sensle plus probable, le siège des sentiments, Prov., xx, 27; tantôt un être qui possède la vie animale. Deut., xx, 16; Jos., x, 40, xi, 11, 14; III Reg., xv, 29; Ps. cl, 6.

3° Le terme rûaḥ (ordinairement dans les Septante: πνεῦμα; dans la Vulgate: spiritus) a le même sens étymologiqueque les deux précédents. Il exprime le souffle du vent, le souffle respiratoire, la vie animale et son principe, leprincipe des passions ou des résolutions, le principe del’intelligence et de la sagesse, Exod., xxviii, 3; Is., xxix, 24. Il désigne en outre l’esprit de Dieu, Num., xxvii, 18; Deut., xxxiv, 9; Is., xi, 2, qui donne aux hommes lasagesse, l’habileté dans les arts, l’intelligence des songes, la connaissance des choses cachées, ou qui leur inflige deschâtiments.

4° Le mot lêb (dans les Septante: καρδία; dans la Vulgate: cor) signifie littéralement le cœur. Il estemployé communément dans un sens métaphorique pourdésigner le principe des sentiments, des résolutions etdes pensées.

De temps en temps les termes néféš et ruaḥ sont opposés l’un à l’autre, le premier étant attribué aux animauxet le second aux hommes. Job, xii, 10. On ne peut enconclure que le mot néfés ne s’applique pas à l'âme spirituelle; car parfois l'âme des morts est appelée néféš, Job, xiv, 22; mais, comme l’ont remarqué dom Calmet, Dissertation sur la nature de l'âme, art. 1, Nouvelles Dissertations, Paris, 1720, p. 56, et M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édition, t. iii, p. 112, l’esprit, rûaḥ, quand il n’est pas entendu dans lesens de souffle, s’applique toujours à l’homme ou à Dieuet jamais aux animaux. La Bible ne l’applique en effet àl'âme des animaux qu’en un seul texte, Eccl., iii, 21, où la comparaison entre l’homme et la bête amène naturellement l’auteur sacré à se servir des mêmes termes pour les deux.

Dans les livres de l’Ancien Testament, rédigés en grec, et dans ceux du Nouveau, les termes grecs ψυχή, καρδίαet πνεῦμα ont le même sens que les termes hébreux qu’ilstraduisent dans les Septante. Cependant le mot ψυχή y estemployé plus souvent que l’hébreu néféš pour exprimerl’âme séparée du corps après la mort, Act., ii, 27; I Petr., iv, 19; Apoc, vi, 9 et xx, 4; cf. Matth., x, 39; xvi, 25, 26; Marc, viii, 35, 36, 37; Luc, ix, 24; Joa., xii, 25; II Cor., xii, 15; Hebr., x, 39; xiii, 17, et le mot πνεῦμα exprimed’une façon plus particulière les dons surnaturels de Dieu. Aussi les Apôtres appelèrent-ils πνευματικός, spiritualis,ce qui est surnaturel et caché. Rom., i, 11; vii, 14; xv, 27; I Cor., ii, 15; iii, 1; ix, 11; x, 3, 4; xiv, 37; Gal., vi, 1;Eph., v, 19; Col., i, 9; iii, 16; I Petr., ii, 5. Par opposition, ils nommèrent ψυχικός, animalis, ce qui est conformeà la vie purement naturelle. Jac, iii, 5; I Cor., ii, 14;Jud., 19. C’est conformément à cette acception que saintPaul qualifie notre corps, tel qu’il est ici-bas, de psychique ou d'animal, et le corps ressuscité des élus depneumatique ou de spirituel. I Cor., XV, 44, 46.

Aux mots ψυχή et πνεῦμα, les livres de la Bible, écrits en grec, en ajoutèrent un autre qui exprime aussi l’âme, mais n’a point son équivalent en hébreu: c’est le terme νοῦς (traduit dans la Vulgate par sensus, intellectus), quidésigne le principe pensant et s’applique aussi à l’objetpensé. Les Septante s’en étaient servis quelquefois pourtraduire les termes lêb et rûaḥ. On le lit dans la Sagesse,iv, 12; ix, 15, dans le second livre des Machabées, xv, 8,dans saint Luc, xxiv, 45, dans l’Apocalypse, xiii, 18;xvii, 9, et saint Paul l’emploie une vingtaine de fois.

Il résulte de ce qui précède que les termes par lesquelsl’Écriture désigne le principe de la vie et de la penséeavaient en même temps d’autres significations assezdiverses, et qu’aucun d’eux ne répond exactement à notremot français âme.

II. Nature de l’âme d’après la Bible.

Nous allonsétudier les enseignements de la Bible: 1° sur la distinction de l’âme d’avec le corps; 2° sur sa spiritualité; 3° sur ses fonctions; 4° sur son unité.

Distinction du corps et de l’âme, d’après la Bible.

On ne trouve nulle part dans l’Écriture un exposédidactique de la distinction du corps et de l’âme; maiscette distinction est supposée ou affirmée, chaque fois quel’occasion s’en présente.

Nous venons de parcourir les termes qui désignentl'âme, dans la langue des Saints Livres, et de voir qu’ilssignifient presque tous respiration, souffle ou vent, enmême temps que principe de la vie et de la pensée. Onen a conclu que les Hébreux regardaient l’âme commecorporelle; mais cet argument est sans aucune valeur. Lelangage humain est, en effet, dans la nécessité de recourirà des images sensibles pour désigner les êtres immatériels et les idées abstraites. Il n’est point de langue oùle nom de l'âme n’ait été formé de cette manière. Engrec, en sanscrit, les mêmes mots expriment l’âme et levent, comme en hébreu. Nos termes français âme, esprit,ont pour racine et traduisent les mots latins anima, spiritus, qui ont ces deux acceptions. S’ensuit-il que lesGrecs, les Latins et les Français considèrent l’âme commeun être corporel? Assurément non.

La preuve que les Hébreux distinguaient l’âme du corps,c’est que, tout en admettant leurs rapports, ils les opposentl’un à l’autre comme deux principes nécessaires pour constituer l’homme vivant. Cette opposition est particulièrement marquée dans ce que la Bible nous dit de la création de l’homme, de la mort et de la résurrection descorps.

La Genèse contient deux récits parallèles de la créationde l’homme. Le second, ii, 7, marque clairement la distinction de la matière et du principe vital dans l’homme. «Le Seigneur Dieu, dit-il, forma donc l’homme du limonde la terre (voilà la matière), et il souffla sur son visageun souffle (nišmaṭ) de vie (voilà le principe vital, l’âme),et l’homme devint une personne (néféš) vivante (voilàle composé de corps et d’âme).» On a prétendu que lesouffle de vie mentionné ici n’était autre que le soufflerespiratoire que Dieu communiqua aux narines de l’homme.

II est vrai que le terme hébreu nišmaṭ signifie respiration; mais il signifie aussi l’âme, principe de vie. Or il nefaut pas oublier le génie particulièrement concret de lalangue hébraïque, qui exprime les principes immatérielsou abstraits par leurs effets et leurs signes, et qui ici unitévidemment le principe de la vie donnée à Adam avec cesouffle respiratoire qui en est la condition indispensableet le signe. Le premier récit de la création de l’homme,Gen., i, 27, nous le montre fait à l’image de Dieu pourdominer sur les animaux et s’en servir. Il exprime aussila supériorité du principe de vie qui est en Adam sur leprincipe de vie qui est dans les bêtes de la terre; nousreviendrons tout à l’heure sur ce point.

Ce que les Saints Livres enseignent de la manière dontarrive la mort, établit plus nettement encore la distinctiondu corps et de l’âme. Ils présentent en effet la mort commela séparation de ces deux principes, Gen., xxxv, 19;Ps. ciii, 29: du corps qui retourne à la terre d’où il vient,et de l’âme qui retourne à Dieu qui l’a donnée. Eccl.,xii, 7. Ils disent qu’au moment de la mort, l’âme est miseà nu, parce qu’elle est dépouillée du corps, son vêtement. Is., liii, 12; Job, iv, 19; II Cor., v, 3.

Enfin la même distinction s’affirme quand l’Écriturenous montre la résurrection des morts s’opérant par leretour de l’âme dans le corps. «Lorsque, dans sa célèbrevision des ossem*nts arides, Ézéchiel, xxxvii, eut prophétisé sur eux une première fois, remarque M. Vigouroux,La Bible et les découvertes modernes, 5e édition, t. iii,p. 113, les corps reprirent leur forme primitive. Rien n’ymanquait, nerfs, chair, peau, excepté la vie, parce quel’âme (rûaḥ) n’était pas en eux. Par ordre de Dieu, il prophétisa une seconde fois. Alors l’âme vint animer cescorps, et ils vécurent de nouveau et ils reçurent le mouvement. Saint Luc racontant la résurrection de la fille deJaïre dit en termes analogues: «À la voix de Jésus, son «âme (πνεῦμα) retourna en elle.» Luc, viii, 55.» D’ailleurs, le corps (bâšâr) est souvent opposé à l’âme dans leslivres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Nous y lisons,par exemple: «Le corps (bâšâr) souffre, et l’âme (néféš)s’afflige.» Job, xiv, 22. «Mon âme (lêb) se réjouit, moncorps (bâšâr) se repose en assurance.» Ps. xv, 9.

Spiritualité de l’âme suivant la Bible.

La spiritualité de l’âme n’est point la même chose que sa simplicité et sa distinction d’avec le corps. La spiritualitéconsiste en ce que l’âme peut exercer des opérations intellectuelles, se déterminer librement et vivre indépendamment d’un corps. Pour qu’une âme soit spirituelle, il fautqu’elle soit simple et distincte de la matière; mais de cequ’une âme est simple et distincte de la matière, il nes’ensuit pas qu’elle soit spirituelle. En effet, les âmes desbêtes sont simples, suivant la doctrine de saint Thomasd’Aquin. Néanmoins elles ne sont point spirituelles, parcequ’elles sont incapables d’opérations à proprement parlerintellectuelles, et qu’elles ne sont point immortelles.

La Bible enseigne-t-elle la spiritualité de l’âme? Ellen’expose point cette spiritualité en termes philosophiques;mais elle l’affirme de plusieurs manières. Nous verronsbientôt que la Bible attribue à l’homme l’intelligence, laliberté, la survivance après la mort, toutes choses quiéquivalent à affirmer sa spiritualité. Nous avons vu mêmequ’elle met en opposition le néféš, qui est commun auxanimaux et à l’homme, et le rûaḥ, qui est présenté en cespassages comme propre à l’homme, § I. Si le texte del’Ecclésiaste, iii, 21, où le rûaḥ est affirmé des animauxfait difficulté, il est sur que ce mot, accompagné dedéterminatifs qui expriment l’intelligence, ne s’appliquejamais qu’à l’homme. Job, xx, 3; cf. xxxii, 8. Ce qui suffit pour notre démonstration.

Quoique l’Écriture accorde aux bêtes une âme capablede quelque connaissance (voir § i), elle représente l’hommecomme ne trouvant parmi les bêtes aucun être qui luiressemble, comme possédant en lui un principe de vie quin’est point dans les animaux et en vertu duquel il estdestiné à les dominer et à s’en servir. Il suffit, pour s’enconvaincre, de relire les trois premiers chapitres de laGenèse. Or ce principe, qui est le privilège exclusif del’homme, ne saurait être qu’une âme spirituelle.

Enfin la spiritualité de cette âme est mieux marquéeencore, s’il se peut, par la ressemblance qui lui est attribuée avec Dieu, Gen., i, 26, et qui fait sa supériorité surles animaux. Qu’on place, en effet, cette ressemblancedans la nature de l’homme ou dans les dons surnaturelsqu’il reçut, elle est la conséquence de la spiritualité del'àme. Si l’on place cette ressemblance dans la nature del’homme, elle vient, en effet, de ce que l’homme estesprit et pas seulement être vivant, comme les animaux.Si l’on tire cette ressemblance des dons surnaturels faitsau premier homme, comme ces dons ne pouvaient êtreaccordés qu'à un être spirituel, ainsi que les théologiensle démontrent, elle suppose encore que l’homme estesprit.

La spiritualité de l'âme est donc enseignée par la Bible.Les objections qu’on fait à cette thèse seront résolues dansles paragraphes qui suivent. Ceux qui attribueraient àl'Écriture le génératianisme grossier de Tertullien, pourraient prétendre qu’elle n’admet pas la spiritualité de l'âme; car, entraîné par ce système, Tertullien ne voyait aucunedifficulté à accorder un corps subtil aux âmes séparéesdu corps. Mais nous verrons (§ iii) que le génératianismen’a été professé par aucun écrivain inspiré. Il n’en estaucun non plus qui ait pensé que nos âmes ne peuventvivre sans corps. On a cru voir l’expression de ce sentiment dans un texte où saint Paul dit, II Cor., v, 1, quesi notre corps se dissout, Dieu nous eu donné dans leciel un autre qui est éternel. Mais l’Apôtre entend par cetautre corps celui avec lequel nous ressusciterons, et nonun corps qui serait donné à notre âme immédiatementaprès la mort.

Fonctions de l'âme, d’après la Bible.

Les fonctions de l'âme sont distinguées dans la philosophie d’Aristote et des scolastiques en trois catégories: celles quinous sont communes avec les plantes et qui constituentla vie végétative, celles qui nous sont communes avec lesbêtes et constituent la vie animale, et celles qui noussont propres et constituent la vie intellectuelle.

La Bible ne laisse pas entendre, par les expressionsqu’elle emploie, qu’il y ait rien de commun entre la viedes plantes et celle des animaux. Elle ne dit pas que lesplantes sont vivantes ou qu’elles perdent la vie; elle ditqu’elles ont la verdeur, qu’elles germent, qu’elles poussentdes feuilles, qu’elles se dessèchent et périssent. Elle présente au contraire la vie comme un caractère qui distingueles animaux des plantes, parce que, dans la conceptiondes Hébreux, la vie n’embrassait point les phénomènesqu’ils voyaient dans les végétaux et qui au premier aspectdiffèrent absolument des phénomènes de la vie animale.Par contre, les fonctions de la vie animale sont attribuéesà l’âme humaine, qui sous ce rapport ressemble à l'àmedes animaux et porte les mêmes noms qu’elle; car la viedu corps était regardée chez les Juifs comme résultant del’influence de l'âme sur la chair matérielle.

Quant à tous les phénomènes soit sensitifs, comme lessensations et les émotions, soit intellectuels, comme lesactes d’entendement et de volonté, nous avons aussiremarqué qu’ils étaient considérés comme des phénomènes produits par l'âme. Ajoutons que la liberté de lavolonté humaine est affirmée ou supposée dans un grandnombre de textes. Gen., iv, 4; Deut, xxx, 1, 2, 8, etc.; Jos., xxiv, 14, 15, 22; Is., 1, 19, 20; Jer., xxi, 8; Eccli., xv, 14-16; Matth., xvi, 24; xix, 17-21; xxiii, 37; Joa., vi, 68; vii, 17; Rom., i, 21; ii, 14, 15; vii, 18; xii, 2; I Cor., vii, 37; I Thess., v, 21; Eph., v, 10, 15.

Mais les Juifs n’avaient point analysé ces divers phénomènes, comme le firent plus tard les Grecs. Il en résultequ’ils confondaient sous un même terme des actes quenos langues distinguent et qui nous paraissent fort différents les uns des autres. Il en résulte encore que l’hébreune distingue point diverses facultés dans l'àme. Il présente, au contraire, tous les phénomènes psychiques non commedes actes de puissances diverses, de l’intelligence, de lamémoire, de la volonté, mais comme des produits immédiats de 'âme, que celle-ci s’appelle 'néféš ou rûaḥ, ouqu’elle prenne le nom de lêb, ce qui arrive plus communément lorsqu’elle est considérée dans ses fonctions psychiques.

Si l’on excepte saint Paul et saint Luc, en qui cette particularité est moins sensible, les auteurs inspirés qui ontécrit en grec ont fait comme ceux qui avaient écrit enhébreu. Au lieu de mettre en œuvre les abondantes ressources que leur offrait la langue de Platon, ils ont généralement moulé les formules grecques qu’ils employaientsur les formules hébraïques qui leur étaient familières.

Dans la Bible, la sensibilité n’a point de nom, le sentiment n’est point distingué des sensations. Rien d'étonnant après cela que la différence et les nuances de nos sentiments ne se traduisent guère dans la langue sacrée. «Ainsi, dit M. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, p. 57, pour les sentiments les plusprofonds qui remplissent l'âme humaine, l’amour et lahaine, il y a deux mots qui les rendent; mais les nuancessans nombre qui séparent ces deux extrêmes ne peuvents’exprimer ni dans l’ancien hébreu, ni dans le dialecteparlé du temps des Apôtres, de telle sorte que Notre-Seigneur, pour signifier qu’on ne doit point lui préférer sonpère ou sa mère, est obligé de dire: «Si quelqu’un vientaprès moi et ne hait point son père ou sa mère, et safemme et ses enfants, et ses frères et ses sœurs, et sonâme (sa vie) même, il ne peut pas être mon disciple.»

L’intelligence, la réflexion, le raisonnement, les phénomènes de la mémoire, ceux de la conscience, sont confondus les uns avec les autres et ne sont pas attribués à des facultés diverses. «De là, remarque encore M. Vigouroux, ibid., p. 60 et suiv., les locutions: connaître ou comprendre par le cœur, en S. Matthieu, xiii, 15, et dansS. Jean, xii, 40; penser ou réfléchir en son cœur, enS. Marc, ii, 6 et 8; aveuglement du cœur, pour absenced’intelligence dans le même évangéliste, iii, 5; vi, 52; viii, 17; lents de cœur, pour lourds ou obtus d’intelligence, en S. Luc, xxiv, 23; avoir un voile placé sur le cœur, c’est-à-dire ne pas comprendre, en S. Paul, II Cor., iii, 15.» Réfléchir, c’est mettre dans son cœur, Luc, ii, 19; faire comprendre, c’est ouvrir le cœur, Act., xvi, 14; garder dans sa mémoire, c’est poser ou conserver dans le cœur, Luc, ii, 51; xxi, 14. Les remords de la consciencesont des coups qui frappent le cœur, I Reg., xxiv, 6; Il Reg., xxiv, 10. «Tu connais, dit Salomon à Séméi, lit Reg., ii, 44, tout le mal que ton cœur (ta conscience)sait que tu as fait à David mon père.»

Ce n’est que dans les derniers écrits de la Bible quel’influence de la psychologie des Grecs se fait un peu sentir. Ainsi le mot διάνοια (intelligence, pensée) traduitquelquefois le mot lêb (cœur, âme) dans les Septante. Endehors des citations prises aux Septante, il n’est employéqu’une fois par les Évangiles, Luc, i, 51; mais il se montreplus fréquemment dans les Épitres. Eph., i, 18; ii, 3; iv, 18; Col., i, 21; Hebr., viii, 10; x, 16; I Petr., i, 13; II Petr., iii, 1; I Joa., v, 20. Voir Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, et les auteursqu’il cite, p. 51 et suiv.

Unité de l'âme humaine, d’après la Bible.

Le principe de la vie corporelle commun aux hommes etaux animaux était plus particulièrement appelé néféŝ ou ψυχή; et le principe des actes intellectuels recevait plus spécialement le nom de rûaḥ ou de πνεῦμα. L’Écritureregardait-elle donc l’homme comme composé de trois éléments divers: le corps, le principe vital et le principepensant? ou bien considérait-elle le principe vital commeidentique au principe pensant? Les textes sacrés ne s’expriment pas à ce sujet avec plus de précision que sur lesautres questions philosophiques que les psychologues seposent aujourd’hui. Cependant sa manière habituelle deparler suppose que le principe de la vie corporelle del’homme est le même, dans sa substance, que le principede nos pensées, et par conséquent qu’il n’y a en nousqu’une seule âme. Nous avons vu, en effet, que les pensées et les actes d’intelligence sont attribués au néféš, aussi bien que la vie animale.

Néanmoins il est quelques passages de nos Saints Livresoù l’esprit semble présenté comme différent du principevital. Telle est cette invocation du Cantique des troisenfants dans la fournaise, Dan., iii, 86, où les esprits et les âmes des justes (sans doute rûaḥ et néféš dans l’original aujourd’hui perdu de ce passage) sont invités à bénir le Seigneur. Comme il a été parlé des anges un peu auparavant, on ne peut, en effet, les voir dans les esprits dont il est ici question. Daniel paraît donc regarder l’esprit des justes comme distinct de leur âme. Tels sont encore divers textes, où S. Paul, I Thess., v, 23; I Cor., ii, 14; xv, 45; Hebr., iv, 12, affirme la distinction, l’opposition ou même la division de l’âme et de l’esprit dans l’homme.

Mais tous ces passages sont susceptibles d’une interprétation favorable à la doctrine que notre esprit et notreâme ne sont point deux substances, mais une seule. Onpeut, en effet, dans tous ces textes regarder le termeesprit comme exprimant les facultés qui sont les principes des opérations intellectuelles, et le terme âme comme exprimant la puissance par laquelle l’âme vivifie le corps. On peut aussi entendre par πνεῦμα la vie surnaturelle que saint Paul appelle pneumatique ou spirituelle, et par ψυχή, la vie naturelle qu’il nomme psychique ou animale, ainsi que nous l’avons remarqué, § 1. Voir Simar, Die Theologie des heiligen Paulus, § 9, n° 5, p. 45. Rien donc dans l’Écriture n’est contraire à la doctrine catholique de l’unité de l’âme humaine.

Cela n’a point empêché que les textes que nous venonsde rappeler, en particulier ceux de saint Paul, n’aient étéinvoqués plus d’une fois en faveur de la trichotomie oudoctrine qui regarde l’homme comme composé de troisprincipes: le corps, le principe vital et l’esprit. Mais il n’ya point lieu de s’en étonner, car on a toujours cherché,dans l’Écriture, la justification de ses opinions; or cettethéorie, qui avait été admise par les pythagoriciens, parles platoniciens, par l’historien Josèphe et par Philon, futprofessée par les gnostiques, les montanistes, les manichéens et les apollinaristes. Cependant elle ne fut pas longtemps tolérée par l’Église. Si saint Justin lui semble favorable, saint Irénée la combat dans les gnostiques, qui mettaient une différence de nature entre les hyliques, les psychiques et les pneumatiques. Tertullien la regarda comme contraire à la foi, malgré ses attaches au montanisme. Saint Athanase et saint Grégoire de Nazianze l’attaquèrent à leur tour chez les apollinaristes; enfin saint Augustin établit la vraie doctrine contre les manichéens dans un traité spécial De duabus animabus contra Manichæos, t. xlii, col. 93.

Cette doctrine entra aussi dans les symboles de foi del’Église catholique. Le concile d’Éphèse et le cinquièmeconcile général tenu à Constantinople déclarèrent que leChrist avait pris une chair animée par une âme raisonnable; le concile de Vienne définit que l’âme raisonnableanime le corps, et Pie IX rappela cette définition aux théologiens allemands qui ont cherché de notre temps àremettre la trichotomie en honneur. Voir Klee, Manuel de l’histoire des dogmes, traduct. Mabire, t. i, p. 381; Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 50, 51, 52, 53, 56, 57, p. 436 et 483 de la traduction française, et t. ii, § 52, p. 535 (édition allemande).

III. Origine de l’âme humaine, d’après la Bible.

La Genèse, ii, 7, enseigne clairement que l’âme d’Adam fut produite par Dieu lui-même; mais les auteurs inspirés ne s’expriment pas aussi nettement sur l’origine de l’âme de chacun des descendants d’Adam. Aussi a-t-on résolu la question de l’origine individuelle des âmes par trois théories différentes qui cherchent toutes un appui dans l’Écriture Sainte. Ces théories ont reçu les noms de «préexistentianisme», de «génératianisme» ou «traducianisme» et de «créatianisme».

Suivant le préexistentianisme, toutes les âmes existentavant leur union au corps qu’elles doivent animer. Suivant le génératianisme ou producianisme, nos âmes seraientengendrées par nos parents en même temps que nos corps.Parmi les partisans de cette seconde théorie, les uns ontadmis que l’âme était produite par une génération matérielle avec le corps; les autres ont pensé que c’était l’âme même des parents qui donnait naissance à celle de leurs enfants. Enfin suivant le créatianisme, chaque âme est créée immédiatement par Dieu au moment même où elle s’unit aux corps que nous recevons de nos parents.

Le préexistentianisme avait été enseigné par Pythagoreet Platon et admis par les esséniens et Philon. Cette hypothèse fut embrassée par quelques Pères et surtout parOrigène. Le savant exégète d’Alexandrie fut déterminé àl’adopter, non seulement par ses attaches au platonisme,mais aussi par des raisons théologiques. Il considérait eneffet cette théorie comme une explication du péché originel et croyait en trouver la preuve dans le texte où la Genèse, iii, 21, rapporte que Dieu fit des vêtements de peau à nos premiers parents, après leur chute, et les en revêtit. Suivant lui, l’Écriture désignait par ces vêtements de peau le corps humain dans lequel nos âmes étaient emprisonnées en punition du péché d’origine. On a en outre invoqué en faveur du préexistentianisme quelques autres textes qui ne sont pas plus démonstratifs, comme Ps. civ, 9; cviii, 9-10; Sap., viii, 19, 20; Rom., vii, 24; Phil., i, 23.

Cette hypothèse fut vivement combattue et bientôt abandonnée. Parmi les écrivains chrétiens postérieurs au concile de Nicée, elle n’eut guère d’autres partisans que le philosophe Némésius et le poète Prudence. Le cinquièmeconcile général la condamna par son premier canon contreles origénistes (553). Plusieurs des adversaires du préexistentianisme tombèrent dans le traducianisme, qui en est le contre-pied. Ce fut surtout le cas de Tertullien. Frappé du silence que la Genèse garde sur la création de l’âme d’Ève, pendant qu’elle raconte la production de l’âme d’Adam, Tertullien en concluait que l’âme d’Ève avait été produite par l’âme d’Adam, et que nos âmes sont produites par celles de nos père et mère.

Le traducianisme trouva peu d’écho en Orient. Il n’yfut guère accepté que par les apollinaristes. Aussi saintGrégoire paraît être le premier Père grec qui l’ait attaqué.Mais cette théorie eut plus de succès dans l’Église latine.Saint Jérôme, qui la traite de ridicule, dit que néanmoinselle est admise par le plus grand nombre des Occidentaux. Elle avait en effet les préférences de quelques Pèresde l’Église latine, en particulier de saint Augustin. Cependant ces Pères ne la regardaient point comme certaine, et ils mitigeaient ce qu’il y a de matérialiste dans la manière de voir de Tertullien. Le traducianisme fut combattu par plusieurs autres Pères et aussi par les pélagiens. Les théologiens du moyen âge le rejetèrent unanimement, et saint Thomas le traite même d’hérétique; mais cette note ne peut s’appliquer qu’au traducianisme le plus grossier.

Malgré les hésitations dont nous venons de parler, lecréatianisme fut toujours en honneur dans l’Église. Ils’appuie sur plusieurs passages de l’Écriture, Ps. xxxi, 15; Eccles., xii, 7; Sap., viii, 19; Jer., xxxviii, 16; Zach., xii, 1; Joa., v, 7; mais il tire son principal argument de l’impossibilité de soutenir aucune autre hypothèse sansaboutir à quelque erreur. Le développement du dogme de l’Incarnation contribua à fortifier le créatianisme. Ondut, en effet, enseigner que l’âme de Jésus-Christ et celle de Marie avaient été créées immédiatement de Dieu,comme celle d’Adam. Saint Augustin l’avait reconnu lui-même pour l’âme du Christ, malgré ses tendances traducianistes. Alexandre VII (1661) et Pie IX (1854) l’ont affirmé pour la Sainte Vierge dans leurs décrets sur son Immaculée Conception.

Les théologiens protestants sont encore divisés sur cettequestion de l’origine individuelle des âmes; mais il estpeu de théologiens catholiques qui ne combattent résolument le préexistentiànisme et le traducianisme. Le créatianisme, sans avoir été l’objet d’aucune décision formelle de l'Église, peut donc être regardé comme sa doctrine. Voir Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 53 et 57, p. 457et 493 de la traduction française; t. ii, § 52, p. 538 et seq.; t. iii, §43, 50 et 76-85, p. 186, 234, 335, 338, 341, 347, 351, 369, 371, 376 (édit. allemande); Freppel, Tertullien, lec. xxxiv, t. ii, p. 377.

IV. Destinée de l'âme humaine, d’après la Bible. —Les enseignements de la Bible sur les destinées de l'âmeont un double caractère qu’on oublie trop facilement. Unpremier caractère, c’est qu’ils sont plutôt positifs que philosophiques. Ils ont en effet trouvé leur épanouissem*ntdans l’ensemble de la doctrine catholique et non dans lesspéculations d’aucune philosophie. Il s’ensuit qu’ils ontun cachet très concret et que c’est à la lumière des données de la révélation chrétienne et de la théologie catholique que nous pourrons les comprendre et les apprécier.Un second caractère, c’est que les enseignements bibliquesse sont développés par des révélations successives. Il enrésulte qu’on n’est pas en droit de demander aux livresdu Pentateuque la même précision qu’aux Épîtres de saintPaul ou qu'à la Somme de saint Thomas d’Aquin.

Aussi, pour exposer avec plus de clarté les données dela Bible sur les destinées de l'âme, il est à propos derappeler les dogmes de la théologie catholique sur cesdestinées. Nous étudierons ensuite le développement progressif des enseignements de la Bible sur cette question.Après cela nous n’aurons plus qu'à nous arrêter un instantà quelques points qui font difficulté: la croyance à lasurvivance de l’âme dans le Pentateuque et dans l’Ecclésiaste, la doctrine de l’Ancien Testament et celle de saint Paul sur l'état des âmes après la mort.

Doctrine catholique sur les destinées de l’âme. —Les points communs à la philosophie et à la théologiecatholique, qui appartiennent au dogme catholique, seréduisent à ce qui suit par rapport aux destinées de l'âme: l’âme humaine est spirituelle et immortelle; après samort, l’homme est éternellement récompensé ou puni parDieu selon ses œuvres.

Les enseignements positifs que la théologie catholiqueajoute à ces points se peuvent ramener à trois dogmesprincipaux. Le premier dogme est celui de l’élévation denotre premier père à l’état de justice originelle. Dans cet état auquel tous les descendants d’Adam étaient primitivement appelés aussi bien que lui, l’homme possédait, outre les avantages qui résultent de sa nature, la grâce sanctifiante et les dons préternaturels, c’est-à-dire la préservation de l’ignorance, de la concupiscence, des maux de cette vie et de la mort. Son âme ne devait donc point se séparer de son corps; mais, après un certain temps passé sur la terre, l’homme devait aller au ciel en corps et en âme, pour y jouir de la vision béatifique de Dieu, récompense surnaturelle qui dépasse infiniment les récompenses dont la philosophie démontre la justice.

Le second dogme est celui du péché originel, qui adépouillé Adam et toute sa postérité de la grâce sanctifiante et des dons préternaturels. Par suite de ce péché, la mort nous frappe en séparant notre âme de notre corps, et nous sommes privés des moyens d’arriver aux récompenses surnaturelles du ciel.

Le troisième dogme est celui de la rédemption par leMessie. Cette rédemption rend l’amitié de Dieu au genrehumain déchu; elle donne à tous les hommes, même àAdam et à ceux qui ont vécu sous l’Ancien Testament, lesmoyens de posséder la vie de la grâce ici-bas, et d’arriver aux récompenses surnaturelles du ciel. Seulement Dieu permet que les suites du péché originel se fassent sentir à ceux mêmes que la rédemption a sauvés.

Les mérites de Jésus-Christ se sont appliqués très imparfaitement avant sa venue, et ils n’obtiendront tousleurs effets qu'à la fin du monde. Il y a donc trois phases dans l’application de ces mérites divins. Pendant la dernière phase, qui commencera à la fin du monde et embrassera l’éternité, les élus recevront la pleine application des mérites de Jésus-Christ et ne subiront aucune suite du péché. Ils jouiront donc du bonheur du ciel dans leur corps et dans leur âme. Pour qu’il en soit ainsi, tous les corps ressusciteront à la fin du monde.

Pendant la seconde phase, qui s'étend de la venue deJésus-Christ à la fin du monde, les justes participent à la grâce sanctifiante ici-bas et à la vision béatifique après leur mort; mais ils restent privés des dons préternaturels dont le péché originel nous a dépouillés; ils doivent donc mourir, et après leur mort leur âme est seule à jouir du bonheur du ciel, tandis que leur corps attend dans l’ignominie du tombeau l’heure de la résurrection générale.Dans la première phase, qui s’est étendue depuis la promesse du Rédempteur à nos premiers parents jusqu'àl’Ascension de Jésus-Christ, les hommes qui mouraienten état de grâce étaient en outre privés après leur mortdu bonheur d’entrer immédiatement au ciel. Leurs âmesont dû attendre l’heure de l’Ascension de Jésus-Christ, qui leur a ouvert les portes du ciel, et elles attendentencore l’heure de la résurrection générale qui leur rendrale corps dont la mort les a séparées.

Développement progressif des enseignements de laBible sur les destinées de l'âme. — Ces vérités, que lathéologie catholique enseigne aujourd’hui avec tant deprécision, ont été révélées successivement dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Il en résulte que les enseignements de l'Écriture Sainte sur l'âme et ses destinées se sont développés progressivement, en gardant toujours un caractère positif et concret. Nous allons montrer comment s’est fait ce développement: 1° dans le Pentateuque; 2° dans les livres protocanoniques poétiques de l’Ancien Testament; 3° dans les livres protocanoniques historiques qui ont suivi le Pentateuque; 4° dans les prophètes; 5° dans les deutérocanoniques de l’Ancien Testament; 6° dans le Nouveau Testament.

1° Suivant le Pentateuque, l’homme a été créé par Dieuà son image et composé d’un corps et d’une âme. Gen., i, 26, 27; ii, 7. Il commandait aux animaux, les connaissait et les distinguait les uns des autres. Il était placé dans un lieu de délices, le paradis; son corps devait être immortel comme son âme. Mais il pécha, et fut en punition de sa faute chassé du paradis, condamné aux souffrances et à la mort. Gen., i, ii et iii. La mort est dès lors présentée comme un châtiment. Elle est l’objet d’une crainte religieuse. Tous les hommes, après l’avoir subie, se rendent en un lieu redoutable appelé šeʾôl. Cependant des promesses de salut et de bénédiction forment la première esquisse des prophéties messianiques, Gen., iii, 15; xii, 3; xviii, 18; xxii, 18; xxvi, 1, 4; xxviii, 14; xlix, 10; Deut, xviii, 15; Dieu se fait le vengeur du meurtre, Gen., iv, 10; ix, 5, parce que l’homme est fait à son image; il enlève de la terre et soustrait ainsi à la mort Enoch, son serviteur, Gen., v, 23, fait alliance avec Noé, puis avec Abraham, Isaac et Jacob, dont les descendants deviennent son peuple, le peuple au milieu duquel il habite. La mort des justes, ses amis, est appelée une réunion dans la paix et le repos à leurs pères et à leur peuple, Gen., xv, 15; Deut., xxxi, 16; Gen., xlix, 29, 32; Deut., xxxii, 50, pendant que le dernier supplice subi pour les crimes qui méritent une peine capitale est appelé par la loi mosaïque une séparation du coupable d’avec son peuple. Jéhovah se nomme lui-même le Dieu qui tue et qui donne la vie. Deut., xxxii, 39; cf. Num., xvi, 22.

2° Les protocanoniques poétiques, les Psaumes, l’ Ecclésiaste, Job, continuent à considérer la mort et les souffrances de la vie comme un châtiment du péché. Ilss’effrayent à la pensée que tous les hommes descendentdans le šeʾôl, et en présence de cette perspective affligeante et commune à tous les fils d’Adam, ils cherchent à s’expliquer comment l’on voit ici-bas le méchant heureux à côté du juste éprouvé. Ps. x; lxxii; Eccl., ii, 15; iii, 16; iv, 1; vii, 16; viii, 10, 14; ix, 11; x, 5; Job., xxi, 7-29 et passim. Leurs réponses ne pouvaient avoir la précision de celles que nous donnons à cette question; car il y avait loin des lueurs de vérité qu’ils entrevoyaient au grand jour qu’il nous est donné de contempler dans l'Église de Jésus-Christ. Ils ne pouvaient point non plus résoudre le problème comme nous, en disant que le juste entre au ciel aussitôt après sa mort; car, au temps où ils étaient rédigés, le Messie qui devait ouvrir le ciel était encore éloigné et imparfaitement connu. Ce qu’ils affirment sans cesse, c’est que les événements que Dieu permet ne sauraient être contraires à sa justice et à sa bonté. Ils font observer parfois que si le juste souffre, il n’est point tout à fait sans péché, Ps. xxxvii, 5; xxxix, 13; cxlii, 1, 2; Job, vii, 20; ix, 17-21; x, 14; xiii, 26; xix, 6, ou que le méchant qui jouit est réservé à de grands châtiments. Ps. x; Job, xxi, 30. Dieu, dit le Psalmiste, jugera les peuples et les impies, Ps. I, 5; ix, 8-9; xlix, 3-4; lxxxi, 8; xcv, 13; cix, 6; cxlii, 2; il rendra à chacun selon ses œuvres, Ps. lxi, 13; sa bonté est éternelle, et il délivrera l’âme des justes du šeʾôl. Ps. xv, 9, 10; xvi, 15; xl viii, 15-16; lxxii. Enfin les Psaumes annoncent à maintes reprises le Messie libérateur. L’Ecclésiaste rappelle à chaque instant que c’est au jugement de Dieu, sur les bonnes et les mauvaises actions des hommes qu’il faut s’en rapporter. Job déclare qu’il espérera en Dieu, alors même que celui - ci le ferait mourir; car Dieu sera son sauveur. Job, xiii, 15-16. Il regarde le šeʾôl comme un lieu où l’on peut échapper aux coups de la justice de Dieu et attendre l’heure de sa miséricorde. Job, xiv, 13; cf. xvi, 18-21. «Je sais, dit-il, xix, 23-27, que mon vengeur est vivant et qu’il se tiendra le dernier sur la poussière, et que de ce squelette recouvert de sa peau, que de ma chair je verrai Dieu. Moi-même je le verrai; mes yeux le verront, et non un autre; mes reins se consument dans cette attente.» (Traduction sur l’hébreu.) Cependant le saint patriarche avoue qu’il ne connaît point tous les desseins de la Providence divine, ni toutes les ressources de la puissance de Jéhovah. Job, xxxviii-xlii. Les Proverbes proclament à leur tour que le juste meurt avec confiance et que son espérance ne sera point confondue. Prov., xiv, 32; xxiii, 18; xxiv, 14.

3° Les protocanoniques historiques s’expriment sur lamort dans les mêmes termes que le Pentateuque. Signalons en outre l'évocation de l’ombre de Samuel, qui vientannoncer à Saül quel sera son sort, I Reg., xxviii; troisrésurrections opérées par Élie, III Reg., xvii, 19-23, et par Elisée, IV Reg., iv, 29-36, et xiii, 21; enfin l’enlèvement d'Élie au ciel dans un char de feu, IV Reg., ii, événements on ne peut plus significatifs pour montrer la foi des Hébreux en la vie future.

4° Les livres des Prophètes développent toutes les données précédentes. La mort continue à être regardée comme un châtiment et un objet d’effroi. Toutes les âmes descendent dans le šeʾôl, mais elles n’y subissent pas toutes le même sort; il y a dans cette prison des parties plus profondes où sont plongés les ennemis de Dieu. Is., xiv, 15. Le royaume du Messie est annoncé en termes magnifiques et consolants. Dieu viendra vers son peuple.Il jugera toutes les nations. Il apportera le salut pourtoujours. On ne connaîtra plus ni imperfections, ni souffrances. Dieu rassemblera ses serviteurs, les enfants d’Israël, du milieu des peuples étrangers. Il rétablira Jérusalem. Il fera avec Israël une nouvelle alliance. Il mettra en lui son esprit; il le comblera de biens pour l'éternité. Osée, vi, 3, Isaïe, xxvi, 19-21, Ezéchiel, xxxvii, 1-14, prédisent ou décrivent la résurrection des enfants de Jacob que Dieu arrachera au šeʾôl. Daniel, xii, 1-3, annonce la résurrection de la chair et la vie éternelle dessaints au jour du salut. Tous les prophètes proclamentcomme une loi que le juste vivra et que le pécheurmourra.

5° Les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, enparticulier le livre de Tobie, le second livre des Mâchabées et la Sagesse, mettent dans une plus grande lumière encore les récompenses que Dieu réserve aux justes après la mort. Le second livre des Machabées, xii, 46, enseigne que les prières des vivants peuvent contribuer à délivrer les morts des peines de l’autre vie. La Sagesse présente la mort comme l’effet du péché, et l’immortalité comme l’effet de la vertu et de l’union à Dieu. C’est bien l’aspect sous lequel la mort et la vie nous ont apparu dans les premières pages de la Genèse. Notre livre en tire ces conséquences, que les pécheurs subiront la mort éternelle, à moins que la Sagesse ne les délivre du péché, comme elle en a délivré notre premier père, et que les justes vivront à jamais. Les souffrances de l’homme de bien ne sont donc qu’une épreuve; sa mort est un bien. Si Dieu l’appelle à lui à la fleur de l'âge, c’est pour le soustraire au péril du péché.

Ainsi s’est élucidé peu à peu ce problème difficile de ladestinée de l’homme déchu et condamné à la mort, problème auquel se mêlait intimement celui de la nature etdes destinées de l'âme. L’obstacle au salut et à la vie était le péché dont tous les hommes portaient le joug. Il fallait donc un libérateur à tous. C’est pour cela que la question des destinées de l’individu se confondait avec celle du salut du genre humain et de la venue du Messie. La mort du corps était la conséquence du péché: c’est pour cela que la résurrection du corps était envisagée comme la conséquence de la délivrance de l'âme.

Ces données avaient été élucidées sous leurs diverses, faces par Job, par l’Ecclésiaste, par les prophètes, parles deutérocanoniques; mais la vérité complète ne s’enétait pas encore clairement dégagée au moment de lanaissance de Jésus-Christ. La plupart des Juifs de sontemps, attribuant au royaume messianique un caractèreplus charnel que moral, ne saisissaient pas la manièredont les âmes seraient délivrées du péché, et dont tous les peuples participeraient au salut. En outre, si l’on met à part ceux qui avec Philon parlaient en philosophes disciples de Platon, plutôt qu’en croyants disciples de Moïse, ces Juifs ne séparaient point la question de l’immortalité de l'âme de celle de la résurrection des corps. Les pharisiens affirmaient la résurrection et l’immortalité; les sadducéens niaient l’une et l’autre. Les questions qu’ils posent à Jésus-Christ au sujet de la vie future montrent en outre que ces deux vérités, qu’ils trouvaient affirmées dans les Saints Livres, restaient pour eux enveloppées de mystères impénétrables.

6° La venue de Jésus-Christ et les enseignements duNouveau Testament ont pu seuls dissiper ces ténèbres.C’est par ses humiliations et sa mort que Jésus de Nazareth est venu nous sauver. Le salut consiste donc dans la régénération des âmes et non dans un empire temporel; il n’est pas restreint aux enfants d’Abraham selon la chair; mais il s’applique à tous les croyants, qui deviennent le nouveau peuple de Dieu et forment l'Église, la nouvelle Jérusalem. Le premier avènement du Messie rédempteur sera suivi, à la fin des temps, d’un second avènement glorieux et triomphant. Le premier avènement mérite à tous, les hommes la vie de la grâce, il ouvre à toutes les âmes justes les portes du ciel pour l'éternité; mais ce n’est qu’au second avènement que les corps ressusciteront, et que les élus iront en corps et en âme régner avec Dieu. Ces enseignements sont affirmés à plusieurs reprises dans l'Évangile, les Épîtres des Apôtres et l’Apocalypse. Cependant il fallut quelques siècles pour les dégager d’une façon incontestée des données de l’Ancien Testament qu’ils précisaient.

L’opinion que le Christ devait avoir sur la terre, avecles justes ressuscités, un règne temporel de mille ans, eut des partisans non seulement parmi les hérétiques, mais encore parmi les pères de l'Église. Cette erreur estconnue sous le nom de millénarisme (voir ce mot). Deplus on se demanda pendant assez longtemps si les âmes. des justes jouissaient de la vision béatifique avant la résurrection générale. Saint Justin, saint Irénée, Tertullien, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Augustin même pensèrent que jusque-là elles ne possédaient qu’un bonheur imparfait, dans un lieu qu’ils appellent tantôt enfer (ἅδης), tantôt paradis, tantôt sein d’Abraham. Mais cette manière de voir fut abandonnée peu à peu. La croyance que les âmes des justes entrent en possession du ciel avant la résurrection générale fut même rangée parmi les dogmes de foi par le pape Benoît XI et par le concile de Florence. Voir Klee, Manuel de l’histoire des dogmes, traduction Mabire, t. ii, p. 515, et Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 47, p. 402 de la traduction française; t. ii, § 76, p. 749 de l'édition allemande.

Si sommaire que soit cet exposé des enseignements dela Bible sur l'âme et ses destinées, il suffira à montrercomment ces enseignements se lient aux autres doctrinesde la Bible et comment ils se sont développés sur unmême plan, depuis la Genèse jusqu'à l’Apocalypse. VoirAtzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadienihrer Offenbarung, Fribourg-en-Brisgau, 1890.

Objections. — On a reproché aux Juifs antérieurs à lacaptivité de Babylone de n’avoir point cru à l’immortalitéde l'âme. Nous en avons la preuve, dit-on, dans des faitsincontestables. Les anciens livres de la Bible ne promettent que des récompenses temporelles à la vertu; etles auteurs qui, comme Job et l’Ecclésiaste, ont étudié leproblème du mal qui frappe le juste ici-bas, n’ont passongé à cette solution si simple, que c’est en l’autre vieque Dieu rend à chacun selon ses œuvres.

Ces théories, reproduites par tous les rationalistes de notre temps, ont été défendues, à deux reprises, parM. Derenbourg et M. Renan devant l’académie des inscriptions et belles-lettres. Voir les Comptes rendus de cette académie, 1873, p. 78-86, et 1882, p. 213-219. Sont-elles exactes? — Il est vrai que ce sont surtout des récompenses et des peines temporelles qui sont proposées aux Hébreux dans leurs anciens livres. Il est vrai aussi que ces livres parlent de la vie future en termes qui nous semblent obscurs. On l’a expliqué par diverses raisons. On a dit qu’il était inutile d’enseigner aux descendants de Jacob l’immortalité de l'âme, parce qu’aucun d’eux n’en doutait. Nous verrons qu’en effet il leur était impossibled’ignorer cette vérité. On a dit aussi que Moïse avaitgardé le silence sur ce dogme, de peur de porter sonpeuple au culte des morts et aux pratiques idolâtriquesqui s’y rattachaient dans l’antiquité. Mais ce silence s’explique suffisamment par l’obscurité dans laquelle restaient encore les vérités en question, obscurité qui devait s'évanouir peu à peu à la lumière des révélations bibliques.

Cependant on ne peut conclure de la manière dont lespremiers livres de l’Ancien Testament s’expriment, queles Hébreux, avant la captivité de Babylone, ignoraientle dogme de l’immortalité de l'âme et celui d’une sanctionpar laquelle la justice de Dieu récompense et punit toutesles bonnes et toutes les mauvaises actions. Ils avaient sur ces dogmes des notions exactes, et la doctrine exprimée dans leurs livres sacrés l’emportait de beaucoup en vérité et en certitude sur celle des plus grands philosophes de la Grèce antique. Montrons-le.

En se reportant à l’esquisse que nous avons tracée desenseignements de la Bible, il sera facile de remarquerdeux catégories de données, qui entrent dans ces enseignements. Les unes regardent le fait de la sanction que Dieu applique infailliblement. Elles se retrouvent affirmées partout, et toujours avec une pleine assurance et avec toute la netteté possible. Ces données sont la survivance de l’homme après la mort ( voir plus loin le 3°), sa responsabilité pour ses bonnes et ses mauvaises actions, et la justice de Dieu, qui rend à chacun ce qui lui est dû. — Les autres données regardent le comment de la sanction. Elles se développent peu à peu, elles ne sont pas toujours affirmées avec la même clarté et la même assurance; elles se mélangent même les unes aux autres de telle sorte, qu’il est souvent difficile de les séparer et de les distinguer. Une partie de ces données, comme l’entréeau ciel, le salut par le Messie, la résurrection des corps, appartenait du reste pour les Juifs au monde à venir: elles ne pouvaient donc se dessiner sous leurs yeux que comme une lointaine espérance.

Cela posé, il est évident que les Juifs possédaient surnotre destinée les connaissances qu’il faut avoir, et qu’ils ne méritent point d'être accusés de matérialisme, puisqu’ils admettaient une vie future personnelle et l’existence d’une sanction absolument équitable.

Platon est de tous les philosophes anciens celui qui ale mieux parlé de l’autre vie, et nos adversaires prétendent que sa doctrine est venue corriger celle de la Bible. Or Platon reconnaît que le monde d’outre-tombe est plein de mystères. Si on relit le Phédon, où il démontre l’immortalité de l'âme, on verra qu’il n’y prouve que deuxchoses, savoir: que l'âme survit au corps et que la vertudoit être récompensée, c’est-à-dire les mêmes choses queles Hébreux ont admises avant lui. On pourra mêmeremarquer qu’il présente ces deux grandes vérités commeun objet d’espérance plutôt que comme des points au-dessus de toute contestation. De plus, Platon regardait lesmauvaises actions comme l’effet de l’ignorance; ce quine permet point de comprendre qu’elles doivent êtrechâtiées, et que la vertu a droit à une récompense. Laphilosophie de Platon, par rapport à la rémunération dubien, offre donc plus de lacunes que la croyance desJuifs.

Quant au comment de la sanction, quel est le philosophe qui peut se flatter de le connaître? Au lieu d’accuser les auteurs inspirés de l’avoir exposé incomplètement, on devrait admirer dans leurs écrits les premiers linéaments de cette doctrine qui s’est épanouie au soleil de l'Évangile, et qui donne une solution à tant de problèmes que la raison ose à peine agiter.

Pour saisir l’injustice de tous les reproches qu’on aadressés à l’eschatologie de la Bible, il suffit de l’apprécier au point de vue juif et chrétien, c’est-à-dire comme une révélation qui se développe concrètement et progressivement. Il est impossible de juger sainement cette eschatologie d’après la philosophie de Platon, dont elle diffère profondément, et qui lui est inférieure à tant d'égards.

La survivance de l'âme dans le Pentateuque etdans l’Ecclésiaste. — Tout le monde reconnaît que lesderniers livres de l’Ancien Testament et ceux du Nouveauadmettent la survivance de l'âme après la mort. Mais ona prétendu que cette croyance était inconnue à l’auteurdu Pentateuque, et qu’elle avait été niée par l’auteur del’Ecclésiaste. Nous allons prouver que ces deux accusations sont injustes.

a) En ce qui regarde le Pentateuque, il importe, pourbien résoudre le problème, de distinguer entre la questionde l'état des âmes en l’autre vie et de leur rémunération, et celle de leur survivance. Nous ne nous occupons en cemoment que de cette survivance, et nous voulons montrerque l’auteur du Pentateuque la connaissait et l’admettaitaussi bien que les Juifs de son temps.

Cette croyance se retrouve, en effet, quoique sous desformes diverses, dans toutes les races. Voir de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, 2e édit., p. 51; or il serait bien étrange que les Juifs fissent exception à cette règle. Cela est d’autant plus inadmissible que les Chaldéens et les Égyptiens, du milieu desquels sortait le peuple juif et avec lesquels il fut sans cesse en rapport, croyaient à la survivance de l'âme et manifestaient cette croyance sous des formes concrètes accessibles à l’esprit le plus borné, et que personne ne pouvait ignorer, comme contes mythologiques, peintures, monuments et rites funéraires. C’est un fait aujourd’hui absolument incontestable et dont nous nous contenterons d’indiquer quelques preuves. Entre autres garants de la croyance des Chaldéens, nouspossédons un texte d’une importance exceptionnelle. C’estle récit de la descente de la déesse Istar dans l’Aral ouséjour des morts. On a aussi retrouvé en Chaldée devastes cimetières où les cadavres étaient apportés de fortloin, et étaient l’objet de soins et de rites qui se rapportaient à l’existence du mort outre-tombe.

Les documents relatifs à la foi des Égyptiens sont extrêmement nombreux. Le principal est le Livre des morts.C’était un recueil de prières qu’on déposait dans les tombeaux, et qui devait servir au défunt pour sauvegarderson âme contre les épreuves d’outre-tombe. Ce livre nousapprend les fables qui se débitaient, sur les bords du Nil, au sujet des morts. Ils étaient conduits par Horus au tribunal d’Osiris. Là ils devaient se justifier devant quarante-deux juges sur quarante-deux espèces de péché. Leurs actions étaient pesées dans la balance de la vérité, sous la présidence d’Anubis, et enregistrées par Thoth (flg.115). Ces scènes n’étaient pas seulement l’objet de récits qui frappaient l’imagination du peuple, elles étaient représentées sur des monuments et sur des papyrus, qui remplissaient l’Égypte, et qui ont enrichi tous les grands musées de l’Europe. On sait, en outre, que le soin de préparer leur vie d’outre-tombe était la principale préoccupation des Égyptiens, et que les pharaons passaient tout leur règne à se construire un tombeau. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes. 5e édit., t. iii, p.114-150.

Moïse et les Juifs pour lesquels Moïse écrivait ne pouvaient ignorer les croyances des Chaldéens, du pays duquel venait Abraham, ni celles des Égyptiens, du milieu desquels ils sortaient. Ils les connaissaient donc. Nous voyons, d’autre part, que Moïse proscrit toutes les croyances et les pratiques égyptiennes qui lui paraissent fausses et coupables. Il condamne le polythéisme, l’idolâtrie et la nécromancie. Deut., xviii, 11-12. Il défend même certaines pratiques de deuil dans les cérémonies funèbres. Lev., xxx, 27-28; Deut., xiv, 1; xxvi, 14. Pourquoi n’a-t-il pointcondamné de même la croyance à l’autre vie? Pourquoia-t-il même reconnu la légitimité du fond des rites funéraires des Chaldéens et des Égyptiens, en rappelantqu’Abraham avait acheté une sépulture commune pourtoute sa famille, et que Jacob avait été embaumé et enseveli à la manière des Égyptiens? Gen., L. Pourquoi, sinon parce qu’il approuvait cette croyance?

Mais son livre nous fournit d’autres indices que cettecroyance était depuis longtemps connue et acceptée desIsraélites. Mourir, pour eux, c’était se réunir à son peuple et retourner à ses pères. Ces deux locutions équivalentes, qui se retrouvent dans toute la Bible, sont déjà usitées dans le Pentateuque. Gen., xv, 15; xxv, 8, 17; xxxv, 29; xlix, 29, 32; Num., xx, 24, 26; xxvii, 13; xxxi, 2; Deut., xxxi, 16; xxxii, 50. Elles expriment certainement, ou bien la réunion des corps dans un sépulcre commun, ou bien la réunion des âmes dans un même séjour après la mort. Or, en plusieurs endroits, ces locutions sont appliquées à des personnages qui n’ont pas été ensevelis dans le sépulcre de leurs ancêtres, comme Abraham, Ismaël, Aaron et Moïse. Cf. Gen., xlix. Elles n’exprimaient donc pas la réunion des corps dans un même sépulcre, mais la réunion des âmes dans un même séjour. Ces locutions témoignent par conséquent que ceux qui s’en servaient croyaient à la survivance de l’âme.

Le lieu où les âmes se rendaient en quittant le corpsavait, du reste, un nom. On l’appelait šeʾôl. Il en est question très souvent dans la Bible, et le Pentateuque le mentionne plusieurs fois. Gen., xxxvii, 35; xui, 38; xliv, 29, 31; Num., xvi, 30, 33; Deut., xxxii, 22. Quelques rationalistes ont prétendu, il est vrai, que ce šeʾôl est le tombeau où descendent les corps. Mais il est incontestable que non seulement la Vulgate, qui le traduit par le termeinferi, et les Septante, qui le rendent par le mot ἅδης, mais encore Job et Isaïe, y ont vu le séjour des âmes séparées du corps par la mort. Aussi la plupart des auteurs reconnaissent-ils qu’il avait cette signification dès le temps de la rédaction du Pentateuque. Il y a lieu, en effet, de penser que ce mot n’aurait pas pris le sens de séjour des âmes, s’il avait eu antérieurement le sens de séjour des corps. Du reste, il est des textes du Pentateuque où il ne peut signifier tombeau, et où par conséquent il désigne nécessairement le lieu où les âmes des morts se rendaient.Lorsque les enfants de Jacob eurent vendu Joseph, ilsrapportèrent à leur père qu’une bête féroce l’avait dévoré. Alors le vieillard s’écria: «Je descendrai plein de désolation près de mon fils dans le šeʾôl.» Gen., xxxvii, 35. Puisque le patriarche croyait son fils sans sépulture, il est clair que ce n’est point le tombeau qu’il appelait šeʾôl, et par conséquent qu’il désignait par ce terme le séjour des âmes des morts. Ce qui suppose que Jacob, Moïse et ses contemporains croyaient à la survivance de ces âmes.

Une autre preuve de cette croyance, c’est la tentation queles Hébreux ont toujours eue de consulter les morts. Moïsedut, en effet, défendre la nécromancie, Deut., xviii, 11, et xxvi, 14, que nous voyons néanmoins pratiquée au temps de Saül, I Reg., xxviii, 8-20, et d’Isaïe, viii, 19.

6) On a prétendu trouver la négation de la spiritualitéet de l’immortalité de l’âme dans l’Ecclésiaste, et surtout iii, 18-21, que Carrières traduit ainsi: «18. J’ai dit en mon cœur, touchant les enfants des hommes, que Dieu les éprouve, et qu’il fait voir qu’ils sont semblables aux bêtes. 19. C’est pourquoi les hommes meurent comme les bêtes et leur sort est égal: comme l’homme meurt, les bêtes meurent aussi; les unes et les autres respirent de même, et l’homme n’a rien de plus que la bête. Tout est soumis à la vanité. 20. Et tout tend en un même lieu; ils ont tous été tirés de la terre; ils retournent aussi tous dans la terre. 21. Qui connaît si l’âme des enfants des hommes monte en haut, et si l’âme des bêtes descend en bas?» On a distingué dans ce passage deux pensées; mais ni l’une ni l’autre n’est contraire à la spiritualité de l’âme.La première pensée serait exprimée par les versets 18, 19et 20. L’Ecclésiaste y compare l’homme et la bête dans cequ’ils ont de semblable, c’est-à-dire dans leur vie animale et surtout dans leur mort. Tout ce qu’il expose est vrai; mais il ne s’ensuit point que l’Ecclésiaste refuse aux hommes une vie supérieure. Il le prouve bien lorsqu’il dit au v. 18 que cette ressemblance, qui met l’homme au niveau de la bête, est une épreuve que Dieu lui impose. L’homme avait été, en effet, créé immortel, et les dons préternaturels assuraient à son âme l’indépendance de la vie animale. S’il meurt, c’est un châtiment et une épreuve. L’Ecclésiaste exprime ici une vérité qui se retrouve souvent dans la Bible. Cf. Ps. xlviii, 13.

La pensée à laquelle l’Ecclésiaste s’arrête au verset 21regarde l’âme spirituelle, rûaḥ. Quelques auteurs, comme saint Grégoire, Nicolas de Lyre, saint Bonaventure, ont regardé ce verset et les précédents comme exprimant undoute sur son immortalité; ils y ont vu une formule matérialiste; seulement, suivant eux, l’Ecclésiaste manifesterait ici, non point son propre sentiment, qui est certainement spiritualiste, comme nous l’allons montrer, mais la manière de voir des impies.

Cependant cette explication est écartée par la plupartdes interprètes. C’est, disent-ils, sa propre pensée quenous donne l’auteur sacré; mais cette pensée n’a rien dematérialiste. D’après saint Jérôme, In Ecclesiasten, t. xxiii, col. 1042, cette formule interrogative: Qui sait? n’exprime pas un doute sur la vie future, mais la grande difficulté d’en connaître la nature. Cf. Is., xxxv, 8; Ps. xiv, 1; Jer., xvii, 9. Elle revient à dire: Il y a bien peu d’hommes qui sachent ce que devient l’âme. Et en effet, remarque saint Jérôme, loc. cit., col. 1041 et 1042, avant la venue du Messie «le ciel restait fermé, et les avantages étaient à peu près les mêmes pour l’âme de la bête et pour celle de l’homme. Bien que l’une tombât en dissolution et que l’autre semblât réservée pour une vie meilleure, cependant il y avait peu de différence entre périr avec le corps
115.- Le jugement des morts.
Thèbes. Deir el-Medinet. Du temps de Ptolémée IV Philopator. Temple cc. Cella. Lepsius, Denkmäler, iv, 16.
ou être emprisonné dans les ténèbres de l’enfer,» Clausa erant cælestia, et spiritus pecoris et hominis æqualis vilitas coarctabat. Et licet aliud videretur dissolvi, aliud reservari, tamen non multum intererat perire cum corpore, vel inferni tenebris detineri. L’opinion de saint Jérôme a été suivie par Alcuin, saint Salone, Hugues de Saint Cher, et par presque tous les exégètes. Voir Cornélius a Lapide, In Ecclesiasten, édit. Vives, Paris, 1868, t. vii, p. 155.

L’abbé Motais, l’Ecclésiaste, Paris, 1883, introduction, p. 77-78, comprend autrement ce verset 21. Abandonnant la traduction de la Vulgate, il adopte le sens de l’hébreu, qui d’après la ponctuation massorétique s’exprime ainsi: «Qui voit l’esprit de l’homme, lequel monte vers le ciel, et l’esprit de la bête, qui descend vers la terre?» L’hébreu ne donnerait, par conséquent, matière à aucune objection. «Le texte, dit M. Motais, au lieu de la forme dubitative, a ici un caractère particulier d’affirmation, et ne permet pas qu’on traduise: s’il monte, s’il descend, par la raison qu’il porte: lequel monte, lequel descend. La ponctuation massorétique, en effet, ne permet point d’y lire le si dubitatif; elle oblige à y voir l’article, et par conséquent à traduire lequel monte, lequel descend (littéralement parlant: le montant, le descendant). Mercer, Rosenmüller, Hengstenberg et bien d’autres ne manquent pas de faire cette constatation. Ewald lui-même n’hésite pas à confesser l’incompatibilité de la ponctuation actuelleavec la traduction de la Vulgate.» M. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, n° 854, a adopté l’opinion de M. Motais.

Quoi qu’il en soit du sens de ces versets, il n’est pasdouteux que l’Ecclésiaste n’était ni sceptique ni matérialiste.Sans doute il montre de mille manières la faiblesseet la vanité des choses humaines; mais il n’en affirme pasmoins, à plusieurs reprises, v, 7; viii, 4-6, 11; xi, 9; xii, 14, que Dieu jugera les hommes, et que son jugementfera disparaître les injustices et les désordres qui choquentnos regards. Dans les versets mêmes qui précèdent ceuxqu’on nous objecte, iii, 16-17, il s’exprime en ces termes: «J’ai vu sous le soleil l’impiété dans le lieu du jugementet l’iniquité dans le lieu de la justice. Et j’ai dit en moncœur: Dieu jugera le juste et l’impie, et alors sera letemps de toutes choses.» Or le jugement équitable, quiest invoqué ici, n’a pas son accomplissem*nt en cette vie, où souvent le vice est heureux et la vertu dans les larmes.Il faut donc qu’il s’exécute en une autre vie, et par conséquentque nous vivions après la mort de nos corps.C’est du reste ce que l’Ecclésiaste proclame en son dernierchapitre, où il rappelle que l’âme doit se présenterau tribunal de Dieu, xii, 1, 7, 13, 14: «Souviens-toi deton Créateur… avant que la poussière retourne dans laterre d’où elle est tirée, et que l’esprit retourne à Dieuqui l’a donné… Crains Dieu et observe ses préceptes, carc’est là tout l’homme. Et tout ce qui se fait, soit bien, soit mal, Dieu l’appellera en jugement pour toute erreurcommise, soit bien, soit mal.» (Traduction de l’abbé Motais.)

4° Doctrine de l’Ancien Testament sur l’état des âmes après la mort. — Du moment qu’on croyait à la survivance des âmes, on devait naturellement se demander en quoi consistait leur sort après la mort. Ce problème était fort complexe. La solution n’en fut complètement donnée que dans le Nouveau Testament, et elle ne s’élucida que peu à peu par des révélations successives. C’est ce que nous avons montré plus haut. Aussi les plus anciens livres de la Bible nous représentent-ils constamment toutes ces âmes allant dans le še’ôl. C’est seulement dans les écrits postérieurs de l’Ancien Testament qu’on nous apprend qu’elles montent au ciel, qu’elles vont à Dieu et le verront; et encore ces passages semblent-ils regarder la résurrection des corps comme la condition de la prise de possession du ciel. Job., xix, 23-27; Tob., ii, 17, 18; xiu, 1, 2; Dan., xii, 2, 13; II Mach., vii, 9, 11, 14. Ces deux conceptions s’appliquaient, nous l’avons vii, à des périodes différentes de l’histoire de l’humanité. Avant l’Ascension de Jésus-Christ, les âmes se rendaient dans le še’ôl. Après son second avènement, elles doivent se réunir à leur corps, pour jouir avec lui du bonheur du ciel.

Laissons donc en ce moment la seconde conception, qui a eu son application et s’est précisée dans le Nouveau Testament, et disons un mot du sort que la Bible attribue aux habitants du še’ôl. Laissons aussi les textes, qui, à mesure que les temps du Messie approchent davantage, marquent mieux les différences du sort fait dans le séjour aux justes et aux impies. Ces textes seront en effet étudiés aux articles ciel, purgatoire, enfer.

D’après les autres textes, les refà’îm ou habitants du še’ôl étaient des êtres sans force, Ps. lxxxvii; Prov., ii, 18; IX, 18; xxi, 16; Job, xxvi, 5; Is., xiv, 10, dépouillés des avantages qui font l’inégalité des conditions et distinguent les hommes les uns des autres ici-bas. Job, iii, 13, 17, 18; ls., v, 14; xiv, 11; xxii, 13. Plongés dans le repos du sommeil, Is., xiv, 8; Ezech., xxxi, 18; xxxii, 21; Jer., li, 39, 57; Nahum., iii, 18; Eccli., xiv, 17; ils avaient cessé de louer et d’honorer Dieu comme les justes le louent et l’honorent sur la terre. Ps. vi, 6; xxix, 10; lxxxvii, 11; cxin, 17; Is., xxxviii, 17-19; Jer., xiii, 16; Bar., ii, 17; Eccli., xvii, 25-27. Néanmoins ils avaient conscience de leur état, se connaissaient mutuellement et se communiquaient leurs sentiments et leurs pensées. Is., xiv, 9-15. Mais ils ignoraient ce qui se passait parmi les vivants, Job, xiv, 21; Eccles., ix, 5, 6, 10; Is., lxiii, 16, sauf ce que Dieu leur manifestait soit au sujet du présent, Is., xiv, soit même par rapport à l’avenir. I Reg., xxviii.

Cette rapide esquisse montre que les croyances des Hébreux sur l’état des âmes après la mort ressemblaient beaucoup à celles des autres peuples de l’antiquité, et qu’elles portaient, par conséquent, toutes sur un fonds commun, qui paraît remonter aux origines de l’humanité. Seulement ce fonds commun fut gardé par les Juifs sansaucun mélange mythologique, tandis que chez presque tous les autres peuples il servit de trames à des légendes et à des fables.

Doctrine de saint Paul sur l’état des âmes après la mort. — Les théologiens se sont demandé de quelle manière les âmes séparées de leur corps peuvent connaître et vivre. Voir S. Thomas, Sum. theol., 1, q. lxxxix. Mais les auteurs du Nouveau Testament, qui nous donnent des renseignements concrets et positifs, n’ont pas examiné cette question. Ils nous parlent du ciel, de l’enfer, du purgatoire, et l’on trouvera leur doctrine aux articles consacrés à ces mots.

Cependant on a prêté à saint Paul une assertion que nous devons examiner ici. Comme cet Apôtre appelle la mort un sommeil, I Cor., vii, 39; xv, 6, 20; I Thess., iv, 13-15, on lui a attribué l’opinion que les âmes des justesentreraient seulement en possession du ciel après la résurrection, et qu’en attendant elles resteraient dans une sorte de léthargie inconsciente. Cette opinion a même été défendue par les nestoriens, par les anabaptistes et par certains protestants que Calvin crut devoir réfuter. Mais elle est absolument contraire à la doctrine de saint Paul sur le jugement particulier, Hebr., ix, 27, et sur la récompense immédiate de ceux qui meurent en état de grâce. Phil., i, 23; II Cor., v, 8; I Thess., v, 10; II Tim., iv, 6-8. Lorsque saint Paul appelle la mort un sommeil, il faut donc voir dans ces expressions une simple métaphore. Voir Atzberger, Die christliche Eschatologie, n" 178, p. 212, et Simar, Die Theologie des heilgen Paulus, 2e édit., Fribourg, 1883, § 43, p. 251.

Il ne faut pas, du reste, confondre cette opinion du sommeil des âmes avec les théories dont nous avons déjà dit un mot, et qui n’accordaient aux âmes qu’un bonheur incomplet avant la résurrection.

Bibliographie. — Calmet, Dissertation sur la naturede l’âme et sur son état après la mort, d’après lesHébreux, dans ses Nouvelles dissertations, Paris, 1720, p. 55-78; traduit en latin dans le Cursus completus Scripturæ sacræ, de Migne, t. vii, col. 721-748; Henri Martin, La vie future suivant la foi et suivant la raison, 3e édit., Paris, 1870, p. 57-188 et 546-550; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 93-176; Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung im Alten und Newen Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1890, qui donne du sujet une bibliographie étendue, dans laquelle nous relevons: Baehrens, Freimüthige Untersuchungen ueber den Orcus der Hebraeer, 1786; Ziegler, Entwicklung der Vorstellung von Todtenreich bel den Hebräern, dans sa traduction allemande des Proverbes de Salomon, 1791; Conz,War die Unsterblichkeitslehre den alten Hebräern bekannt und wie? dans les Memorabilien von Paulus, 1792; Thym, Versuch einer historisch-kritischen Barstellung der jüdischen Lehre von einer Fortdauer nach dem Tode, 1795, qui énumère vingt-six auteurs qui ont étudié le sujet avant lui; Wiessner, Lehre und Glaube der vorkristlichen Welt an Seelenforldauer und Unsterblichkeit mit besonderer Rücksicht auf das Alte Testament; Becherer, Ueber den Glauben der Juden an Unsterblichkeit der menschlichen Seele vor der babylonischen Gefangenschaft, 1827; Patrizi, De interpretatione Scripturæ sauras, 1844, t. ii, p. 257; Hahn, De spe immortalitatis sub Veteri Testatnento gradatim exculta, 1845; Œhler, Veteris Testamenti sententia de rebus post mortem futuris illustrata, 1846; Boettcher, De inferis rebusque post mortem futuris, 1846, avec une riche bibliographie de la matière; Sehumann, Die Unsterblichkeitslehre des Alten und Neven Testaments, 1847; Fuellner, Notionem immortalitatis apud Hebræos exposuit, 1851; Lutterbeck, Die neuteslamentliche Lehrbegriff, 1852; Engelbert, Das negative Verdienst des Alten Testaments und die Unterblichkeitslehre, 1857; Himpel, Die Unterblichkeitslehre des Allen Testaments, 1877; Schultz, Veteris Testamenti de hominis immortalitate sententia, 1860; Derf, Die Vorausetzungen der christlichen Lehre von der Unsterblichkeit, 1861; Schneider, Die Unstefblichkeitsidee im Glauben und in der Philosophie der Völker; Keel, Diejenseitige Welt, 1868; Kuhle, Biblische Eschatologie, 1870; Wahl, Unsterblichkeits- und Vergellungslehre des alttestamentlichen Hebraismus, 1871; Jungmann, De Novissimis, 1871; Spiess, Entwicklungsgeschichte der Vorstellungen vom Zustande nach dem Tode, 1877, avec des renseignements bibliographiques très détaillés; Schenz, Die altestamentliche Offenbarungslehre über die Scheol, 1876; Schaefer, Die Unsterblichkeitslehre des Alton Testaments, dans le Katholik de Mayence, 1877, 2e cahier; Oswald, Eschatologie, 4e édit., 1879; Flunk, Die Eschatologie Alt-Israels, dans la Zeitschrift für katholische Theologie, d’Inspruck, 1887, 3e cahier; Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1861.

A. Vacant.

AMÉLECH (hébreu: Hammélek, nom avec l’article, «le roi;» Septante: τοῦ βασιλέως. D’après les Septante et plusieurs commentateurs, Hammélech n’est pas un nom propre, mais un nom commun, le roi. La Vulgate a pris Hammélech pour un nom propre dans les trois noms suivants, qu’elle a écrits Amélech.

1. AMÉLECH, père de Joas, à qui le roi Achab donna l’ordre de garder en prison le prophète Michée jusqu’à son retour de la guerre contre les Syriens. III Reg., xxii, 26; II Par., xviii, 25. Les Septante et beaucoup de modernestraduisent «Joas, fils du roi», au lieu de «Joas, fils d’Amélech».

2. AMÉLECH, père de Jérémiel, à qui le roi de Juda, Joachim, commanda de saisir le prophète Jérémie et Baruch, son secrétaire. Jer., xxxvi, 26. D’après plusieurscommentateurs, Amélech est «le roi» Joachim.

3. AMÉLECH, père de Melchias, possesseur d’une citerne où l’on jeta le prophète Jérémie pour l’y laisser mourir de faim et d’où il fut sauvé par Abdémélech. Jer., xxxviii, 6. Certains exégètes pensent qu’Amélech est «le roi» Sédécias.

AMELOTE Denis, commentateur français, né à Saintes en 1609, docteur de Sorbonne, ordonné prêtre en 1631, se mit sous la direction du P. de Condren, qui l’employaà l’œuvre des missions. Quelques années après la mort de ce saint homme, dont il écrivit la vie, il entra à l’Oratoire, en 1650, où il occupa les charges d’assistant dugénéral et de supérieur de la maison mère. Il mourut le 7 octobre 1678.

L’assemblée générale du clergé de 1655-1656 ayant chargé Marca, alors archevêque de Toulouse, et l’évêque de Montauban de faire traduire le Nouveau Testament, par la personne qu’ils jugeraient la plus capable, le P. Amelote fut choisi, et sa traduction parut de 1666 à 1670 en 4 in-8°, sous ce titre: Le Nouveau Testament de Nostre-Seigneur Jésus-Christ. Traduit sur l’ancienne édition latine corrigée par le commandement du pape SixteV. Et publiée par l’autorité du pape ClémentVIII. Avec des notes sur les principales difficultez, la chronologie, la controverse, et plusieurs tables pour la commodité du lecteur. Cette traduction fut réimprimée unetrentaine de fois, avec ou sans les notes, dans le cours du XVIIe et du xviiie siècle. L’édition de Vendôme, 1671, et celles de 1733 ont été falsifiées en plusieurs endroits. Par ordre de LouisXIV, les deux éditions de 1686 furenttirées à cent mille exemplaires pour être distribuées aux protestants convertis. «On doit rendre justice au P. Amelote, dit Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, Rotterdam, 1690, p. 361, qu’il est le premier des écrivains catholiques qui se soit appliqué avec soin à traduire le Nouveau Testament en français.» Et dans son 'Histoire critique des principaux commentaires du Nouveau Testament, Rotterdam, 1693, p. 883, le même Richard Simon, ordinairement sévère et plein de préjugés, ajoute: «Nous n’avons rien de plus critique sur le Nouveau Testament, traduit en notre langue, que les notes du P. Amelote… On a eu raison de préférer sa version, pour la mettre entre les mains du peuple, à toutes les autres versions, parce qu’il justifie doctement, en une infinité d’endroits de ses remarques, l’ancien interprète de l’Église.» Au jugement du Journal des savants, le P. Amelote a su conserver dans sa traduction les grâces de notre langue, sans rien perdre de la force et de l’énergie des paroles du texte sacré.

Les autres ouvrages exégétiques du P. Amelote sont extraits de son édition du Nouveau Testament. En voici les titres: Les paroles de N.-S. Jésus-Christ tirées du Nouveau Testament, Paris, 1069; La vie de Jésus-Christ composée de toutes les paroles des évangélistes, ou l’unité des quatre…, Paris, 1669; Vita Jesu Christi ex omnibus evangelistarum verbis contexta, Paris, 1670; Les épistres et évangiles, avec les oraisons propres qui se lisent à la messe, Paris, 1668. Cf. Lelong, Bibliotheca sacra, t. i, p. 337; R. Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, ch. xxxiii et xxxiv, et Histoire critique des principaux comment., ch. lviii; lngold, Bibliographie oratorienne, p. 7.

A. Ingold.

AMEN, mot hébreu, אָמֵן,’ämên. Il a été conservé plusieurs fois tel quel dans les traductions grecque et latine de l’Ancien Testament, et a été aussi employé par les écrivains du Nouveau Testament.

I. Dans l’Ancien Testament.

Amen est primitivement un adjectif qui signifie «ferme, véritable, digne de confiance». De là vient le sens de «vérité, fidélité aux promesses», qu’il a dans un passage d’Isaïe, lxv, 16, où le prophète appelle deux fois Dieu:’Ĕlôhê’âmên, «le Dieu en qui l’on doit avoir confiance, parce qu’il tient ce qu’il promet.» Vulgate: Deo amen.

2° En dehors de ce passage, le mot amen est toujours employé dans le texte hébreu comme adverbe, rarement au commencement d’une phrase, III Reg., i, 36; Jer., xxviii, 6; ordinairement à la fin, dans le sens de «que cela soit ferme, qu’il en soit ainsi», γένοιτο, comme traduisent les Septante, III Reg., i, 36; Jer., xxviii, 6. Il est placé dans la bouche d’une personne, III Reg., i, 36; Jer., xi, 5; Num., v, 22, etc., ou du peuple tout entier, qui donne par là son adhésion à ce qui vient d’être dit, en marquant aussi par ce terme le souhait que ce qui a été dit s’accomplisse. Deut, xxvii, 15-26; I Par., xvi, 36; II Esdr., v, 13; viii, 6. Dans plusieurs passages, amen exprime l’acquiescement de celui qui le prononce à un serment ou à une malédiction. Num., v, 22; Deut., xxvii, 15-26. Dans d’autres, c’est l’expression du vœu que ce qui vient d’être demandé dans une prière soit accordé par Dieu, comme dans la doxologie finale des quatre premiers livres des Psaumes: Ps. xl, 14; lxxi, 19; lxxxviii, 53; cv, 48. (La Vulgate, qui a conservé ailleurs le mot amen, a dans les Psaumes, à la place de cet adverbe, le mot fiat, parce qu’elle ne traduit pas directement l’hébreu, mais le grec des Septante, qui porte: γένοιτο.) Tous ces versets des Psaumes (les trois premiers seulement dans l’hébreu, Ps. xli, 14; lxxii, 19; lxxxix, 53) ont un amen ou fiat répété, pour donner plus de force à cette locution. Ce redoublement se voit déjà dans les Nombres, v, 22. Quand Esdras bénit solennellement le peuple, celui-ci répond aussi deux fois: amen, amen. II Esdr., viii, 6.

II. Dans le Nouveau Testament.

1° Notre-Seigneur, dans ceux de ses discours que nous ont conservés les Évangiles, se sert fréquemment du mot amen, au commencement de ses phrases, dans un sens qui lui est propre et qu’on ne retrouve pas ailleurs dans la littérature hébraïque. Il dit vingt-huit fois dans saint Matthieu, treize dans saint Marc, sept dans saint Luc: Ἀμὴν λέγω σοι (ὑμῖν) «En vérité je vous le dis,» et vingt-six fois dans saint Jean, en redoublant le mot: Ἀμὴν ἀμήν. Cette répétition a la valeur d’un superlatif: «Je vous dis très certainement, en toute vérité.»

2° En dehors de cette acception du mot amen, qui est spéciale à Notre-Seigneur,nous trouvons cette particule employée dans le Nouveau Testament comme dans l’Ancien, avec la signification: «qu’il en soit ainsi.» Rom., i, 25; ix, 5; xi, 36, etc.; Gal., i, 5; Eph., iii, 21; Phil., iv, 20; I Tim., i, 17; Hebr., xiii, 21; I Petr., iv, 11; Apoc, i, 6, 7; v, 14, etc. Cf. Luc, xxiv, 53, et la conclusion du Pater noster. Matth., vi, 13.

3° Saint Jean, dans l’Apocalypse, appelle Jésus-Christ «l’Amen (ὁ Ἀμὴν), le témoin, le fidèle, le véridique». Apoc, iii, 14. C’est sans doute une réminiscence d’Isaïe, lxv, 16, et peut-être aussi du Maître, qui aimait à dire dans ses discours: Amen, amen, et en vérité je vous le dis.» «Le fidèle et le véridique» sont l’explication du mot «l’Amen».

4° Dans la primitive Église, dès l’âge apostolique, à l’exemple de la synagogue, l’usage s’introduisit dans les assemblées des fidèles que tous les assistants répondissent amen aux prières du célébrant, afin de s’unir à lui et de s’approprier ce qu’il venait de dire au nom de tous. Saint Paul fait allusion à cette coutume. I Cor., xiv, 16, et II Cor., i, 20. Dans le premier passage, il dit:«Si vous priez seulement de cœur, comment celui quitient la place du peuple pourra-t-il répondre amen à votreprière, puisqu’il n’entend pas ce que vous dites?» Lesecond passage est diversem*nt interprété; il offre mêmedes leçons différentes dans le texte grec; mais d’après laplupart des commentateurs, d’accord en cela avec la Vulgate et avec plusieurs manuscrits grecs importants (voir C. Tischendorf, Novum Testamentum græce, editio critica minor viiia, p. 792), il doit se traduire ainsi: «Toutes les promesses de Dieu sont en lui: oui (c’est-à-dire sont exécutées fidèlement), c’est pourquoi par lui aussi nous disons amen à Dieu [comme nous le faisons à la fin desprières publiques], pour lui rendre gloire,» par la ferme confiance que nous manifestons en ses promesses.

L’usage de terminer par amen les prières liturgiquesétait donc déjà connu de tous du temps de saint Paul,puisqu’il le rappelle dans ses Épitres sans avoir besoin d’endonner aucune explication particulière. Les premiers chrétiens exprimaient ainsi leur foi et leur participation à la prière du prêtre. Saint Jérôme rapporte que les fidèles de Rome prononçaient l'Amen à si haute voix et en si grand nombre, qu’on aurait cru entendre le roulement du tonnerre: «Ad similitudinem cselestis tonitrui Amen reboat.» Comm. in Gal., 1. ii, proœm., t. xxvi, col. 355. Cf. S. Justin, Apol., i, 65, t. vi, col. 428; Denys d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vii, 9, t. xx, col. 656; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., xxiii, 18, t. xxxiii, col. 1124; Constit. apost., viii, 13, t. i, col. 1108; Tertullien, De spect., 25, t. i, col. 657; S. Ambroise, Enarr. in Ps. xl, 36, t. xiv, col. 1084; S. Augustin, De Doctrina christiana, ii, 11,t. xxxiv, col. 42; De catech. rudibus, i, 9, 43, t. xl, col. 320, etc.

Voir Brunner, De voce Amen, Helmstädt, 1678; Weber, De voce Amen, Iéna, 1734; Wernsdorf, De Amen liturgico, Wittemberg, 1779; Fogelmark, Potestas verbi Amen, Upsal, 1761; Bechler, Horæ philologicæ in Amen, Wittemberg, 1687; Vejel, 'De vocula Amen, Strasbourg, 1681.

F. Vigouroux.

AMENDE dans la loi mosaïque. — Dans le sens strict du mot, l’amende se distingue de la réparation d’un dommage causé, et s’entend d’une somme d’argent qu’undélinquant est condamné à payer, en punition de sa faute, soit au fisc, soit à quelque institution publique, rarement à des particuliers. Ainsi entendue, l’amende se rencontre à peine dans la législation mosaïque, sous laquelle il n’y avait pas de fisc organisé. La peine pécuniaire qui ressemble le plus à l’amende est celle qui est portée dans le Lévitique, v, 15-16. Si, par une erreur coupable, un Israélite frustre le sanctuaire de quelque redevance imposée, comme dîmes, prémices, etc., il doit, outre l’offrande d’un bélier en sacrifice, réparer tout le tort causé, et «de plus payer au prêtre une somme équivalente au cinquième de la dette». Comme le texte distingue ici clairement la réparation du dommage et le payement d’une somme supplémentaire, au profit d’un personnage public, cette dernière peine ne peut guère être qu’une amende.

Plusieurs auteurs donnent aussi le nom d’amendes aux peines pécuniaires portées dans les textes suivants:

1° Quand un délit est soumis à la loi du talion, on peut échapper à la sanction pénale en payant une certaine somme fixée par la partie lésée. Exod., xxi, 23-25, 30;

2° «Si un taureau, frappant de la corne, tue un homme ou une femme, ou bien leur fils ou leur fille, le propriétaire qui, dûment averti du vice de son animal, a négligé dele garder, peut échapper à la peine de mort en payant la somme fixée par les parents de la victime; si la victime est un esclave, le propriétaire payera à son maître trentesicles d’argent.» Exod., xxi, 29-32.

3° Si, dans une querelle, un homme frappe une femme enceinte et la fait avorter, il payera la somme fixée par des arbitres et par le mari. Exod., xxi, 22.

4° L’homme qui porte une atteinte grave à la réputation d’une femme qu’il vient d’épouser doit payer cent sicles d’argent au père de cette femme. Deut., xxil, 19. Cf. Jahn, Archæologia Biblica, § 242, dans Migne, Scripturæ Sacræ cursus completus, t. ii, col. 972; Glaire, Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, 1843, t. ii, p. 453. Comme ces sommes d’argent sont payées exclusivement à la personne lésée, et qu’elles ont pour but évident deréparer un dommage, auquel d’ailleurs elles sont proportionnées, dans ces cas et autres semblables, il s’agit moins d’amendes que de compensations ou réparations pécuniaires. Voir Dommage.

S. Many.

1. AM ENDE Johann Gottfried, né à Voigtsberg, le22 août 1752, mort le 17 février 1821, surintendant à Neustadt, sur l’Orla, a publié Pauli Epistola ad

ses græce ex recensione Griesbachiana, nova versione latina et annotatione perpetua illustrata, in-8°, Wittenberg, 1198. Voir Ch. G. E. am Ende, Dr. Joach. Glob. am Ende, verstorben 1777 als Superintendent zu Dresden, ein Lebensbild, nebst einer Bibliotheca am Endiana, in-8o, Dresde, 1871, ouvrage qui donne des renseignements historiques et bibliographiques sur J. G. am Ende et sur J. J. G. am Ende.

2. am ENDE Johann Joachim Gottlob, théologien luthérien, né en 1704, à Grafenhainichen, en Saxe, mort le 2 mai 1777. Il fit ses études à Wittenberg, devint pasteur de sa ville natale à la mort de son père, auquel il succéda, et de Schulpforte en 1743. Nommé surintendant à Fribourg-en-Thuringe en 1748, il fut appelé à Dresde en 1749, comme conseiller consistorial, surintendant, et premier pasteur de l'église de la Croix. Il obtint également, la même année 1749, le grade de docteur en théologie à l’université de Leipzig. On distingue parmi sesécrits Commentatio epistolica de quibusdam Novi Testamenti locis, quæ de apertione portæ mentionem faciunt, Act., xiv, 27; I Cor., xvi, 9; Col., iv, 3, in-4o, Wittenberg, 1744; Christeis, id est Acta Apostolorume lingua originali in latinam translata et carmine heroico expressa, notisque subjunctis, illustrata, in-4°, Wittenberg, 1759. Voir J. Chr. Adelung, Fortsetzung und Ergänzungen zu Chr. G. Jochers Allgemeinem GelehrtenLexico, t. i, 1784, col. 717-720 et Am Ende 1.

  1. AMÈRES (Eaux), qu’on appelle aussi quelquefois eaux de jalousie. Nom de l’eau qu’on faisait boire à la femme soupçonnée d’adultère. Num., v, 17-27. Voir Eaux de jalousie.
  2. AMÈRES (Eaux), eaux dont Moïse corrigea miraculeusem*nt l’amertume à Mara, dans le désert du Sinaï. Exod., xv, 23-25. Voir Mara. i.

AMERSFOORDT Jacques, philologue hollandais, né à Amsterdam, le 24 novembre 1786, mort à Leyde, le 23 octobre 1824. Il reçut son éducation à l'école latine et à l’Athénée d’Amsterdam, puis à l’université de Leyde. Il fut l’un des fondateurs de la Société pour l'étude de la littérature orientale. En 1816, on lui confia la chaire de littérature orientale à l’Athénée de Harderwyk. Cette chaire ayant été supprimée deux ans plus tard, il devint professeur de théologie à l’Athénée de Franeker, et il en fut recteur du mois d’octobre 1821 jusqu’au mois de juin 1823. On a de lui, entre autres ouvrages, Dissertatio philologica de variis lectionibus Holmesianis locorum quorumdam Pentateuchi mosaici, in-4o, Leyde, 1815. Voir sa biographie par J. W. de Crane, dans Algémeene Konst-en Letter-Bode, Harlem, 1824, t. ii, p. 394-399; J. A. Philipps, Narratio eorum quæ, ipso rectore Franequerse, acciderunt, dans les Annales Academiæ Groninganæ, 1825, p. 10, 16.

AMES William, théologien puritain anglais, né à Norfolk, en 1576, mort à Rotterdam, le 14 novembre 1633. Il fit ses études à Cambridge, au collège du Christ, et fut élève du puritain Perkins. Devenu chapelain de l’université, il prêcha (1609) avec tant de véhémence contre les abus qui y régnaient, qu’il fut obligé de quitter l’Angleterre. Il se réfugia en Hollande, et, après avoir été chapelain anglais à La Haye, il devint professeur de théologie à Franeker, en Frise (1622). Il fut l’un des plus ardents adversaires de l’arminianisme. Ses Œuvres latines ont été publiées sous ce titre: Opera quæ latine scripsit omnia, 5 in- 12, Amsterdam, 1658. On y remarque un commentaire des Épîtres de saint Pierre publié pour la première fois en latin à Amsterdam, en 1635. Il a été traduit en anglais: An analytical Exposition of both the Epistles of the Apostle Peter, illustrated by doctrines out of every text, in-4o, Londres, 1641. C’est une analyse exacte des deux Épîtres de saint Pierre, mais sans valeur critique et philologique. Voir Neal, History of Puritans, t. i, p. 572; Brooks, Lives of Puritans, l. 1, p. 405; W. Orme, Bibliotheca biblica, p. Il; sa notice biographique placée en tête de l'édition de ses Opera par Nethenus.

AMÉTHYSTE (ἀμέθυστος), pierre précieuse, mentionnée dans l’Apocalypse, xxi, 20, comme la douzième et dernière des pierres qui entrent dans les fondements de la nouvelle Jérusalem. Les Septante, suivis par la Vulgate, traduisent par le même mot l’hébreu 'ahlâmâh, nom que porte la troisième pierre du troisième rang dans le pectoral ou rational du grand prêtre. Exod., xxviii, 19; xxxix, 13. Ils ajoutent de plus l’améthyste parmi les pierres précieuses énumérées par Ezéchiel, xxviii, 13, dans la description des richesses de Tyr.

[Image à insérer]118. — Améthyste. Échantillons du Musée de minéralogie du Jardin des plantes à Paris. Le plus grand est le quartz améthyste du Turkestan, à veines alternantes. Le plus petit est le quartz améthyste pyramidal. Banda oriental.

Le nom grec ἀμέθυστος rappelle une des propriétés que les anciens attribuaient à cette pierre, celle de préserver de l’ivresse (α, privatif; μεθύωo, «être ivre» ). Aben-Esra et Kimchi expliquent d’une façon analogue l’origine du nom hébreu 'aḥlâmdh, que les lexicographes, rattachent à la racine ḥâlam, «songer, rêver;» on prétendait que la pierre ainsi nommée procurait des songes à celui qui la portait. D’après d’autres hébraïsants, 'aḥlâmâh vientde hâlam, «être fort, solide», à cause de la dureté de l’améthyste. J. Fûrst, Hebräisches Handwörterbuch, 2e édit., t. i, p. 57; J. Halévy, Inscriptions du Safa, dansle Journal asiatique, 1877, t. x, p. 426.

On n’a aucun motif de rejeter la traduction des Septante, adoptée aussi par Josèphe, Ant. jud., III, vii, 6. Le Targum d’Onkélos et la version syriaque traduisent 'ahlâmâh par עץ עבלה, 'en 'églâ', «œil de veau,» nom qui peut convenir à l’améthyste et en indiquer la couleur (Fürst, loc. cit.); mais le pseudo-Jonathan traduit par smaragdin, «émeraude.» D’autre part, le Rabbat bamidbar donne sur cette pierre une indication qui convient bien à l’améthyste, quand il dit: «Nephthali a pour gemme le 'ahlâmâh; la couleur de son étendard ressemble à du vin clair dont la rougeur n’est pas forte.»

L’améthyste (fig. 116) est, en effet, une pierre brillante, très transparente, d’un rouge violacé. On en distingue deux espèces: l’améthyste orientale et l’améthyste occidentale, dont la composition est très différente, mais que les anciens ont confondues et nommées de même à cause de leur apparente ressemblance. L’améthyste orientale, la plus rare, la plus belle, d’une dureté qui égale presque celle du diamant, contient quatre-vingt-dix pour cent d’alumine, du fer et de la silice; elle n’est qu’une variété violette du saphir. L’améthyste occidentale est la plus commune; c’est une variété de quartz. Elle se laisse facilement tailler, comme le remarque Pline, H. N., xxxvii, 9; aussi les anciens s’en servaient-ils beaucoup pour faire des bagues et des camées.

J. Thomas.

AMHARIQUE (VERSION) DE LA BIBLE. — L’amharique est un dialecte sémitique corrompu, mêlé de mots africains, et ainsi appelé de la province d’Amhara, en Abyssinie. Il commença à supplanter le ghez dans ce pays, vers l’an 1300, et on le parle aujourd’hui dans presque toute l’Abyssinie. Les missionnaires catholiques furent les premiers qui essayèrent de traduire en amharique des parties de l'Écriture; mais leurs travaux n’ont jamais été imprimés. La Bible fut traduite pour la première fois, en entier, de 1810 à 1820, par Asselin de Cherville, consul de France au Caire, aidé d’un vieillard appelé Abou-Roumi. Sa traduction fut achetée par la Société biblique de la Grande-Bretagne, et revue par J. P. Platt, qui fit paraîtreles Évangiles, en 1824, et le Nouveau Testament complet, en 1829. L’Ancien Testament parut en 1840, et une édition complète de la Bible, en 1842. La Société biblique a publié en 1875 une édition nouvelle, revue par le Dr Krapf, avec le concours de plusieurs Abyssiniens. Voir The Bible of every land', in-4°, Londres (1860), p. 61.


1. AMI (hébreu: ʿÂmî; Septante: Ἠμεΐ), Chananéen, un des «serviteurs», c’est-à-dire des tributaires de Salomon, III Reg., ix, 20, 21, chef d’une famille qui revint de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., ii, 57. Il est appelé Amon, II Esdr., vii, 59. Ami paraît n'être qu’une forme altérée d’Amon.

2. AMI.
1° Ce mot a le plus souvent dans l'Écriture le même sens que dans le langage ordinaire, c’est-à-dire qu’il désigne celui qui est attaché à un autre par des liens d’affection, comme les amis de Job (rêʿîm). Job, ii, 11, etc. Voir Prov., xviii, 17, 24; Eccli., vi, 1, 7-17; ix, 14-15, etc.
2° Ami, dans la Bible, signifie aussi celui qui est dans les bonnes grâces de quelqu’un; c’est ainsi qu’Abraham est appelé «l’ami de Dieu». Jac, ii, 23; II Par., xx, 7; Is., xli, 8; Ps. cxxxviii, 17; Judith, viii, 22. Cf. Prov., xxii, 11; Joa., xix, 12.
3° Il signifie également «le prochain»: Diliges amicum tuum sicut teipsum. Lev., xix, 18. 4° Ceux qui exercent les mêmes fonctions. Zach., iii, 8.
5° Au vocatif, en s’adressant à une personne qu’on ne connaissait pas, on l’appelait «ami», ἑταῖρε, comme cela se fait dans presque toutes les langues. Matth., xx, 13; xxii, 12. — Le mot ami a encore quelques autres acceptions tout à fait particulières et qu’il importe de remarquer.
6° «L’ami de l'époux,» ὁ φίλος τοῦ νυμφίου, Joa., iii, 29; cf. Jud., xiv, 20; xv, 2; Cant., v, 1; I Mach., IX, 39, était chez les Juifs à peu près ce qu'était le paranymphe chez les Grecs, il était chargé, quand les fiançailles avaient été conclues, de servir d’intermédiaire entre les futurs époux, auxquels l’usage ne permettait pas de se voir avant le mariage; de plus il s’occupait des préparatifs des noces et des fêtes qui les accompagnaient. Les rabbins l’appellent šošbên, c’est-à-dire «fils de la joie», d’après l’interprétation de Grimm, Clavis Novi Testamenti philologica, 1802, p. 448. Voir Buxtorf, Lexicon chaldaicum et talmudicum, édit. Fischer, p. 1257; Schemot rabba, p. 46; Baba bathra, p. 144 6.
7° Une autre acception à noter du mot ami, c’est celle d' «ami du roi». On donnait ce titre, en Palestine, au conseiller le plus intime du roi. Chusaï était en ce sens «l’ami de David», II Reg., xv, 37; xvi, 16; I Par., xxvii, 33; Zabud, celui de Salomon, III Reg., iv, 5. On trouve une dénomination analogue à la cour des pharaons, où certains officiers égyptiens sont ainsi désignés: suten smer, «ami du roi», smer ua, «ami unique». Dans les deux livres des Machabées, I Mach., ii, 18; iii, 38; vi, 10, 14, 28; vii, 6, 8; x, 16, 19-20, 65; xi, 26, 27, 57; xii, 43; xiii, 36; xiv, 39; xv, 28, 32; II Mach., i, 14; vii, 24; viii, 9; x, 13; xi, 14; xiv, 11, φίλος τοῦ βασιλέως; est le titre officiel donné par les Séleucides aux personnes qui avaient leur confiance, et en particulier aux dignitaires de la cour, qui remplissaient les grandes fonctions militaires et administratives. Cf. Polybe, Hist., xxxi, 3, 7, 16; 19, 2, édit. Teubner, 1868, t. iv, p. 2, 3, 17; Appien, Syr., 46. Parmi «les amis du roi», on distinguait les «premiers» ou principaux, οἱ πρῶτοι φίλοι, titre supérieur à celui de simple ami. I Mach., x, 65; xi, 27; II Mach., viii, 9.Alexandre Ier Balas conféra d’abord à Jonathas Machabée le titre d' «ami du roi,» I Mach., x, 19-20, et ensuite celui de «premier ami du roi.» I Mach., x, 65.Démétrius II Nicator lui confirma cette dignité. I Mach., xi, 27. — Cet usage d’appeler «amis du roi» les principaux de la cour paraît avoir existé dès le temps d’Alexandre (Diodore de Sicile, xvii, 54, 55, édit. Teubner, 1867, t. iii, p. 446, 447); il était aussi usité en Égypte chez les Lagides, III Mach., ii, 23, 25; v, 3, et c’est à cause de cette coutume que les Septante ont rendu par le mot «ami», φίλος, l’hébreu ṡar, «prince, chef, conseiller du roi,» dans plusieurs passages. Esth., i, 3; ii, 18; vi, 9. Voir aussi Dan., iii, 91, 94; v, 23. Il faut observer, au sujet de Daniel, que la version de ce prophète, qui est dans nos éditions ordinaires des Septante, est celle de Théodotion. Voir la véritable traduction des Septante, qui porte φίλοι aux passages cités, dans C. de Tischendorf, Vetus Testamentum græce, 7e édit., Leipzig, 1887, t. ii, p. 597, 601. Théodotion a traduit par «puissants», μεγιστᾶνες, Dan., iii, 91; v, 23; δυνάσται, iii, 94.
8° Enfin, dans le premier livre des Machabées, le mot «ami» est employé aussi dans le sens officiel d' «allié», que les Romains donnaient à ce titre: φίλος καὶ σύνμαχος Ρωμαίων, socius et amicus populi Romani. I Mach., viii, 20, 31; xiv, 40; xv, 17; cf. xiv, 18. Cf. Suétone, Cæsar, xi; August., lx; Tite-Live, vii, 3; xxxvii, 54; Em. Kuhn, Die städtische und bürgerliche Verfassung des römischen Reichs, 2 in-8°, Leipzig, 1864-1865, t. ii, p. 21-33; O. Bohn, Qua condicione juris reges socii populi Romani fuerint, in-8°, Berlin, 1877, p. 11-14; Th. Mommsen, Römisches Staatsrecht, t. iii, 1887, p. 659; Corpus inscript, græc. t. iv, n° 5885, p. 770. — Au Psaume cvii, 10 (hébreu, cviii, 10), la Vulgate emploie le mot «amis» dans ce sens latin d’alliés: «Les étrangers (c’est-à-dire les Philistins) sont devenus mes amis», là où l’original porte: «Je soumettrai le pays des Philistins». — L’usage qu’ont fait les deux livres des Machabées du mot φίλος, amicus, dans sa double acception gréco-macédonienne et romaine, est digne d’attention, parce qu’il est une preuve de l’exactitude historique des auteurs qui les ont écrits.

F. Vigouroux.


AMIATINUS (CODEX). Ce manuscrit, le plus célèbre sinon le plus ancien de la Vulgate hiéronymienne, appartient à la bibliothèque Laurentienne, à Florence. Il est coté Amiatinus I, parce que c’est un des manuscrits qui ont été apportés de l’abbaye de Monte-Amiato, près de Sienne, à ladite bibliothèque, lors de la suppression de l’abbaye, en 1786. L'écriture est onciale et de calligraphie italienne. Le parchemin est partagé en cahiers de huit feuillets chacun; chaque page a deux colonnes de texte, chaque colonne quarante-quatre lignes. Les initiales des versets ou stiques sont en saillie sur la marge de toute leur largeur. Aucune ponctuation; le texte est coupé par des alinéas à chaque stique. Point de grandes initiales manuscrit tout entier. Voir Bandini, Bibliotheca Leopoldina Laurentiana, Florence, 1791, t. i, p. 701-732; J. Wordsworth, Novum Testamentum Domini Nostri Jesu Christi latine, p. XI, Oxford, 1889; de Rossi, La Bibbia offerta da Ceolfrido abbate al sepulcro di S. Pietro, Rome, 1888; J. White, The Codex Amiatinus and its birthplace, dans les Studia biblica, Oxford, 1890, t. ii, p. 273-308.

P. Batiffol.

AMICO Bernardino, moine franciscain, né à Gallipoli, dans le royaume de Naples, était prieur de son ordre à Jérusalem, en 1596. Pendant un séjour de cinq ans en Palestine, il étudia avec soin la géographie de la Terre Sainte, et à son retour en Italie, il publia un Trattato delle Piante et Immagini de Sacri Edifizi di Terra Santa, disegnate in Jerusalemme, imprimé d’abord à Rome, in-f°, 1609, puis à Florence, 1620, avec des additions. Les gravures de la seconde édition de cet ouvrage, qui représentent les édifices sacrés de la Palestine, sont du célèbre Callot (47 estampes sur 35 planches, parmi lesquelles nous signalerons celle du ch. xliv, v. 55 b, représentant Jérusalem telle qu’elle était au xvie siècle); les gravures de la première édition sont d’A. Tempestini. Voir G. Mazzuchelli, Scrittori d’Italia, t. ii, 1753, p. 625; E. Heaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de J. Callot, 3 in-8°, Paris, 1853-1860, t. iii, n° s 455-489, p. 211; M. Vachon, J. Callot, in-4o, Paris (1886), p. 66.

AMINADAB, hébreu: ‘Ammînâdàb, «mon peuple est noble;» Septante: Ἀμιναδάβ.

1. AMINADAB, fils de Ram (dans Ruth et S. Matthieu: Aram), de la tribu de Juda. Sa fille Elisabeth devint la femme du grand prêtre Aaron; et son fils Nahasson fut le chef de sa tribu, à l'époque de la sortie d’Égypte. Il vécut donc sous la dure servitude des Pharaons et dut mourir avant l’exode. Exod., VI, 23; Num., i, 7; ii, 3; vii, 12, 17; x, 14; Ruth, iv, 19, 20; I Par., ii, 10. Il est compté parmi les ancêtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. S. Matth., 1, 4; S. Luc, iii, 33.

2. AMINADAB, un des fils de Caath, et père de Coré, de la famille de Lévi. I Par., vi, 22. Ailleurs, Exod., vi, 18; I Par., vi, 2, 18, il est appelé Isaar. Le texte du Codex Alexandrinus des Septante a de même, Ἰσσαάρ. Aussi on peut croire à une erreur de copiste dans I Par., VI, 22.

3. AMINADAB, frère et chef des cent douze fils d’Oziel, lévite de la famille de Caath, au temps de David. I Par., xv, 10-13. Le pieux roi l’envoya, avec d’autres lévites et les prêtres Sadoc et Abiathar, pour transporter l’arche sainte à Jérusalem.

4. AMINADAB, hébreu: ʿAmmînâdîb, au qeri, nom propre, ou ʿammi nâdîb, en deux mots, au ketib, nom commun, «mon noble peuple.» Cant., VI, 11 (hébreu 12). Dans ce dernier cas, plus régulièrement l’articledevrait être joint à l’adjectif, hannâdib. S’il s’agit d’un nom propre, il désignerait un célèbre conducteur de chars. Les Septante et la Vulgate ont Aminadab. Peut-être les traducteurs grecs ont-ils vu ici une allusion à II Reg., vi, 3, où le char qui porte l’arche est dit sortir de la maison d’Abinadab (grec: Ἀμιναδάβ).

AMITAL (hébreu: Ḥǎmûtal, «allié, c’est-à-dire semblable à la rosée;» Septante: Ἀμιτάλ, Ἀμειτάαλ), fille de Jérémie de Lobna, et l’une des femmes du roi Josias. Elle fut mère de Joachaz, IV Reg., xxiii, 31, et de Sédécias. IV Reg., xxiv, 18; Jer., lii, 1. Dans ces deux derniers passages, le ketib porte Ḥǎmîtal.

AMIZABAD (hébreu: ʿAmmîzâbâd, «peuple ou serviteur du donateur, c’est-à-dire Jéhovah [?];» Septante: Zαβάδ), fils de Banaïas, le plus vaillant capitaine de David. Amizabad commandait sous son père le troisième corps de troupes, qui entrait en fonctions le troisième mois pour la garde du roi. I Par. xxvii, 6.

1. AMMA (hébreu: ʿUmmâh; Septante: Ἀρχόβ, Ἀμμά), ville de la tribu d’Aser, Jos., xix, 30. Le grec Ἀρχόβ est évidemment une faute, et paraît être le déplacement de Rohob (hébreu: Rehôb), qui suit presque immédiatement, bien qu’ordinairement ce nom soit rendu par Ράαβ ou Ροώβ. L’emplacement d’Amma est difficile à déterminer, les villes qui la suivent, c’est-à-dire Aphec et Rohob, ne pouvant elles-mêmes offrir aucun point de repère. Eusèbe et saint Jérôme ne font que la mentionner, sans autre indication. Onomastica sacra, 1870, p. 95 et 224. Cependant M. V. Guérin propose de l’identifier avec Khirbet ʿAmméh (Kh. Ummiéh, dans la carte anglaise, Londres, 1890, feuille 6), au nord-ouest d’El-Djich (Giscala), et tout près de Beit-Lif, vers l’est. Voir la carte de la tribu d’Aser. «Ces ruines, dit-il, sont disséminées sur une colline dont les pentes sont cultivées et dont le sommet est couvert de térébinthes, de lentisques et de chênes verts. On distingue, au milieu de ce fourré, les arasem*nts de nombreuses petites maisons, bâties toutes avec des pierres de taille de moyenne dimension, qui paraissent n’avoir point été cimentées; les vestiges d’un monument orné de colonnes monolithes aujourd’hui brisées, et dont il subsiste encore les assises inférieures d’une abside, ce qui prouve que c'était une église; une trentaine de citernes, la plupart remplies de terre et de décombres; plusieurs tombeaux, soit creusés en forme de fosses, soit renfermant des fours à cercueil pratiqués dans les parois d’une chambre sépulcrale, un pressoir à vin excavé dans le roc, etc. Le nom d’Amméh donné à ces ruines fait penser immédiatement à celui de ʿOummah… Au premier abord, nous serions tenté de la rapprocher plus près de la côte; mais néanmoins les limites orientales de la tribu d’Aser pouvaient peut-être comprendre notre Kharbet ʿAmméh.» Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 114-115. En réalité, cet endroit nous semble trop enclavé dans la tribu de Nephthali, formant la pointe la plus orientale, c’est-à-dire la plus éloignée, d’un triangle terminé à l’ouest par Beit-Lif (Héleph), et au sud-ouest par Khirbet Haziréh (Enhasor), deux villes qui appartenaient à cette dernière tribu.

D’autres savants placent Amma plus près de la mer, à ʿAima ou ʿAima ech-Chaoub, à une faible distance de Ras en-Naqoura. Cette opinion, émise par Thomson dans la Bibliotheca sacra, 1855, p. 822 et suiv., citée par Van de Velde, Memoir to accompany the map of the Holy Land, 1859, p. 354, a été admise, avec réserves toutefois, par différents auteurs, entre autres par les explorateurs anglais. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, au mot Ummah, p. 178. Il y a, en effet, analogie entre l’arabe ʿAlma (avec aïn initial) et l’hébreu ʿUmma (également avec aïn; le lam compensé par le daguesch). «Alma est un petit hameau sur le sommet de l’Échelle des Tyriens (Scala Tyriorum), à environ cinq milles (8 kilom.) de la côte à Ras en-Naqoura, et est le seul village habité dans cette partie de l'Échelle.» W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1890, chap. xx, p. 295. S’il est permis d’adopter l’une ou l’autre des opinions que nous venons d’exposer, il est impossible d’admettre celle qui place Amma «à Kefr Ammeih, dans le Liban, au sud d’Hammana, dans le district d’El-Djurd», au sud-est de Beyrouth. Cf. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 158. La tribu d’Aser ne montait pas si haut.

A. Legendre.

2. AMMAH (Colline d') (hébreu: Gibʿat ʾAmmâh; Septante: ὁ βουνὸς Ἀμμάν; Vulgate: collis aquæ ductus), lieu où parvinrent Joab et Abisaï poursuivant Abner après le combat de Gabaon et la mort de leur frère Asaël. II Reg., ii, 24. «À un âge pastoral où chaque colline, chaque arbre, pour ainsi dire, portait un nom propre, cette colline devait certainement avoir le sien: c’est donc un nom propre qu’il faut lire ici.» F. de Hummelauer, S. J., Commentarius in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 280. C’est ainsi que l’ont compris la plupart des versions, la Peschito et l’arabe, en traduisant Gabaath maris (peut-être les interprètes ont-ils lu yam ou yammâh au lieu d’Ammàh); le Targum de Jonathan et Josèphe en rendant plus exactement: «la colline d’Amta,» ou «le lieu appelé Ἀμματαν, Ant. jud., VII, 1, 3; enfin les Septante en se conformant davantage encore à l’hébreu: «la colline d’Amman.» Théodotion (ὑδραγωγός) est d’accord avec la Vulgate, qui nous donne: «la colline de l’aqueduc.» Eusèbe s’est contenté d’ajouter au nom propre'A[iiâ ces mots mêmes du texte sacré: ὁδος ἐρήμου Γαβαών, «le chemin du désert de Gabaon,» Onomasticon, 1870, p. 226; et saint Jérôme: «Amma, in desertum euntibus Gabaon.» Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 873.

Cette colline était «vis-à-vis de la vallée sur le chemindu désert de Gabaon». II Reg., Il, 24. Ici encore les versions diffèrent: la Vulgate, Symmaque et Théodotion ont lu גיא ou גיא, gê', «vallée,» tandis que les Septante, le Targum de Jonathan, le syriaque et l’arabe, ont fait un nom propre de l’hébreu גיח, gîah, que J. Fürst, Hebraïsches und Chaldaïsches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 257, et Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 281, rapprochent du mot «source» en raison de l'étymologie «jaillir». De quelque manière que le mot soit considéré, il n’est d’aucun secours pour déterminer l’emplacement d’Ammah. Tout ce que nous pouvons supposer, c’est que cette colline devait se trouver à l’est ou au nordest de Gabaon, puisque Abner s’en alla avec ses gens à Mahanaïrn (d’après l’hébreu), au delà du Jourdain. II Reg., Il, 29. Le «désert de Gabaon» indique probablement les steppes qui s'étendent à l’est d’El-Djib.

A. Legendre.

3. 'AMMÂH. Nom hébreu de la coudée. Voir Coudée.

AMMANITE, du pays d’Ammon. La Vulgate portedans plusieurs passages, III Reg., xiv, 21, 31; II Par., xii, 13; xxiv, 26; II Esdr., ii, 10, 19; iv, 3, 7, Ammanites, Ammanitis, au lieu & Ammonites, Ammonitis, qui est la véritable orthographe. Voir Ammonites.


AMMANITIDE (Vulgate: Ammanitis), nom donnédans nos éditions latines, au lieu d’Ammonitide, au paysd’Ammon, dans le second livre des Machabées, iv, 26; v, 7. Voir Ammon 4.

AMMAUS, ville de Palestine 1. Notre Vulgate appelleainsi une des villes fortifiées par Jonathas Machabée, dans I Mach., ix, 50, mais ailleurs elle la nomme Emmaüs, I Mach., iii, 40, 57; IV, 3. Elle fut appelée plus tard Nicopolis. Le texte grec écrit partout 'EnnaoïV. Elle est connue sous le nom d’Emmaüs, aujourd’hui Amouas. Voir Emmaüs.

AMMI (ʿammî), mot hébreu qui signifie «mon peuple», et qui est donné figurativement par le Seigneur, Ose., ii, 1, au peuple juif, pour annoncer qu’il demeurera son peuple, Ose., ii, 24, malgré les châtiments qu’il lui infligera, et quoique le fils du prophète ait reçu le nom de L'ô-'ammî, «non mon peuple», pour prophétiser ces châtiments. Ose., i, 9-10. La Vulgate n’a pas conservé ces noms propres sous leur forme hébraïque, mais les a traduits d’après leur signification par Populus meus et Non populus meus.

AMMIEL (hébreu ʿAmmiʾêl, «de la famille de Dieu,» c’est-à-dire «serviteur de Dieu [?];» Septante: Ἀμιήλ.

1. AMMIEL, fils de Gémal, de la tribu de Dan, fut undes douze espions envoyés par Moïse pour explorer le paysde Chanaan. Num., xiii, 13.

2. AMMIEL (Vulgate, II Reg., xvii, 27: Ammihel), père de Machir, de la ville de Lodabar, dans la tribu de Siméon. II Reg., ix, 4, 5; xvii, 27.

3. AMMIEL, le sixième fils d’Obédédom et lévite, portier du temple sous David. I Par., xxvi, 5.

4. AMMIEL, I Par., iii, 5, père de Bethsabée, appelé Éliam; II Reg., xi, 3. Voir Éliam 1.


AMMIHEL, II Reg., xvii, 27, père de Machir. Voir Ammiel 2.


AMMISADDAÏ (hébreu: ʿAmmîšaddâï, «de lafamille du Tout-Puissant, c’est-à-dire serviteur du Tout-Puissant [?];» Septante: Ἀμισαδαΐ), père d’Ahiézer, qui était chef de la tribu de Dan au temps de l’Exode. Num., i, 12; ii, 25; vii, 66, 71; x, 25.


AMMIUD, hébreu: ʿAmmîhûd, pour ʿAmmîyehûd, «allié à Juda ou à l’honneur.»

1. AMMIUD (Septante: Ἐμιούδ, Ἀμιούδ), Éphraïmite, père d'Élisama, qui fut chef de sa tribu au temps de l’Exode. Num., i, 10; ii, 18; vii, 48, 53; x, 22; I Par., vii, 26.

2. AMMIUD (Septante: Σεμιούδ), Siméonite, père deSamuel, qui fut du nombre des princes des tribus choisispour faire le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 20.

3. AMMIUD (Septante: Ἰαμιούδ), Père de Phedaël, quifut chef de la tribu de Nephthali à l'époque du partagede la Palestine. Num., xxxiv, 28.

4. AMMIUD (hébreu: ʿAmmîḥûr; le Keri porte ʾAmmîḥûd; Septante: Ἐμιούδ), père de Tholmaï, roi de Gessur. II Reg., xiii, 37.

5. AMMIUD (Septante: Σαμιούδ), fils d’Amri, descendant de Phares, et père d’Othéi, un des premiers habitants de Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 4.

1. AMMON, dieu égyptien, honoré à Thèbes. Son nomne se lit pas dans la Vulgate; mais dans le texte hébreude Nalium, iii, 8, la ville de Thèbes est appelée NôʾAmôn, «l’habitation du dieu Ammon.» (Voir NôʾAmon.) Quelques exégètes ont cru retrouver aussi le nom d’Ammon dans Jérémie, xlvi, 5, où le texte original porte: אםזן סנא, 'amôn min-nô'; mais le prophète ne fait probablement qu’un jeu de mots, et il faut traduire, non pas «Ammon de Thèbes», mais «la multitude de Thèbes». Ezéchiel fait sans doute un jeu de mots semblable, xxx, 4, 10, 15 (seulement le mot qui signifie multitude est écrit הטזן, hâmon, et non אםזן, 'âmôn). Les Grecs appelèrent le dieu égyptien Ἄμμων d’où est venu notre appellation française. La forme égyptienne ancienne est Amen, qui signifie «caché, mystérieux». Plutarque, De Isid. et Osir., ix; Champollion, Dictionnaire égyptien, p. 197; Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, p. 35.

Ammon était le dieu suprême de la ville de Thèbes. Ily était adoré comme Amen-Ra ou Ammon-le-Soleil.C’est le titre qu’il porte sur les monuments thébains, àpartir de la XIe dynastie égyptienne. On le représentait soit debout, soit assis, vêtu de la schenti (sorte de pagne attaché au moyen d’un ceinturon), portant un collier au cou, ayant sur la tête la couronne dite rouge, insigne de la domination sur le nord de l’Égypte. Deux grandes plumes, qui semblent être celles de la queue de l'épervier et qui sont la marque distinctive d’Ammon, sont placéessur la couronne. Une sorte de cordon pend de sa coiffureet descend jusqu’aux pieds (fig. 118). Dans les fresques, il est peint en bleu. Dans les représentations figurées, il est souvent accompagné de la déesse Moût (mère) et dudieu Khons, son fils. Ces trois divinités forment la triade thébaine. Ammon avait d’autres noms et d’autres formes, et il prend en quelque sorte un corps sous la forme de Ra, le soleil, qui a été dès la plus haute antiquité adoré en Égypte. Ammon-Ra, sous son nom de dieu Khem, est la source de la vie; sous son nom de dieu Khnoum, il est «le fabricateur des dieux et des hommes», selon un titre qui lui est fréquemment donné, et, dans ce rôle, il est figuré façonnant, sur un tour à potier, soit l’homme, soit l'œuf mystérieux d’où la mythologie égyptienne faisait


118. — Ammon, Mont et Khons, dieux de Thobes. D’après Wilkinson.

était vénéré en divers lieux. Comme dieu de la génération, il portait le nom de Khem et avait des attributs spéciaux. En Nubie et particulièrement aux cataractes, onl’adorait sous le nom de Noum ou Khnoum, en lui donnant la forme d’un bélier: c’est ce qui fit supposer auxGrecs qu’Ammon avait toujours des cornes de bélier. Sonculte s'étendit tout le long de la côte septentrionale del’Afrique et se répandit jusqu’en Grèce, où on l’identifiaavec Zeus, d’où les noms de Zeus Ammon et de JupiterAmmon, qui lui sont donnés par les écrivains classiques.Ammon-Ra, d’après plusieurs égyptologues, représentele dieu invisible (amen, caché), qui se rend visible etsortir le genre humain et tous les êtres de la nature.Voir fig. 22, col. 179. D’après un texte hiératique, «Ammon organise toutes choses, il soulève le ciel etrefoule la terre; il donne le mouvement aux choses quiexistent dans les espaces célestes; il produit tous les êtres, hommes et animaux. Enfin, après avoir organisé tout l’univers, Ammon le maintient chaque jour par sa providence; chaque jour il donne au monde la lumière qui vivifie la nature; il conserve les espèces animales et végétales, et maintient toutes choses.» Grébaut, Hymne à Ammon-Ra, dans la Revue archéologique, juin 1873, p. 392.

F. Vigouroux.

2. AMMON (hébreu: Ben-ʿAmmî; Septante: Ἀμμάν), flls de Lot et de sa plus jeune fille, et père des Ammonites. Gen., xix, 38. Le texte hébreu porte simplement: «Et elle appela son nom Ben-Ammi,» ce que la Vulgate a traduit avec paraphrase explicative: «Et elle appela son nom Ammon, c’est-à-dire, fils de mon peuple.» Les Septante ajoutent de même: λέγουσαί Υἰὸς γένους μου, «disant: Fils de ma race.» Ce nom n’a une signification personnelle qu’en ce seul endroit de l'Écriture; partout ailleurs il a un sens ethnographique. Les descendants d’Ammon sont appelés: benê-'Ammôn, «fils d’Ammon.» Voir Ammonites.

3. AMMON, peuple. Les descendants d’Ammon, lesAmmonites, sont appelés le plus souvent, dans l'Écriture, «les fils d’Ammon», benê 'Amman, Num., xxi, 24, etc.; deux fois seulement Ammon tout court. I Reg., XI, 11; Ps. lxxxii, 8. Voir Ammonites.

4. AMMON (Pays d'), AMMONITIDE (hébreu: ʾÉréṣ benê-ʾAmmôn, «terre des fils d’Ammon,» Deut., ii, 19, 37; Jos., xiii, 25; Jud., xi, 15; II Reg., x, 2; I Par., xix, 2; xx, 1; Septante: γῆ υἱῶν Ἀμμών, dans les mêmes passages; Ἀμμανίτις χώρα II Mach., iv, 26; Ἀμμανίτις; , II Mach., v, 7), contrée située à l’orient de la mer Morte et du Jourdain inférieur, occupée par les Ammonites. Leur territoire n’a pas toujours eu la même étendue, mais a été différent à deux époques distinctes de leur histoire. Voir la carte (fig. 119).

1° Ils s'établirent originairement sur le territoire qu’ils enlevèrent à certaines races primitives appelées Zomzommim, Deut., ii, 20-21; mais dont ils furent chassés à leur tour par Séhon, roi des Amorrhéens, Jud., xi, 13, 19-22; territoire finalement conquis par les tribus de Ruben et de Gad. Deut., iii, 16. La relation de ces conquêtes successives nous permet de délimiter exactement le premier établissem*nt des enfants d’Ammon. Il était compris entre l’Arnon (Ouadi el-Modjib) au sud, le Jaboc (Nahr Zerqa) au nord, le Jourdain et la mer Morte à l’ouest, Jud., xi, 13: la frontière méridionale seule est un peu vague, confondue qu’elle est parfois dans - l'Écriture avec celle de Moab. Ce pays correspondait donc à celui qu’on appelle aujourd’hui El-Belka, et qui, dans son ensemble, s'étend sur une longueur de 80 à 100 kilomètres du nord au sud, avec une élévation générale d’environ 1000 mètres. Descendant comme une muraille à pic vers le lac Asphaltite, le terrain se déroule vers l’est comme un immense plateau légèrement ondulé, entrecoupé de bois et de pâturages, creusé par de nombreux courants permanents ou temporaires, qui descendent au Jourdain ou à la mer Morte, et sillonnent la plaine de ravins profonds. C’est une des plus belles parties de la Syrie. On comprend que la perte d’un tel pays ait laissé au cœur des Ammonites un regret aussi constant que vif, et qu’ils aient sans cesse cherché à le reconquérir. Voir Amorrhéens; Moab. Ce n’est pas là, en effet, qu’ils habitèrent le plus longtemps.

2° Vaincus par les Amorrhéens, ils furent obligés de seretirer vers l’est, dans une contrée qu’il est moins facile de déterminer, et qui est moins connue des explorateurs. Cependant, d’après les limites des tribus de Ruben et de Gad, telles qu’elles sont exposées, Num., xxxii, 34-38; Jos., xiii, 15-28, on pourrait, croyons-nous, indiquer la frontière occidentale d’Ammon par une ligne partant d’Aroër au sud, passant à l’est d’Hésébon et à l’ouest de Rabbath - Ammon, pour se terminer au Jaboc. Cette démarcation nous semble confirmée par les passages suivants: «Et aux tribus de Ruben et de Gad j’ai donné, de la terre de Galaad, jusqu’au torrent d’Arnon, au milieu du torrent, et les confins jusqu’au torrent de Jaboc, qui est la frontière des fils d’Ammon,» Deut., iii, 16; «Moïse donna aussi à la tribu de Gad et à ses enfants… la moitié de la terre des fils d’Ammon.» Jos., xiii, 24-25. Les Ammonites auraient ainsi, pendant la plus grande partie de leur histoire, occupé un territoire dont la limite occidentale, dans la direction que nous venons d’indiquer, auraitété parallèle au Derb el-Hadj actuel ou route des Pèlerins de la Mecque. Quant à la limite orientale, elle aurait confiné au désert d’Arabie. Ces parages, du reste, conviennent très bien à un peuple nomade comme celui dontnous parlons. On y trouve de vastes plaines herbeuses, etles flancs des collines sont creusés de puits maintenant àdemi comblés ou à sec. La route des Pèlerins traverse versle nord un pays accidenté où naissent de nombreux ouadis, qui se dirigent de l’est à l’ouest. Le pays cependant a dûêtre très habité à une certaine époque, comme l’attestentles ruines d’Oumm el-Reçâs, de Khanez-Zébib, d’Oummel-Ouéléd, de Zîza, de Machilta, sans parler de celles d’Amman. Cf. H. B. Tristram, The Land of Moab, 2e édit., Londres, 1874, p. 138-216.


110. — Carte du pays d’Ammon.

Chose digne de remarque, l'Écriture, qui se plaît à énumérer les villes de Moab (voir en particulier Jérémie, xlviii), ne mentionne point celles d’Ammon. Elle nous dit seulement que Jephté «frappa d’un désastre immense vingt villes depuis Aroër jusqu'à Minnith et jusqu'à Abel, qui est plantée de vignes», Jud., xi, 33. M. Tristram, ouv. cité, p. 139-140, a découvert cette dernière localité. Voir Abel-Keramîm. Nous lisons également que David infligea «à toutes les villes des fils d’Ammon» les mêmes représailles qu'à Rabbath. II Reg., xii, 31. En somme, c’est autour de cette capitale que semble se concentrer toute la vie du peuple ammonite. Sa situation, du reste, en faisait un des plus puissants remparts de la frontière occidentale. Ses ruines, conservant encore aujourd’hui, avec le nom ancien d’Amman, les débris de son antique splendeur, couvrent un espace assez étendu sur les deux rives de l’ouadi Amman, affluent du Jaboc supérieur. La colline qui au nord domine la vallée comprenait la ville haute ou citadelle; au-dessous s'étendait la ville basse avec un groupe de beaux monuments, théâtre, odéon, temples, voie triomphale, etc., témoins de son importance surtoutaux époques grecque et romaine. Voir Rabbath-Ammon. Les souvenirs de la civilisation primitive sont représentéspar les monuments mégalithiques. Très nombreux à l’est de la mer Morte, dans le pays de Moab (en 1881, on en comptait plus de 700), ils abondent dans les environsd’Amman. Cf. Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 11. Dolmens, menhirs, cercles ou amas de pierres couronnent, pour ainsi dire, le sommet de chaque colline, destinés à rappeler les âgespréhistoriques. Un des plus beaux spécimens de cromlechs se trouve au près d’Amman: le bloc supérieur n’a pas moins de quatre mètres de long sur trois de large (fig. 120). Cf.Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1882, p. 76, gravure, p. 65. Un certain nombre d’anciens tombeaux, creusés dans le roc, rappellent, par leurs dispositions, ceux des Juifs et des Phéniciens. Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 156-177, et Palestine Exploration Fund, 1882, p. 69, 99-109.

Les Ammonites n’eurent pas de possessions à l’ouest du Jourdain. À l'époque troublée des Juges, on les voit bien deux fois passer le fleuve: la première, comme alliés des Moabites et des Amalécites, pour «frapper Israël et s’emparer de la ville des palmes» ou Jéricho, Jud., iii, 13;

la seconde, «pour dévaster Juda, Benjamin et Ephraïm;» Jud., x, 9; mais ce ne furent que des incursions et déprédations passagères. Peut-être cependant pourrait-on trouver quelque trace de leur séjour dans le nom d’une localité appartenant à la tribu de Benjamin et appelée en hébreu: Kefar hâ'ammôni, «le village ammonite,» Vulgate: Villa Emona. Jos., xviii, 24.

A. Legendre.

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120. — Cromlech des environs d’Amman.

5. AMMON (Christoph Friedrich von), théologien protestant rationaliste, né à Bayreuth, le 16 janvier 1766, mort à Dresde, le 21 mai 1849. Il fit ses études à Erlangen, et y devint, en 1789, professeur extraordinaire de philosophie; en 1790, professeur extraordinaire de théologie; en 1792, quatrième professeur ordinaire et second prédicateur de l’université. En 1794, il alla à Gœttingue comme professeur de théologie, premier prédicateur et directeurdu séminaire théologique. Il fut rappelé à Erlangen, en 1804, où il eut le titre de surintendant et de conseiller consistorial d’Anspach. Il s'était acquis une grande réputation d'éloquence, et, en 1813, il fut choisi pour succéder à Reinhard, à Dresde, comme prédicateur de la cour (Oberhofprediger). Il fut en même temps conseiller consistorial supérieur (Oberkonsistorialrath). En 1831, il devint membre du conseil d'État de Saxe et du ministère des cultes et de l’instruction publique, et, plus tard, vice-président du consistoire de Saxe (Landeskonsistorium). Il joua un rôle important dans les affaires de l'Église protestante de ce pays. Il résigna toutes ses fonctions en 1849, et mourut la même année, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

Ammon a exercé une grande influence en Allemagne; il a été un des chefs de l'école rationaliste de ce pays, un écrivain fécond et érudit, versé dans la connaissancede la littérature orientale, rabbinique, grecque et latine, ancienne et moderne, mais sans profondeur. Ses derniers ouvrages surtout sont très superficiels. Le premierque nous avons à mentionner est son Entwurf einer rein biblischen Théologie, 1re édit., Erlangen, 1792; 2e édit., 3 in-8°, 1801-1802. Ce n’est guère qu’un recueil de matériaux, la collection de ce qu’on appelle les dicta probantia, c’est-à-dire des textes qu’on cite pour établir lesdogmes chrétiens; mais l’auteur essaye d’expliquer pour la première fois ces textes dans un sens rationaliste, ce qui a fait de son ouvrage comme le manuel du rationalisme historique et critique. Son critérium est «le sain bon sens». La révélation est pour lui soumise complètement à la raison, et c’est cette faculté qui nous manifestece que Dieu demande de nous. Cf. son Vom Ursprung und Beschaffenheit von unmittelbarer göttlich. Offenbarung, in-4o, Goettingue, 1797. L'inspiration n'est qu'«une sonore idée juive». Il n'y a ni miracles ni prophéties. Jésus est «le seul Messie moral», et c'est par la force de sa haute moralité qu'il a pu fonder une religion nouvelle. Il s'est du reste enveloppé à dessein d'une sorte de «clair-obscur allégorique». Les mêmes idées se retrouvent pour le fond dans sa Christliche Sittenlehre, in-8o, Erlangen, 1795; 5e édit., 1823, inspirée par la philosophie de Kant (cf. son Ueber die Æhnlichkeit des Innern, Wortes einiger neuern Mystiker mit den moral. Worte der Kantischen Schriftauslegung, in-4o, Goettingue, 1796), et dans sa Summa theologiæ christianæ, in-8o, Erlangen, 1808; 4e édit., 1830. Dans ces deux ouvrages, Ammon garde encore une certaine réserve; mais il n'en est plus de même dans son Fortbildung des Christenthums zur Weltreligion, eine Ansicht der höhern, Dogmatik, 4 in-8o, 2e édit., Leipzig, 1836-1838, apologie du plus vulgaire rationalisme, dans laquelle l'auteur considère la religion chrétienne comme un produit naturel du progrès de la civilisation, qui s'est modifié dans le cours des siècles. L'auteur, qui avait changé souvent lui-même d'opinion dans le cours de sa vie, applique sa propre histoire au christianisme.

Mentionnons, parmi les autres écrits d'Ammon: Programma de repentina Pauli ad doctrinam christianam conversione ad Act., ix, i-19, in-8o, Erlangen, 1792; Das Todtenreiche der Hebräer bis auf David, in-4o, Erlangen, 1792; Dissertatio inauguralis de adumbrationis doctrines de animorum immortalite a Jesu Christo propositæ præstantia, in-8o, Erlangen, 1793; Programma quo disquiritur quatenus disciplina religionis et theologiæ christianæ pendent ab historia Jesu Christi, in-4o, Goettingue, 1794; Entwurf einer Christologie des Alten Testaments, iii-8°, Erlangen, 1794; Nova versio græca Pentateuchi, 3 parties in-8o, Erlangen, 1790-1791; Comment. de versionis Veteris Testamenti venetæ græcæ usu, in-8o, Erlangen, 1791; Predigten über Jesum und seine Lehre, 2 in-8o, Dresde, 1819-1820; Die Geschichte des Lebens Jesu mit steter Rücksicht auf die vorhandenen Quellen dargestellt, 2 in-8o, Leipzig, 1842-1844. — Voir Christof Friedrich von Ammon nach Leben, Ansichten und Wirken, 1850. L'auteur est un Saxon qui a gardé l'anonyme, sans doute pour donner un libre cours à son admiration et à son enthousiasme, qui lui fait proclamer son héros «la première notabilité théologique du XIXe siècle».


AMMONI. Quelques commentateurs et géographes, tels qu'Adrichomius, Barbié du Bocage, etc., ont admis l'existence d'une ville d'Ammoni, qui aurait été située dans la tribu de Benjamin et d'où aurait été originaire Sélec, un des guerriers de David, parce que la Vulgate porte au second livre des Rois, xxiii, 37: «Sélec d'Ammoni.» Cette traduction doit être expliquée par celle de I Par., xi, 39, où on lit: «Selec l'Ammonite.» La ville d'Ammoni n'a, en effet, jamais existé. Sélec était Ammonite de nation, comme le porte le texte hébreu dans les deux passages où il est nommé, et comme l'a traduit exactement la Vulgate, I Par., xi, 39.


AMMONIENNES (SECTIONS). On appelle ainsi les subdivisions du texte des Évangiles qui avaient été imaginées par Ammonius d'Alexandrie, au commencement du IIIe siècle (vers 220), et qui sont indiquées, à partir du Ve siècle, dans tous les manuscrits grecs et latins qui contiennent les quatre Évangiles. Ammonius, pour établir la concorde des quatre Évangiles, prit pour base l'Évangile de saint Matthieu, en le divisant en sections d'après les événements qu'il raconte et les discours qu’il rapporte, et nota vraisemblablement vis-à-vis, par des renvois en chiffres, les passages parallèles des trois autres Évangiles, subdivisés dans le même but. Eusèbe, Epist. ad Carp., t. xxii, col. 1276. L’ouvrage d'Ammonius est depuis longtemps perdu; mais sa division, qui était très commode pour retrouver un passage quelconque des Évangélistes, a été conservée. Il avait partagé les quatre Évangiles en plus de mille sections, qui sont appelées tantôt pericopæ, tantôt lectiones, tantôt canones, le plus souvent capitula. Saint Matthieu en avait 355; saint Marc, 235; saint Luc, 343; saint Jean, 232. Ce chiffre varie cependant, quoique légèrement, dans les divers manuscrits. L'indication du nom de l'Évangéliste et du chiffre de la section permettait de trouver tout de suite le passage des Évangiles qu'on désirait trouver.

Eusèbe de Césarée compléta le travail d'Ammonius, et contribua beaucoup à le répandre en dressant avec exactitude les dix Canons évangéliques, destinés à montrer le parallélisme des quatre Évangiles, ce qui leur est commun et ce qui leur est propre. Ce sont dix tableaux, formes avec les chiffres des sections ammoniennes. Le premier contient, en quatre colonnes, tous les passages qui sont communs aux quatre Évangélistes; le second, en trois colonnes, ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc; le troisième, ceux de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Jean; le quatrième, ceux de saint Matthieu, saint Marc et saint Jean; le cinquième, en deux colonnes, les passages communs à saint Matthieu et à saint Luc; le sixième, ceux de saint Matthieu et de saint Marc; le septième, ceux de saint Matthieu et de saint Jean; le huitième, ceux de saint Marc et de saint Luc; le neuvième, ceux de saint Luc et de saint Jean; le dixième enfin, les passages propres à un seul évangéliste. Voir ces canons dans Migne, Patr. gr., t. xxii, col. 1277-1299.

Les sections ammoniennes n'ont pas été sans doute sans influence sur la division par chapitres et par versets, qui a prévalu plus tard dans nos Bibles. Elles ont été marquées encore de nos jours dans plusieurs éditions du Nouveau Testament de Tischendorf. Voir Harmonia quatuor Evangeliorum juxta sectiones Ammonianas et Eusebii canones, in-4o, Oxford, 1805; O. von Gebhardt, Bibellext des Neuen Testaments, dans Herzog's Real-Encyklopädie, 2e édit., t. ii, p. 404;Al. Michelsen, Evangelien-harmonie, ibid., t. iv, p. 425.


AMMONITES, fils d’AMMON (hébreu, le plus souvent: Benê-‘Ammôn; quelquefois: ‘Ammôni, Deut., xxiii, 4; I Sam., xi, 1, etc.; plur. ‘Ammônim, Deut., ii, 20; III Reg., xi, 5, etc.; deux fois seulement: ‘Amman, I Reg., xi, 11; Ps. lxxxiii (Vulg., lxxxii), 8; Septante: Υἱοὶ Ἀμμών; Ἀμμανίται) , peuple descendant d'Ammon ou Ben-Ammi , fils de Lot et de sa plus jeune fille. Gen., xix, 38.

I. Nom et origine. — Le nom d'Ammon peut-il se rattacher à celui de Ben-Ammi, donné par la mère pour rappeler que son enfant ne portait pas dans les veines de sang étranger? M. Reuss regarde cette étymologie comme absolument arbitraire et inadmissible, La Bible, l'Histoire Sainte et la Loi, t. i, p. 364. Cependant, sans rappeler l'interprétation traditionnelle donnée par la Vulgate et les Septante (voir Ammon 2) aussi bien que par Josèphe, Ant. jud., 1, xi, 5, d'accord avec le texte hébreu, Gen., xix, 38, il est permis d'opposer à cette assertion l'autorité de Gesenius déclarant cette étymologie «non étrangère aux lois de la langue», Thesaurus linguæ heb., p. 1044. Fürst traduit le mot par dem Volke Zugehöriger, «qui appartient au peuple,» Hebräisches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. ii, p. 158, et Delitzsch trouve entre ‘Ammǒn, «rejeton du peuple,» et ‘Am, «peuple,» la même analogie qu'entre ‘agmôn, «jonc,» proprement: «rejeton de l'étang,» et ‘àgâm, «étang.» Keil et Delitzsch, Biblical Commentary, The Pentateuch, trad. anglaise, t. i, p. 238. Nous retrouvons ce nom sous la même forme dans les inscriptions assyriennes: Bit-Ammân, écrit Am-ma-na (ni), forme semblable à celle de Bit-Ḥumri, «la maison d'Amri,» c'est-à-dire la Samarie. Ammon semble ainsi considéré comme nom de personne; aussi trouve-t-on quelquefoisle déterminatif personnel placé devant Amman. Cf. E.Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 141.

Le rationalisme n’a pas manqué non plus de voir dansl’origine incestueuse d’Ammon un mythe ethnographique, fruit de la haine nationale qui ne cessa d’exister entre les Israélites et les descendants de Lot. Cf. Reuss, L’Histoire Sainte et la Loi, l. 1, p. 363. Mais à cette affirmation gratuite, destinée uniquement à infirmer l’authenticité et la véracité du récit mosaïque, nous répondrons en rappelant l’origine des enfants de Juda, la plus importante des tribus d’Israël, origine qui n’est guère plus honorable, et qui cependant n’en est pas moins racontée dans le même livre. Gen., xxxviii. Cette haine du reste existait si peu au début, que Dieu ne voulut rien donner à son peuple de la terre des enfants de Moab et d’Ammon, parce qu’ils étaient fils de Lot, c’est-à-dire du même sang que les enfants d’Abraham. Deut., Il, 9, 19. La moitié du pays d’Ammon que posséda la tribu de Gad, Jos., xiii, 24-25, ne fut pas conquise en violation de cette défense: elle fut prise sur Séhon, roi des Amorrhéens et par conséquent, après avoir fait partie du territoire d’Ammon, elle ne lui appartenait plus lors de la conquête israélite.

Du récit de la Genèse ressort l'étroite parenté qui unissait Israël aux Moabites et aux Ammonites. D’un autrecôté, l’union très intime des deux tribus sœurs apparaîtd’un bout à l’autre de leur histoire. Souvent nomméesensemble, II Par., xx, 1, Sophon., ii, 8, elles sont accusées toutes deux d’avoir appelé Balaam pour maudire le peuple de Dieu, Deut., xxiii, 3-4, alors que le récit détaillé de l'événement ne mentionne pas Ammon. Num., xxii, xxiii. Dans la réponse de Jephté au roi d’Ammon, les allusions à Moab sont continuelles, Jud., XI, 15, 18, 25; Chamos, le dieu de Moab, Num., xxi, 29, y est appelé «ton dieu», Jud., xi, 24. Le pays de l’Arnon au Jaboc, que le roi ammonite appelle «ma terre», Jud., xi, 13, est donné ailleurs comme ayant appartenu à un «roi de Moab». Num., xxi, 26.

II. Histoire. — Pour s'établir à l’est de la mer Morte et du Jourdain, les Ammonites eurent à vaincre une race deRephaïm ou géants, «qu’ils appelaient Zomzommim.» Deut., ii, 20-21. Vaincus eux-mêmes plus tard par les Amorrhéens, ils furent refoulés vers l’est. Num., xxi, 24; Jud., xi, 13, 19-22. Voir Ammon 4. Depuis ce temps, leur histoire ne fut plus qu’une longue suite d’hostilités contre le peuple d’Israël. Au moment de l’exode, ils lui refusèrent des vivres dans le désert, Deut., xxiii, 4, et, deconcert avec les Moabites, firent appel contre lui aux perfides conseils et aux malédictions de Balaam. Deut., xxiii, 4, et II Esdr., xiii, 2. C’est pour cela qu’ils furent, comme leurs frères, exclus du droit de cité dans Israël, Deut., xxiii, 3; fait d’autant plus remarquable, que les Iduméens, qui s'étaient également opposés au passage des Hébreux, Num., xx, 18-21, mais n’avaient pas cherché à maudire la race de Jacob, pouvaient être admis, «à la troisième génération, dans rassemblée du Seigneur.» Deut., xxiii, 7, 8. Cependant Dieu défendit à son peuple de faire la guerre aux Ammonites, lui ordonnant de respecter la terre qu’il avait donnée aux fils de Lot. Deut., Il, 19. Ceux-ci n’eurent pas les mêmes égards pour la terre d’Israël.

Au temps d’Aod, ils se firent les alliés d'Églon, roi deMoab, pour opprimer les Hébreux. Jud., iii, 13. Mais bientôt, se sentant assez forts pour triompher seuls, ils revinrent à la charge. Poussés par l’amour de la guerre et du pillage, et aussi par le désir de reprendre ce beau pays de Galaad, qu’ils avaient autrefois possédé en partie, ils l’envahirent, malgré les montagnes qui le défendent. Depuis leur sortie d’Égypte, les Israélites n’avaient pas rencontré de plus cruels ennemis. Pénétrant dans cette contrée fertile, «y fixant leurs tentes avec de grands cris,» Jud., x, 17, les fils d’Ammon «broyèrent, suivant l'énergique expression de l’hébreu, et brisèrent violemment» les tribus qui l’occupaient. Jud., x, 8. Traversant même le Jourdain, ils poursuivirent leurs incursions et étendirent leurs ravages jusqu’au milieu de Juda, de Benjamin et d'Éphraïm. Jud., x, 9. Jephté, choisi par les tribus transjordaniennes pour repousser les pillards, nevoulut entreprendre la guerre qu’après avoir épuisé tousles moyens de conciliation avec des adversaires qu’il redoutait. Deux fois il envoya des ambassadeurs aux Ammonites pour leur demander quels étaient leurs griefs.Les négociations diplomatiques ayant échoué, il fallut envenir aux mains. Les enfants d’Ammon furent complètement battus. Vingt villes furent saccagées, depuis Aroër(voir Aroer 2) jusqu'à Minnith et Abel (voir Abel-Keramîm). Jud., xi, 1-33.

Cet échec cependant n’avait pas complètement ruiné leurs armes; car, très peu de temps après l'élection de Saül, nous voyons Naas, leur roi, mettre le siège devantJabès Galaad. Peut-être voulait-il faire revivre les prétentions de son peuple sur un pays bien convoité, ou plutôt, si l’on en juge par la menace qu’il fit aux habitants de leur arracher l'œil droit, voulait-il venger la défaite infligée par Jephté. Ne pouvant sans doute emporter immédiatement la ville de vive force, et ne comptant pas qu’elle pût être secourue, il lui accorda un délai de sept jours. Mais Saül, arrivant avec des troupes considérables, attaqua le camp ennemi de trois côtés à la fois. Surpris tout à coup, à une heure matinale, les Ammonites sans défiance furent battus jusqu’en plein midi, et complètement dispersés. I Reg., XI, 1-11. Ce ne fut pas le seul exploit accompli contre eux par Saül. I Reg., xiv, 47.

Tout en combattant le premier roi d’Israël, Naas traitaitDavid avec bienveillance. II Reg., x, 2. Quels services lui rendit-il? On ne le sait pas au juste. Il est probable que le roi d’Ammon, comme celui de Moab, IReg., xxii, 3-4, et celui de Geth, I Reg., xxvii, n’avait vu en David fugitif que l’ennemi de Saül, et comme tel l’avait couvert de sa protection. Mais l’amitié cessa quand le persécuté devint maître de tout Israël. Déjà entre celui-ci et Moab l’alliance était brisée. II Reg., viii, 2. David néanmoins, gardant toujours au cœur la reconnaissance envers Naas, envoya, lorsqu’il eut appris sa mort, porter ses condoléances à son fils Hanon. La haine alors se réveilla chez les princes ammonites, qui jetèrent des soupçons dansl’esprit du roi et lui représentèrent les ambassadeurs comme des espions. Hanon leur fit subir un traitement ignominieux. Mais, voyant qu’ils avaient fait injure à David, les fils d’Ammon enrôlèrent à prix d’argent, — moyennant mille talents, I Par., xix, 6, — les Syriens de Rohob et de Soba avec vingt mille fantassins, mille hommes de Maacha, et douze mille d’Istob. Outre l’infanterie, il y avait dans l’armée des chars et de la cavalerie. II Reg., x, 18; I Par., XIX, 6-7. En présence d’une ligue aussi formidable, David envoya un chef expérimenté, Joab, avec toutel’armée des braves (hébreu: gibbôrim), c’est-à-dire la troupe d'élite. Les Ammonites se déployèrent devant Rabbath, leur capitale, pendant que les Araméens étaient disséminés dans la plaine. Pris entre deux adversaires, Joab, en habile capitaine, divisa ses troupes en deux corps; puis, avec ses soldats d'élite, se porta lui-même contre les Syriens, tandis qu’Abisaï attaquait la ville. Les alliés se débandèrent, et, à cette vue, les Ammonites se renfermèrent dans leurs murs. Joab, sans chercher à les y forcer, rentra à Jérusalem. Cf. II Reg., x, 1-14; I Par., xix, 1-15. La guerre reprit au printemps. Les Israélites ravagèrent le pays d’Ammon et assiégèrent Rabbath. II Reg., xi, 1; I Par., xx, 1. Joab, s’étant emparé de la ville basse, appelée «ville des eaux», voulut laisser à David l’honneur de prendre la citadelle. Maître de la capitale, David ceignit le magnifique diadème du roi vaincu, recueillit un riche butin, et exerça de dures représailles envers les hommes armés (il est probable qu’il ne s’agit que de ceux-là): les uns furent sciés, les autres mis sous des herses de fer ou des faux tranchantes; d’autres furentjetés dans des fours à briques. II Reg., xii, 26-31; I Par., xx, 2-3. Le roi d’Israël en usait envers les Ammonites comme ceux-ci en usaient envers leurs ennemis. Cf. I Reg., xi, 2; Amos, i, 13. David, en partant, établit probablement Sobi, frère d’Hanon, comme roi tributaire. C’est au moins ce qui nous permet d’expliquer la conduite du prince ammonite à l'égard du royal exilé fuyant devant Absalom. Sobi lui envoya à Mahanaïm, à l’est du Jourdain, des lits, des tapis et différentes provisions. II Reg., xvii, 27-29.

Sous le règne de Josaphat, les Ammonites envahirent le royaume de Juda avec les Moabites et les Maonites.II Par., XX, 1. Ils vinrent camper à Asasonthamar ou Engaddi, à l’ouest et sur les bords de la mer Morte; mais une terreur subite jeta l'épouvante parmi les alliés, et «se tournant les uns contre les autres, ils succombèrent sous de mutuelles blessures», II Par., xx, 2-23, laissant entre les mains de Josaphat et de son peuple de telles dépouilles qu’ils eurent peine à les enlever en trois jours. II Par., xx, 25. Tributaires d’Ozias, II Par., xxvi, 8, ils durent serévolter soit pendant sa maladie, soit après sa mort; carJoatham «combattit contre les fils d’Ammon et les vainquit, et ils lui donnèrent pendant trois ans cent talents d’argent, et dix mille cors de blé et autant d’orge». II Par., xxvii, 5. Ce verset laisse supposer qu’ils se rendirent ensuite indépendants; ce qui put avoir lieu dans les dernières années de Joatham, lorsque Rasin, de Damas, et Phacée, d’Israël, commencèrent à attaquer le royaume de Juda. IV Reg., xv, 37. Pendant ce temps-là, Amos prophétisait contre eux, leur reprochant leurs cruautés. Amos, i, 13-15.

Quand l’Assyrie tourna ses armes vers l’ouest, ils furentpresque toujours ses vassaux. En 854 avant J.-C, Salmanasar II trouva dans la confédération de douze rois, qui voulaient arrêter sa marche triomphante, un roi d’Ammon, nommé Baasa, fils de Rehob. Il le vainquit, comme les autres alliés de Damas, d’Israël, etc., Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. 8; A. Amiaud et V. Scheil, Les Inscriptions de Salmanasar II, roi d’Assyrie, Paris, 1890, p. 40. Vers 732 ou 731, Téglathphalasar recevait les hommages et les tributs de Sanibu ou Salipu de Bît-Ammon, en même temps que ceux d’Achaz, roi de Juda. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi. 67; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 257; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit, 1889, t. iv, p. 118. Lorsque le même monarque assyrien eut transporté les tribus de Ruben, de Gad et la demi-tribu deManassé, IV Reg., xv, 29; 1 Par., v, 26, les Ammonites firent irruption sur leur territoire et l’occupèrent, comme si les Israélites eussent entièrement et pour toujours été détruits. C’est cet injuste attentat qui fut plus tard le point de départ de la prophétie de Jérémie contre eux, xlix, 1-6. Dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, en 701, Sennachérib vit Puduil de Bit-Ammon venir, avec les rois de Moab, d'Édom, etc., lui apporter le tribut et faire acte d’obéissance. Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennachérib, col. ii, 52; Cuneiform Inscriptions ofW. Asia, t. i, pi. 38-39; Schrader, ouvr. cité, p. 288; Vigouroux, ouvr. cité, p. 206. Le même roi ammonite est compté parmi les tributaires d’Assaraddon (681-668) en même temps que Manassé, roi de Juda, Cylindrebrisé d’Assaraddon, Cuneiform Inscrip. of W. A., t. iii, p. 16; Schrader, ouvr. cité, p. 355; Vigouroux, ouvr. cité, p. 250.

Un autre roi d’Ammon, Aminadab, fut vassal d’Assurbanipal (667-625). Cylindre C; Schrader, ouvr. cité, p. 355; Vigouroux, ouvr. cité, p. 264. Le prince assyrien, marchant contre les Arabes révoltés, envahit le territoiredes Ammonites, Cylindre A, Vigouroux, ouvr. cité, p. 294; mais, pendant que tous les peuples qui entouraient la Palestine courbaient le front devant le vainqueur, lesenfants de Jacob osèrent lui résister. Holopherne, songénéralissime, connaissant les sentiments haineux desMoabites et des Ammonites contre les Juifs, voulut lesexploiter à son profit. Il réunit donc les chefs de ces deux peuples, dans l’espoir d’obtenir des renseignements précieux. Achior, «chef de tous les fils d’Ammon,» faillit être victime du beau témoignage qu’il rendit aux merveilles de la Providence divine en faveur des Israélites. Judith, v, vi. Cependant les enfants d’Ammon et ceux d'Édom prirent une part très active au siège de Béthulie, Judith, vii, 1-11; voir surtout le texte plus explicite des Septante. Sous Nabuchodonosor (604-561), les Ammonites, avec les Moabites, les Iduméens, le roi de Juda, etc., cherchèrent à secouer le joug et à recouvrer leur indépendance, pendant que le roi de Babylone en venait aux mains avec les Élamites. Mais bientôt celui-ci, reprenant le chemin de l’occident, soumit les révoltés et en finit avec le royaume de Juda, dont il fit une province do son empire, avec Godolias pour gouverneur. En apprenant la nomination de ce dernier, un certain nombre de Juifs, dispersés au moment de la guerre, revinrent dans leur pays; mais à peine la petite colonie eut-elle rassemblé ses membres épars qu’elle courut un nouveau danger. Baalis, roi des Ammonites, fit mettre à mort Godolias. Jérém., XL, 14; xli, 2. Quel motif le poussait à ce crime? Peutêtre l’espoir de détruire le dernier soutien des Juifs et de s’emparer ainsi plus facilement de leur pays.

La chute du royaume de Juda provoqua chez les Ammonites une joie féroce, dont le châtiment, prédit par Ézéchiel, xxi, 20-22; 28-32; xxv, 1-7, commencé par les Chaldéens, achevé par les Arabes, subsiste de nos jours dans sa plus évidente réalité. Après la captivité, ils cherchèrent, sous la conduite de Tobie, à empêcher la reconstruction des murailles de Jérusalem. II Esdr., iv, 1-8. Soumis successivement à l’Égypte et à la Syrie, ils virent leur capitale échanger son vieux nom de Rabba contre celui de Philadelphie, en l’honneur de Ptolémée Philadelphe, qui la restaura. Voir Etienne de Byzance, Leipzig, 1825, t. i, p. 416. Leurs forces cependant n’avaient pas plus diminué que leur haine; car lorsque, de concert avec les Iduméens, les Samaritains, etc., «ils résolurent d’exterminer la race de Jacob,» Judas Machabée, marchant contre eux, «trouva une forte armée et un peuple nombreux, avec Timothée pour chef;» ce qui le força à livrer beaucoup de combats, mais ne l’empêcha pas d’obtenir une victoire définitive. I Mach., v, 1-7. Gouvernés plus tard par un tyran nommé Zenon Cotylas, Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 1, ils tombèrent finalement sous la dominationromaine. Saint Justin nous apprend que, de son temps, ils étaient encore très nombreux. Dialog. cum Tryphone, t. vi, col. 752. Ils disparaissent de l’histoire au me siècle et se confondent alors avec les autres Arabes qui habitent le désert à l’est du Jourdain.

III. Mœurs, religion, langue. — L’histoire que nousvenons de résumer suffit pour nous faire apprécier le caractère des Ammonites. Il répond à la peinture que nousen ont laissée les Prophètes, qui nous les montrentpleins d’orgueil, de haine et de cruauté. Confiants dansleurs plaines fertiles et leurs trésors, les fils d’Ammonsemblent tout braver, Jer., xlix, 4; ennemis séculaires du peuple hébreu, ils applaudissent à sa ruine, Ezech., xxv, 6; pour le mieux détruire, ils égorgent ses enfants jusqu’au sein de leurs mères. Amos, i, 13. Jérémie a donné à cette nation son vrai nom en l’appelant: «fille rebelle,» xlix, 4(c’est le sens de l’hébreu: baṭ haššôbêbâh). Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1375. Oubliant ses liens de parenté avec la race d’Abraham, elle a repoussé Dieu et son peuple. Tout en elle manifeste les sentiments du nomade pillard. C’est, en effet, cette vie que menèrent les Ammonites, en se retranchant derrière certaines villes, qui leur servaient de refuge, comme leur capitale. L'Écriture nous le laisse entendre; car, si elle énumére les nombreuses villes de Moab, avec leurs rues, leurs places publiques; si elle nous représente les vignes de ce pays, ses pressoirs, les chants de ceux qui foulent le raisin, Is., XV, xvi; Jer., XL viii, elle se contente de mentionner les vallées d’Ammon et sa forteresse principale. Au lieu d’un peuple sédentaire, elle nous met sous les yeux une multitude partant pour ses incursions avec son mobilier et ses richesses, quitte à laisser, au moment de la défaite, un immense butin, ce qui arriva sous Josaphat. II Par., XX, 23. Il ne faudrait pas croire cependant que ce fût une horde sans organisation. Elle était gouvernée par un roi, Jud., xi, 12, etc., et par des princes, sârim. II Reg., x, 3; I Par., xix, 3.

La religion des Ammonites n'était pas faite pour adoucirleurs mœurs. Des deux sentiments très différents, maistrès violents, du cœur humain, qui caractérisent le cultechananéen, c’est-à-dire la sensualité et la terreur, c’est ce dernier qui semble dominer chez les enfants d’Ammon.Leur dieu est Moloch, Milcom ou Malkom, III Reg., xi, 7; Jer., xlix, 3, etc., le dieu du feu, du soleil brûlant. En perdant la notion primitive du vrai Dieu, ils le confondirent avec le ciel ou plutôt avec l’astre dont l'éclat frappait leurs yeux, et dont la chaleur produit partout la fécondité et la vie. La terreur engendre la cruauté. Moloch, comme Baal, voulait des rites sanguinaires et cruels. «Il était représenté, d’après la tradition juive, sous la forme d’un taureau d’airain, dont l’intérieur était creux et vide. Il étendait ses bras comme un homme qui se dispose à recevoir quelque chose. On chauffait le monstre à blanc, et on lui offrait alors en holocauste une innocente victime, un enfant, qui était promptement consumé.» Vigouroux, ouv. cité, t. iii, p. 255. Voir Moloch. Malgré la haine qui divisait les deux peuples israélite et ammonite, malgré les défenses et les menaces de Dieu, cette abominable idole eut, à Jérusalem, un temple bâti par Salomon, III Reg., xi, 7; et des pères de famille ne craignirent pas de lui consacrer leurs enfants. IV Reg., xxiii, 10.

La langue des Ammonites était à peu près la même quecelle des Hébreux. Nous n’avons pas, comme pour lesMoabites, de monuments semblables à la stèle de Mésa; mais les noms qui nous ont été conservés par la Bible oufournis par les inscriptions assyriennes peuvent tous s’expliquer par l’hébreu ou se rapporter à des noms hébreux: Achior, «frère de la lumière», Judith, v, 5; Baalis (hébr.: Baʿâlis, «joyeux» ), Jer., XL, 14; Hanon (hébr.: Hânûn, «digne de miséricorde» ), II Reg., x, 1; I Par., xix, 2; équivalent du carthaginois Hannon; Moloch (hébr.: Môlék, «roi» ), Lev., xviii, 21, etc.; Naama (hébr.: Naʿâmâh, «douce» ), III Reg., xiv, 21; Naas (hébr.: Nâḥâš, «serpent» ), I Reg., xi, 1, etc. Aminadab, des inscriptions cunéiformes, répond à ʿAmminādâb, I Par., ii, 10 (Voir Revue des Études juives, t. ii, 1881, p. 123); Baasa à Baʿesaʾ, Baasa, III Reg., xy, 16; Puduil à Pedaheʾêl, Num., xxxiv, 28; Sanibu à Šinʾâb, Gen., xiv, 2.

A. Legendre.

AMMONITIDE, pays habité par les Ammonites. VoirAmmon 4.

1. AMMONIUS d’Alexandrie vivait au IIIe siècle. Il ne nous est guère connu que par sa division des quatreÉvangiles en sections qui, de son nom, s’appellent sections ammoniennes. Voir Eusèbe, Epist. ad Carp., t. xxii, col. 1276; S. Jérôme, De scriptor. eccl., 55, t. xxiii, col. 667. Beaucoup de savants ont cru qu’Ammonius avait composé un Monotessaron ou Concorde des quatre Évangiles, et l’on a même publié sous son nom (voir Migne, Patr. lat., t. lxv, col. 255) le Monotessaron de Tatienvoir Tatien); mais il s'était borné à indiquer par desrenvois, à l’aide de ses divisions, les passages des troisderniers Évangiles qui étaient parallèles au premier. VoirAmmoniennes (sections). Eusèbe, H. E., vi, 19, t. xx, col. 568, et S. Jérôme, loc. cit., nous apprennent qu’Ammonius avait aussi écrit un livre De l’accord de Moïse et de Jésus, Περὶ τῆς Μωϋσως καὶ Ἰησοῦ συμφωνίας, dont il ne nous reste rien. Eusèbe s’est du reste trompé au sujet d’Ammonius, en confondant cet écrivain chrétien avec le philosophe Ammonius Saccas. Voir J. A. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. v, p. 713-714; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des N. T. Kanons, t. 1, 1881, p. 31-34.

2. AMMONIUS d’Alexandrie, prêtre et économe del'église de cette ville, souscrivit, en 458, la lettre desévêques d’Égypte à l’empereur Léon pour la défense duConcile de Chalcédoine. Il jouit, parmi les anciens, de laréputation d’habile exégète. Anastase le Sinaïte, en particulier, en fait un grand éloge. Hodeg., xiv, t. lxxxix, col. 244. Ses œuvres ont péri; il n’en reste que quelques fragments, qui ont été recueillis dans les Chaînes des Pères grecs, sur les Psaumes, Daniel, saint Matthieu, saint Jean, les Actes et la première Épître de saint Pierre. Ils ont tous été publiés dans la Patrologie grecque de Migne, t. lxxxv, col. 1361-1609. Les plus importants sontceux qui se rapportent à l’Évangile de saint Jean et auxActes des Apôtres. Voir J. A. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. v, p. 722-723.


AMNER Richard, théologien unitarien, né en 1736, à Hinckley, dans le comté de Leicester, en Angleterre, mort le 8 juin 1803. Il entra à la Daventry Academy en 1755, devint pasteur de la chapelle unitarienne de Middlegate Street à Yarmouth, en 1762, d’où il alla à celle de Hampstead à Londres, en 1765. En 1777, il devint pasteur de Cosely, dans le comté de Strafford, et en 1794, abandonnant le ministère pastoral, il se retira à Hinckley, sa ville natale, où il passa les dernières années de sa vie. Son premier écrit (anonyme) est intitulé: A Dissertation on the weekly Festival of the Christian Church, Londres, 1768. Son ouvrage principal est An Essay towards the interprétation of the Prophecies of Daniel, with occasional Remarks upon some of the most celebrated Commentaries on them, in-8°, Londres, 1776; 2e édit, 1798. Le but de l’auteur est de chercher à établir, contre l’enseignement traditionnel, que les prophéties de Daniel ne se rapportent pas au Messie, mais à la persécution d’Antiochus Épiphane. Voir S. A. Allibone, Critical Dictionary of English literature, 1880, t. i, p. 58.


AMNON, hébreu: ʾAmnôn, «fidèle;» Septante: Ἀμνών.

1. AMNON (hébreu: ʾAmnôn, une fois ʾǍmînôn, II Sam., xiii, 20), fils aîné de David et d’Achinoam la Jesraélite. Il naquit à Hébron, dans le temps où son père ne régnait encore que sur la tribu de Juda. II Reg., iii, 2. Ce prince nous est connu seulement par une action criminelle racontée II Reg., xiii, et par la mort tragique qui en fut la punition. Il avait conçu pour sa sœur Thamar, fille de David et de Maacha, une passion si violente qu’il en tomba malade, désespérant de pouvoir arriver à ses fins parce que Thamar était soigneusem*nt gardée et qu’elle habitait, comme les autres enfants de David nommés dans cette histoire, une maison séparée. II Reg., xiii, 7, 8, 20.Cette sorte de dispersion de la famille, conséquence ordinaire de la pluralité des femmes, rendait plus difficiles et plus rares les relations entre les enfants. De là devait aussi résulter une certaine altération et un amoindrissem*nt de l’amour fraternel, assez faible déjà entre ces demifrères, enfants de mères toujours rivales, souvent ennemies, cf. I Reg., 1, 4-7; ils pouvaient finir par se considérer plus ou moins comme des étrangers les uns vis-à-vis des autres. C’est ainsi que put s’allumer dans le cœur d’Amnon la flamme impure qui le consumait et le faisait dépérir à vue d'œil.

Jonadab, son cousin et son ami, lui arracha un jour lesecret de ce mal étrange. Il Reg., xiii, 2, 4. Le résultat de cette confidence fut le détestable conseil que Jonadab donna à Amnon de feindre une aggravation de sa maladieet de s’aliter. Le roi ne manquerait pas de venir le visiter, et alors Amnon, simulant une envie de malade, demanderait à son père que Thamar vînt préparer en sa présence quelque mets appétissant qu’elle lui servirait de ses propres mains. Ce plan fut exécuté de point en point. David ne pouvait soupçonner l’abominable dessein que cachait cette prière d’Amnon: il acquiesça à son désir et lui envoya Thamar. Celle-ci prépara sous les yeux de son frère des gâteaux appelés lebîbôṭ, et les lui présenta. C’est à ce moment qu' Amnon lui découvrit son infâme affection et la pressa d’y correspondre. Sa sœur repoussa cette proposition avec horreur. Elle le conjura de ne pas commettre un tel crime et, ignorant sans doute qu’une telle union était contraire à la loi, Lev., xviii, 9, elle lepria de la demander, comme épouse, à leur père David, II Reg., xiii, 13; mais il resta sourd à ses supplications, et la force brutale eut raison de toutes ses résistances. Aussitôt après, peut-être par l’effet de la honte et du remords, son ardent amour pour Thamar se changea en une haine plus forte encore; il lui ordonna de sortir sur-le-champ. Vainement elle protesta contre cette nouvelle injure, dont l'éclat allait rendre public son déshonneur; il ne voulut rien entendre, et, appelant un serviteur, il lui commanda de la jeter dehors et de fermer la porte derrière elle. II Reg., xiii, 17.

Lorsque David apprit ce qui s'était passé, il en fut extrêmement affligé (hébreu: irrité). Le texte original n’en dit pas davantage. La Vulgate et les Septante ajoutent: «Mais il ne voulut pas contrister le cœur d’Amnon, son fils, car il l’aimait tendrement parce qu’il était son aîné.» II Reg., xiii, 21. Il laissa donc sa faute impunie, comme le donne à entendre le silence du texte sacré. Ce n’est pas la seule fois que David se soit montré faible pour ses enfants, cf. III Reg., i, 5-6; mais il est permis de penserque, dans cette circonstance, le souvenir de sa proprechute toujours présent à son esprit, Ps. L, 5, contribua aussi à lui ôter le courage de châtier un fils qui ne faisait qu’imiter son exemple. L’inceste d’Amnon était d’ailleurs à ses yeux le commencement des malheurs prédits par Nathan, II Reg., xii, 11, et xvi, 10, et c'était encore pour David un autre motif d’indulgence.

Absalom, fils de David et de Maacha comme Thamar, vit d’un autre œil l’attentat dont sa sœur avait été la victime. Dans les familles fondées sur la polygamie, lesfrères germains sont les protecteurs naturels de leurssœurs. Cf. Gen., xxxiv, 31. C’est pour cette raison que Thamar alla porter ses plaintes, non chez David, mais chez Absalom, qui dès ce jour résolut de la venger quand le moment serait venu. II Reg., xiii, 32. En effet, après avoir dissimulé son ressentiment pendant deux ans, temps suffisant pour ôter à Amnon toute crainte de représailles, Absalom invita les princes, ses frères, à un grand festin qu’il donnait dans son domaine de Baalhasor, à l’occasion de la tonte des troupeaux, et, pendant le repas, lorsque Amnon, excité par le viii, fut tout entier à la confiance et à la joie, les serviteurs d’Absalom l’assassinèrent à sa place même, sur un signal donné par leur maître. II Reg., xiii, 22-29. Voir Absalom.

L’histoire d’Amnon est en même temps l’histoire d’unepassion, dont l’auteur sacré nous retrace les progrès, les ravages et les plus terribles excès aboutissant à une amère déception, cf. Eccle., II, 2, premier châtiment auquel vient enfin s’ajouter celui d’une mort violente; et ainsi se trouve appliquée une fois de plus cette loi de la justice divine: «L’homme est puni par où il a péché.» Sap., XI, 17.

E. Palis.

2. AMNON, fils de Simon, de la tribu de Juda. I Par., rv, 20.

AMOC ( hébreu: ʿAmôq, «profond; «Septante: Ἀμέκ), chef d’une famille sacerdotale qui revint de la captivité avec Zorobabel. II Esdr., xii, 6, 20. Au temps du pontificat de Joacim, elle était représentée par Héber.

AMŒNUS Prudentius, auteur ecclésiastique dont onne connaît que le nom. On lui attribue un Enchiridion, appelé aussi Dittochæon ou Diptychon, poème latin de cent quatre-vingt-seize hexamètres, divisés en quarante-neuf strophes de quatre vers, ayant chacune un titrespécial, et racontant les principaux événements de l’Histoire Sainte. L’Enchiridion a été imprimé pour la première fois sous son nom dans la collection de G. Fabricius, Poetarum veterum ecclesiasticorum opera christiana, thésaurus catholicæ et orthodoxæ Ecclesiæ, in-4°, Bâle, 1564. Ce petit poème a été reproduit par Migne, Patr. lat., t. lxi, col. 1075-1080. Voir W. Smith, Dictionary of Christian Biography, t. i, 1877, p. 103.

AMOMUM (Ἄμωμον), parfum. Il est nommé dans uncertain nombre de manuscrits et dans les éditions critiques du Nouveau Testament grec de Griesbach, deLachmann, de Tischendorf, après le cinnamome, dansl’Apocalypse, xviii, 13.


121. — Cissus vitigenea.

Ce mot ne se lit pas dans le textus receptus grec et dans la Vulgate latine. Il peut avoir disparu de plusieurs manuscrits, parce qu’il se confondait avec la terminaison du mot précédent: καὶ κιννάμωμον καὶ ἄμωμον. — L’amomum nous est connu par les écrivains grecs et latins, Dioscoride, i, 14; Théophraste, Hist. plant., ix, 7; Fragm., 4; De odor., 32; Pline. H. N., xii, 13, 1; mais ils l’ont caractérisé d’une manière si vague, qu’il est impossible de dire avec certitude quelle est la plante d’où l’on tirait le parfum désigné par ce mot. Sprengel, Hist. rei herb., t. i, p. 140, 247 (cf. Fraas, Syn. plant. floræ class., p. 98), suppose que c’est la Cissus vitigenea d’Arménie (fig. 121). La Cissus vitigenea ou Cisse à feuilles de vigne est un arbrisseau grimpant, du genre des Vitigénées, qui atteint de six à sept mètres. Ses feuilles, en forme de cœur, sont persistantes; ses fleurs, nombreuses, petites et cotonneuses à l’extérieur; ses baies, bleuâtres et odorantes. Pline décrit l’amomum dans les termes suivants: «La grappe d’amomum est employée; c’est le produit d’une vigne indienne sauvage; d’autres ont pensé qu’elle provenait d’un arbrisseau semblable au myrte, de la hauteur d’une palme. On l’arrache avec la racine, on en forme des bottes avec précaution, car il est fragile tout d’abord. On estime surtout celui qui a les feuilles semblables à celles du grenadier, sans rides, et d’une couleur rousse. Au second rang est celui qui est pâle. L’amomum qui ressemble à de l’herbe vaut moins, et le moins bon de tous est le blanc, couleur qu’il prend aussi en vieillissant… Il naît aussi dans la partie de l’Arménie qu’on nomme Otène, dans la Médie et dans le Pont.» Pline, H. N., xii, 13 (28), traduct. Littré, 1848, 1. 1, p. 482-483. L’amomum assyrien paraît avoir joui particulièrement d’une grande réputation. Virgile, Eclog., iv, 25, édit. Lemaire, t. i, p. 131. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, ii, 3, édit. Didot, t. i, p. 770. On se servait de cette huile aromatique pour parfumer les cheveux:

Si sapis, Assyrio semper tibi crinis amomo
Splendeat, et cingant florea serta caput,

dit Martial, Epigr., vii, 77, édit. Lemaire, t. ii, p. 364. Voir aussi Ovide, Heroid., xxi, 166, édit. Lemaire, t. i, p. 391; Silius Italicus, XI, 402, édit. Lemaire, t. i, p. 672.

F. Vigouroux.

AMON, hébreu: 'Amôn, «architecte ou nourrisson [?];» Septante: Ἀμώς, Ἀμών.

1. AMON (Septante: Ἀμώς), quatorzième roi de Juda, fils de Manassès et de Messalémeth, succéda à son père à l'âge de vingt-deux ans. IV Reg., xxi, 18-19; II Par., xxxin, 21. Le nom d’Amon ne se rencontre que dans ces deux passages. Manassès, adonné à l’idolâtrie, avait-il appelé ainsi son fils par respect pour la grande idole des Égyptiens, Nah., iii, 8, ou pour plaire au roi d’Egypte? Cela peut être, mais rien ne le prouve; car le nom ʾÂmôn a une forme vraiment hébraïque, dont la signification est exactement déterminée ʾâmôn, «constructeur, architecte» ). Héritier de l’impiété de son père, Amon se livra comme lui à l’idolâtrie, et servit «toutes les immondices qu’avait servies son père, et les adora». IV Reg., XXI, 21. Il le dépassa même en irréligion. II Par., xxxiii, 23. Après deux ans d’un règne sans gloire et rempli de ces iniquités (642-641), il tomba victime d’une odieuse machination, et fut assassiné à l'âge de vingt-quatre ans, dans son palais, par ses propres serviteurs. IV Reg., xxi, 23; II Par., xxxiii, 24. Cet attentat souleva l’indignation publique, et le peuple fit justice des meurtriers. Pour Amon, il fut enseveli, comme Manassès, dans le jardin d’Oza, IV Reg., XXI, 26, qui entourait la maison de plaisance qu’il possédait hors de la ville, dans une situation inconnue. IV Reg., xxi, 18. Il eut pour successeur son fils Josias.

P. Renard.

2. AMON, gouverneur de Samarie au temps d’Achab.III Reg., xxii, 26; II Par., xviii, 25. Il reçut du roi l’ordre de garder dans une dure prison le prophète Michée.

3. AMON, Chananéen. II Esdr., vii, 59. Il est appelé Ami, I Esdr., ii, 57. Voir Ami.

AMONA (hébreu: Hămônâh; Septante: Πολνάδριον). Ce mot signifie «multitude». Ezéchiel, xxxix, 16, appelle ainsi la ville située dans la vallée de Hamon-Gog (hébreu: Gêʾ Hămôn Gôg; Septante: Γαὶ τὸ πολυάνδριον τοῦ Γώγ; Vulgate: Vallis multitudinis Gog, Ezech., xxxix, ii, 15), où seront ensevelies les troupes innombrables de Gog après leur défaite. Cette vallée était, d’après le v. 11, «la vallée des voyageurs, à l’est de la mer.» La mer n’est pas désignée d’une manière précise: c’est la mer Méditerranée, d’après Calmet et Hengstenberg; la «vallée des voyageurs» est la plaine de Mageddo, qui était la grande route commerciale de la Palestine et le champ de bataille où de tout temps se sont livrés des combats importants, depuis les Égyptiens et les Assyriens jusqu'à Napoléon Ier; la cité d’Amona est la ville de Mageddo, qui fut appelée plus tard par les Romains Legio (aujourd’hui el-Ledjoun), nom presque synonyme d’Amona, «multitude.» On objecte contre cette explication que la mer dont parle le prophète ne saurait être la Méditerranée, parce que, dans ce cas, les mots «à l’est de la mer s n’auraient aucun sens, puisque toutes les vallées de la Palestine étaient à l’est de la Méditerranée.

Le Targum et un certain nombre de commentateurs pensent que la mer dont il est ici question est celle de Génésareth, c’est-à-dire le lac de Tibériade, que les Hébreux désignaient sous le nom de mer. Beaucoup demodernes croient qu’il s’agit de la mer Morte, et que les mots: «la vallée des voyageurs,» indiquent la grande route commerciale de Damas à la péninsule de l’Arabie, correspondant probablement à la route actuelle des pèlerins (Derb el-Hadj), allant de la même ville à la Mecque (voir la carte, col. 490). «La vallée où le carnage s’accomplit est au delà de la mer Morte, c’est-à-dire en un lieu profane,» dit M. Le Hir, Les trois grands prophètes, in-12, Paris, 1877, p. 347. D’après son explication, qui est celle d’un grand nombre d’autres interprètes, «tous ces noms, Amona, etc., sont symboliques. Les efforts que l’on a faits pour appliquer cette prophétie à la chute des Chaldéens (Ewald), de l’armée de Cambyse (dom Calmet) ou d’Antiochus Épiphane et de ses armées (Jahn), sont superflus et contredisent l’histoire, ou ne s’accordent pas avec le texted'Ézéchiel.» Ibid. Il est plus probable, en effet, qu’Amona ne désigne pas une ville réelle, mais est un nom figuré de la nécropole où devaient être ensevelies les armées de Gog.

F. Vigouroux.

AMORAS ou AMÔRAÏM. Comme les Tannaïtesavaient pris la Bible pour base de leurs explications, et formé peu à peu le recueil appelé Mischna, ainsi les Amôraïm, «interprètes,» leurs successeurs, travaillèrent sur la Mischna, et de leurs commentaires, élaborés à Tibériade et dans les écoles de l’Iraq, résultèrent deux ouvrages parallèles, portant chacun le nom de Ghemara, «supplément» (de la Mischna) ou de Talmud: le Talmud de Jérusalem, œuvre des docteurs palestiniens, et celui de Babylone, œuvre des docteurs de l’Iraq. Sur les Amôraïm, voir Chiarini, Théorie du judaïsme, IIe partie. Le catalogue des principaux docteurs amôraïm qui parlent dans le Talmud est donné dans un autre ouvrage du même auteur: Le Talmud de Babylone traduit en langue française et complété par celui de Jérusalem et par d’autres monuments de l’antiquité judaïque, 2 vol. in-18, Leipzig, 1831. Au premier volume, p. 120-126, il en cite soixante-dix-huit, qui pour la plupart ne sont connus que de nom. Un manuscrit hébreu de la Bibliothèque nationale, 187, 2°, 11, contient les noms des auteurs de la Mischna…, du Talmud de Jérusalem et du Talmud de Babylone. Sur quelques-uns des principaux Amôraïm, tels qu’Abba Aréka, R. Abina, R. Aschi, R. Chiya, on peut voir des détails spéciaux à l’article qui leur est consacré. Voir Bächer, Die Agada der babylonischen Amoräer, in-8°, Strasbourg, 1878.

E. Levesque.

1. AMORRHÉENS (hébreu: ʾÉmôrî; toujours avecl’article et au singulier, hâʾémôrî; Septante: ᾈμοῤῥαῖοι), tribu chananéenne, mentionnée la quatrième parmi les onze qu'énumère la table ethnographique, Gen., x, 16, et la plus importante de celles qui occupaient le pays avant l’arrivée des Israélites.

I. Nom. — Plusieurs auteurs, acceptant l'étymologieproposée par J. Simonis, Onomasticon, donnent à ʾÉmôrî le sens de «montagnard», d’un mot perdu ʾÉmôr, «élévation, mont,» et d’après la signification primitive d’ʾâmar, «élever,» cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 122: c’est ainsi que le mot ʾâmîr, Is., xvii, 6, 9, est généralement traduit par cacumen, «sommet;» les Septante en ont même fait le nom propre Ἀμoῤῥαῖoι. Les Amorrhéens auraient ainsi été les «Highlanders» de la Palestine, ou habitants des pays hauts, tandis que les Chananéens proprement dits en auraient été les «Néerlandais» ou habitants des pays bas. Cette explication semble appuyée par certains passages de l’Écriture. Ainsi les explorateurs envoyés par Moïse pour examiner la Terre Promise, revinrent en disant: «Amalec habite au midi, l’Héthéen et le Jébuséen et l’Amorrhéen dans les montagnes; le Chananéen habite près de la mer (la plaine des Philistins) et du Jourdain (vallée du Ghôr).» Num., xiii, 30. Nous lisons dans Josué, v, 1: «Lorsque tous les rois des Amorrhéens qui habitaient au delà du Jourdain, vers la plage occidentale, et tous les rois de Chanaan qui possédaient les contrées voisines de la grande mer, eurent appris que le Seigneur avait desséché les flots du Jourdain, etc.» Cf. Deut., i, 44; Jos., x, 6; xi, 3. De là l’expression de «montagne des Amorrhéens» employée pour désigner le massif méridional de la Palestine. Deut., i, 7, 20.

Il est bon cependant de ne presser ni l'étymologie ni les textes, et il faut reconnaître à ce mot Amorrhéen un sens large et un sens strict, qu’il est important de distinguer pour ne pas prêter de contradictions aux auteurs sacrés. Comment se fait-il, en effet, que les Chananéens de Num., xiv, 45, sont appelés Amorrhéens, Deut., i, 44; que la ville d’Hébron est attribuée aux Amorrhéens, Jos., x, 5, tandis qu’elle appartenait aux Chananéens d’après Jud., i, 10; que l’«hévéen» de Gen., xxxiv, 2, devient amorrhéen, Gen., xlviii, 22, etc.? Ces difficultés tombent d’elles-mêmes, si l’on assigne au mot Amorrhéen la triple signification suivante, qui ressort du reste tout naturellement des différents passages où nous le lisons dans l’Ancien Testament.

1° Il a le sens général de Chananéen. Après la conquête de la Terre Promise, Josué, dans un dernier discours, demande au peuple s’il entend préférer au Seigneur «les dieux de ces Amorrhéens dont il occupe la terre». Jos., xxiv, 15, 18; Jud., vi, 10. Sous Samuel on fait remarquer qu'à une certaine époque «la paix existait entre Israël et l’Amorrhéen». I Reg., vii, 14, etc. Ce sens large est surtout employé quand il s’agit des idoles et de l’impiété des peuples vaincus par Israël, et dont il ne suivit que trop souvent les funestes exemples. III Reg., xxi, 26; IV Reg., xxi, 11; Ezech., xvi, 3, 45. Il est possible du reste que ce nom, appliqué d’abord à une tribu ou à une région déterminées, ait pris plus tard dans l’usage une plus grande extension, et ait fini par désigner l’ensemble des populations chananéennes; c’est ainsi que les Alemanni ont donné leur nom à l’Allemagne, et que le continent africain doit le sien à la province septentrionale d’Afrique. Cette explication est d’autant plus admissible, que les Amorrhéens paraissent avoir été le plus important des peuples chananéens.

2° Ce nom indique plus strictement les principaux habitants de la Palestine méridionale. Avant comme pendant la conquête, nous voyons les Amorrhéens établis sur les points les plus avantageux de la contrée, à Asasonthamar ou Engaddi, dominant ainsi tout le rivage occidental de la mer Morte, Gen., xiv, 7; à Hébron, Gen., xiv, 13; à Lachis, à Jérimoth et à Églon, Jos., x, 5, dominant la Sephéla, et défendant l’accès de leurs montagnes. Ils sont mentionnés avec les Héthéens et les Jébuséens comme occupant le sud de Chanaan. Num., xiii, 30. Il est à remarquer d’ailleurs que, dans les vingt endroits où l'Écriture énumère les différents peuples de ce pays, elle distingue formellement l’Amorrhéen du Chananéen. Cf. Gen., xv, 21; Exod., iii, 8; xiii, 5; xxiii, 23; xxxiii, 2; xxxiv, 11; Num., xiii, 30; Deut., vii, 1; xx, 17; Jos., iii, 10; v, 1; ix, 1; xi, 3; xii, 8; xxiv, 11; Jud., iii, 5; I Esdr., ix, 1; II Esdr., ix, 8; Judith, v, 20.

3° Enfin ce nom désigne positivement les deux royaumes de Séhon et d’Og, «les deux rois des Amorrhéens,» à l’orient de la mer Morte et du Jourdain. Deut., iii, 8, 9; iv, 46, 47; Jos., ii, 10; ix, 10; xxiv, 12.

II. Pays.

Le pays des Amorrhéens, appelé par Josèphe ἡ Ἀμωρῖτις, Ant. jud., TV, vii, 3; ἡ Ἀμωραῖα, ibid., V, i, 1, était connu des Égyptiens sous le nom de , Amar, ou encore Amaûr. Cf. P. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 24. Il comprenait deux contrées distinctes, de chaque côté du Jourdain. Voir la carte (fig. 122).


122. — Carte du pays des Amorrhéens.

Pays cisjordanien. La première mention qui est faite des Amorrhéens, Gen., xiv, 7, nous les montre occupant, à l’ouest de la mer Morte, le territoire d’Asasonthamar, c’est-à-dire, d’après II Par.,xx, 2, Engaddi, ville célèbre par ses vignes, Cant, i, 13, ses palmiers et son baume.Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2. Plus haut, dans cette gracieuse vallée qui, entre deux chaînes de vertes collines, parsemées de bouquets d’oliviers, porte la ville d’Hébron, Abraham en rencontrait qui se faisaient ses alliés. Gen., xiv, 13. Au moment de la conquête, l'Écriture parle des cinq rois amorrhéens de Jérusalem, d’Hébron, de Jérimoth (Khirbet-Yarmouk, au nord-est de Beit-Djibrin), de Lachis (Oumm el-Lakis), et d'Églon (Khirbet-Adjlàn, située, comme la précédente, à l’ouest de Beit-Djibrin). Jos., x, 5. Une partie de la tribu campait même aux environs d’Accaron (Akir) et de Joppé (Jaffa), puisqu’elle refoula les Danites dans la montagne. Jud., i, 34. Enfin leur frontière s'étendait, au midi, jusqu'à «la montée du Scorpion» (voir Acrabim), Jud., i, 36, et allait peut-être, au nord, jusque vers Sichem. Gen., xlviii, 22.

Les Amorrhéens occupaient ainsi principalement ce qu’on appelle les montagnes de Judée. Cette contrée, qui comprend le double versant de la Méditerranée et de la mer Morte avec une partie de celui du Jourdain, commence, du côté de l’ouest, par une région basse, formant comme le premier étage du massif orographique, et composée de collines peu élevées, séparées par de grandes plaines et admirablement disposées pour servir de forteresses. Au-dessus, les sommets les plus élevés, aujourd’hui assez arides et de forme généralement conique, sont séparés par d'étroits ravins, dont quelques-uns sont trèsprofonds, où se précipitent dans la saison des pluies de rapides torrents. Moins fertile naturellement que le reste de la Palestine, ce pays était néanmoins riche en pâturages, en blé, en fruits et surtout en vin.

Pays transjordanien. Les Amorrhéens, à l’est du Jourdain, formaient deux royaumes. Au midi, celui de Séhon, compris entre l’Arnon, le Jaboc et le Jourdain, se trouvaitcomme dans une presqu'île, suivant la juste comparaison de Josèphe, Ant. jud., IV, v, 2. Il avait pour capitaleHésébon (Hesbdn). Num., xxi, 24-26; Deut., ii, 26-37; Jos., xil, 2-3. Celui du nord, capitale Édraï (aujourd’hui Der'ât), était situé, d’un côté, entre le Jaboc et l’Hermon; de l’autre, entre le Jourdain et le Djebel Hauràn, confinantà la Syrie de Damas. Il portait le nom de royaume de Basan, et était gouverné par Og, «de la race des géants, et qui habitait à Astaroth et à Édraï.» Jos., xli, 4; Num., xxi, 33. Il comprenait ainsi la moitié du pays de Galaad, Jos., xii, 5; la Gaulanitide, le Djaulân actuel, «la régiond’Argob (c’est-à-dire le Ledjah actuel, l’ancienne Trachonitide, suivant certains auteurs, ou la plaine du Hauràn, En-Nouqra, selon d’autres), avec ses soixante villes.» Voir Argob. «Toutes les villes étaient munies de murs très hauts, de portes et de traverses, sans compter d’innombrables villes qui n’avaient pas de murs.» Deut., iii, 4, 5. Selcha ou Salécha (aujourd’hui Salkhad) était un des forts avancés du côté de l’est. Deut., iii, 10; Jos., xii, 5.

Ces deux royaumes, dans leur ensemble, s'étendaient ainsi depuis l’Arnon jusqu’au grand Hermon. Deut., iii, 8; Jos., xii, 1. Tout ce pays est un immense plateau, de 750 à 900 mètres d’altitude au-dessus de la Méditerranée, n’ayant l’apparence de montagne que par sa berge occidentale, qui descend en gradins vers le lac de Tibériade etle Jourdain, et tombe à pic dans la mer Morte. Il est coupé, dans toute son épaisseur, par trois grands torrents: le Yarmouk (Chéri’at el-Mandhoûr), le Jaboc (Nahr Zerqa) et l’Arnon (Ouadi el-Modjib), qui divisent les hautes terres en fragments inégaux. En outre, des ouadis secondaires ravinent profondément les massifs rocheux et les sculptent en promontoires des formes les plus variées, mais dont le sommet, çà et là revêtu de laves basaltiques, semble de loin se confondre en une table uniforme, à peine dépassée par quelques pointes pyramidales. Cf. E. Reclus, Asie antérieure, p. 708. La contrée septentrionale, le Djaulàn, n’a que des tells, buttes ou monts isolés, alignés du nord au sud, et échelonnés du côté du Jourdain. Unlarge fossé, le Yarmouk, dont les branches s'étendent au nord jusqu’au versant oriental de l’Hermon, et à l’est jusqu’au Djebel Hauran, la sépare d’un pays plus montueux, l’Adjloun, bien arrosé par les affluents directs du Jourdain, et parsemé de prairies comme la Galilée n’en eut jamais dans ses plus beaux temps. Le Jaboc vient ensuite couper en deux les anciens monts de Galaad, décrivantdans sa course une demi-ellipse d’environ 110 kilomètres. Enfin du Jaboc à l’Arnon s'étend le Belka avec ses magnifiques pâturages, ses collines boisées, ses villes nombreuses, ses monuments mégalithiques. Voir Ammon, Moab, Galaad, Basan.

La région dont nous venons de décrire la physionomie générale se termine au nord-est par l’Auranitide ou le Hauran, pays remarquable autant par sa nature géologiqueque par le nombre infini et l’aspect tout particulier des sites ruinés qu’il renferme. Il se divise en trois parties distinctes. C’est d’abord un massif de montagnes volcaniques, le Djebel Hauran, semblable à la chaîne des Puys d’Auvergne. Plusieurs cônes, rouges comme les blocs calcinés sortis des fours, «s’alignent sur une longueur dedix kilomètres en une batterie de volcans; c’est de là que sont sorties les énormes coulées qui forment une mer de laves, l’Argob des Hébreux, s’allongeant vers le nord-ouest, dans la direction de Damas.» E. Reclus, ouv. cité, p. 699. Cette seconde partie, ou Ledjah, n’est ainsi qu’une vaste nappe de matières fondues, qui s’est craquelée dans tous les sens en se refroidissant, coupée par des crevasses profondes et un labyrinthe de défilés. Enfin «la pente du Hauran», En-Nouqrat él-Haurân, forme, à l’ouest, uneplaine fertile, ondulée et parfois bien cultivée, couverte de villes.

Au dire des voyageurs qui ont exploré cet étrange pays, c’est bien celui d’un peuple de géants, la contrée des Rephaïm; et les nombreux monuments que le temps y a conservés sont les perpétuels témoins de la véracité durécit biblique. Parmi les anciennes habitations qu’il renferme, on peut en distinguer quatre sortes: 1° Lesdemeures des troglodytes, c’est-à-dire des grottes artificielles de 9 à 10 mètres de long sur 6 mètres de large et 3 mètres de haut, précédées d’une petite cour où l’on avait accès par une porte de pierre. 2° Des villages souterrains, dans lesquels on pénétrait par une tranchée profonde, qui se continuait par des passages ou rues de 5 à 7 mètres de large, flanquées d’habitations souterraines.On en trouve précisément un semblable à Der’at (Édraï), une des résidences d’Og, roi de Basan. Cf. G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1880, p. 135-148, plan, p. 136. 3° Des chambres creusées dans la surface du plateau rocheux et couvertes d’une solide voûte en pierre.4° Enfin des maisons de pierre construites en blocs de basalte parfaitement taillés. Cf. J. G. Wetzstein, Reisebericht über Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 44 et suiv.

Quoique abandonnées et désertes depuis des siècles, les villes et bourgades de ce pays se sont bien conservées. Leur nombre et leurs ruines répondent à la description qu’en fait la Sainte Écriture. «Quelque mystérieux etincroyable que cela paraisse, dit J. L. Porter, j’ai vu de mes propres yeux que cela est littéralement vrai. Les cités sont encore là aujourd’hui. Quelques-unes portent encoreles anciens noms mentionnés dans la Bible.» The Giant cities of Bashan, Londres, 1872, p. 13. Qu’il nous suffise de citer Salkhad, Bosra, Der’at, El-Qanaouât (Canath), Chaqqa, El-Mousmiyéh. Cette multitude de villes et de villages, debout au milieu de ces tristes solitudes, a quelque chose de fantastique et de désolé, qui fait sur l'àme du voyageur une impression indéfinissable. La conservation de ces cités primitives s’explique par la nature de leur construction. Les maisons sont faites en blocs épais depierres basaltiques, et les portes elles-mêmes sont formées d’une seule dalle de six pieds de haut et d’un pied d'épaisseur, roulant sur deux forts pivots taillés dans la dalle même et insérés dans l'épaisseur des parois.

M. Maspero, d’après Brugsch, dit qu’une des tribus amorrhéennes «avait poussé jusque dans la vallée de l’Oronte, et s’appuyait sur la célèbre Qodshou (Cadès)». Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 185. Ne pouvant décrire ici que dans ses grandes lignes le territoire des Amorrhéens à l’est du Jourdain, nous renvoyons pour les détails aux ouvrages suivants: C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 106-156, 178-196; H. B. Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874; G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886; J. L. Porter, The Giant cities of Bashan, Londres, 1872; p. 9-97; J. G. Wetzstein, ouv. cité; G. Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, ou dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, t. ix, 1886. Outre la carte ci-jointe, voir celles des tribus de Rubex, de Gad et de Masassé oriental.

III. Histoire. — Les renseignements qui nous restent sur les Amorrhéens cisjordaniens avant l’arrivée des Israélites sont peu nombreux. Ceux qui habitaient Asasonthamar ou Engaddi furent battus par Chodorlahom*or et sesalliés. Gen., xiv, 7. Déjà Abraham avait trouvé des amis parmi ceux d’Hébron. Gen., xiv, 13. Unis aux Amalécites, ils repoussèrent la première invasion que, du désert, lesHébreux tentèrent dans le pays de Chanaan malgré l’ordreformel de Dieu: «Ils poursuivirent ceux-ci comme lesabeilles ont coutume de poursuivre.» Deut., i, 43-44.Attirés par les riches contrées qui s'étendent à l’est de lamer Morte et du Jourdain, ils y fondèrent les deuxroyaumes dont nous avons parlé. Num., xxi, 26.

Les Israélites, arrivés au torrent d’Arnon, qui séparaitles Moabites des Amorrhéens, se virent obligés de traverserdu sud au nord le territoire de Séhon. Ils lui envoyèrentdonc des messagers pour lui demander la permission depasser, promettant «de ne pas se détourner dans leschamps et dans les vignes, de ne pas boire l’eau des puits, mais de l’acheter à prix d’argent, comme tous les alimentsdont ils auraient besoin, enfin de marcher par la routeroyale (le Derb es-Soultân, expression encore employéeen Orient) jusqu'à ce qu’ils eussent franchi les frontières».Num., xxi, 22; Deut., ii, 26-29; Jud., xi, 19. Sourd à despropositions si raisonnables, le roi leur refusa le passage, et, rassemblant son armée, marcha contre eux dans ledésert. La bataille eut lieu à Jasa. Num., xxi, 23; Deut., ii, 32. Dieu, qui avait défendu à son peuple d’entrer en lutteavec les Iduméens, les Moabites et les Ammonites, Deut., ii, 5, 9, 19, parce qu’ils lui étaient unis par les liens dusang, lui ordonna d’attaquer les Amorrhéens et de s’emparer de leur pays. Deut., ii, 24. Les tribus chananéennesétaient, en effet, vouées à l’extermination à cause de leursiniquités. Gen., xv, 16. La défaite de Séhon fut complète.Frappé sans quartier avec tout son peuple, il vit tomberentre les mains des Israélites le territoire qu’il avait lui-même enlevé aux enfants de Moab et d’Ammon. Num., xxi, 24-20; Deut., ii, 33-37. Josèphe donne de la batailleun récit plus détaillé, Ant. jud., IV, v, 2. Cette premièreconquête des Hébreux et surtout la prise d’Hésébon, capitale du royaume, donnèrent lieu à un chant dont quelquesstrophes nous ont été conservées. Num., xxi, 27-30. Séhoneut peut-être pour alliés les Madianites avec leurs cinqchefs, appelés ses vassaux. Jos., xiii, 21; Num., xxxi, 8.L’occupation de Jazer, ville importante, située au nordd’Hésébon et à l’ouest de Rabbath - Ammon, vint compléter pour Israël la conquête du premier royaume amorrhéen, en lui préparant la voie pour s’emparer du royaumeseptentrional.

S’avançant au delà du Jaboc, dans le pays de Galaad, les vainqueurs entrèrent sur les domaines d’Og, roi deBasan. Celui-ci vint à leur rencontre avec tout son peuple, et leur présenta la bataille à Édraï. Battu comme Séhon, il laissa aux conquérants les riches contrées que nousavons décrites. Num., xxi, 33-35; Deut., iii, 1-7. Moïsedistribua les terres des deux rois amorrhéens aux tribusde Ruben, de Gad, et à la demi-tribu de Manassé. Num., xxxii, 33; Jos., xiii, 8-13.

Quand les Hébreux eurent franchi le Jourdain, pris laville de Jéricho, dont la chute entraîna celle de Haï, deBéthel, de Sichem même, au cœur du pays, les Chananéens qui habitaient le sud furent remplis d’effroi en présence de ces succès et au bruit des prodiges que Dieuavait opérés en faveur de son peuple. Jos., v, 1. Pourarrêter les progrès des envahisseurs, les rois le plusimmédiatement menacés se coalisèrent. Le plus puissantd’entre eux, Adonisédec, roi de Jérusalem, se mettant àleur tête, appela Oham, roi d’Hébron; Pharam, roi deJérimoth; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d'Églon, non pas pour attaquer Josué lui-même, mais bien lesGabaouites, qui s'étaient volontairement soumis à ce dernier. Ils vinrent camper autour de la ville de Gabaon etl’assiégèrent. Prévenu du danger que couraient ses alliés, Josué, encore à Galgala, forçant la marche de ses troupes, arriva dans une seule nuit, et tomba à l’improviste surles Amorrhéens confédérés. Au lever du soleil, les Israélites étaient au pied des montagnes de Gabaon. Pleinsd’ardeur et forts de la protection divine, ils mirent lesennemis en fuite et en firent un grand carnage. Ceux-ciavaient pris la direction de l’ouest pour gagner, après uncertain détour, la plaine de Saron. La débandade, commencée sur la longue montée qui va de Gabaon à Béthoron-le-Haut (Beit-‘Our el-Fôqa), s’acheva sur la descente qui conduit à Béthoron-le-Bas (Beit-Our et-Taḥta).Une grêle de pierres, lancée par le ciel, fit plus de victimes que l'épée des Israélites. Arrivé au sommet dudéfilé où se trouve Béthoron-le-Haut, Josué vit au-dessousde lui l’armée amorrhéenne fuyant en toute hâte et dansla plus grande confusion. C’est à ce moment solennelqu’il prononça ces paroles mémorables: «Soleil, arrête-toisur Gabaon; et toi, lune, dans la vallée d’Aïalon.» Et lesoleil fut immobile et la lune s’arrêta, jusqu'à ce que lepeuple se fût vengé de ses ennemis. Les cinq rois confédérés s'étaient enfuis et cachés dans une caverne deMacéda, probablement sur les dernières pentes des montagnes, au bord de la Sephéla. Josué les fit saisir et mettreà mort; puis, après avoir exposé jusqu’au soir leurscadavres suspendus à cinq poteaux, il les jeta dans lacaverne où ils s'étaient cachés, et plaça de grandes pierresà l’entrée de la grotte. Jos., x, 1-27. La manière dont levainqueur traite les rois vaincus était commune dansl’antiquité. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 187, n. 2. Ladéfaite des princes amorrhéens mit d’un seul coup entreles mains des Hébreux la partie de Chanaan qui s'étenddes montagnes d'Éphraïm au désert du midi. Jos., x, 28-42.


123. — Tête d’Amorrhéen. Bristish Museum.

Vaincus, les Amorrhéens, aussi bien que les autresChananéens, ne furent pas complètement exterminés. Ilsdemeurèrent au milieu des Israélites, qui s’unirent à euxpar des mariages et trop souvent se laissèrent aller àimiter leur idolâtrie. Jud., iii, 5-7. Salomon leur imposades tributs et des corvées. III Reg., ix, 20-21; II Par., vin, 7-8. Après la captivité, les Juifs eurent avec eux desliaisons qu’Esdras s’appliqua à briser. I Esdr., ix, 1-2; x.

Les monuments égyptiens mentionnent quelques victoires des Pharaons sur les Amorrhéens, principalementsur ceux de la vallée de l’Oronte, sous Séti Ier et Ramsès II.Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., p. 214-215, 220; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., Paris, 1882, t. ii, p. 232.

IV. Mœurs, religion, langue.

La Bible n’indiqueaucun caractère particulier qui distingue les Amorrhéensdes autres peuples chananéens. Le prophète Amos, lesprenant en quelque sorte pour types de ces derniers, compare leur taille à celle des cèdres, et leur force à celle duchêne, ii, 9, rappelant, par cette hyperbole poétique, l’impression qu’ils avaient produite sur les explorateurs envoyés par Moïse. Num., xiii, 33, 34. Les artistes égyptiens, qui se sont appliqués à reproduire avec exactitude la physionomie des races vaincues et les traits des rois prisonniers, nous représentent (fig. 123) les Amorrhéens avec de longs cheveux noirs serrés autour de la tête par une bandelette souvent ornée de petit* disques. La barbe est allongée en pointe, et le vêtement consiste en une longue tunique fermée, avec des manches courtes, et retenue à la taille par une ceinture dont les bouts sont pendants. Leurs armes sont l’arc et le bouclier oblong. C’est ainsi qu’on les voit sur les monuments de Médinet-Abou (fig. 124), et sur certains fragments antiques provenant du palais de Ramsès III, à Tell el-Yahudéh, dans la Basse-Egypte. Cf. H. G. Tomkins, Studies on the Urnes of Abraham, Londres, p. 85, et planche VI.

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124. — Captif amorrhéen. Temple de Médinet-Abou.

M. Flinders Petrie, dans les fouilles qu’il a commencées en 1890 à Tell el-Hésy, sur la rive gauche de l’ouadi de même nom et au sud-ouest de Beit-Djibrin, a cru retrouver le site de Lachis, ancienne ville amorrhéenne, généralement placée un peu plus loin, à Oumm el-Lakis. Il a découvert des murs antiques qui rappellent les vieilleset fortes cités dont parle l'Écriture, Num., xiii, 29, et un grand nombre de poteries qui seraient les plus curieux spécimens de l’art amorrhéen. Voir, pour les détails, son ouvrage, Tell el-llesy (Lachish), in-4o, Londres, 1891, et Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1890, p. 159-170, 219-246; 1891, p. 97, 207, 282-298. Voir Lachis.

La religion des Amorrhéens ne différait pas de celle des Chananéens en général. Cependant, comme nous l’avons fait remarquer, c’est leur nom qui est le plus souvent cité quand il s’agit de l’idolâtrie et des iniquités de ces peuples. Cf. Ezech., xvi, 3, 45. Une des résidences duroi Og, Astaroth-Carnaïm ou Astarté aux deux cornes, rappelle le nom d’une des principales divinités de ce pays, Astarté, qu’on représente quelquefois avec un croissant d’or au-dessus de la tête. De même Baal entre dans la composition de certains noms de villes, comme BaalGad, Baal-Hazor, Baal-Méon, etc.

Les Amorrhéens devaient également parler la mêmelangue que les autres habitants de Chanaan. Un seul mot particulier nous a été conservé: c’est le nom qu’ils donnaient au mont Hermon, Sanir (èenir), Deut., iii, 9, et qu’on retrouve dans les inscriptions assyriennes sous la formé Sa-ni-ru. Cf. Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies? Leipzig, 1881, p. 104.

A. Legendre.

2. AMORRHÉENS (MONT DES). Moïse, dans le Deutéronome, i, 7, appelle ainsi, non pas une montagne particulière, mais le pays montagneux qu’habitaient les Amorrhéens, avant d’en avoir été chassés par les Israélites, au sud de la Palestine entre Bersabée et Cadesbarné.

AMORT Eusèbe, théologien catholique allemand, né le 15 novembre 1692, à Bibermùhle, près de Tölz, en Bavière, mort à Polling, le 5 février 1775. Il entra encore jeune au monastère des chanoines réguliers de Polling, et y devint, en 1717, professeur de philosophie, puis de théologie. Plus tard, le cardinal Lereari se l’attacha comme théologien, et son séjour à Rome lui permit d’acquérir beaucoup de connaissances qu’il utilisa à son retour, en 1735, dans son couvent, qu’il ne quitta plus jusqu'à sa mort, en 1775. Parmi les nombreux ouvrages qui l’ont rendu célèbre comme théologien et canoniste, nous n’avons à citer que sa Demonstratio critica religionis catholicæ, in-f°, Venise, 1744, qui touche à diverses questions scripturaires. Voir A. von Savioli-Corbelli, Ehrendenkmal des Eus. Amort, Gedächtnissrede in einer öffentl. Versammlung der Akademie der Wissenschaften 1777 zu München gehalten; Baader, Das gelehrte Bayern, Nuremberg, 1804, t. i, p. 20; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. i, col. 754.

1. AMOS (hébreu: עטום, 'Amôs, «porteur»; Septante: Ἀμώς) qu’il ne faut pas confondre avec Amos (hébreu: אטוץ, 'Âmôs) père d’Isaïe, est le troisième des petit* prophètes.

I. Vie d’Amos. — Amos, originaire de Thécué (Am., 1, 1), était un pasteur (nôqêd) qui, de plus, cultivait les sycomores, dont il vendait les fruits (Am., vii, 14, bolês = κνίζων, distringens). Voir Thécué et Sycomore. Il paissait donc un troupeau, le sien peut-être, lorsqu’il fut envoyé de Dieu en Israël pour y prophétiser. Il alla à Béthel, où était le sanctuaire national, Am., vii, 13, le centre du culte des veaux d’or, et il y remplit sa mission. Là il rencontra dans la personne d’Amasias, sacrificateur de Béthel, un violent contradicteur. Dénoncé par lui à Jéroboam II et invité à retourner en Juda: «Je suis un simple berger sans culture littéraire, répondit-il, mais enfin pourtant je suis un envoyé de Jéhovah.» Cf. Am., vii, 14-15. Il prédit ensuite à Amasias qu’il mourrait en pays étranger, que les siens subiraient la mort et la honte, et qu’Israël serait emmené en captivité. Am., vii, 10-17. Après cet épisode, on ne sait ce qu’il devint. Pseudo-Épiphane, De vitis prophet., t. xliii, col. 405, et pseudo-Dorothée racontent qu’il fut frappé aux tempes d’une massue (clava; autre leçon: clavo), qu’il fut porté mourant à Thécué, et qu’il y expira deux jours après; mais ces détails nous paraissent une légende sans autorité.

II. Date et caractère de sa prophétie. — Amos prophétisa sous les rois Ozias de Juda et Jéroboam II d’Israël, Am., i, 1, entre l’an 804 et l’an 779, par conséquent. Ilaccomplit sa mission très probablement vers la fin du règne de Jéroboam II, car plusieurs textes supposent les victoires de ce prince. L’indication: «deux ans avant letremblement de terre,» Am., 1, 1, ne dit absolument rien pour nous, puisqu’on ignore la date de ce tremblement de terre, d’ailleurs célèbre. Zach., xiv, 5. Le royaume d’Israël, à cette époque, était puissant et riche. Il n’avait plus à craindre les Syriens, ses voisins redoutables. IV Reg., xiii, 7. À Joas, heureux déjà dans ses guerres, avait succédé un roi plus brave encore; Jéroboam II avait renduà Israël ses frontières, depuis l’entrée d'Émath jusqu’autorrent du désert, IV Reg., xiv, 25, selon la parole de Jonas.L’Assyrie avait-elle contribué à ce relèvement d’Israël?Quelques-uns le pensent, et le «sauveur» dont il s’agitIV Reg., xiii, 5, serait, selon eux, Rammanirari III.G. Brunengo, L’impero di Babilonia et di N’mive, Prato, 1885, t. i, p. 418 et suiv. Quoi qu’il en soit, le royaume du Nord avait atteint l’apogée de sa gloire. Mais il s’en fallait beaucoup que l'état moral et religieux répondit à ce grand éclat. À cet égard, c'était une vraie décadence: les riches et les grands opprimaient les pauvres par des exactions et des injustices, par le vol et l’usure; les marchands faussaient les mesures: ils faisaient l’épha aussi petit et lesicle aussi grand que possible, Am., viii, 5, 6; tous se livraient à l’orgueil, au luxe, à la vie molle et voluptueuse. D’autre part, l’idolâtrie dominait partout: on sacrifiait sur les hauts lieux; à Béthel, dans le petit temple élevé par le roi (miqdaš mélek), on adorait Jéhovah sous la figure d’un jeune taureau d’or; de même à Galgala. Am., iv, 4. On allait en pèlerinage sur les frontières à Bersabée. Am., v. 5. On observait les fêtes, on offrait des holocaustes, on payait les dîmes, sans doute, mais sans esprit de vérité et de justice. On conçoit que l’habileté et l’activité guerrière de Jéroboam II n’aient pu arrêter la décadence. Elle devait se précipiter. La perte était certaine.

Ce fut à cette date et dans ces conditions que parut Amos.Il vint de Juda, trait déjà caractéristique; il se rendit àBéthel, en plein centre d’idolâtrie. Dieu lui avait confié unedouble mission: reprocher à Israël ses infidélités à la loi, et lui dénoncer un châtiment devenu inévitable. Il remplitcette mission comme il convenait. Il parlait durement, sans voiler le crime, sans dissimuler la punition, sanscrainte. Ses discours étaient brefs, pleins d’images. Il lesrépétait sans doute. Il avait des visions qu’il exposaitcomme il les avait eues. On s’imagine aisément la profonde impression qu’il dut produire sur Israël. L'épisoded’Amasias rapporté plus haut en est une preuve. Am., vu, 10-21. Son ministère de terreur fut très court, à cequ’il semble. Il était terminé deux ans avant le tremblement de terre dont il est parlé, Ain., i, 1. Amos était sansdoute retourné à Thécué.

M. Renan a dénaturé le caractère et la mission de ceprophète. Amos, selon lui, «fut l’interprète des protestations de la démocratie théocratique contre les nécessités d’un monde qui échappait chaque jour aux rêves enfantins.» Ce fut «la première voix de tribun que le monde ait entendue… On peut dire que le premier article de journaliste intransigeant a été écrit 800 ans avant J.-C. et que c’est Amos qui l’a écrit… Il y a beaucoup d’exagération dans le tableau qu’il trace des crimes qui se commettaient dans Samarie. Homme d’opposition à outrance, Amos voit tout en noir…» Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1889, t. ii, p. 425, 431; cf. 432, 434, 436. Rien ne justifie ces appréciations. Tout ce que l’on peut savoir d’Amos les contredit. S’il fut l’interprète de protestations, ce fut des protestations de Lieu, comme il le dit lui-même. S’il fut homme d’opposition, c’est sur l’ordre de Dieu, et, à cet égard, il a conquis notre admiration. Quant à l’exagération de ses peintures morales, elle n’existe pas: M. Renan sait-il mieux qu’Amos, un contemporain, cequ’il en était des mœurs et de la société de ce temps? —Aucun autre rationaliste n’a osé traiter Amos avec cetteinjustice.

III. Authenticité de la prophétie d’Amos. — Rentré en Juda, Amos voulut mettre ses prophéties par écrit. Il rédigea donc le livre tel que nous l’avons aujourd’hui. À quelle date, ou ne le sait pas au juste. Il paraît bien que ce fut après le tremblement de terre. Am., i, 1. Qu’il soit l’auteur de ce livre, c’est ce qui est prouvé: 1° par la tradition tant juive que chrétienne; 2° par le style du livre lui-même, qui est, par les tournures et les images qui le distinguent, celui d’un berger, comme était Amos; 3° par l’affirmation explicite qu’il contient, Am., vii, 1, 4, et viii, 1 ( «Jéhovah m’a montré ces choses» ); vii, 2, 5, 8; viii, 2; ix, 1. L’emploi du style indirect, Am., i, 1, 2 («Paroles d’Amos», etc.); vii, 14 ( «Et Amos répondant», etc.) n’infirme pas cette dernière preuve. D’ailleurs les adversaires l’avouent: «Il est incontestable, dit Th. Nöldeke (Schenkel’s Bibel-Lexicon, au mot Amos), que l’ouvrage doit être attribué à Amos. Jamais un doute ne s'élèvera à cet égard.» Il s’en est élevé un cependant, car on lit dans il. Vernés, Les Résultats de l’Exégèse biblique, Paris, 1890, p. 208: «Quelques lignes d’Amos… peuvent surnager, mais le corps en doit être sacrifié sans hésitation.» De son côté, M. Renan, ouvr. cit., p. 435, note 2; p. 439, note 1, attribue en général la compilation, ou, si l’on veut, l’extrait des prophètes à des écrivains du Sud, qui l’auraient fait d’une «manière tendancieuse». Mais ces affirmations ne tiennent pas debout: ce sont des hypothèses. Du reste, elles ont pour cause un préjugé dogmatique connu, la négation de l’existence de la prophétie. Voir, sur l’origine du livre, O. Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, Bielefeld et Leipzig, 187-2, p. 152-158.

Amos est donc l’auteur de ce petit écrit, et cet écrit estinspiré. Ce point ne fait aucun doute. L'Écriture, en effet, le cite comme tel: Tob., ii, 6: «par le prophète Amos»; cf. Am., viii, 10; I Mac, i, 41; Act., vii, 42, 43: «Comme il est écrit dans le livre des prophètes»; voir Am., v, 25, 26; Act., xv, 15, 16, 17: «Les paroles des prophètess’accordent avec lui (Pierre), selon qu’il est écrit»; voirAm., ix, 1. Les prophètes postérieurs y font souvent allusion, surtout s’il s’agit des peuples étrangers (O. Schmoller, ouvr. cit., p. 158). Aussi existe-t-il dans toutes les listes canoniques, privées ou officielles. Son inspiration et sa canonicité sont un point de foi.

IV. Plan et analyse de la prophétie. — Cet écrit nerenferme pas toutes ies prophéties faites par Amos. Il n’encontient que les idées principales, et encore y sont-ellesprésentées dans un ordre nouveau. R. Cornely, Introductio in utriusque Test, libros sacros, II, 2, Paris, 1887, p. 57. — Le plan est simple: une introduction etdeux parties. L’introduction est une série d’oracles analogues contre les peuples étrangers et Juda. Ils amènentnaturellement les prophéties contre Israël. À leur tour, ces prophéties affectent, les unes la forme de discours, les autres celles de visions. Les discours, comme lesvisions, sont étroitement unis entre eux: un discoursappelle l’autre, et les visions se rattachent aux discours parla similitude du sujet traité. Am., viii, 4-14, explique la suite des visions. Or ce texte suppose les reproches et les menaces qui sont dans les discours. Tel est le plan du livre en général. Cf. O. Schmoller, ouvr. cit., p. 153, 154. — En voici l’analyse. Introduction, i-ii. Inscription, 1, 1. Menace générale tirée de Joël, 1, 2. Amos reproche à Damas, à Gaza (Philistins), à Tyr, les crimes qu’ils ont commis contre Israël. Il leur prédit le châtiment distinctqui va les frapper, i, 3-10. Il agit de même vis-à-visd'Édom, d’Aminon et de Moab, trois peuples apparentés, i, ii-ii, 3. Amos passe de là à Juda, qui sera puni par lefer pour avoir violé la loi et couru après les idoles, ii, 4, 5. Il s’arrête ensuite à Israël lui-même. Israël vend le juste pour de l’argent et le pauvre pour une paire de sandales. Il opprime le faible (ʾébyôn) par l’usure, par les gages qu’il exige de lui. Il est ingrat pour les bienfaits passés. Aussi Dieu ne peut-il le souffrir, et sa colère éclatera avec bruit comme le char qui grince sous le poids du foin qu’il porte, et Israël périra inévitablement, ii, 6-10.

Première partie, iii-vi: elle contient trois discours. — Premier discours, iii, 1-15: Israël est un peuple choisi, il sera donc puni pour cela des péchés qu’il commet. Lapunition qu’il mérite est proche. Il renverse tout ordre; il opprime le juste; il accumule dans ses palais tout l’orravi aux pauvres. Dieu le châtiera: il renversera lespalais des grands: maisons d’hiver et maisons d'été; ildétruira les autels qui sont à Béthel. — Deuxième discours, iv, 1-13: Les femmes sont l’origine de tous ces maux.Dures envers les faibles qu’elles oppriment, elles selivrent à la bonne chère. Dieu le jure par sa sainteté, ellesseront prises et traînées en captivité. L’idolâtrie est incurable en Israël. La famine, la sécheresse, les sauterelles, la peste et la guerre sont déjà venues pour l’en punir. Ilne s’est pas converti, c’est pourquoi Dieu le frappera plusfort pour l’amener au repentir. — Troisième discours, v, vi: Élégie sur la ruine de la maison d’Israël, v, 1-3. Dieu avait averti Israël de fuir les idoles; il ne l’a pas écouté; il n’a pas pris garde à sa toute-puissance; il s’est livré a l’injustice, à la haine de ceux qui le reprenaient, au luxe des palais, à la vie sensuelle; aussi partout s’entendra un chant de deuil et partout retentira: «Malheur! malheur!» Il y en a qui désirent le jour de Dieu: ils nele connaissent pas; ce jour sera horrible: ce sera commequand un homme fuyant devant un lion se trouve face àface avec un ours; ou comme si, entrant dans sa maisonet s’appuyant contre le mur, un serpent le mord. L’horreur de ce jour ne sera pas diminuée par les sacrifices extérieure que Dieu a en dégoût, comme le montre l’histoire du séjour dans le désert du Sinaï. Ce jour apportera l’exil au delà de Damas. Malheur aux grands du pays qui se fient à leur force! Ils mènent une vie de plaisir, sans souci du «brisem*nt de Joseph». Eux aussi iront en exil. Dieu le jure par son âme, il exterminera Israël. Il frappera ville, maisons, et ceux qui les habitent. Un peuple viendra, qui détruira le royaume dans sonétendue actuelle. — Ces trois discours s’ouvrent par lesmêmes mots: Simʿû haddâbâr hazzêh, «Écoutez cetteparole,» Am., iii, 1; iv, 1; v, 1. On y trouve répétées deux choses: des reproches et des menaces. Il est facile de voir qu’il y a dans ces discours une gradation ascendante.

Deuxième partie, vii-ix: elle comprend cinq visionssymboliques, qui ont toutes pour objet la ruine et la chuted’Israël. — Vision des sauterelles, vii, 1-3: Amos voit des sauterelles dévorant toute l’herbe du pays. À sa prière, Dieu promet que cette vision ne sera pas réalisée. —Vision du feu, vii, 4-6: Amos voit un feu de justiceravageant l’abîme des mers et Israël, la part de Dieu. Ilprie encore, et Dieu promet de ne pas l’envoyer. — Lesautres visions révèlent la chute imminente de la maisonroyale et du royaume. Il n’y a plus d’intercession efficace.— Vision de la truelle (quelques-uns disent du fil à plomb; en réalité d’un crépissage qui est interrompu. Knabenbauer, Prophet. min., p. 314 et suiv.), vii, 7-17: Amos voit Dieu sur un mur qu’il va cesser de crépir. Israël seradétruit, et la dynastie régnante périra par le glaive. —Épisode d’Amasias, terminé par une prédiction de la captivité. — Vision du crochet à fruits, viii, 1-14: Amos voitun crochet préparé pour cueillir les fruits, image de laruine du pays: à cause des iniquités commises à l'égarddes pauvres, Dieu jugera la terre, changera les fêtes enjours de deuil et les chants de joie en plaintes lugubres.Il amènera sur la terre, comme peine suprême, la faim dela parole prophétique. — Vision de Dieu sur l’autel, IX: Amos voit Dieu debout sur l’autel des holocaustes, ordonnant de frapper un chapiteau (Vulgate: cardinem) du temple. Tous tombent dans cette chute. Les fuyards périssent par le glaive, la mort les atteint partout. Dieu est puissant. Israël est devenu semblable à un peuple païen. Il ne périra pas cependant tout entier, les pécheurs seuls mourront. Après cela viendra le jour du Seigneur. Il relèvera la maison de David, étendra son règne sur toutes les nations. Un âge d’or apparaîtra. Le peuplechoisi reviendra, et jamais plus il ne sera arraché à sa terre: magnifique espérance se levant sur les jours sombres qui viennent d'être prédits. — Voir, sur la division du texte et le sujet traité, Rückert, Hebräische Propheten, Leipzig, 1831, p. 09; R. Cornely, ouvr. cit., p. 547-550.

V. Style d’Amos. — La langue du livre est pure. Quelques mots s'écartent de l’orthographe ordinaire, ce qu’il faut attribuer ou à une variante de copiste ou à l’existence d’un dialecte plus doux usité dans le Sud. D’ailleurs ces mots sont peu nombreux: mêʿiq pour mêṣîq, ii, 13; bôšês pour bôsês, v, 11; metàʾêb pour metàʿêb, vi, 8; mesàrêf pour meṡârêf, vi, 10; yisḥâq pour yiṣḥâq, vii, 9, 1C; nišqâh pour nîšqeʾâh, viii, 8 (F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 167). Elle a plusieurs expressions qui ne se trouvent que là: iv, 6, «la propreté des dents»; iv, 13, «créant le vent»; v, 11 (bôsês); vii, 7, 8(ʾànâk, stannatio); vii, 9, «les hauts lieux d’Isaac» (Vulgate: «les hauts lieux de l’idole» ); vii, 14, bôlês, «ouvrant, fendant»; vii, 16, «la maison d’Isaac» (Vulgate: «la maison de l’idole» ). Les images abondent. «Nulle part ailleurs chez les prophètes, dit H. Ewald, Die Propheten des alten Bundes, Gœttingue, 1878, t. I, p. 84, on ne rencontre tant de souvenirs de la vie champêtre, exprimés avec la vérité et l’originalité la plus pure, et aussi avec une inépuisable richesse.» G. Baur a signalé toutes ces images. Indiquons au hasard, i, 2; ii, 13; iii, 12; iv, 13 (Dieu); ix, 6; v, 16, 17; v, 18, 19, «le jour de Jéhovah»; vi, 4-6 (vie des grands); iv, 1-3 (grandes dames samaritaines); viii, 8-14 (invasion assyrienne); viii, 2-3; ix, 2-5, 13-15 (âge d’or). Jeux de mots: v, 5 (hagilgâl gâlôh yiglêh, «Galgala sera emmenée captive» ); viii, 2 (qâyîṣ… bâʾhaqqêṣ); vi, 7 (vesâr mirzâḥ serûḥîm). Il résulte de là un style clair, vif, pressé, original. Le soin que prend Amos de séparer les sujets qu’il traite, Am., IV, 1; v, 1, etc., fait que chaque division est un morceau achevé. On y sent un rythme plein, souvent sonore. On y distingue aussi parfois des strophes régulières. Sa diction a été comparée à celle de Job. Quoi qu’il en soit, Amos écrit comme un grand prophète. Il est savant; sa connaissance du Pentateuque surtout est évidente. Trochon, Les Petit* prophètes, p. 137. Il est éloquent, mais de cette éloquence qui ne s’apprend pas aux écoles selon les règles classiques; c’est une éloquence divine: «Neque enim hæc humana industria composita, sed divina mente sunt fusa et sapienter et eloquenter.» S. Augustin, De Doct. chr., iv, 7, 21; t. xxxiv, col. 98. C’est en ce sens qu’il faut entendre le mot de saint Jérôme: «imperitus sermone, sed non scientia,» mot appliqué par lui à Amos, et qui a égaré beaucoup d’appréciateurs de son style. Saint Augustin, loc. cit., a fait la critique littéraire d’Amos, vi, 1-6, et sa conclusion est que les écrivains sacrés peuvent être des modèles du bien dire. Les modernes s’accordent à parler comme saint Augustin. R. Lowth, un juge excellent, écrit à cet égard: «Evolvat modo scripta ejus (Amos) œquus judex, de re, non de homine quæsiturus; censebit, credo, potius pastorem nostrum μηδὲν ὑστερηκέναι τῶν ὑπερ λίαν προσητῶν ut sensuum elatione et magnificentia spiritus prope summis parem, ita etiam dictionis splendore et compositionis elegantia vix quoque inferiorem.» De sacra poesi Hebræorum, Oxford, 1775, 3e édit., 1. 1, p. 287. Ce jugement, il faut le reconnaître, est un peu enthousiaste. O. Schmoller, ouvr. cit., p. 158 et suiv.

VI. Histoire du texte. — Le texte d’Amos nous est parvenu dans toute son intégrité. Les citations qui en sont faites par Osée, Sophonie, Jérémie (A. Kueper, Jeremias librorum sacrorum interpres atque vindex, p. 71-73, 79-82, 98, 99), Zacharie, l’auteur de Tobie et les anciennes versions le prouvent assez. G. Baur, après avoir soumis ces versions à un examen sérieux, conclut ainsi: «À comparer le texte actuel au texte primitif, tel qu’on le rétablit suivant les anciennes versions, nous devons dire que celles-ci portent en faveur de l’antiquité du texte présent un témoignage décisif. Les différences que l’on constate dans la version grecque sont en grande partie, si l’on y regarde de près, l’effet de quelques méprises du traducteur. Les autres versions grecques, comme aussi le Targum, la Peschito, la version hiéronymienne, offrentpartout les mêmes leçons que notre hébreu actuel. Siquelqu’une s’en écarte, cet écart est redressé par l’accorddes autres avec le texte que nous avons. Un certainnombre de variantes reposent sur une vocalisation différente, ce qui ne change en rien le texte, et prouve seulement que les traducteurs l’ont lu ou compris autrement que nous. D’autres variantes sont plus importantes, comme, par exemple, en fait de consonnes, kîʾôr au lieu de kâyeʾôr, Am., viii, 8, etc. Ouvr. cit., p. 148, 149.» On pourrait en citer d’autres. Quant aux variantes des manuscrits massorétiques eux-mêmes, elles sont peu importantes (De Rossi, Variæ lectiones, etc., t. iii, p. 186-190; Scholia critica, etc., Parme, 1798, p. 84-88). G. Bickell regarde Amos, vii, 2, comme une glose ajoutée plus tard; Schrader le croit aussi; mais leurs raisons ne sont pas concluantes. Voir Knabenbauer, ouvr. cit., p. 299. — Un mot de la Vulgate. Aucune autre version ne la vaut. Suivant pas à pas le texte, elle en rend bien le sens. Parfois elle s’attache à la lettre, ce qui la rend un peu obscure. Voici quelques leçons à remarquer: Am., i, 2: Speciosa pastorum, pour neʾôṭ hârôʿîm (αἱ νομαὶ τῶν ποιμένον); Am., 1, 5: de campo idoli, mibbiqʿaṭ ʾâven; de domo voluptatis, mibbéṭ ʿédén; Am., 1, 15: Melchom, malkâm; Am., iii, 11: tribulabitur, ṣar (hostis); Am., iii, 12: in Damasci grabato, bidméšėq 'âréṡ (in serico damasceno lecti); Am., iv, 6: stuporem dentium, niqyîôn šinnaim (munditiem dentium); Am., v, 26: tabernaculum Moloch vestro, sikkûṭ malkekém (arcam regis vestri); imaginem idolorum vestrorum, sidus dei vestri, kiyyûn ṣalmêkém(kaivan, idola vestra); kôkab ʾělôhêkém (stellam deorum vestrorum), cf. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 296. Am., vii, 7: trulla cœmentarii, ʾânâk (stannatio); Am., ix, 1: avaritia enim in capite, ûbṣaʿam berôʾš (concide eos in caput), etc. Voir G. Baur, ouvr. cit., p. 127-149.

VII. Prophétie messianique. — La vision d’Amos, ix, 1 et suiv., est une vision de ruine et de salut. À Israël détruit succédera un nouvel Israël, qui s'étendra partout et vivra toujours heureux. On appelle cette partie de la vision la prophétie du fils des tombés (bar nôflim), par allusion au Messie, fils de la maison tombée de David; c’est une prophétie messianique:

En ce jour, je relèverai la hutte tombée de David,
Je refermerai par un mur ses ouvertures,
Je relèverai ce qui en est tombé:
Je la rétablirai comme aux anciens jours.
Ils posséderont ainsi les restes de l’Idumée,
Et toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué.

— Tel est l’oracle de Jéhovah qui fait cela.
Voici venir des jours, dit Jéhovah,
Et le moissonneur suivra de près celui qui laboure,
Celui qui foule le raisin, le semeur.
Les montagnes ruisselleront de vin,
Et toutes les collines couleront [d’huile].
Je ramènerai les captifs de mon peuple d’Israël:
Ils rebâtiront les villes détruites,
Ils replanteront leurs vignobles et en boiront le vin,
Ils feront des jardins et on goûteront le fruit.
Je les replanterai sur leur sol,
Je ne les arracherai plus de la terre que je leur ai donnée,
Dit Jéhovah, ton Élohim.

ix, 11-15.

Quelques-uns ont appliqué cette prédiction au relèvement de la dynastie et du royaume de David après la captivité et l’exil. Mais nous croyons qu’elle s’entend mieux, et même, selon plusieurs, qu’elle s’entend exclusivement du Messie et de l'Église. À l'Église seule, en effet, à l'Église fondée par le Messie conviennent les traits de cet oracle, cette extension, cette prospérité merveilleuse, cette durée qui ne sera pas interrompue. Ainsi ont pensé les anciens Juifs, les Pères après saint Jacques, Act., xv, 16, 17, et aujourd’hui c’est le sentiment des meilleurs interprètes: T. Beelen, Comment, in Act. Apost., Louvain, 1864, p. 382-387; F.-X. Patrizi, In Act. Apost. comment., Rome, 1807, p. 122, etc. L’origine de l'Église, son développement, les grâces répandues sur elle sont l’accomplissem*nt de cette prophétie, accomplissem*nt qui ne sera achevé que par le jugement dernier au second avènement. «Alors la terre sera un nouveau pays de Chanaan, où Dieu habitera au milieu de son peuple dans un royaume de gloire.» Les dogmes révélés ici sont l’universalité (ʉ. 12), la sainteté et l’abondance des dons surnaturels qui l’accompagnent (ʉ. 13, 14), et l’indéfectibilité de l'Église (ʉ. 15). Voir, sur cette prophétie: L. Reinke, Die messianischen Weissagungen, t. iii, Giessen, 1861, p. 184-208; J. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 332 et suiv.; F. Keil, ouvr. cit., p. 234 et suiv.; F. Delitzseh, Messianic Prophecies, p. 9; C. Trochon, Introduction générale aux Prophètes, Paris, 1883, p. 74.

Amos est représenté, dans l’art chrétien, avec les attributs de la profession pastorale. Il tient ordinairement une houlette, et un agneau est placé près de lui, pour figurer le troupeau qu’il gardait à Thécué. Amos, i, 1. Voir Ch. Cahier, Caractéristiques des saints, Paris, 1867, p. 21, 133. Cf. p. 719 le passage d’Amos, IX, 11, qui accompagne parfois dans un cartouche la représentation du prophète.

VIII. Commentateurs. — Auteurs ayant spécialementécrit sur Amos: * E. Schade, Commentarius in Amos prophetam, in-8°, Strasbourg, 1588; *J. Gerhard, Adnotationes posthumæ in prophetas Amos et Jonam, in-4o, Iéna, 1663 et 1670; *C. B. Michælis, Exercitatio philol.theologica de vaticinio Amos prophetiæ, in-4°, Halle, 1736; *J. C. Harenberg, Amos propheta expositus, interpretatione latina instructus, amplissimo commentario ex theologia ebræea et isrælitica, ex linguarum adminiculis, ex ritibus antiquis, ex chronologia et geographia illustratus, etc., in-4o, Leyde, 1763; *L. J. Uhland, Annotationes ad loca quædam Amosi imprimis historica, in-4°, Tubingue, 1779-1780; *J. C. W. Dahl, Amos neu übersetzt und erläutert, in-8o, Goettingue, 1795; * R. W. Justi, Amos neu übersetzt und erläutert, in - 8°, Leipzig, 1799; *J. S. Vater, Amos übersetzt und erläutert mit Beifügung des hebräischen Textes und der grieschichen Septuaginta nebst Anmerkungen zu letzterem, in- 4°, Halle, 1810; *J. W. J. Juynboll, De Amoso, Leyde, 1828; * G. Baur, Der Prophet Amos erklärt, in-8 D, Giessen, 1847 [fait autorité]; * O. Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, in-8°, Bielefeld und Leipzig, 1872; * C. F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, in-8o, 2e édit., Leipzig, 1873; [*J. M. Faber], Abweichungen der griechischen Uebersetzung des Amos von hebräischen Texte nach der Waltonischen Polyglotten Bibel, dans le Repertorium für biblische und morgenländische Literatur, in-8°, Leipzig, 1780, p. 208-262; Vergleichung der Londoner Ausgabe der Peschilo in Propheten Amos mit dem Texte derselben in Ephrem’s der Syrers Werken, dans G. Wahl’s Magazin für alte besonders morgendländische und biblische Literatur, p. 78-99; *Haze, Stylus Amos Prophetæ ex illius vita erutus, Halle, 1755.

E. Philippe.

2. AMOS (hébreu: ʾAmoṣ, «vigoureux;» Septante: Ἀμώς), père du prophète Isaïe. IV Reg., xix, 2, 20; xx, 1; II Par., xxvi, 22; xxxii, 20, 32; Is., i, 1; ii, 1; xiii, 1; xx, 2. Il ne faut pas le confondre avec Amos, le quatrième des petit* prophètes, dont le nom du reste s'écrit différemment. Voir Amos 1. Les Juifs ont prétendu qu’il était frère du roi Amasias. Voir Isaïe.

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125. — Sceau hébraïque.

Le nom d’Amos, écrit comme celui du père d’Isaïe, se lit sur un sceau appartenant au Dr Grant-Bey, du Caire, et publié par M. Sayce dans le Babylonian and Oriental Record, octobre 1887, p. 194. L’inscription est en hébreu. Elle porte אמץ הספר, ʾAmoṣ hassôfêr, c’est-à-dire «Amos le scribe». À la partie supérieure du sceau est figuré le disquedivin ailé; au-dessous est un autel, et de chaque côté de l’autel un personnage assyrien (fig. 125), ce qui semble indiquer que le propriétaire du sceau était un Israélite captif en Assyrie, et peut-être infidèle à son Dieu, puisqu’il avait fait graver son nom sur un sceau qui porte un emblème idolâtrique.

3. AMOS (Nouveau Testament: Ἀμώς), fils de Nahum et père de Mathathias, dans la généalogie de Notre-Seigneur selon saint Luc. Luc, iii, 25.

AMOSA (hébreu: Môsâh, probablement «issue, écoulement, source (d’eau)»; Septante: Ἀμώκη), ville de la tribu de Benjamin qui n’est mentionnée que dans Josué, xviii, 26, entre Caphara et Récem. L’identification de cette localité est un problème. La Mischna, Soukkah, iv, 5, dit qu’elle était située «au-dessous de Jérusalem, en un lieu où l’on se rendait pour couper les branches de saule dont on se servait dans la fête des Tabernacles». La Ghemara ajoute que «cet endroit s’appelle Qôloniʿa, c’est-à-dire exempt du tribut royal». Cf. Buxtorf, Lexicon talmudïcum, édit. Fischer, p. 1014. Cette désignation signifie qu’il y avait là une colonie romaine. Batenora, qui vivait à Jérusalem, dit que Môsâh (Amosa) est à peu de distance de Jérusalem et s’appelait aussi de son temps Qôlônîʿa. Voir Surenhusius, Mischna, t. ii, p. 274.


126. — Ruines d' Amphipolis. D’après, Cousinéry.

Tous ces détails conviennent à la moderne Kolouniéh. Le village actuel de ce nom, bâti sur la pente de la montagne qui s'élève en immenses gradins, à 6 kilom. et demi environ à l’ouest de Jérusalem, paraît être ainsi appelé à cause de la colonie qu’y fonda Vespasien. Cet empereur y établit huit cents vétérans pour y garder les abords de la capitale de la Judée, à cause de la situation naturellement forte de cette vallée, placée sur la route de Jérusalem à Joppé, et qui a de plus l’avantage d'être très fertile et d'être arrosée par une source abondante, l’Ain Kolouniéh. Il y a au fond de la vallée un ouadi qu’on appelle ordinairement le torrent du Térébinthe, où l’on pouvait trouver en grand nombre les saules dont parle la Mischna.

Le Dr Sepp a soutenu l’opinion peu vraisemblable que Kolouniéh est l’Emmaüs de saint Luc, xxiv, 13. Voir Sepp, Jerusalem und das heilige Land, t. i, p. 52. Schwarz a supposé avec plus de probabilité, Palestine (127, 128), que c'était la Môsâh ou Amosa de Josué. Son identification est cependant loin d'être universellement acceptée.M. Conder, Palestine, in- 12, Londres, 1889, p. 259, retrouve Amosa dans Beit-Mizéh, qui a l’avantage de rappeler le nom hébreu Môsâh ou Mo: ah, mais qui ne répond pas bien aux données du Talmud, Beit-Mizéh est à une demi-heure environ au nord de Kolouniéh. Ses ruines occupent la partie supérieure d’une haute colline où l’on cultive aujourd’hui l’orge et le blé, sur le sommet aussi bien que sur les pentes disposées en terrasses. Le plateau est couvert de débris de toute sorte. On y remarque des aires pratiquées sur la surface du rocher aplani et, à côté d’elles, de belles citernes creusées dans le roc, en forme d’entonnoirs renversés; mais nulle part de cours d’eau sur les bords duquel aient pu croître les saules dont parlent les auteurs du Talmud. Voir V. Guérin, Description de la Palestine, la Judée, t. i, p. 263.

F. Vigouroux.

AMPHIPOLIS (Ἀμφίπολις), ville de Macédoine (fig. 126 et 127). Dans leur voyage de Philippes à Thessalonique, saint Paul et Silas, longeant les pentes septentrionales du mont Pangée, et suivant la voie Égnatienne, traversèrent Amphipolis et Apollonie Act., xvii, 1.

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127. — Monnaie d’Amphipolis.Tête d’Apollon. - S). AM<MIIOAlTEQN.
Torche allumée dans un carré creux.

Colonie d’Athènes, à 49 kilom. de Philippes, au nord de l’embouchure du Strymon, sur la rive gauche, dans le golfe du même nom, Amphipolis était entourée par les deux bras du fleuve, position qui lui a valu sou nom. Elle était située sur une éminence, juste à l’endroit où le fleuve Strymon sort du lac Cercinitis (lac Tachyno). On sait que, pendant la guerre du Péloponèse, il se livra sous ses murs une bataille où périrent les deux généraux ennemis, Brasidas et Cléon. Au temps de saint Paul c'était une ville importante, capitale de la Macédoine première. Actuellement elle est remplacée par le village de Neokhori; en turc, Ieni-Keuï (nouvelle ville). Voir Leake, Northern Greece, t. iii, p. 181; Cousinéry, Voyage dans la Macédoine, t. i, p. 128; Kutzen, De Amphipoli, Leipzig, 1836.

E. Jacquier.

AMPHORE (dans la Vulgate: Amphora, I Reg., i, 24; Dan., xiv, 2; Zach., v, 6-10; Luc, xxii, 10). Vase destiné à contenir du viii, de l’huile, de l’eau, etc. Son nom lui vient des deux oreilles qui étaient placées de chaque côté du col: ἀμφορεύς, pour ἀμφιφορεύς, «porté des deux côtés.»

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128. — Amphores assyriennes du palais de Khorsabad.Place, Ninive, pl. 65.

La panse, plus ou moins large, était terminée en pointeà la partie inférieure. Il était donc nécessaire, pour fairetenir debout une amphore, de la placer sur un support oude l’enfoncer dans le sable. Les amphores destinées à l’usageétaient en terre cuite (fig. 128). L’amphore des Grecscontenait six congés, c’est-à-dire environ vingt litres. Dansla traduction de la Vulgate, le mot amphore n’est jamaispris au sens propre; il désigne une mesure de capacitédans Daniel, xiv, 2, où il traduit la mesure bath, et dans Zacharie, v, 6, 7, 8, 9, 10, où il correspond à la mesure ʾéphah; dans I Reg., i, 24, l’hébreu porte nêbel yaïn, «une outre de vin.» Dans le Nouveau Testament, Luc, xxii, 10, le mot grec rendu par amphore est κερόμιον, c’est-à-dire «un vase d’argile», qui, d’après le contexte, ne pouvait pas être une amphore proprement dite. VoirBath, Éphah.

E. Beurlier.

AMPLIAT (Ἀμπλίας; Vulgate: Ampliatus), personnage nommé par saint Paul dans son Épître aux Romains, xvi, 8, et que l’Apôtre fait saluer comme très cher dans le Seigneur. D’après les Grecs, Ampliat devint et mourut évêque d’Odyssople en Mésie; ils célèbrent sa fête le 31 octobre. Voir Baronius, Ad martyrol. rom., 31 octobre. Cette opinion est fondée sur le récit d’un ouvrage apocryphe attribué à saint Hippolyte sur les soixante et dix Disciples, et par conséquent n’a pas une grande autorité. Il se peut d’ailleurs que cet évêque de Mésie soit une autre personne. Au contraire, on peut conjecturer qu’Ampliat, faisant partie de l’ancienne communauté chrétienne de Rome, resta dans cette ville et y mourut.

Dans le cimetière très ancien de l'Église romaine, qui est appelé de Domitille, et dont l’origine remonte sans douteau Ier siècle, on a trouvé, au mois de mars 1881, un cubiculum ou chambre souterraine, avec un arcosolium, sur lequel on voit encore à sa place l’inscription en marbre:

AMPLIATI

Les lettres de cette courte épitaphe sont très soignées et d’une forme paléographique certainement antérieure à la seconde moitié du IIe siècle; on peut la juger presque avec certitude de la fin du Ier.

Les décorations de la chambre répondent aussi à cette époque, parce que sur les parois il y a des peintures décoratives du style que nous appelons pompéien et qu’on voit dans les parties les plus anciennes des catacombes romaines. Enfin, si l’on compare cette chambre d’Ampliat avec les galeries et les autres chambres voisines, qui sont du IIIe siècle, puisqu’on y a trouvé une inscription consulaire avec la date de l’an 289, on doit conclure que le monument en question est beaucoup plus ancien, et que cette chambre a été un des noyaux primitifs du cimetière de Domitille, c’est-à-dire un tombeau de l'époque des Flaviens, quand florissait encore la génération qui avait conversé avec les Apôtres.

Maintenant il faut remarquer qu’Ampliatus est un nomd’esclave, qui devint plus tard le cognomen des affranchiset de leurs descendants ( De Vit, Onomasticon, au motAmpliatus). Or, si un esclave a pu avoir pour lui-même etpour sa famille un tombeau si considérable dans le plus noble des cimetières chrétiens de Rome, il faut admettre qu’il a été un personnage de grande importance dans l'Église primitive. C’est pour toutes ces raisons que M. de Rossi, en rendant compte de cette belle découverte dans son Bullettino d’archeologia cristiana, 1881, p. 57 et suiv., dit qu’on peut soutenir avec vraisemblance que l’Ampliatus du cimetière de Domitille est le même personnage que celui qui est salué par saint Paul, et qui était très cher à l’Apôtre. Ces liens d’affection avec le Docteur des gentils durent faire de l’humble esclave romain un des chrétiens les plus distingués et les plus honorés, et c’estce qui nous explique la richesse de son tombeau.

Dans la même chambre on a trouvé aussi une autre inscription où on parle d’un autre Ampliatus du IIe siècle, qui était probablement le fils de l’ami de saint Paul, et qui est ainsi conçue:

AVRELIÆ • BONIFATIÆ
CONIVGI • INCOMPARABILI
VERÆ • CASTITATIS • FEMINÆ
QVÆ • VIXIT • ANN • XXV • M • II • DIEB • IIII • HOR • II
AVREL • AMPLIATVS • CVM
GORDIANO • FILIO

Ces détails ont assurément quelque importance pour expliquer le salut solennel de la fin de l'Épître aux Romains, sur lequel la critique rationaliste a cherché à soulever des doutes et des difficultés. Voir Renan, Saint Paul, p. 67 et suiv.

H. Marucchi.


AMRAM, hébreu: ʿAmrâm, «le peuple est élevé;» Septante: Ἀμβράμ.

1. AMRAM, lévite, fils de Caath et père d’Aaron, de Marieet de Moïse. Il mourut en Egypte, âgé de cent trente-septans. Exod., vi, 18-20; Num., iii, 19; xxvi, 58, 59; I Par., vi, 2, 3, 18; xxiii, 12, 13; xxiv, 20. De là le nom patronymique d’Amramite. Num., iii, 27; I Par., xxvi, 23.

2. AMRAM, descendant de Bani, qui au temps d’Esdrasse sépara de la femme étrangère qu’il avait prise contrela loi, et en expiation offrit un sacrifice au Seigneur.I Esdr., x, 34.


AMRAMITE, descendant d’Amram. Voir Amram 1.


AMRAPHEL (hébreu -.'Amrâfél; Septante: Ἀμαρφάλ, roi de Sennaar, l’un des trois tributaires de Chodorlahom*or, roi d'Élam, qui vinrent avec leur suzerain pour rétablir le joug des Élamites sur la Palestine et les régions avoisinantes. Gen., xiv, 1-7. N’ayant eu d’abord affaire qu'à des adversaires isolés, ils les défirent successivement, les Raphaïm à Astaroth-Carnaïm, les Zuzim à Ham (oubien «avec ceux-là,» comme traduisent les Septante, le Syriaque et la Vulgate, suivant une leçon hébraïque légèrement différente de la nôtre, bâhém pour beḥâm), les Émim à Savé-Cariathaïm, les Chorréens dans les montagnes de Séir, pour terminer par les Amalécites et les Amorrhéens. Dans l’intervalle, les rois de la Pentapole, — Sodome, Gomorrhe, Adama, Séboïm et Ségor-Bala, — se coalisèrent, rassemblèrent leurs troupes contre les quatre envahisseurs, mais furent battus et mis en fuite à la rencontre qui eut lieu dans la vallée de Siddim (ou Sylvestris, suivant la Vulgate). Les Élamites et leurs alliés pillèrent donc Sodome et Gomorrhe, et emmenèrent unepartie des habitants en esclavage. Lot, se trouvant aunombre des captifs, attira Abraham, son oncle, sur latrace des envahisseurs, qui furent surpris la nuit à Dan, sans doute l’ancienne Laïs, près des sources du Jourdain, et à leur tour battus, dépouillés et poursuivis jusqu'à Hoba, un peu au nord de Damas.

Cet itinéraire des fuyards n’a rien d'étonnant quandon sait que la route de Palestine en Élam et au Sennaar, au lieu d’aller directement de l’ouest à l’est, doit faire un détour considérable vers le nord, pour éviter le désert, et atteindre l’Euphrate à l’endroit où il devient guéable.

Jusqu'à l'époque des découvertes assyriologiques, lesrationalistes ont considéré ces événements comme plusou moins fabuleux: Knobel, Die Genesis, ad locum; Bohlen, Die Gen. uebers. mit. Anmerk., ad locum; Hitzig, Geschichte Isræls, p. 25, 44, etc.; Nöldeke, Unters. zur Kritik des Alt. Test., p. 156, etc. Grotefend n’y voit même qu’un mythe solaire où Amraphel représente le printemps et Arioch l'été. Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft, 1854, t. viii, p. 800, 801. Mais les inscriptions cunéiformes ont démontré le caractère absolument historique de cette extension de la puissance des Élamites sous leurs rois dits Koudourides, plus de deux mille ans avant J.-C.; de la sorte, les rationalistes reconnaissent qu’il devient dangereux de toucher au moindre détail de ce chapitre de la Genèse, même dans les passages dont les monuments n’ont pas encore fourni la confirmation explicite. Voir Chodorlahom*or.

D’après l’hébreu et les Septante, Amraphel paraît êtrele principal des tributaires de Chodorlahom*or, bimê 'Amràfel, ἐν τῇ βασιλείᾳ τῇ Ἀμαρφάλ; les Targums d’Onkelos et de Jérusalem, suivis de plusieurs anciens, en font un roi de Babylone. Fr. Hommel, Bab.-Assyrische Geschichte, p. 169, a repris cette idée, et croit retrouver le nom d’Amraphel dans celui de Sin-muballit, qu’il estime pouvoir lire Amar-(mu)-ballit, à cause de la polyphonie du premier groupe cunéiforme de ce nom propre. Ce prince régna à Babylone (2337? -2307?); mais aucune inscription historique ne permet de lui attribuer des conquêtes en Palestine, et de plus la lecture Amar-muballit, au lieu de Sin-muballit, est purement hypothétique.

Eb. Schrader l’identifierait plus volontiers avec Hammura-bi (ou -gaš), successeur du précédent (2307? -2252?); la différence dans la finale des deux noms reposerait sur une faute de transcription, en soi très possible. Mais aucune inscription ne lui attribue non plus de campagne en Palestine; les textes cunéiformes nous le représentent même comme en guerre avec les Koudourides; ce fut lui qui les expulsa de Mésopotamie, en mettant fin au royaume élamite de Rim-Aku à Larsa (dans la Vulgate: Arioch rex Ponti; suivant l’hébreu et les Septante: Arioch rex Elasar). Comme son règne dura cinquante-cinq ans, Schrader peut conjecturer qu’il a commencé par être l’allié d’Arioch et de Chodorlahom*or pour l’invasion de la Palestine, sauf à devenir leur ennemi après leur commun échec; mais cette hypothèse n’a pas trouvé encore un mot de confirmation dans les inscriptions d’Hammurabi.

Reste donc à supposer qu’Amraphel régna, non pas àBabylone, puisque nous possédons la liste complète desrois babyloniens de cette époque, mais dans la portionméridionale de la Chaldée, le pays de Sennaar ou Sumêrproprement dit des textes cunéiformes. C’est là, eneffet, que les Koudourides exercèrent principalement leur influence, et qu’ils fondèrent leur royaume de Larsa. — Quant au nom même d’Amraphel, il paraît appartenir àl’idiome sémitique de la Chaldée; on pourrait y reconnaître la forme primitive Amar-abal, avec le sens de «chef (est mon) fils», ou bien «(j’ai) vu un fils»; mais aucune étymologie ne pourra être proposée comme indiscutable qu’après qu’on aura relevé avec certitude le nom de ce prince dans les inscriptions. Voir, outre les anciens commentaires, A. Dillmann, Die Genesis, 1875, p. 244 et suiv., dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Alten Testament; Schrader Whitehouse, The cuneiform Inscription and the O. T., t. i, p. 120; t. ii, p. 298; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 481-496. Voir la liste des rois de Babylone dans les Proceedings of the Society of Biblical Archæology, 7 décembre 1880; Records of the Past, new ser., t. I. p. 13; sur Hammurabi, Menant, Babylone et la Chaldée, p. 108 et suiv.; Records of the Past, first ser., t. i, p. 5; t. v, p. 67-76; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. IV, p. 101; Maspero, Histoire ancienne de l’Orient, 1886, p. 188; mais, dans ces deux ouvrages, en suppléant ou corrigeant les dates à l’aide de Sayce, The dynastic tablets of the Babylonians dans les Records of the Past, new ser., t. i, p. 9-11, ou E. Pannier, Genealogiæ biblicæ cum monumentis collatæ, 1886, p. 192 et 149.

E. Pannier.

AMRI, hébreu: 'Omri, abréviation de 'Omriyâh, «Jéhovah est mon partage (?).»

1. AMRI (Septante: Ἀμβρί), sixième roi d’Israël (929-917), fondateur de la troisième dynastie. Avant d’arriver au trône, il commandait l’armée d'Éla, roi d’Israël, et peut-être remplissait-il déjà cette fonction sous Baasa: c’est en cette qualité qu’il dirigeait le siège de Gebbethon, au pays des Philistins, III Reg., xvi, 15, lorsqu’il apprit que Zambri, chef de la moitié de la cavalerie, III Reg., XVI, 9, s'était révolté contre son souverain, Éla, fils de Baasa, l’avait fait périr, ainsi que toute sa famille, v. 11-16, et s'étaitfait proclamer roi à sa place. Quand cette nouvelleparvint au corps expéditionnaire devant Gebbethon, lessoldats furent indignés, refusèrent de reconnaître Zambri, et proclamèrent roi leur général Amri. Celui-ci marcha à leur tête, de la plaine des Philistins au pays montagneux d'Éphraïm, III Reg., xvi, 17, et assiégea Zambri dans sa résidence. Cette résidence était alors Thersa, qui depuis l'établissem*nt du royaume d’Israël partageait tour à tour avec Sichem et Rama l’honneur d'être la capitale des rois d’Israël. Depuis quelque temps Thersa l’emportait, et elle possédait un superbe palais royal, auquel Zambri, se voyant vaincu, mit le feu pour y être consumé dans les flammes avec ses serviteurs, plutôt que de tomber aux mains d’Amri. III Reg., xvi, 18. Il avait régné sept jours, c’est-à-dire le temps qu’il avait fallu à Amri pour arriver avec son armée. Il se produisit alors en Israël une division qui pendant quatre ans tint le royaume dans une complète anarchie: Amri d’un côté, avec son armée et une partie du peuple; de l’autre un fils de Gineth, nommé Thebni, avec l’autre partie du peuple. III Reg., xvi, 21. L’armée finit par l’emporter, et Amri vainqueur de Thebni, qui mourut, v. 22, soit dans le combat, soit, comme le rapporte Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, assassiné par les partisans de son ennemi, Amri se fixa pour quelque temps à Thersa, malgré les ravages qu’y avait faits l’incendie, et gouverna tout Israël. (Josèphe appelle ici Amri Ἁμαρῖνος, Zambri Ζαμάρης, et Thebni Θάμανος.) C'était la quatrième révolution politique depuis Jéroboam, ce qui montre combien il y avait peu d’unité, et par conséquent de force en Israël.

Amri, devenu seul maître, chercha à affermir son autorité en lui donnant du prestige. Pour cela il voulut avoir une grande capitale, résidence fixe et incontestée de la majesté royale, qui fût dans ce royaume ce qu'était Jérusalem en Juda. Agrandir et embellir Thersa, après y avoir fait rebâtir le palais incendié, lui parut moins glorieux que de fonder une ville nouvelle; et d’ailleurs la facilité avec laquelle Thersa avait succombé à ses attaques la luirendait suspecte. Il jeta les yeux sur une colline située à trente-cinq kilomètres environ à l’est de Thersa, au nord-ouest et près de Sichem, dans une position stratégique très forte et dans un site d’une grande beauté. Voir Samarie. Ce terrain appartenait à un riche Israélite nommé Somer (hébreu: Šémer, I (III) Reg., xvi, 24), auquelAmri l’acheta pour deux talents d’argent, III Reg., xvi, 24, environ dix-sept mille francs de notre monnaie. Il y fit bâtir une ville magnifique, «la couronne d'Éphraïm,» Is., xxviii, 1, vraie rivale de Jérusalem et d’une défense plus facile, qu’il appela Sômrôn (Samarie), du nom de l’ancienpropriétaire de ce terrain. C'était là une œuvre de haute sagesse, car cette capitale devint bientôt pour Israël un centre, et, par suite, une source de cohésion et d’unité politique. Cette fondation illustra à jamais le nom d’Amri. Malheureusem*nt ce nom devint en même temps tristement célèbre par les impiétés du roi d’Israël. Amri marcha «dans les voies de Jéroboam, fils de Nabat, et dans tous les péchés par lesquels il avait fait pécher Israël», III Reg., xvi, 26, à ce point que «ses crimes» dépassèrent tous ceux de ses prédécesseurs, v. 26, ce qui ne peut s’entendre que des réformes sacrilèges qu’il introduisit dans le culte divin, réformes qui furent un acheminement au culte idolâtrique de Baal, officiellement établi sous le règne de son fils, III Reg., xvi, 31-32, et si ardemment propagé par «sa fille», IV Reg., viii, 26, c’est-à-dire sa petite-fille, IV Reg., viii, 18, Athalie, dans le royaume de Juda. IV Reg., viii, 26; II Par., xxii, 2. Le prophète Michée rend le même témoignage quand il assimile les «préceptes d’Amri» avec les «œuvres de la maison d’Achab». Mien., vi, 16.

Le règne d’Amri ne fut pas plus glorieux au point devue militaire, car la Bible nous apprend incidemmentqu’il soutint une guerre malheureuse contre le père deBénadad II, roi de Syrie, III Reg., xx, 34, qui avait sans doute profité de l’anarchie pendant la compétition d’Amri et de Thebni pour envahir les cantons-frontières. Le traitéde paix qui fut la conclusion de cette guerre fit perdre à Amri plusieurs villes de son royaume, entre autres Ramoth de Galaad, III Reg., xxii, 3; cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, xv, et concéda aux Syriens le droit de posséder dans Samarie un quartier spécial, sans doute pour l'établissem*nt et le fonctionnement libre de leurs bazars, ce qui montre qu'à cette époque le commerce de la capitale d’Israël était prospère, et fournissait à celui de la Syrie un important débouché. III Reg., xx, 34. Malgré ses échecs, il est possible qu’Amri se soit toujours comporté vaillamment; car ses «combats» dont parle la Vulgate, III Reg., xvi, 27, sont appelés dans l’hébreu «actions d'éclat», gebûrâh, cf. I (III) Reg., xv, 23; xxii, 46, ce qui n’est pas surprenant, si l’on se rappelle les qualités dont il avait faitpreuve dans le commandement des troupes d'Éla. On peutd’ailleurs penser que ces «actions d'éclat» se révélèrent en face d’autres ennemis que les Syriens, par exemple en face des Moabites, qui, d’après l’inscription de la stèle de Mésa, furent vaincus par lui: «Amri, roi d’Israël, opprima Moab des jours nombreux;» et plus loin: «Amri s’empara de la terre de Médéba (ville forte en Moab) et l’occupadurant ses jours et ceux de son fils, quarante ans,» F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. iv, p. 60-61, victoires qui aboutirent à un lourd tribut en laine et en bétail, imposé par Amri aux Moabites. IV Reg., iii, 4-5. En même temps et pour compenser l'état de vassalité où l’avaient réduit les Syriens, Amri, avec un rare savoir-faire, évita toute difficulté avec Juda, l’ennemi-né d’Israël, et arriva à se créer une alliance précieuse en faisant épouser à son fils Achab Jézabel, fille du roi de Tyr Ethbaal. III Reg., xvi, 31. Sous son règne, Israël et Juda, jusqu’alors ennemis, s’allièrent étroitement, nouvelle preuve de l’habileté politique d’Amri.Malheureusem*nt cette union contraire à la loi de Dieune devait aboutir qu'à un redoublement d’idolâtrie etau culte de Baal, la grande divinité des Phéniciens. Jud., iii, 11-13.

Ces guerres, ces relations, jointes à la fondation deSamarie, acquirent à Amri une grande renommée, donton trouve la trace dans les inscriptions cunéiformes des rois d’Assyrie. Celle de l’obélisque de Salmanasar à Nimroud, et celle qui recouvre les taureaux du palais de ce roi, lui rapportent comme à l’ancêtre par excellence et au fondateur de la grande dynastie d’Israël, le dixième roi Jéhu, qui est appelé «fils de lîumri (Amri)», bien qu’en réalité, loin d'être le descendant d’Amri, il ait été, au contraire, l’ennemi de sa race et le destructeur de sa dynastie. IV Reg., x, 6-7. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, Londres, 1851, pi. 98; Western Asiatic Inscriptions, t. iii, pi. 5, n° 6; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 97, 104, 116; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. IV, p. 73. Dans les inscriptions du palais de Binnirar ou Rammannirar III, le royaume d’Israël est appelé «le pays d’Amri», mat Ḥumri, et dans celles des palais de Téglathphalasar II et de Sargon il est nommé «le pays de la maison d’Amri», mat bit-Ḥumri ( Ḥumri, forme assyrienne du nom d’Amri, obtenue par le changement de l’ain en heth). E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883, p. 91, 145; Keilinschriften und Geschichtsforschung, 1878, p. 5, 207; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 127, 149, 159, 163; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit, t. iv, p. 73, 114.

Amri mourut à Samarie, après avoir régné douze ans, ou, plus exactement, onze ans et quelques mois, depuisla mort de Zambri, qui arriva la vingt-septième année du règne d’Asa, III Reg., xvi, 16, jusqu'à la trente-huitième année du même règne. III Reg., xvi, 29. S’il est dit dans le même chapitre, v. 26, qu’Amri commença à régner la trente et unième année du règne d’Asa, on peut l’entendre en ce sens qu'à partir de cette époque seulement il fut roiincontesté sur tout Israël. Amri reçut la sépulture dans sa capitale, et eut pour successeur son fils Achab. III Reg., xvi, 28-29. Ce prince, doué de précieuses qualités et d’un grand caractère, eût été le plus illustre des rois d’Israël, s’il n’avait oublié que la vraie grandeur d’un roi, surtout d’un roi théocratique comme il l'était, est inséparable dela fidélité au service de Dieu.

P. Renard.

2. AMRI (Septante: Ἀμαρία), un des fils de Béchor, le fils de Benjamin. I Par., vii, 8.

3. AMRI (Septante: Ἀμρί), fils d’Omraï et père d’Ammiud, de la tribu de Juda et de la descendance de Pharès. I Par., ix, 4.

4. AMRI (Septante: Ἀμβρί), fils de Michæl et chef de la tribu d’Issachar, sous le règne de David. I Par., xxvii, 18.

5. AMRI (hébreu: ʾImrî, «éloquent;» Septante: Ἀμαζί), père de Zachur, qui au temps d’Esdras contribua à la reconstruction des murs de Jérusalem. II Esdr., iii, 2.

AMSI (hébreu: 'Amsî, abréviation de: ''ʾAmaṣyâh, «Jéhovah fortifie;» Septante: Ἀμασί), prêtre, fils de Zacharie, servait dans le temple au temps de Néhémie, II Esdr., xi, 12. AMTHAR (hébreu: Hammeṭô’ar; Septante: Μαθαραοζά; dans quelques manuscrits: Ἀμμαθαρίμ), ville de la tribu de Zabulon, citée entre Remmon et Noa. Jos., xix, 13. Il est possible cependant que ce mot soit simplement le participe puai du verbe ṭâ’ar, avec l’article au lieu du pronom relatif. Or ce verbe signifie, à la forme kal, «s’étendre, appartenir;» à la forme piel, «déterminer, décrire.» Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1490-1491. Il faudrait donc traduire la fin de ce verset: «qui (la limite) est déterminée par Noa (Hannêʿâh)», ou «s’étend vers Noa». C’est ainsi que l’entendent la plupart des auteurs modernes. La paraphrase chaldaïque, suivie et expliquée par Jarchi, donne de même: «Et de là elle faisait un détour vers Néa.» Cf. Rosenmüller, Scholia in Vetus Testamentum, Josué, t. i, p. 366. Il est juste néanmoins de ne pas négliger l’autorité des plus anciennes versions, qui se trouvent d’accord pour faire d’Amthar un nom propre: syriaque, Mathûa; arabe, Mathoua (th anglais dur); Septante, Μαθαραοζά. Ce dernier nom est un curieux exemple de la confusion des mots produite par la scriptio continua du texte original, aussi bien que de la confusion de certaines lettres semblables: au lieu de Bimrnôn Hammetô’ar Hannê’âh, הנעה ךטון הטתאך , il est probable que les traducteurs grecs auront lu Eimmônâh Mafârd Eôzâh, ךטונה טתאךה ךצה, prenant, dans ce dernier mot, nun, i, pour cholem, ו, et ʿaïn, ע, pour tsadé, צ, ou zaïn, ו. Eusèbe cite Amthar sous la forme Ἀμμαθά, Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 223, et saint Jérôme, sous celle d’Amathar, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 872; mais tous deux avec cette seule indication: «dans la tribu de Zabulon.»

A. Legendre.

AMULETTE. Ce nom vient du latin amuletum, qui se rencontre pour la première fois dans Pline, et qui a sans doute une origine orientale; on le rattache avec vraisemblance à la racine qui a donné en arabe le verbe ḥamala, «porter,» d’où ḥamalet, «ce qui est porté.» Cependant ce que nous désignons par amulette est appelé talisman en arabe et en persan. En grec on se servait de l’expression περίαμμα, περίαπτον, d’où le latin ligatura, alligatura, que l’on trouve spécialement chez les écrivains ecclésiastiques. Cf. Pline, H. N., xxxvii, 12, qui dit en parlant de l’ambre: infantibus alligari amuleti rations solet. Nous trouvons aussi l’idée d’attache dans le nom araméen dont se servent les auteurs talmudiques et rabbiniques: qamêăʿ, קטיע, de qemaʿ, «attacher.» Cf. Buxtorf, Lexicon chald. et talmud.; Lakemacher, Observationes philolog., t. si, édit. 1727, p. 143 et suiv. Les Juifs désignaient surtout par là des formules de prière ou des noms cabalistiques que l’on portait sur soi pour détourner l’influence des démons, et qui étaient autorisés à certaines conditions par le Talmud. Tr. Schabouot, vi, 2. Au moyen âge on a appliqué ce même nom, sous la forme camée, à des pierres dures taillées en relief qui avaient dû servir non seulement d’ornements, mais aussi d’amulettes. — On appelait, en effet, ainsi des objets de différentes sortes destinés à protéger contre les maléfices, le mauvais œil, les maladies attribuées à des puissances occultes, et en général contre les influences malignes de certains dieux ou esprits, les personnes ou les choses sur lesquelles ils étaient placés. C’étaient tantôt des bandes d’étoffes ou des plaques de terre cuite, sur lesquelles on traçait certains signes ou certaines formules, comme les lettres éphésiennes (fig. 129), Plutarque, Sympos., vii, 5, tantôt des pierres taillées, des coquillages ou des fragments de certains métaux. Pline, H. N., xxxvii, passim; Strabon, xvi. Ces objets faisaient le plus souvent partie des ornements et des bijoux: colliers, bracelets, pendants d’oreille (fig. 130). L’usage des amulettes remontait d’après Pline, H. N., xxx, 15, à une très haute antiquité. Cf. aussi Bérose, Fragm., xvi, édit. Lenormant. Partout où l’on a cru à l’efficacité des pratiques magiques, on a eu recours à des objets matériels destinés à en conjurer les effets.

Chez les deux grands peuples civilisés avec lesquels les Hébreux se trouvèrent successivement en contact, les Égyptiens et les Babyloniens, la magie était très répandue. Aussi les amulettes se rencontraient-elles chez eux en grand nombre.


129. — Lettres éphésiennes.
Plaque de terre cuite, conservée à Syracuse. La Diane d’Ephèse est représentée au milieu de la plaque. L’inscription est inintelligible. On lit seulement à la première ligne d’en haut les mots:

APTEM ΦAOΣ IEPON.

Les papyrus égyptiens nous ont fourni plusieurs des formules de conjuration que l’on portait sur soi dans un étui. De plus on en munissait même les morts, dont les momies étaient couvertes, comme d’une armure magique, d’une quantité d’objets retenus dans les bandelettes: plaques constellées d’hiéroglyphes, rouleaux de papyrus, figurines de dieux ou d’animaux sacrés, surtout scarabées funéraires (fig. 131), qui remplissent aujourd’hui les vitrines de nos musées. Ces objets étaient destinés à ouvrir au défunt le chemin des sphères infernales et à détourner de lui tous les dangers. Lenormant et Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. au, p. 130 et suivantes.

Chez les Babyloniens, l’usage des amulettes et des talismans était encore plus répandu. La Chaldée était par excellence le pays de la magie; là surtout on éprouvait le besoin d’échapper aux incantations des sorciers et à l’action des mauvais génies. Or on croyait que les dieux malfaisants ou les démons étaient mis en fuite par leur image. On a la preuve de cette croyance dans plusieurs formules d’incantations où on recommande, pour chasser les malins esprits, de former sur le sol leur image. Marduk apprend de son père Éa la recette suivante contre le démon appelé Asak: «Forme sur le sol une figure de tappini qui lui ressemble… Que l’asak par son image soit chassé!» Loisy, Mémoire lu au Congrès internat. scientif. des cathol., 1888, t. i, p. 8-9. — Aussila représentation des esprits malfaisants est-elle très fréquente, spécialement sur ces petit* cylindres de pierre dure qui servaient de cachet, et que chacun portait sur soi comme de véritables amulettes (fig. 132).

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130. — Pendants d’oreille égyptiens servant d’amulettes.

On faisait aussi des statuettes de dieux que l’on pouvait porter suspendues au cou. On en pendait même aux portes et aux fenêtres des maisons, comme cette hideuse figurine de bronze qui représente le démon du vent du sud-ouest (fig. 133).

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131. — Scarabées funéraires. Musée du Louvre.

— Dans l’inscription hiéroglyphique du scarabée placé en haut et dont les deux faces sont représentées, le nom du défunt a été laissé en blanc. Lenormant et Babelon, Hist. ancienne, p. 210 et suiv. Dans tous les cas on attribuait à ces talismans un pouvoir absolu, on les considérait comme une barrièreinviolable même pour les dieux; tels nous les montrel’incantation suivante: «Talisman, talisman, borne qu’on n’enlève pas.

— Borne posée par les dieux que l’on ne franchit pas. — Borne immuable du ciel et de la terre qu’onne déplace pas. — Seul dieu qui n’est jamais abaissé. — Ni dieu ni homme ne peuvent dissiper ta puissance. — Piège qu’on n’enlève pas, disposé contre le maléfice.» Fr. Lenormant, Études accadiennes, t. iii, p. 105.

Chez les Hébreux, la loi mosaïque ne laissait aucuneplace aux croyances qui expliquent ailleurs l’usage des amulettes et des talismans. L’Israélite fidèle savait qu’il n’avait pas à redouter de divinités malfaisantes. De plus, la magie et la divination sous ses différentes formes étaient interdites comme aussi abominables que le culte cruel de Moloch. Deut., xviii, 10-14. C'était un trait distinctif dupeuple de Dieu, de n’avoir ni devin ni sorcier. Num., xxiii, 23.

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132. — Cylindre babylonien en hématite. Collect. de Clercq, n°74.

Jéhovah veillait sur lui d’une façon spéciale, cela lui suffisait; il n’avait pas à chercher ailleurs des moyens de se prémunir contre les puissances occultes. Elles ne pouvaient rien contre lui, comme le prouvait si bien l’histoire de Balaam. Num., xxii-xxiv. Même pour les individus, Satan n’exerce pas son pouvoir malfaisant sur les biens et sur les personnes sans la permission divine.

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133. — Démon du vent du sud-ouest.
Figurine de bronze du musée du Louvre. Réduite dn tiers.

L’histoire de Job, ii, 6, le montre. Ce saint personnage ne songe pas même à expliquer ses souffrances par les maléfices. Il n’a recours qu'à Dieu, bien qu’il sache quel peut être l’effet de certaines malédictions. Job, iii, 9.

Mais, de même que les cultes idolâtriques et polythéistes, ainsi la magie et son cortège de pratiques superstitieuses ne pénétrèrent que trop souvent dans la nation sainte, malgré la révélation mosaïque. Les reproches des prophètes font souvent allusion aux sorciers et aux devins auxquels le peuple a recours; par exemple, Is., viii, 19; Ezech., xiii, 9. Il n’est pas étonnant de trouver dès lors des amulettes figurant, comme chez les nations païennes, parmi les objets de toilette (fig. 130). Déjà Jacob, revenant de la Mésopotamie, dut enlever à ses gens, avec lesidoles des faux dieux, des pendants d’oreilles auxquels on devait attacher quelque vertu occulte. Gen., xxxv, 4. Cet ancien récit vaut autant que le texte de loi le plus formel, pour montrer combien la religion des patriarches réprouvait ces pratiques superstitieuses. Les pendants d’oreilles servaient si généralement d’amulettes, que leurnom en araméen, qedašaya, signifie «choses sacrées».Parmi les vingt et un objets qu’Isaïe, iii, 18-23, distingue dans la toilette des femmes de Jérusalem, il en est deux qui devaient être des amulettes; c’est ce que nous indique: 1° la forme du premier, v. 18, ṡahărônim, des lunes ou croissants lunaires (Vulgate: lunules). Les Madianites suspendaient aussi, comme amulettes, des ṡahărônim au cou de leurs chameaux. Jud., viii, 21. La Vulgate traduit ici doublement: ornamenta ac bullas. 2° Le nom du second, v. 20, leḥašim, qui doit être traduit par amulettes ou talismans (Vulgate: inaures, d’après les Septante; Targum, qedašaya). Le mot laḥaš a plusieurs fois le sens d’incantation; au pluriel et figurant parmi des objets de toilette, il ne peut s’appliquer qu'à des amulettes. Mais le nom ne nous indique pas en quoi ces objets consistaient, si c'était une plaque de métal ou une pierre avec inscription, ou bien un sachet d'étoffe renfermant quelque plante ou racine aux vertus mystérieuses. — Les bijoux dont parle Osée, ii, 13 (hébreu, 15), et dont on se revêtait «aux jours des Baalim», pouvaient aussi avoir quelque chose de suspect. — Les ṭoṭafôṭ ou ṭefillin, c’est-à-dire ces petites poches de cuir qui contenaient des passages de laloi, écrits sur du parchemin, et qui plus tard portèrent le nom de «phylactères», Matth., xxiii, 5, n'étaient pas à l’origine des amulettes; ils n'étaient pas destinés à servir de protection contre les maléfices ou les démons; mais, comme l’indique expressément la loi, ils devaient rappeler sans cesse au fidèle les préceptes de Dieu, Exod., xiii, 9, 16; Deut., vi, 8; xi, 18; c'était pour lui un signe, unmonument, en prenant ce mot dans son sens étymologique: ʾoṭ, zikkarôn. Plus tard les Juifs attachèrent aux ṭefillin des vertus prophylactiques et en firent de véritables amulettes, comme le montre le Targum du Cantique des Cantiques, viii, 3. — Voir Hübner, Amuletorum historia, Halle, 1710; Emele, Ueber Amulete, Mayence, 1827.

J. Thomas.

AMYRAUT Moïse, théologien et exégète protestant, né à Bourgueil, dans la Touraine, en 1596, étudia la théologie dans l’académie protestante de Saumur. Après avoir suivi les leçons de Caméron, il fut nommé pasteur de l'Église réformée de cette ville (1626), recteur de l’académie, et en même temps fut chargé de professer la théologie; mais il n’entra en fonctions qu’après les épreuves nécessaires d’un concours public (1633). Il occupa ce poste jusqu’à sa mort (1664) et s’acquit une grande réputation parmi ses coreligionnaires; il parlait et écrivait très bienle latin et le français. Ses œuvres exégétiques sont nombreuses et non sans valeur, surtout le commentaire sur les Psaumes, très estimé de Michælis. Paraphrases sur l’Épître aux Romains, in-8°, Saumur, 1644; — sur l’Épître aux Galates, in-8°, Saumur, 1645; Observations sur les Épîtres aux Colossiens et aux Thessaloniciens, in-8°, Saumur, 1645 et 1665; Considérations sur l’Épître aux Éphésiens, in-8°, Saumur, 1645; Paraphrases sur l’Épître aux Hébrieux (sic), in-8°, Saumur, 1644-1645; aux Hébreux, 1646; Paraphrases sur l’Épître aux Philippiens, in-8°, Saumur, 1646; — sur les Épîtres catholiques de saints Jacques, Pierre, Jean et Jude, in-8°, Saumur, 1646; Considerationes in cap. vii Epist. D. Pauli ad Romanos, in-12, Saumur, 1648; Paraphrases sur les Épîtres aux Corinthiens', in-8°, Saumur, 1649; — sur l’Évangile de saint Jean, in-8°, Saumur, 1651; — sur les Actes, in; 8°, Saumur, 1654; Exposition des chap. vi et vii de l’Épître de saint Paul aux Romains et du chap. xv de la Ire Épître aux Corinthiens, in-12, Charenton, 1659; Paraphrasis in Psalmos Davidis cum annotationibus, in-4°, Saumur, 1662, dédié à Charles II d’Angleterre; Altera editio emendatior et auctior nova præfatione, Utrecht, 1769; Discours sur les songes divins dont il est parlé dans l’Écriture, in-12, Saumur, 1659; il a été traduit en anglais par Lowde, in-8°, Londres, 1676. Son exégèse, surtout dans les Psaumes, suit assez bien le sens littéral, sans négliger le sens spirituel. Ses ouvrages sont devenus rares. Cf. Registres de l’académie protestante de Saumur, manuscrit de l’hôpital de Saumur; Haag, France protestante, t. i, p. 72; Edm. Saigey, Moyse Amyraut, sa vie et son temps, in-8°, Strasbourg, 1849; Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, au mot Amyraut.

E. Levesque.

AN. Voir Année.

ANA. Hébreu: 'Ânâh, «. (Dieu) exauce; Septante: 'Avi.»

1. ANA, quatrième fils de Séir l’Horréen et l’un des allouphs du pays d’Idumée, avant Ésaù. Il eut pour fils Dison et pour fille Oolibama. Gen., xxxvi, 20, 25; I Par., i, 38, 40.

2. ANA, deuxième fils de Sébéon (le troisième fils de Séir) et neveu d’Ana 1. Gen., xxxvi, 24 et 29; I Par., i, 40. Il semble qu’aux versets 2 et 14, Gen., xxxvi, on dise qu’Ana était fille de Sébéon. Mais dans ce texte: «Oolibama, fille d’Ana, fille de Sébéon, épouse d'Ésaü,» l’apposition «fille de Sébéon» se rapporte non à Ana, mais à Oolibama, comme l’apposition suivante: «épouse d'Ésaü.» L’expression «fille de Sébéon» serait, ainsi qu’il arrive souvent, pour celle-ci: «petite-fille de Sébéon». Pour résoudre la difficulté, d’autres critiques préfèrent admettre une faute dans le texte massorétique, בת, baṭ, «fille;» pour בו, bên, «fils,» et suivent le texte des Septante et le Samaritain. Aucun manuscrit hébreu ne portant la variante bên, «fils,» il est probable que le copiste samaritain et le traducteur grec ont cru trop facilement à une erreur, et se sont permis de changer le texte, en mettant le masculin à la place du féminin. La Vulgate a aussi mal rendu le v. 25, par suite de la ressemblance des noms: Habuitque (Ana, fils de Sébéon) filium Dison et filiam Oolibama. D’après le texte hébreu et toutes les autresversions, comme d’après le contexte, il s’agit, dans ce v. 25, du premier Ana, fils de Séir. Hébreu: «Et voici les fils d’Ana: Dison…, etc.» Les enfants du quatrième fils de Séir viennent ici à leur rang; s’ils n'étaient pas désignés à cette place, ils seraient complètement passés sous silence dans l'énumération régulière qui est faite des descendants des sept fils de Séir. Du reste, le texte de I Par., i, 38, dans la Vulgate même, confirme, cette interprétation. — Un trait particulier est ajouté, dans cette table généalogique des Horréens au nom de notre Ana, fils de Sébéon. «C’est cet Ana qui trouva des sources thermales dans le désert, pendant qu’il menait paître les ânes de Sébéon, son père.» Gen., xxxvi, 24. Le mot yêmïm, que la Vulgate, le syriaque et l’arabe, ont bien rendu par «sources chaudes», a été quelquefois, mais sans fondement, traduit par «géants» ou par «mules». D’après Hengstenberg et Keil, ce serait cettedécouverte qui aurait tait donner à cet Ana le surnom de Beéri, c’est-à-dire sourcier, de beêr, «source.» Gen., xxvi, 34. Dans cette hypothèse ingénieuse, Oolibama, femme d’Esaü, ne serait pas la fille du premier Ana, mais la fille de son neveu. Le second Ana a pu donner à sa fille le nom de sa cousine, fille de son oncle Ana, La contrée où Ana menait paître ses ânes possède encore un certain nombre de sources chaudes, en particulier celles de Callirrhoé, celles de l’ouadi el-Ahsa, et celles de l’ouadi Hamad. Les ânes furent-ils pour quelque chose dans cette découverte? est-ce pour cela que cette circonstance est mentionnée ici? Peut-être. On sait que la source thermale de Karlsbad fut trouvée par le fait d’un chien de chasse qui, tombé en poursuivant un cerf, attira par ses cris l’attention sur la nature des eaux de cette source.

E. Levesque.

3. ANA (hébreu: Hêna'; Septante: Ἀνά), ville conquise par les Assyriens et mentionnée comme telle, à côté de Sépharvaim et d’Ava, dans la proclamation du Rabsacès aux envoyés d'Ézéchias et aux habitants de Jérusalem.IV Reg., xviii, 34; xix, 13; Is., xxxvii, 13. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 165, et Eb. Schrader, Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 8, en parlent comme d’une localité de site inconnu; mais dans Riehm, Handwörterbuch des bibl. Altertums, 1. 1, p. 594, le même Eb. Schrader croit devoir la placer en Babylonie, parce que le texte sacré la mentionne à côté de Sépharvaim, et en conséquence l’identifierait volontiers avec l’Anat ou 1’ʿAnah actuelle, située sur la rive droite et aussi en partie sur une île de l’Euphrate, entre Hit et Rakka, à quatre journées de marche au nord-ouest de Bagdad. Cette identification avait déjà été proposée par d’anciens commentateurs, notamment par dom Calmet, Comment. litt., in IV Reg., xviii, 34, lequel ne décide cependant pas si Ana est un nom de ville ou un nom d’idole; mais, outre que les Sépharvaïtes n’avaient pointd’idole de ce nom, le contexte de ces passages, comparé à IV Reg., xvil, 31 (où les Hévéens sont les habitants d’Ava), marque bien qu’il s’agit d’une localité. G. Rawlinson, dans The five great Monarchies, t. ii, p. 485, et dansSmith’s Dictionary of the Bible, t. i, p. 786, soutient aussi cette identification. L’Anah ou Anat moderne, l’Anatho des classiques ( t ou tho n'étant que la terminaison féminine) n’occupe plus qu’une longue bande sur la rive droite du fleuve: c’est une ville de quatre mille habitants, très fréquentée des caravanes, et près de laquelle on remarque des ruines anciennes. Elle paraît déjà mentionnée, sous la forme An-at, dans les annales du roi d’Assyrie AëSour-nasir-apal, mais comme indépendante de l’empire assyrien: «ir Anat ina kabal nahar Puratti, la ville d’Anat au milieu de l’Euphrate.» The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 23, co. iii, 1. 15 et 16. Les textes cunéiformes actuellement connus ne mentionnent d’ailleurs pas la prise de cette ville, et le passage d’ASsournasir-apal est lui-même antérieur de plus d’un siècle et demi au siège de Jérusalem et au discours du Rabsacès.Enfin Fr. Delitzsch, Wo lag das paradies, p. 279, tout en rapprochant aussi l’Anat des inscriptions de l’Ana biblique, la distingue cependant de l’Anah actuelle, et la place notablement plus au nord, mais sans raison bien décisive; ce qui fait qu’il n’est guère suivi par les autres assyriologues, lesquels reconnaissent d’ailleurs que la forme hébraïque, commençant par un hé, s'éloigne moins de laforme assyrienne que le mot arabe actuel, qui commencepar un 'aïn. Voir Isidore de Charax, Mansiones parthieæ, dans Müller, Geographi græci minores, édit. Didot, 1. 1, p. 249 et note, avec la carte ix, Ibid., Tabulæ in geogr. gr. min. pars prima; A. Layard, Discoveries in Ninive and Babylon, 1853, p. 355; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 142, note; E. Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. IX, p. 450 et 460.

E. Pannier.

ANAAS. Voir Senaa.

ANAB (hébreu: 'Anâb; Septante: Ἀναβώθ, Jos., M, 21; 'Avûv, Jos., XV, 50), ville appartenant au district montagneux de la tribu de Juda, Jos., xv, 50, occupée primitivement par les Énacim, qui furent exterminés par Josué. Jos., xi, 21. Eusèbe et saint Jérôme nous disent qu’elle existait encore de leur temps «sur les confins d’Eleuthéropolis» (aujourd’hui Beit-Djibrin), Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 93, 221. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, 1. 1, p. 494, signale un village de même nom, mais à une certaine distance au sud-est de Beit-Djibrin et au sud-ouest d’Hébron. M. V. Guérin en décrit deux situés dans cette même contrée et tout près l’un de l’autre. Le premier s’appelle Khirbet 'Anab es-Serhir, c’est-à-dire «ruines d’Anab la Petite». «Des centaines de maisons renversées, en pierres de taille pour la plupart, couvrent le sommet et les pentes d’une colline. Quelques constructions plus étendues, et bâties avec de gros blocs, les uns aplanis, les autres relevés en bossage, semblent avoir été des édifices publics. De distance en distance, on rencontre des citernes et des magasins souterrains creusés dans le roc.» V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 362.

Le second, placé un peu au sud-ouest du premier, s’appelle Khirbet 'Anab el-Kebir, ou «ruines d’Anab la Grande», et ces ruines sont très étendues. «La ville dont ce Khirbet offre les débris s'élevait sur deux collines, l’une occidentale, l’autre orientale, séparées par une vallée qui est aujourd’hui livrée à la culture, et qui paraît avoir été aussi jadis couverte d’habitations. En parcourant l’emplacement que cette ville occupait, on heurte à chaque pas les arasem*nts de maisons bouleversées de fond encomble, qui renfermaient pour la plupart un hypogéepratiqué dans le roc. Il y a de nombreuses citernes; les unes sont obstruées par des décombres, les autres sont encore pleines d’eau.» V. Guérin, ouv. cité, p. 365. Sur la colline occidentale, on remarque une mosquée presque entièrement construite avec des blocs antiques, dont quelques-uns sont taillés en bossage. Sur celle de l’est se trouvent les traces d’une église chrétienne, et les vestiges considérables d’un vaste édifice qui paraît avoir eu une destination militaire; il était bâti en pierres de taille très régulièrement agencées. «La Bible, il est vrai, ajoute M. Guérin, loc. cit., ne mentionne, dans le massif montagneux de Juda, qu’une seule ville appelée 'Anab; mais les deux Khirbet connus sous ce nom, et distingués uniquement l’un de l’autre par les épithètes de petit ou de grand, prouvent que dans l’antiquité il y avait deux villes ainsi désignées, qui pouvaient être différenciées entre elles par quelque surnom analogue.» N’en pourrait-on pas trouver comme un souvenir dans l’Ἀναβώθ des Septante, qui semblent avoir lu le pluriel du féminin Ἁnabah, employé dans le Talmud? Quoi qu’il en soit, l’emplacement de l’une ou del’autre de ces localités convient parfaitement à l’antique cité biblique, mentionnée avec Hébron et Dabir (Dhaberiéh ou Khirbet Dïlbéh), Jos., xi, 21, et placée dans le voisinage d’Istemo (Semoua) et d’Anim (Rhoueïn). Jos., xv, 50. L’arabe Ἁnab, «raisin,» avec aïn initial, correspond aussi exactement à l’hébreu, tant au point de vue dunom qu’au point de vue de la signification. Voir la carte de la tribu de Juda.

A. Legendre.

ANAËL (Septante: Ἀναήλ), frère de Tobie selon les Septante. Tob., i, 21.


ANAGOGIQUE (SENS). Le sens anagogique est unsens spirituel de l'écriture, fondé sur un type ou un objet figuratif du ciel et de la vie éternelle. «Anagogia, quasi sursum ductio, quando per unum factum intelligendum est aliud, quod desiderandum est, scilicet æterna felicitas beatorum.» S. Bonaventure, Breviloquium, proœm., § 5. De sa nature, l’anagogie est propre à tous les passages del'Écriture qui, suivant la lettre ou l’esprit, traitent du ciel et des biens éternels. Dans le langage ecclésiastique, elle est restreinte aux sens spirituels qui ont cet objet. Quelques Pères, Origène, De principiis, iv, 21, t. xi, col. 387; In Matth., x, 14, t. xiii, col. 868; S. Jérôme, Epist. lxxiii, 9, t. xxii, col. 681; In Amos, iv, 4, 5, t. xxv, col. -1027; S. Chrysostome, In Ps. xlvi, 1, t. lv, col. 208; Denysl’Aréopagite, De cœlesti hierarchia, i-ii, t. iii, col. 121 et 137, désignaient par ce nom le sens spirituel, qui toujours élève l’esprit des lecteurs vers des choses hautes et sublimes. Depuis le moyen âge, le sens anagogique n’est plus considéré que comme une espèce particulière du sens spirituel. Voir Spirituel (sens).

Les types anagogiques, pris dans la signification restreinte, sont peu nombreux dans l'Écriture. La plupart peuvent être rangés parmi les types allégoriques, et le plus souvent les saints Pères ne les en ont pas distingués. La ville de Jérusalem, capitale du royaume de Juda, représente anagogiquement le ciel, le royaume que Dieu a préparé aux élus pour l'éternité. Tobie, xiii, 21-22. Le sacerdoce de Melchisédech, Heb., vii, 24 et 25; viii, 1, et celui d’Aaron, Heb., viii, 4 et 5, figurent le sacerdoce éternel du Sauveur et son exercice au ciel. Le tabernacle et le temple dans lesquels s’offraient les sacrifices juifs étaientl’emblème du ciel, temple où le pontife éternel s’immole lui-même. Heb., XI, 2-25. L’idée la plus féconde en applications anagogiques est que les biens temporels, promis aux observateurs de la loi ancienne, étaient la figure des biens éternels réservés aux chrétiens. Les commentateurs se sont complus à la développer. Voir Patrizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, Rome, 1876, n° 289 et 290.

E. Mangenot.

ANAGLYPHA, mot grec (ἀνάγλυφα) employé parsaint Jérôme dans sa traduction du troisième livre desRois, vi, 32: «Sculpsit ( Salomon) in eis ( sur les portes en bois d’olivier du Saint des sainte) picturam cherubim, et palmarum species et anaglypha valde prominentia,» c’est-à-dire que Salomon fit sculpter sur les deux portes de l’entrée du Saint des saints des figures de chérubins et de palmes, et des bas-reliefs très saillants. Anaglypha vient du verbe grec γλύφω (d’où est aussi tiré notre motfrançais glyptique), «graver en creux ou en bosse, ciseler, sculpter,» et de ἀνά, qui marque que la gravure est en relief et non en creux. Les anaglypha sont donc des sculptures en relief. Le texte hébreu porte: «Il fit représenter en relief (sur les portes) des figures de chérubins, de palmes et de fleurs épanouies.» Ce genre de travail était très connu des Phéniciens, comme des Égyptiens et des Chaldéo-Assyriens, qui faisaient un grand usage des bas-reliefs dans la décoration de leurs temples et de leurs palais. La représentation des sphinx en Egypte, des chérubins en Chaldée et en Assyrie, des plantes et des fleurs dans ces divers pays, étaient les motifs les plus communs de l’art national, en dehors des scènes où figuraient lespersonnages divins ou humains.


ANAHARATH (hébreu: ʾĂnâḥărâṭ; Septante: Ἀναχερέθ), ville de la tribu d’Issachar, mentionnée entre Séon et Rabboth. Jos., xix, 19. Le manuscrit alexandrin portant Ῥενάθ et Ἀῤῥανέθ, certains auteurs en ont conclu que le nom était peut-être corrompu, et qu’il faudrait lire en hébreu 'Arhanat, en transposant le resch et le noun.On pourrait ainsi l’identifier avec celui d’Arânéh, petit village situé au nord de Djenin, au pied du mont Gelboé. Cf. C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 154. Ce qui nous empêche d’admettre cette opinion, c’est que la paraphrase chaldaïque, la Vulgate, la version arabe, sans compter les autres manuscrits des Septante, rendent le mot de lamême manière, et que, de plus, nous le trouvons reproduit sur les monuments égyptiens avec la même exactitude. Il est, en effet, dans les listes géographiques de Tothmès III, sur les pylônes de Karnak, n° 52; et la transcription est aussi parfaite que possible, sans changement ou retranchement d’aucune lettre, comme on peut s’enconvaincre en comparant les caractères égyptiens ethébraïques: , Anûḥertû (dans deux exemplaires, ' Anûḥerû), אנחרח. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 29. M. E. de Rougé avait, dès le principe, reconnu là une «de ces transcriptions… rigoureusem*nt conformes aux règles très logiques que les hiérogrammates avaient su se tracer et qui sont fondées sur une grande connaissance des deux idiomes». Étude sur divers monuments du règne de Toutmès III, dans la Revue archéologique, novembre 1861, p. 364. M. Maspero déclare que ce nom «a un équivalent certain dans l’onomastique de la Bible». Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmos III, qu’on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Societyof Great Britain, 1886, p. 10.

Les explorateurs anglais proposent d’identifier Anaharath avec En-Na 'ourah, localité située à la partie septentrionale du Djebel Dahy ou Petit-Hermon. Cf. G. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 10. Cet emplacement, sans être certain, convient assez bien à la cité biblique, séparée seulement par deux noms de Sunem (Soulem), Jos., xix, 18, et mentionnée, dans les listes de Karnak, entre Schémesch-Adouma (peut-être Édema, Jos., XIX, 36, aujourd’hui Khirbet Admah) et Apourou = Apoulou(Fouléh, El-Afouléh?). Cf. Maspero, ouv. cité, p. 10, 11. M. Guérin, qui a visité En-Na’ourah, n’a rien relevé de remarquable dans ce village, autrefois considérable, réduit aujourd’hui à l'état de simple hameau. Cf. Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 124. Voir la carte de la tribu d’Issachar.

A. Legendre.


ANAÏA (hébreu: ʾĂnâyâh, «Jéhovah exauce;» Septante: Ἀναΐα, Ἀνανιας), un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 22. Peut-être est-il le même que celui qui se tenait au côté d’Esdras dans la lecture solennelle de la loi au peuple, et que la Vulgate appelle Ania. II Esdr., viii, 4.


ANAMÉLECH (hébreu: ʾĂnammélék; Septante: Ἀνημελέκ; textes cunéiformes: Anunitu-malkitu, et, suivant d’autres: Anu-malku ou Anu-malik), idole dont les Sépharvaïtes, IV Reg., xvii, 29-41, introduisirent et perpétuèrent le culte, conjointement avec celui d’Adramélech, dans la Samarie où les avait transplantés Sargon, roi d’Assyrie, après la destruction du royaume d’Israël etla prise de sa capitale. On lui offrait des enfants en holocauste. Les anciens et les rabbins disent qu’on le représentait sous la forme d’un cheval, d’un paon, d’un faisan, etc., mais sans aucune preuve, et probablement par le seul désir de tourner en dérision le culte samaritain, à peu près comme Apion accusait les Juifs d’adorer une tête d'âne. L’une des deux portions de Sippar, la Sépharvaïm biblique, patrie de ces néo-Samaritains, était particulièrement consacrée à cette déesse Anounit; les textes cunéiformes la mentionnent fréquemment sous le nom de Sippar ša Anunitu, Sippar d’Anounit, à côté de Sippar ša Šamšu, la Sippar du soleil, The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi 65, 1.18, 196. Malkitu serait une épithète empruntée au verbe malaku, «être prince,» laquelle est donnée à plusieurs divinités assyro-babyloniennes, The cun. Inscr. of Western Asia, t. iv, pi. 56, 1. 36 b. Anounit joue un rôle à la fois effacé, mal défini, et multiple, comme presque toutes les divinités féminines mésopotamiennes. Plusieurs textes semblent la confondre avec la déesse Istar ou Vénus, The cun. Inscr. of Western Asia, t. iii, pi. 53, 1. 34 b; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 257; du reste, au point de vue étymologique, ce nom signifie simplement déesse; il a donc pu être porté par plusieurs divinités différentes, H. Sayce, Lectures on the origin and growth ofthe religion, p. 261, 273 et 306.

C’est ce qui a engagé plusieurs assyriologues, notamment S. H. Rawiinson, à voir dans l’Anamélech biblique une déesse Aa ou Malkitu, épouse du Soleil, souvent mentionnée dans les texles cunéiformes: Aa ḥirtum naramtaka ḥadiš limmaḥḥirka, dans les Transact. of the Society of Biblical Archæology, t. viii, p. ii, p. 168; Ebabara ša Sippar ana Samši u Aa belia eššiš ebuš. The cun. Inscr. of Western Asia, t. i, pi. 65, c. ii, 1. 40-41, etc. Le terme non sémitique aa semble être l'équivalent du verbe sémitique malaku, et se décliner comme lui, ainsi que l’insinue, entre autres, l’exemple de l’Eponymencanon, Delitzsch, Assyrische Lesest., 1878, p. 96, 1. 176. — Ceux qui identifient Anamélech avec l'épouse du Soleil peuvent encore alléguer en faveur de leur opinion les sacrifices humains mentionnés dans la Bible; ils rappellent en effet le culte des divinités solaires en Chanaan, en Phénicie et à Carthage. Voir Moloch. Cette Aa-Malkit paraît avoir été unepersonnification féminine du soleil considéré commeprincipe de beauté, de grâce et de douceur, tandis queSamsou était le principe mâle, c’est-à-dire le principe de force, d'énergie, de chaleur brûlante; il en résultait une dualité analogue à celle de Moloch-Baal en Phénicie, de Seket-Bast en Egypte, qui représentait également l’astre dans sa force et dans sa douceur.

Dans ces deux hypothèses, il faut regarder le motbiblique comme dépouillé de sa terminaison féminine, soit intentionnellement, soit accidentellement, par le fait des transcripteurs. Du reste, ce retranchement de la terminaison féminine se remarque encore dans d’autres mots passés de l’assyrien à l’hébreu: Idiklat(u), nom assyrien du Tigre, donne l’hébreu Ḥiddékel; tehâmtu, l’abîme, devient l’hébreu tehôm, etc.

Dom Calmet, Comment. litt., ad loc., a cru pouvoiridentifier avec la Lune l’Anamélech biblique. Mais celle-ci était considérée en Babylonie et en Assyrie comme un dieu, nommé Sin, indépendant du Soleil, Šamšu, dont il était l'égal et souvent même le supérieur; d’ailleurs Sippar ne lui était pas consacrée.

Eb. Schrader croit enfin qu’Anamélech n’est autre quele dieu Anu, suivi de l'épithète maliku, prince; il identifie même, dans Biehm, Handwörterbuch des bibl. Altertums, t. i, p. 61, cet Anou avec l’Oannès ou dieu-poisson, qui apporta sur la terre les arts et les sciences, au dire de Bérose. Mais cet Oannès est certainement Ea-han ou Ea-nunu, dieu de l’océan, de l’abîme et de la sagesse. Quant à Anou, c'était le dieu du ciel, comme Éa était le dieu de l’abîme, et Bel celui de la terre; la croix, imagedes quatre régions, c’est-à-dire des quatre points cardinaux, paraît avoir été son emblème. À la vérité, il était adoré spécialement à Dir, qui portait le nom de «ville du dieu Anou», et qui était à quelques kilomètres seulement de Sippar. Fr. Homme], Die Semitischen Völker, t. i, p. 330; Zur altbabylonischen Chronologie, p. 43, dans le Zeitschrift für Keilschriftforschung, i, et Separatabdruck. Cependant les holocaustes dont parle la Bible semblent indiquer plutôt dans Anamélech une divinité solaire; de plus, les textes cunéiformes mentionnent toujours le culte de Samsou et d’Anounit comme caractérisant la ville de Sippar, tandis qu’ils ne disent jamais qu’Anou y ait été particulièrement honoré. On ne voit donc pas pourquoi les Sépharvaïtes auraient introduit en Samarie, comme divinité nationale, le dieu d’une localité étrangère. Cf. J. Seldenus, De diis syris, 1061, I, p. 328; il, p. 308, et passim pour les anciens; parmi les modernes: Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 210; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 7; Th. Pinches, Proceed. of the Society of Biblic. archæol., 3 novembre 1885, p. 27; Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. i, p. 276Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 251 et 259; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. ii, p. 10, t. i, p. 126-129; H. Sayee, Lectures on theorigin of religion, Londres, 1887, p. 182-184; 176-179; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 175. E. Panmer.

ANAMIM (hébreu: 'Ânâmîm; Septante: Ἐνεμετιείμ, Gen., x, 13; 'Ai/xutii, I Par., i, 11), peuple égyptien, mentionné le second parmi les descendants de Mesraïm.Gen., x, 13; I Par., i, 11. Quelques-uns des anciens interprètes le plaçaient dans la basse Egypte: le pseudo-Jonathan, ou le Targum sur le Pentateuque, dans le nome Maréotique; Rabbi Saadia, ou la version arabe, dans les environs d’Alexandrie. Les commentateurs modernes ont émis des hypothèses trop souvent basées sur des étymologies douteuses et des rapprochements chimériques.S. Bochart fait des Anamim une peuplade habitant larégion du temple de Jupiter Ammon et la Nasamonite, Phaleg, Cæn, 1647, 1. IV, ch. xxx, p. 322; dom Calmet les assimile aux Garamantes, indigènes du centre de l’Afrique, Commentaire sur la Genèse, Paris, 1707, p. 266; Gesenius compare le grec Ἐνεμετιείμ à BENENITC, nom d’une contrée citée par Champollion, Thesaurus linguæ heb., p. 1052. Knobel et Bunsen combinent le même mot des Septante avec emhit, «le nord,» et l’entendent des habitants du Delta. Cf. Crelier, La Sainte Bible, La Genèse, Paris, 1889, p. 131. L’opinion d’Ebers, un peu plus fondée que la précédente, est elle-même bien incertaine. D’après lui, le peuple dont nous parlons serait identique aux Aamû ou An-Aamû, pasteurs asiatiques établis sur le bras bucolique du Nil, Aegypten und die Bücher Mose’s, t. i, p. 98 et suiv.

Les principaux égyptologues français reconnaissent lesAnamim dans les 'Anou. Cf. E. de Rougé, Recherchessur les monuments des six premières dynasties, dansles Mémoires de l’académie des Inscriptions, t. xxv, 1866, p. 228 et suiv.; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 14; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9° édit., Paris, 1881, t. i, p. 269. «Les Anamim, dit ce dernier, sont les ʾAnnou des monuments égyptiens, population qui apparaît, aux âges historiques, brisée en débris répandus un peu partout dans la vallée du Nil; elle a laissé son nom aux villes d’Héliopolis (en égyptien ʾAn), Tentyris ou Dendérah (appelée aussi quelquefois ʾAn) et Hermonthis (ʾAn-res, la ʾAn du sud); deux de ses rameaux gardèrent pendant un certain temps, après les autres, une vie propre, l’un dans une portion de la péninsule du Sinaï, l’autre dans la Nubie; ce sont probablement les gens de ce dernier rameau, les 'Anou-Kens des inscriptions égyptiennes, que l’auteur du document ethnographique de la Genèse a eu en vue.» Il est probable que les Anou formèrent l’avant-garde des populations primitives qui vinrent se fixer en Egypte, et qu’ils eurent ensuite à supporter le poids des tribus venues après eux. Refoulés en grande partie vers le midi, ils habitaient, sous la douzième dynastie, dans le désert et au delà de la seconde cataracte, errant avec cent tribus aux noms étranges, toujours prêtes aux razzias, toujours battues et jamais soumises. Les Pharaons, comprenant combien il leur était nécessaire de réduire ces peuples, tandis qu’ils étaient encore indécis et flottants, tournèrent leurs armes contre eux, et, à force de persévérance, parvinrent à les dompter pour la plupart, à détruire ou à refouler vers le sud ceux qui s’obstinèrent à la lutte. Cf. Maspero, ouv. cité, p. 104-105.

A. Lecendre.

1. ANAN (hébreu: 'Anân, «nuage; «Septante: Ἠνάμ), un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 26.

2. ANAN ben David, célèbre docteur juif qui vivait au viiie siècle dans l'école rabbinique de Sora, en Babylonie. Écarté de la dignité de Gaon ou chef de cette école, à laquelle il aspirait, il fut blessé de cette exclusion. Aussi, par ressentiment contre ses collègues, et peut-être aussi entraîné par l’exemple des Chiites, qui, dans l’islamisme, se déclaraient alors les adversaires de la tradition, Anan secoua le joug de la hiérarchie rabbinique, et fonda, vers 700, la secte des Caraïtes. Comme les rabbins et leur méthode régnaient en maîtres dans la Babylonie, il y eut peu de succès. Accompagné de son fils Saül, il alla à Jérusalem, où le rabbinisme était alors moins florissant. Il sut y acquérir une grande influence: il s'éleva contre les traditions des rabbins et leurs interprétations artificielles, ramena à l'étude trop oubliée du texte de la Bible, et imprima à l’exégèse de Palestine une direction plus rationnelle. Voir Caraïtes. Cf. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse, p. 196-197.

E. Levesque.

ANANI, hébreu: ʿĂnâni, abréviation pour ʿĂnanyâh, «Jéhovah couvre, protège;» Septante: Ἀνάν.

1. ANANI, septième fils d'Éliœnaï, descendant par Zorobabel de la famille de David. I Par., iii, 24.

2. ANANI. Voir Hanan.


ANANIA (hébreu: ʿĂnanyâh; Septante: Ἀνία), ville de la tribu de Benjamin, mentionnée, avec Anathoth et Nob, comme ayant été réhabitée après le retour de la captivité. Il Esdr., xi, 32. Le nom et la position nous permettent de l’identifier avec Beit-Hanina (Hanina généralement écrit avec ha, quelquefois aussi avec aïn), village situé à une petite distance au nord de Jérusalem, entre Anata (Anathoth) au sud-est, et El-Djib (Gabaon) aunord-ouest. Voir la carte de la tribu de Benjamin. Assis sur une colline qui court du nord au sud, il possède quelques maisons fort anciennes et intérieurement voûtées. Près d’une mosquée, sous le vocable de Sidi Ibrahim, est un chapiteau de colonne, probablement antique, et creusé en forme de mortier. On trouve dans les environs de superbes plantations d’oliviers, où des essaims de tourterelles voltigent d’arbre en arbre. L’an 1334 de notre ère, les Juifs vénéraient en cet endroit le tombeau d’un ancien rabbin, appelé Chemina ben-Dosa, dont le nom, identique avec celui du village actuel, aura pu faireoublier, en l’altérant un peu, l’antique dénominationde 'Ananiah. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. i, p. 394.

A. Legendre.

ANANIAS. Voir Ananie.


ANANIE, ANANIAS, hébreu: ʿĂnanyâh, «Jéhovah couvre, protège,» ou Ḥânanyâh, «Jéhovah traite avec miséricorde;» Septante: Ἀνανιάς. Voir Hanani, Hananias.

1. ANANIE (hébreu: Ḥânanyâh), prêtre, un de ceux qui faisaient les parfums sacrés. 1 Par., ix, 30. Il rebâtit une partie des murs de Jérusalem à l'époque de Néhérnie. II Esdr., iii, 8.

2. ANANIE, prêtre, ancêtre d’Azarias, qui rebâtit une partie des murs de Jérusalem après la captivité. II Esdr., iii, 23.

3. ANANIE, père d’Azarias, dont le nom fut prispar l’ange Raphaël lorsqu’il s’offrit pour accompagner le jeune Tobie à Rages. Tobie le père, ayant demandé à l’ange, qu’il ne connaissait pas, de quelle famille et de quelle tribu il était, Raphaël lui répondit: «Je suis Azarias, fils du grand Ananias.» Tobie le père lui répondit: «Vous êtes d’une race illustre.» Tob., v, 16-19. Nous ne savons rien de plus sur cet Ananie. Le texte grec ajoute seulement ces paroles placées dans la bouche de Tobie le père: «J’ai connu Ananie et Jonathas, fils du grand Sëméi, quand nous allions ensemble adorer à Jérusalem.» Tob. (Septante), v, 13.

4. ANANIE, nom d’un ancêtre de Judith dans leCodex Sinaïticus. Judith, viii, 1. Il ne se lit pas dans l'édition ordinaire des Septante, non plus que dans la Vulgate.

5. ANANIE, compagnon de Daniel, qui reçut à Babylone le nom chaldéo - assyrien de Sidrach. Dan., i, 6-7. Voir Sidrach. Il était de la famille royale de David, comme le montre le choix que fit de lui Asphenez, le chef des eunuques de Nabuchodonosor, pour le faire élever dans l'école du palais avec Daniel, Misaël et Azarias. Dan., i, 3. Ananie est toujours nommé après Daniel et avant Misaël et Azarias, Dan., i, 6, 7, 11, 19; ii, 17, etc., sans doute comme étant un personnage moins important que Daniel, mais plus important que ses deux autres compagnons.

C'était l’usage, à Ninive et à Babylone, de faire élever à la cour des enfants appartenant aux familles principales des peuples vaincus, afin de les attacher ainsi aux vainqueurs et de s’en servir ensuite pour gouverner les nouveaux sujets de l’empire qui étaient de même race. Ananie reçut ainsi, avec Daniel, Misaël et Azarias, une éducation babylonienne, et apprit des maîtres chaldéens tout ce qui constituait la science d’alors. Dan., i, 4. Avec ses compagnons, pour observer strictement la loi mosaïque qui défendait l’usage de viandes impures, il ne se nourrit dans le palais que de légumes, et Dieu bénit cette fidélité. Dan., i, 12, 16. Après avoir fait les plus grands progrès dans les sciences chaldéennes, Ananie fut investi de fonctions élevées à la cour de Nabuchodonosor. Dan., i, 19-20. Sur lademande de Daniel, lorsque le jeune prophète eut expliqué le premier songe du roi de Babylone, Ananie fut placé, avec Misaël et Azarias, à la tête des affaires ou des travaux publics de la province de Babylone. Une si grande faveur excita contre lui et ses compagnons une vive jalousie. Nabuchodonosor ayant fait élever une statue d’or dans la plaine de Dura, près de Babylone, et ayant ordonné à tous ses officiers de l’adorer, les trois jeunes Hébreuxrefusèrent d’exécuter un ordre qui blessait leur conscience. Les Chaldéens saisirent aussitôt cette occasion de satisfaire leur haine contre eux, et les dénoncèrent au roi, qui, n’ayant pu les déterminer à commettre un acte d’idolâtrie, les fit jeter dans une fournaise ardente. Dan., iii, 1-23. Dieu récompensa la foi d’Ananie, de Misaël et d’Azarias, en les conservant vivants au milieu des flammes, et ils le remercièrent de ce grand miracle par le cantique connu sous le nom de Benedicite, omnia opera Domini, Domino, qui nous a été conservé dans la partie deutérocanonique du livre de Daniel, iii, 52-90. Nabuchodonosor, frappé de ce prodige, maintint Ananie, Misaël et Azarias dans le gouvernement de la province de Babylone. Dan., iii, 97 (30).Nous ne savons plus rien de l’histoire d’Ananie; mais son exemple devait être fécond. Plus tard, le vieux Mathathias mourant rappelait à Judas Machabée et à ses frères la fermeté des compagnons de Daniel, pour exhorter ses enfants à être eux-même fidèles à leur Dieu et braver la persécution d’Antiochus Épiphane. I Mach., ii, 59. Les premiers chrétiens les représentaient aussi, souvent, au milieu des flammes de la fournaise, dans les catacombes, afin de s’exciter par leur exemple à confesser généreusem*nt leur foi devant les tribunaux romains.

6. ANANIE, époux de Saphire. — Ananie était un chrétien de la communauté primitive de Jérusalem, qui, de concert avec sa femme Saphire, essaya de tromper saint Pierre sur le prix d’un champ qu’il avait vendu. Act., v, 2. Il aurait pu, ainsi que le lui fait remarquer l’apôtre, ne pas vendre son champ, et même après l’avoir vendu en garder le prix tout entier; mais en feignant d’apporter à la communauté tout le prix de vente, lorsque, au contraire, il en retenait une partie pour son propre usage, il mentait non pas tant aux hommes qu'à Dieu. À l’audition des reproches de saint Pierre, Ananie tomba et expira. Des jeunes gens (νεώτεροι, ceux qui probablement étaient chargés des besognes matérielles de la communauté paropposition aux πρεσβύτεροι, chargés des fonctions spirituelles) se levèrent, enveloppèrent le corps, et allèrent l’ensevelir. Trois heures après, le même sort atteignit sa femme Saphire, complice de son crime, et convaincue de mensonge par saint Pierre. — L’apôtre a-t-il voulu lamort des deux coupables? C’est probable pour celled’Ananie, et certain pour celle de Saphire.

Le péché d’Ananie et de Saphire a été double. Dans lacommunauté primitive de Jérusalem les biens étaient communs, Act., IV, 32; tous vendaient ce qu’ils possédaient et en livraient le prix aux Apôtres, puis on distribuait à chacun selon ses besoins. Act., v, 34, 35. Ananie et Saphirevoulurent participer aux biens de tous, sans livrer le leur en entier; c'était une injustice. En outre ils essayèrent de tromper les Apôtres, et mentirent ainsi à Dieu, qui inspirait ceux-ci.

Quelques rationalistes (Heinrichs, Neander) ont expliqué cette double mort par des causes naturelles: apoplexie, congestion cérébrale, émotion causée par la vénération dont était entouré saint Pierre, simple évanouissem*nt suivi d’un ensevelissem*nt précipité. Rien n’autorise de pareilles suppositions; de l’ensemble du récit il ressort clairement que l'événement a été miraculeux. Comment admettre d’ailleurs que cette double mort ait été causée naturellement à quelques heures de distance par un reproche de saint Pierre?

D’autres (Baur, Holtzmann) croient que le récit a unfondement historique, mais qu’il a été arrangé. Ananie et Saphire auraient péri d’une façon inusitée, et comme on avait à leu-r reprocher des actes d’indélicatesse envers la communauté, on aurait supposé que cette mort en était le châtiment. Les faits se seraient précisés dans la suite des temps. À une hypothèse aussi gratuite on ne peut répondre que par une fin de non-recevoir. Saint Luc a certainement voulu raconter un événement miraculeux.Rien dans son récit n’est contradictoire ou impossible, si l’on admet le surnaturel. Cela doit suffire.

E. Jacquier.

7. ANANIE de Damas devint de très bonne heure disciple de l'Évangile. Act., ix, 10. Son nom était fort commun parmi les Juifs, et les derniers mots du v. 12, Act., xxii, prouvent qu’il était de race israélite. Observateur zélé de la loi, ἀνὴρ εὐσεβὴς κατὰ τὸν νόμον, il avait l’estime de ses compatriotes établis comme lui à Damas (fîg. 134). Saint Paul observe, en effet, que tous rendaient témoignage à sa haute vertu. Act., xxii, 12. On ne voit pas cependant qu’il ait eu rang parmi les chefs de l’Eglise naissante, etsaint Chrysostome suppose qu’en recourant ainsi à unsimple disciple, nouveau-né dans la foi, pour introduire Paul dans l'Église, Dieu voulut faire entendre que l’Apôtre des Gentils tenait, comme les Douze, sa mission de Jésus lui-même, et non d’un des chefs officiels de la religionnouvelle.



134. — Maison bâtie à Damas sur l’emplacement traditionnel de la maison d’Ananie.

Dans une vision, Ananie reçut l’ordre d’aller trouver Paul chez Judas, un Juif qui habitait la rue Droitede Damas, pour lui rendre la vue et lui communiquer le Saint-Esprit. Act., ix, 11-17. Après un premier mouvement de frayeur, dont il fuit naïvement l’aveu, en rappelant qui était Paul et ce qu’il avait fait jusqu'à ce jour, le disciple alla vers celui qui n'était plus à craindre pour l'Église, mais à utiliser. Il le salua du nom de frère, lui révéla ceque Dieu attendait de sa générosité, et, lui ayant imposé les mains, commença par lui rendre miraculeusem*nt la lumière du jour. Après quoi il le baptisa, ayant ainsi la gloire d’attacher à Jésus-Christ un disciple qui allait devenir son plus vaillant champion. Josèphe parle d’un Juif, appelé Ananie, qui faisait du prosélytisme à la cour d’Izate, roi d’Adiabène. Il ne serait pas impossible que ce prédicateur fût un chrétien, et peut-être l’Ananie qui avait baptisé Paul. Voir Le Camus, L'œuvre des Apôtres, t. i, p. 342. La tradition de l'Église d’Orient fait d’Ananie lepremier évêque de Damas et un martyr, mais elle n’estfondée sur rien de certain.

E. Le Camus.

8. ANANIE (Ἀνανιάς ou Ἀνανια chez Josèphe, Jonathan dans le Talmud), grand prêtre juif. Ananie était de l’illustre famille de Hanan et fils de Nébédée; il fut connu surtout par ses immenses richesses et par son extrême gloutonnerie. Nommé grand prêtre en 48 par Hérode de Chalcis, il conserva probablement la charge jusqu’en l’an 59, époque à laquelle Agrippa II conféra le souverain pontificat à Ismaël, fils de Phabi. Cependant Josèphe rapporte qu’en 55, le grand prêtre Jonathan, fils de Hanan, fut assassiné par l’ordre du procurateur Claudius Félix. Ce Jonathan est-il appelé grand prêtre (ἀρχιερεύς), parce qu’il l’était au moment où il périt, ou bien parce qu’il l’avait été vers l’an 36? La réponse à cettequestion pourrait nous expliquer les paroles de saint Paul, Act., xxiii, 5, que nous discuterons plus loin.

En 52, le grand prêtre Ananie fut envoyé enchaîné àRome, avec son fils Hanan et Jonathan, par le proconsul de Syrie, pour se justifier de la part qu’il avait prise dans un conflit entre les Juifs et les Samaritains. Ces derniers, soutenus par Cumanus, procurateur de Judée, et le tribun Celer, tous deux d’ailleurs compromis dans l’affaire, auraientgagné leur cause, si Agrippa II et Agrippine, femmede l’empereur, n’avaient obtenu de Claude qu’on fit une enquête, laquelle aboutit au triomphe d’Ananie et des Juifs.

En 53, le grand prêtre Ananie assista au conseil rassemblé par le tribun Claudius Lysias pour savoir de quoi était accusé saint Paul, qui venait d’être arrêté au milieu d’une émeute. Dès les premières paroles de l’Apôtre, Ananie ordonna de le frapper au visage. Saint Paul lui reproche vivement cet ordre illégal, et le traite de «muraille blanchie». Cf. Matth., xxiii, 27. Les assistants luifaisant observer qu’il injuriait le grand prêtre, saint Paul répond qu’il ne savait pas qu’Ananie fût grand prêtre. Act., xxiii, 2-6.

Comment saint Paul a-t-il pu ignorer qu’Ananie étaitou avait été grand prêtre? — Rien n’indiquait à l’Apôtre la qualité d’Ananie. Il n’est pas dit que celui-ci présidât le Sanhédrin, fonction qui probablement d’ailleurs n’était pas réservée au grand prêtre; en outre il ne portait pas un costume qui le distinguât des assistants. Et saint Paul, depuis sa conversion, ne faisait à Jérusalem que de rareset courts séjours; ce n’était pas Ananie qui lui avait autrefois délivré ses lettres de créance pour aller rechercher les chrétiens de Damas, Act., ix, 1-2; les grands prêtres à cette époque se succédaient rapidement: tout autant de raisons qui expliquent la réponse de l’Apôtre. On a fait remarquer aussi qu’Ananie pouvait bien n’être plusen fonction à cette époque. La scène se passa à son retour de Rome, et il est possible que, destitué à cause des accusations portées contre lui, on ne l’ait pas rétabli dans ses fonctions. Josèphe ne mentionne la nomination d’aucun grand prêtre avant 59; mais la formule inusitée qu’il emploie (Ant. jud., XX, viii, 8) pour relater l’entrée encharge d’Ismaël, le grand prêtre nommé en 59, fait supposer l’intercalation d’un pontife entre Ananie et Ismaël. Les Actes des Apôtres appellent Ananie ἀρχιερεύς; mais, comme on le verra à l’article Anne, ce terme ne désignait pas exclusivement le grand prêtre en fonction; d’autres personnages le recevaient. Le texte dit même, Act., xxii, 30, qu’on avait rassemblé en conseil les ἀρχιερεύς et tout le Sanhédrin. Ananie pouvait donc être ἀρχιερεύς parce qu’il avait été grand prêtre, et être appelé de ce nom, sans que saint Paul, presque toujours absent de Jérusalem pendant le pontificat d’Ananie, sût qu’il avait droit à ce titre.

Au chapitre xxiv, 1, on retrouve le grand prêtre Ananie, descendant à Césarée avec des anciens pour accuser saint Paul auprès du procurateur Félix. Après discussion, l’affaire fut ajournée.

Quoiqu’il ne fût plus grand prêtre, Ananie, grâce à ses richesses et à ses partisans, à la faveur des procurateurs romains qu’il avait su gagner, exerçait dans Jérusalem une autorité despotique. Josèphe fait de ses violences et de ses iniquités un récit qui explique et confirme ce que racontent les Actes des Apôtres, xxiii, 2; Ant. jud., XX, ix, 2. Ananie fut assassiné par les sioaires, comme ami des Romains, au commencement de la révolte des Juifs, en 66 ou 67. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2; vi, 2; ix, 2; Bell. jud., II, xii, 6; xvii, 6, 9.

E. Jacquier.

ANANIEL. (Septante: Ἀνανιήλ).; de l’hébreu: Hânân et’El, «Dieu est bon, miséricordieux» ), grand-père de Tobie, dans le texte grec du livre de ce nom. Ananiel était fils d’Aduel et père de Tobiel, qui eut pour fils Tobie. Tob., i, 1 (texte grec).

ANANUS (Ἄνανος), forme du nom d’Anne, le grandprêtre, dans Josèphe. Ant. jud., XX, ix, 1; Bell. jud., IV, iii, 7. Voir Anne 5.

1. ANASTASE LE SINAÏTE (viie siècle), — que l’on a l’habitude de confondre à tort, soit avec cet Anastase qui fut évêque d’Antioche de 559 à 598, soit avec cet autre Anastase qui fut aussi évêque d’Antioche et successeur du précédent (599-610), — le premier, auteur de cinq discours, De rebus dogmatibus veritatis, Pat. Gr., t. lxxxix, col. 1309-1361, et de quatre Orationes festales, ibid., col. 1302-1398, — le second, auteur d’une traduction grecque du De cura pastorali du pape saint Grégoire, qui ne nous est pas parvenue. — Voir, sur ces deux Anastase, Lequien, Oriens christianus, t. ii, p. 734-738. Anastase le Sinaïte est un auteur du milieu du VIIe siècle, contemporain de Jean, patriarche jacobite d’Alexandrie. Lequien, ibid., p. 447. Moine dans un couvent du Sinaï, il paraît surtout s’être fait connaître comme controversiste, et par la publication de son Hodegos, important traité dethéologie polémique contre les monophysites alexandrins, Pat. Gr., t. lxxxix, 35-310. On a aussi de lui un ouvrage intitulé Interrogationes et responsiones de diversis capitibus, répertoire de réponses, tirées des Pères, à une série de difficultés dogmatiques, scripturaires ou morales, Pat. Gr., t. lxxxix, col. 311 -821. C’est à cet Anastase le Sinaïte que l’on attribue, de préférence au second Anastase d’Antioche († 610), le traité sur l’œuvre des six jours, intitulé Anagogicarum contemplationum in Hexœmerum libri xii ad Theophilum, t. i.xxxix, col. 851-1077; peu intéressant pour la doctrine, mais beaucoup pour les citations d’auteurs anciens qu’il renferme: Ambroise d’Alexandrie, Ammonius, Eustathe d’Antioche, saint Justin, Théodore d’Antioche, Théophile d’Antioche, Clément d’Alexandrie, saint Irénée, Pantène d’Alexandrie, Papias d’Hiérapolis, Philon, Origène, etc. Il est le seul écrivain connu qui ait cité un apocryphe hébreu intitulé Testamentum protoplastorum, ibid., col. 907. Notons enfinqu’il l’apporte, col. 984, que l’évangile selon saint Matthieu a été écrit en hébreu et traduit, ou plutôt remanié en grec, par saint Luc et saint Paul. Voir sur Anastase le Sinaïte: Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. x, p. 571-595, Kampfmüller, De Anastasio Sinaita dissertatio, Ratisbonne, 1865. P. Batiffol.

2. ANASTASE Martin, savant bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin. Il prit l’habit de son ordre à Palerme, d’où il était originaire, le 22 juillet 1595, et mourut dans cette ville, en 1644. On a de lui: De monogamia beatæ Annæ parentis Dei paræ seu veritas vindicata, in-4°, Inspruck, 1659; une Concordia quatuor Evangelistarum, restée manuscrite, et divers autres ouvrages théologiques et historiques qui n’ont pas été imprimés.


ANASTATQUE, Anastica hierochuntina, nom scientifique de la plante appelée vulgairement rose de Jéricho. Voir Rose de Jéricho.


ANATH (hébreu: ʿĂnâṭ, «exaucement;» Septante: Δινάχ Ἀνάθ), père de Samgar, juge d’Israël, Jud., iii, 31; v, 6.

ANATHÉMATISER. Voir Anathème, col. 548-519. ANATHÈME, mot grec employé par les Septante etles écrivains du Nouveau Testament et qui a été conservé par la Vulgate latine, d’où il est passé dans notre langue. Le mot ἀνάθεμα, d'ἀνά et de τίθημι, équivaut à τὸ ἀνατεθειμένον, «ce qui est placé en haut, suspendu,» et signifie spécialement, dans les écrivains classiques, «un objet consacré à la divinité, et suspendu aux murs ou aux colonnes d’un temple, ou bien placé dans un endroit remarquable,» une sorte d’ex-voto. Il est employé dans ce sens, II Mach., IX, 16, — où Antiochus Épiphane mourant promet d’orner ϰαλλίστοις ἀναθήμασι (Vulgate: optimis donis) le temple de Jérusalem, qu’il avait auparavant dépouillé, — ainsi que dans saint Luc, xxi, 5, parlant des objets offerts en don, qui ornent ce même temple. Voir aussi Judith, xvi, 19. Dans ces trois passages, ἀνάθημα est écrit avec un η, au lieu d’un ε, et c’est l’orthographe ordinaire chez les auteurs classiques; mais, dans la Bible grecque, on trouve partout ailleurs ἀνάθεμα, forme qui paraît propre au dialecte hellénistique, et n’implique d’ailleurs aucune différence de signification. Les manuscrits, au surplus, confondent assez fréquemment les deux orthographes.

Le mot «anathème» n’est employé dans son acceptiongrecque d’objet offert à la divinité que dans Judith, xvi, 19 (Vulgate, 23); II Mach., ix, 16, et Luc, xxi, 5; dans toutes les autres parties de l’Ancien et du Nouveau Testament, il a une signification particulière qui n’a qu’une analogie éloignée avec sa signification primitive d’objet sacré ou consacré à Dieu; il traduit l’hébreu ḥêrém, pour lequel la langue grecque n’a aucune expression exactement correspondante. Les Septante durent éprouver un grand embarras, quand ils eurent à rendre dans leur version cette expression hébraïque, qui exprime une idée importante dans la religion juive, mais exclusivement sémitique. Ce qui leur parut sans doute s’en rapprocher le plus, ce fut ἁνάθεμα. Parce que, chez les païens, ce mot désignait un don offert dans les temples aux faux dieux, ils considérèrent sans doute ἀνάθεμα comme une chose idolâtrique, odieuse au vrai Dieu, et par conséquent digne de destruction et d’extermination; tel fut vraisemblablement le motif de leur choix. Quoi qu’il en soit, du reste, l’expression «anathème» est vague dans nos langues. Il importe cependant d’en avoir une idée exacte pour l’intelligence d’un grand nombre de passages des Écritures; il faut donc en préciser le sens dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.

I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Notion du «ḥêrém».

— Pour comprendre le mot «anathème», nous devonsrechercher d’abord quelle est la véritable signification de ḥêrém, dont il est l'équivalent. ḥêrém vient du verbe ḥâram, «retrancher, séparer, maudire;» il désigne ce qui est maudit et condamné à être retranché ou exterminé, soit une personne, soit une chose; par conséquent, ce dont la possession ou l’usage est interdit à l’homme. Il ya opposition entre ce qui est saint (qôdeš) et ce qui est ḥêrém. Deut., vii, 2, 6 (texte hébreu). Ce qui est saint peut être offert à Dieu, sanctifié, consacré (hîqdiš, II Sam. (Reg.), viii, 11); mais ce qui est ḥêrém doit être exterminé, et personne ne peut se l’approprier, sous peine d’encourir lui-même la malédiction qui y est attachée. «Tu ne feras pas entrer d’idole (ṭôʿêbâh) dans ta maison, dit Dieu à son peuple, pour que tu ne sois pas anathème (ḥêrém) comme elle; tu la détesteras et tu l’auras en abomination, parce qu’elle est anathème (ḥêrém).» Deut., vii, 26. Si les habitants d’une ville d’Israël se livrent à l’idolâtrie, ils deviennent ḥêrém, comme la ville elle-même, comme tout ce qu’elle renferme; les autres Israélites doivent attaquer cette ville, la détruire avec ceux qui l’habitent, sans en épargner les troupeaux, ni même les meubles qui seront brûlés et anéantis, afin que le ḥêrém ne s’attache pas à Israël. Deut., xiii, 12-17. Ces prescriptions sévères ont pour but d’inspirer aux enfants de Jacob la plus grande horreur pour les idoles, qui sont ce qu’il y a de plus opposé à Dieu, et, si l’on peut ainsi dire, de plus ḥêrém. Le Seigneur ne pouvait obtenir le but qu’il se proposait qu’en rendant responsable du ḥêrém le peuple entier, quand il supportait la violation des ordres divins et ne la punissait pas rigoureusem*nt; c’est pourquoi, Achan s'étant approprié, après la prise de Jéricho, à l’insu de ses frères, des objets qui étaient ḥêrém, Israël tout entier souffre du péché d' Achan, jusqu'à ce qu’il l’ait expié. Jos., vii, 1-26.

Personnes et choses qui sont «ḥêrém» dans l’Ancien Testament.

— A) Peuples étrangers. — Quelques-uns des peuples idolâtres auxquels Israël eut à faire laguerre furent ḥêrém ou voués à l’anathème et à l’extermination.

a) Dieu lui-même déclara ḥêrém les ancienspossesseurs de la Terre Promise et certaines tribus voisines, avec lesquelles il voulait empêcher Israël de faire alliance, pour qu’il ne fût pas entraîné à l’idolâtrie par leurs pernicieux exemples. «Quand Jéhovah, ton Dieu, te fera entrer dans la terre dont tu vas prendre possession, dit Moïse à son peuple, et qu’il chassera devant toi des peuples nombreux, l’Héthéen, le Gergéséen, l’Amorrhéen, le Chananéen, le Phérézéen, l’Hévéen et le Jébuséen, sept peuples plus nombreux et plus forts que toi; lorsque jéhovah te les livrera entre les mains et que tu les frapperas, tu les traiteras comme ḥêrém (haḥârêm ṭaḥârîm; Vulgate: percuties eas usque ad internecionem); tu ne feras pas alliance avec eux, tu ne leur feras pas grâce, … parce qu’il éloignerait de moi ton fils et lui ferait servir les dieux étrangers… Tu renverseras ses autels, tu briseras ses cippes (idolâtriques), tu couperas ses ʾăšêrim (symboles en bois de Baal), et tu brûleras ses statues (d’idoles), parce que tu es un peuple saint (qâdôš, consacré) à Jéhovah ton Dieu.» Deut., vii, 1-6. Voir aussi Deut, xx, 16-18. — Nous apprenons par I Sam. (I Reg.), xv, 3, 18; cf. Deut., xxv, 17-19; que les Amalécites étaient aussi ḥêrém (haḥâramṭem, I Sam., xv, 3; Vulgate: demolire); ce fut pour n’avoir pas détruit complètement les ennemis d’Israël et tout ce qui leur appartenait, ainsi que le prescrivait la loi du ḥêrém, et pour avoir épargné le roi amalécite Agag et ce qu’il y avait de meilleur dans les troupeaux, I Reg., xv, 9, 15, que Saül fut rejeté de Dieu comme roi. I Reg., xv, 10-23. — Il est aussi question du ḥêrém dans les prophètes, pour divers peuples ennemis d’Israël. Is., xxxiv, 2; xliii, 28; Jer., xxv, 9 (texte hébreu); Mal., iv, 6 (ni, 24).

b) Un peuple ou une ville pouvait devenir ḥêrém et être vouée par conséquent à l’extermination par un vœu du peuple, sans que Dieu intervînt directement. C’est ainsi qu’Israël, après avoir été battu par le roi chananéen Arad, lors de son séjour dans le désert du Sinaï, fit le vœu suivant à Jéhovah: «Si tu livres ce peuple dans ma main, je détruirai (haḥâramṭi) ses villes.» Num., xxi, 2. Et s'étant emparé de Sephaath, la capitale d’Arad, il la détruisit, en effet, et l’appela Horma (de hêrém), «anathème.» Num., xxi, 3; cf. Jud., i, 17. Voir aussi I Par., iv, 41 (texte hébreu).

c) Il faut remarquer cependant qu’il y avait des degrés dans l’anathème.

1° Lorsque le ḥêrém était tout à fait strict, tout devait être exterminé et détruit, hommes ettroupeaux; les villes devaient être brûlées; l’or, l’argent, les vases de cuivre et de fer, devaient être offerts à Jéhovah; mais les troupeaux qui avaient été pris ne pouvaient lui être offerts comme victimes. Jos., vi, 17, 19, 21, 24; I Reg., xv, 21-22. La ville anathématisée ne devait pas être rebâtie, mais rester en ruines; Jos., viii, 28; quiconque essayerait de la réédifier n'échapperait pas à la vengeance divine, comme le montre l’exemple de Jéricho. Jos., vi, 17, 26; III Reg., xvi, 34. — 2° Le ḥêrém pouvait être moins rigoureux et exiger seulement la mort des hommes, Jos., x, 28-40; les troupeaux et les biens étaient conservés et partagés comme butin; quelquefois les villesn'étaient point détruites ou pouvaient être relevées, c’est ce qui eut lieu dans la guerre contre Og et Séhon, à l’est du Jourdain, Deut., ii, 32-35; iii, 3-7, et contre divers peuples de la terre de Chanaan. Jos., viii, 2, 24, 27; xi, 10-15. — 3° L’obligation de faire périr toutes les créatures humaines était elle-même quelquefois adoucie, et lesjeunes filles étaient épargnées et partagées entre les vainqueurs. C’est ainsi que sont conservées les vierges madianites, Num., xxxi, 18, et les vierges de la tribu de Benjamin. Jud., xxi, 11-12.

Les rigueurs du ḥêrém dans la guerre sont expressément justifiées dans l'Écriture, comme nous l’avons vii, par la nécessité de soustraire le peuple de Dieu à la contagion de l’idolâtrie. Deut., xx, 16-18. Il faut, de plus, observer que telle était la loi de la guerre chez les Sémites.Mésa, roi de Moab, dit dans la stèle de Dibon (lignes 11et 12): «J’assiégeai la ville (de Cariathaïm), je la pris etje fis périr tout le peuple qui était dans la ville, spectacle(agréable) à Chamos, dieu de Moab.» Voir Mésa. Lesecond livre des Paralipomènes, xx, 23, nous dit expressément que les Moabites et les Ammonites traitèrent leshabitants du mont Séir comme ḥêrém (lehaḥǎrim). Lesrois d’Assyrie faisaient de même à l'égard de leurs ennemis (lehaḥǎrîmâm, II (IV) Reg., xix, 11; Is., xxxvii, 11; héḥĕrîmû, II Par., xxxii, 14); leurs inscriptions nous apprennent comment ils faisaient périr ceux qui tombaient entre leurs mains, et entreprenaient toutes leurs guerres en l’honneur de leurs dieux. Tacite raconte, Ann., XIII, 57, qu’un usage analogue existait chez les Germains. Voir aussi ce que dit César des Gaulois. Bell. gall., vi, 17. Des coutumes plus ou moins semblables subsistent toujours chez les peuples dont les mœurs n’ont pas été adoucies par le christianisme, par exemple en Afrique. Voirle P. Marcot, Les missionnaires et l’esclavage au Soudanfrançais, dans le Correspondant, 10 décembre 1891, p. 893.

B) Israélites. — Ce n’étaient pas seulement les personnes étrangères au peuple de Dieu qui pouvaient être «anathèmes»; l’Israélite pouvait, lui aussi, être ḥêrém.— 1° Les particuliers, les habitants d’une ville d’Israël etla ville elle-même devenaient «anathèmes», comme nousl’avons vu plus haut, s’ils s’abandonnaient au crime del’idolâtrie, et ils devaient subir les conséquences de leurfaute dans toute leur rigueur. Exod., xxii, 19 (yâhôrâm; Vulgate: occidetur). Deut., xiii, 12-17. — 2° Celui qui s’appropriait un objet frappé d’anathème encourait lui-même le ḥêrém, et devait être exterminé, comme le fut Achan. Jos., vii, 1, 13, 25. Cf. Deut., vii, 25-26; II Mach., xii, 40.

C) Animaux et objets inanimés. — Les animaux et lesobjets inanimés pouvaient devenir «anathèmes» par lavolonté d’un Israélite. Voici ce que nous apprend la loià ce sujet: «Tout ḥêrém qu’un homme consacre (yaḥǎrîm) à Jéhovah (Vulgate: Omne quod Domino consecratur), de ce qui lui appartient, soit homme, soit animal, soit champ, qui est en sa possession, ne sera ni vendu ni racheté; tout ḥêrém est sanctifié et appartient à Jéhovah; tout ḥêrém qu’un homme consacre (yâḥǒram) ne sera pas racheté, mais mourra.» Lev., xxvii, 28-29. Le ḥêrém provenant d’un Israélite n'était donc pas de même nature que le ḥêrém divin. Le champ ainsi anathématisé appartenait aux prêtres, Lev., xxvii, 21, de même que d’autres objets qui étaient devenus ḥêrém. Num., xviii, 14: «Tout ḥêrém (Vulgate: Omne quod ex voto reddiderint) en Israël est à toi,» dit Dieu à Aaron. Voir aussi Ézéchiel, xliv, 29, qui reproduit mot à mot les paroles du texte original de Num., xviii, 14.

Dans Ezéchiel, xliv, 29, la Vulgate traduit, comme aussiailleurs, ḥêrém par «vœu», quoique le vœu soit une chose fort différente. Voir Vœu. Ailleurs elle rend ḥêrém par «consécration, consacré». Lev.. xxvii, 28, 29. Elle ne se sert donc pas toujours du mot «anathème» pourrendre le mot hébreu, suivant en cela l’exemple des Septante. C’est que l’hébreu ḥêrém est intraduisible d’une manière exacte dans les langues occidentales, comme nous l’avons remarqué: de là la nécessité de l’exprimer tantôt d’une manière et tantôt d’une autre, selon les cas et les circonstances.

II. Dans le Nouveau Testament.— 1° Le «ḥêrém» dansle Nouveau Testament. — Le gérera s’atténue après lacaptivité de Babylone. Du temps d’Esdras, il n’entraîneplus la mort, mais la perte des biens (yâḥǒram kolrekûšô) et l’excommunication ou exclusion de l’assemblée des fidèles. J Esdr., x, 8. La mort spirituelle est ainsi en quelque sorte substituée à la mort corporelle. C’est là le châtiment du ḥêrém à l'époque de Notre-Seigneur. Il en est plusieurs fois question dans l'Évangile de saint Jean, ix, 22; xii, 42; xvi, 2; mais celui qui est ainsiexcommunié est désigné par un nom nouveau, inventé par les Juifs hellénistes: ἀποσυνάγωγος; (Vulgate: extra synagogam, Joa., ix, 22; e synagoga, Joa., xii, 42; absque synagogis, Joa., xvi, 42). Cette expression ne se lit pas dans les autres Évangiles, mais saint Luc, vi, 22, fait aussi allusion à l’exclusion des synagogues et même, d’après plusieurs interprètes, aux divers degrés de l’excommunication juive.

Les rabbins, dans la suite des temps, distinguèrent: 1° l’excommunication temporaire, appelée nidduy, «séparation,» qui durait trente jours. Elle n'était pas accompagnée de malédictions. — 2° Si, au bout du mois, le coupable ne se repentait point, on prononçait ordinairementcontre lui la seconde espèce d’excommunication, accompagnée de malédictions, qui était appelée simplement et plus spécialement ḥêrém; les fidèles devaient se séparer de sa société et s’abstenir de manger et de boire avec lui. Cf. I Cor., v, 11; II Joa., 10-11. — 3° Enfin, si le pécheur persévérait dans son impénitence, il était condamné à la peine la plus grave, nommée šammaṭâʾ, «imprécation:» c'était l’exclusion complète de la société des fidèles et l’abandon de l’endurci au jugement de Dieu et à la perte finale. Voir Elias Levita, Sepher Ṭišbî; Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 1304. — Ces distinctions techniques sont postérieures à l'ère chrétienne. Dans le Talmud, on emploie encore les termes nidduy et šammaṭâʾ comme synonymes. Cependant déjà du temps de Notre-Seigneur, toutes les excommunications n'étaientpas également sévères, et l’on peut voir des degrés diverset une gradation ascendante dans les paroles de Jésus àses disciples, rapportées par saint Luc, VI, 22: «Heureux serez-vous quand les hommes vous haïront, quand ilsvous excommunieront (vous sépareront de leurs assemblées, ἀφορίσωσιν), quand ils vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme.» Le Sauveur annonce aux siens, dans ce passage, qu’ils ne seront pas seulement chassés des synagogues, mais qu’ils auront encore davantage à souffrir. Quelques exégètes voient une allusion aux malédictions du ḥêrém ou second degré de l’excommunication juive dans les mots: «Quand ils vous injurieront (ὀνειδίσωσι) et rejetteront (ἐκβάλωσι) votre nom.» Quoi qu’il en soit de ce point, il est certain qu’il y a des allusions aux degrés des excommunications juives dans Matth., xviii, 15-17. Cf. II Thess., iii, 14.

Dans ses Épîtres, saint Paul parle deux fois d’un châtiment qui consiste «à être livré à Satan». I Cor., y, 5; I Tim., i, 20. On a vu dans ces expressions une allusionà la plus grave des excommunications usitées chez les Juifs.L’allusion est possible, mais l’effet de l’excommunicationapostolique est certainement différent, d’après le langagemême de saint Paul. Les Juifs livraient l’excommunié àla perte finale, tandis que l’Apôtre borne sa sentence «àla destruction de la chair», I Cor., v, 5, c’est-à-dire de la nature corrompue et dépravée, «afin que l’esprit puisseêtre sauvé au jour du Seigneur Jésus,» c’est-à-dire quele coupable se convertisse.

Le mot «anathématiser» dans le Nouveau Testament. — Dans tous ces passages, on voit que l’idée du ḥêrém est restée, mais que le mot a disparu. Dans aucun de ces cas, l’expression «anathème» n’est employée. Elle se rencontre cependant plusieurs fois dans le Nouveau Testament, de même que le verbe àvadEiiatiÇto, « anathématiser,» qui est de création biblique, et ne se rencontre jamais chez les écrivains profanes. Le verbe ἀναθεματίζω se lit déjà dans les Septante, où il traduit le verbe héḥěrim. Deut., xiii, 15 (hébreu, 16); xx, 17; Jos., vi, 21, etc.; cf. I Mach., v, 5. En saint Marc, xiv, 71, il signifie «affirmer avec imprécation qu’on dit la vérité», et dans les Actes, xxiii, 12, 14, 21, «s’obliger sous des peines graves à faire quelque chose.» Dans la Vulgate latine, anathematizare n’est employé que I Mach., v, 5, et Marc, xiv, 71; au livre des Actes, (ἀναθεματι) ἀναθεματίζειν, xxiii, 12, 11, 21, est traduit par se devovere. Saint Matthieu, xxvi, 74, dans le passage parallèle à celui de saint Marc, xiv, 71, porte dans le textus receptus: ϰαταναθεματίζω, ayant le même sens que ἀναθεματίζω; les éditions critiques de Griesbach, Lachmann, Tischendorf, lisent: ϰαταθεματίζω, qui en est simplement une contraction. La Vulgate traduit: detestari.

Le mot «anathème» dans le Nouveau Testament. — Quant au mot «anathème», nous avons déjà vu que saint Luc, xxi, 5, l’a employé dans son sens véritablement grec de «don offert à Dieu et consacré dans letemple». C’est la seule fois que nous le lisons dans les Évangiles. Il se retrouve une autre fois dans les Actes, xxiii, 14, joint au verbe «anathématiser», pour en augmenter la force: ἀναθεματι ἀναθεματισαμεν, «nous nous sommes engagés sous peine d’anathème.» En dehors de ces deux passages, le terme d’anathème ne se rencontre que dans les Épîtres de saint Paul. — 1° L’Apôtre déclare «anathème», c’est-à-dire exécré et exécrable et voué aux plus sévères châtiments, et peut-être excommunié de l’assemblée des fidèles, celui qui prêcherait un autre Évangile que le sien. Gal., i, 8, 9. — 2° Dans la première Épître aux Corinthiens, xii, 3, saint Paul écrit: «Personne, parlant dans l’Esprit de Dieu, ne dit anathème à Jésus,» c’est-à-dire ne le maudit. Ce n’est pas une allusion à une sentence judiciaire prononcée par les autorités juives contre le Sauveur, mais à l’usage oriental, attesté par les écrits rabbiniques, d’accompagner, dans la conversation, de termes d’imprécation et de malédiction, le nom d’un personnage odieux, de même que, lorsqu’on prononçait un nom vénéré, on le couvrait de bénédictions: «Le Christ, … béni (εὐλογετός) dans tous les siècles. Amen.» Rom., ix, 5, etc. — 3° À la fin de la même Épître, saint Paul dit: «Si quelqu’un n’aime pas Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il soit anathème, maran atha.» Ἀνάθεμα μὰραν ἀθά. I Cor., xvi, 22. Les mots maran et atha sont araméens et signifient: «Notre-Seigneur vient.» D’après quelques commentateurs, cette locution serait équivalente à la forme d’excommunication la plus sévère en usage chez les Juifs, au šammaṭȧʾ, parce qu’ils supposent que l’araméen mȧrān ʾȧṭāʾ est l'équivalent de šêmʾȧṭāʾ, «le nom (de Jéhovah) vient.» Mais c’est là une pure conjecture qui ne repose sur rien de solide: il est fort douteux que l’excommunication appelée šammaṭȧʾ fût déjà usitée du temps de saint Paul; le mot šammaṭȧʾ n’a jamais été expliqué de cette manière par les écrivains juifs (voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 2466) et la phrase maran atha ne se trouve dans aucun écrivain rabbinique. Cf. Lightfoot, Horæ hebraicæ et talmudicæ, in I Cor., xvi, 22. Voir Maran atha. Quoi qu’il en soit, du reste, de la raison pour laquelle l’Apôtre a employé ces mots araméens dans son Épître, le mot «anathème» désigne ici, d’après les uns, l’excommunication ou l’exclusion de l'Église chrétienne, et d’après les autres, avec plus de vraisemblance, il est simplement l’expression de l’horreur qu’on doit éprouver pour celui qui n’aime pas le Sauveur. Nous devons d’ailleurs observer que, quoique la signification expresse d’excommunication, attachée au mot «anathème», ne soit pas rigoureusem*nt établie dans la langue du Nouveau Testament, ce sens lui fut donné dans la primitive Église, comme nous le voyons dans les Canons apostoliques, dans saint Jean Chrysostome, dans Théodoret et dans d’autres Pères grecs, ainsique dans les canons des conciles: le concile d’Elvire, en 303, can. 52; le concile de Laodicée, en 307, can. 29, se servit de cette expression; le concile de Nicée, en 325, déclare les ariens «anathèmes», etc. — Voir Suicer, Thesaurus ecclesiasticus, aux mots Ἀνάθεμα et Ἀφορισμός. — 4° Reste un dernier passage dans lequel saint Paul, écrivant aux Romains, IX, 3, dit: «Je désirais moi-même être anathème pour mes frères, qui sont mes proches selon la chair.» La plupart des Pères ont entendu icile mot anathème dans le sens de l’excommunication, selon l’usage juif. Saint Jean Chrysostome et d’autres pensent qu’il s’agit d’une mort violente ou même de la séparation finale, non pas de l’amour, mais de la présence du Sauveur. Quelques-uns supposent que cette phrase est une parenthèse, dans laquelle l’Apôtre rappelle la haine qu’il a éprouvée d’abord contre le Christ. Tregelles, Account of the Greek text of the New Testament, p. 219. Cf. Polus, Synopsis, in Rom., ix, 3. Il est plus naturel d’expliquerainsi ce passage: «J’avais une telle affection pour mes frères les Juifs, que j’aurais consenti pour les sauver, si c’eut été possible, à souffrir moi-même les plus grands maux et la séparation même du Christ.»

Saint Jean, dans l’Apocalypse, xxii, 3, emploie un composé d’ἀνάθεμα, le mot ϰατανάθεμα, inconnu aux auteurs profanes. Plusieurs éditions critiques du Nouveau Testament, comme celles de Griesbach, Lachmann, Tischendorf, lisent par contraction ϰατάθεμα. Le sens est le même que celui d’anathème. Dans la Jérusalem céleste, «il n’y aura plus d’anathème,» de malédiction, de ḥérém.

F. Vigouroux.

ANATHOTH, hébreu: ʿĂnâṭoṭ, «prières exaucées;» Septante: Ἀναθώθ.

1. ANATHOTH, fils de Béchor, Benjamite. I Par., vii, 8. Peut-être le fondateur de la ville d’Anathoth.

2. ANATHOTH, un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 19.

3. ANATHOTH, ville de la tribu de Benjamin, attribuée, avec ses faubourgs, aux prêtres, Jos., xxi, 18; I Par., vi, 6O; III Reg., ii, 20: elle est omise dans la liste de Jos., xviii, 12-28. C’est probablement l’Anath du Talmud de Babylone, Yoma, 10 a, «bâtie par le géant Ahiman.» Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 154. Elle se trouvait non loin de la grande route qui, du nord, se dirigeait vers Jérusalem, au-dessous de Machmas (Moukhmas), et de Rama (Er-Ram). Is., x, 28-30. Josèphe évalue à vingt stades (3 kilom. 699 mètres) la distance qui la séparait de la Ville Sainte. Ant. jud., X, vii, 3. Eusèbe est plus près de la vérité en donnant le chiffre de trois milles (4 kilom. 445 mètres), c’est-à-dire vingt-quatre stades. Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 222. Saint Jérôme, dans son Commentaire sur Jérémie, t. xxiv, col. G82, précise encore la position de cette ville en l’indiquant «au nord de Jérusalem».

Tous ces détails confirment l’opinion commune qui identifie Anathoth avec ʿAnata, localité située à une heure de marche au nord-nord-est de Jérusalem. Voir la carte de la tribu de Benjamin. C’est actuellement «un petitvillage de deux cents habitants, placé sur une colline élevée (fig. 135). Une dizaine de maisons ont été récemment construites; d’autres, très délabrées, ont été bâties en partie avec des matériaux antiques, trouvés certainement sur place. Des citernes, des caveaux creusés dans le roc et quelques tronçons de colonnes proviennent également de l’ancienne cité à laquelle Anata a succédé, et dont le nom survit dans la dénomination actuelle.» V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 76. Anata semble avoir été autrefois une ville fortifiée, dont il reste encore quelques pans de murailles bâtis avec de larges pierres taillées. Des champs cultivés, des figuiers et des oliviers épars çà et là couvrent le sommet et les flancs de la colline. De ce point, la vue s'étend sur tout le versant oriental du district montagneux de Benjamin, jusqu'à la vallée du Jourdain et la pointe septentrionale de la mer Morte. C’est toute la région mentionnée par Isaïe, x, 28-32, quand il décrit la marche des Assyriens vers Jérusalem, c’est-à-dire une suite de profondes vallées courant, vers l’est, entre les larges sommets de plateaux inégaux. Cf. E. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 437-438.

Anathoth doit surtout sa célébrité au nom de Jérémie, dont elle fut le berceau. Jer., i, 1. Avant lui, elle avait vu naître Abiézer, l’un des trente héros (gibbôrîm) de David, II Reg., xxiii, 27, 1 Par., XI, 28, et Jéhu, l’un des vaillants hommes qui s’attachèrent à ce prince fuyant devant Saül, et qui contribuèrent à ses succès militaires. I Par., xii, 3.

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135. — Anathoth, d’aprèa une photographie.

Le grand prêtre Abiathar était de la même ville, et c’est là, dans le domaine de sa famille, que Salomon le relégua, après l’avoir déposé, pour le punir d’avoir favorisé le parti d’Adonias. III Reg., ii, 26, 27. Isaïe, décrivant la marche des armées assyriennes sur Jérusalem, mentionne Anathoth, qu’il appelle «la pauvre» dans un sentiment de commisération pour le sort qui l’attend. Is., x, 30. Jérémie fut en butte à la haine de ses compatriotes: comme ils ne voulaient pas croire à ses prédictions, il les menaça de la colère divine, qui devait les visiter au jour de sa fureur, annonçant que les jeunes gens périraient par le glaive; que leurs fils et leurs filles mourraient de faim. Jer., xi, 21-23. Pendant le siège de Jérusalem, le prophète reçut de Dieu l’ordre de racheter, conformément à la loi mosaïque, le champ de son cousin Hanaméel, à Anathoth. Après avoir rédigé le contrat de vente, qui fut scellé en présence de témoins, il le remit à Baruch en lui disant: a Voici ce que dit le Seigneur des armées, Dieu d’Israël: Prends ces actes, ce contrat d’acquisition qui est cacheté, et cet autre qui est ouvert, et dépose-les dans un vase de terre, afin qu’ils puissent se conserver longtemps.» Ayant ainsi prédit la longue durée de l’exil, il ajoute, pour annoncer le retour certain de la captivité: «Car voici ce que dit le Seigneur des armées, Dieu d’Israël: On possédera encore des maisons, des champs et des vignes en cette terre,» Jer., xxxir, 6-15. Et en effet, à la fin de l’exil, la ville fut repeuplée par «les hommes d’Anathoth, au nombre de cent vingt-huit». I Esdr., ii, 23; II Esdr., vii, 27.

A. Legendre.

ANATHOTHIA (hébreu: ʿAnṭoṭiyàh, «prières exaucées de Jéhovah;» Septante: Ἀναθώθ ϰαὶ Ἰαθίν), Benjamite, fils de Sésac. I Par., viii, 24.

ANATHOTHITE (hébreu: Hâʿanṭoṭi; Septante: ὁ Ἀναθωθί, ὁ έξ Ἀναθώθ), habitant d’Anathoth. I Par., xi, 28; xii, 3; xxvii, 12; Jer., xxix, 27.

ANCESSI Victor Antoine, orientaliste français, né à Saint-Affrique (Aveyron), le 16 août 1844, mort dans cette ville, le 12 décembre 1878. Issu d’une famille très chrétienne, après avoir fait ses études au collège des jésuites, dans sa ville natale, il résolut de suivre l’exemple de trois de ses oncles qui étaient prêtres, et d’embrasser l'état ecclésiastique. Il entra au séminaire de Saint-Sulpice, en 1863, et s’y livra bientôt avec ardeur à l'étude des langues orientales, sous la direction de M. Le Hir. Quand il eutreçu l’ordination sacerdotale, il partit, en 1869, pour l’Égypte, où il passa une année, étudiant sur place les monuments égyptiens dans leurs rapports avec la Bible. De retour à Paris, il fut d’abord vicaire à Saint-Etienne-du-Mont; puis, à la fin de 1874, chapelain de Sainte-Geneviève. Il se livra au travail avec une ardeur infatigable. Malheureusem*nt ses forces le trahirent; il fut

obligé, en 1877, de se retirer dans sa famille, et il y mourut l’année suivante. La vivacité de son esprit, l’originalité de ses vues, l'étendue de ses connaissances linguistiques et archéologiques sont attestées par plusieurs publications de valeur, qui font vivement regretter sa fin prématurée: L’Égypte et Moïse. Les vêtements du grand prêtre et des lévites, le sacrifice des colombes, d’après les peintures et les monuments égyptiens contemporains de Moïse, in-8 ii, Paris, 1873; Atlas biblique pour l'étude de l’Ancien et du Nouveau Testament, vingt cartes en plusieurs couleurs, et vingt planches archéologiques avec dictionnaire spécial pour chaque partie, in-4°, Paris, 1876; Job et l’Égypte, le Rédempteur et la vie future dans les civilisations primitives, in-8°, Paris, 1877. M. l’abbé Ancessi a aussi publié des études remarquables de linguistique dans les Actes de la Société philologique: Études de grammaire comparée. L’S causatif et le thème M dans les langues de Sem et de Cham, t. iii, 1873-1874, p. 51-148; La loi fondamentale de la formation bilitère; les adformantes dans les langues sémitiques, ibid., 1874, t. iv, p. 1-72; Le thème M dans les langues de Sem et de Cham, ïbid., p. 95-144.

F. Vigouroux.

1. ANCIEN DES JOURS, nom donné à Dieu par Daniel, vii, 9. «Je regardais, dit le prophète dans une de ses visions, jusqu'à ce que des trônes furent placés, et l’Ancien des jours (chaldéen: ʿAṭiq yômin, Septante: Παλαιὸς ἡμερῶν; Vulgate: Antiquus dierum) s’assit; son vêtement était blanc comme la neige et les cheveux de sa tête comme de la laine mondée,» c’est-à-dire sans doute semblables aux cheveux des grands personnages chaldéens, qui étaient bien peignés et frisés comme de la laine (fig. 136).


136. — Roi assyrien. D’après Botta, Monument de Ninive, pl. 105.

«L’Ancien des jours» est nommé encore Dan., vii, 13, 22. Le titre que le prophète donne à Dieu dans cette vision où il nous montre la fragilité et la caducité des plus grands empires du monde, convient parfaitement au Maître «éternel» qui règne sans commencement ni fin. Assis sur son trône, il assiste à toutes les révolutions qui bouleversent la terre; il confie son pouvoir au «Fils de l’homme», le Messie, et il prononce sans appel des jugements auxquels les plus puissants monarques eux-mêmes doivent se soumettre. Dan., vii, 13-14, 22, 26. La description graphique de Daniel peint si bien le Père éternel, que l’art chrétien s’en est emparé pour représenter la première personne de la Sainte Trinité.

2. ANCIENNE (PORTE). Hébreu: šaʿar yešânâh; Septante :πύλη ἰασαναΐ; Vulgate: porta vetus, II Esdr., iii, 6; porta Antiqua, II Esdr., xii, 38 (hébreu, 39). Porte de laville de Jérusalem qui fut construite, du temps de Néhémie, par Joîada, fils de Phasca, et par Mosollam, fils de Besodia. II Esdr., iii, 6. Elle est appelée Ancienne, sans doute parce qu’il y avait eu autrefois une porte de la ville à l’endroit où elle fut reconstruite. Plusieurs l’identifient avec la porte qui est appelée «Porte de Benjamin», Jer., xxxvii, 12; xxxviii, 7; Zach., xiv, 10. La porte Ancienne est nommée une seconde fois, II Esdr., xii, 38 (39), dans la description de la procession solennelle qui fut faite à l’occasion de la dédicace des murs de Jérusalem. Cette porte était située au nord de la ville. Voir Jérusalem.

3. ANCIENS (hébreu: zeqênîm, vieillards; Septante: πρεσβύτεροι; Vulgate: seniores ou majores natu). Ce mot n’implique pas seulement l’idée de grand âge. Cf. Vieillards. Il s’applique, dans la Bible, à une classe de personnages investis d’une autorité plus ou moins étendue, suivant les époques. En ce sens, le titre d’ancien est d’origine patriarcale: l’aïeul était le chef naturel de la famille qui se développait autour de lui. Quand plusieurs familles patriarcales furent amenées à se réunir, les chefs de ces familles formèrent un conseil d’anciens. Les intérêts communs étaient ainsi mis sous la sauvegarde de la sagesse, de l’expérience, de la maturité des vieillards, et les décisions de ces derniers étaient acceptées avec respect. «Bientôt cependant, surtout lorsque le contact avec d’autres sociétés civiles eut amené des luttes pour la prééminence ou pour la possession des territoires, ce ne furent plus les vieillards qui durent être jugés les plus aptes à gérer les affaires publiques. On dut leur préférer des hommes d’un âge mûr, mais n’ayant rien perdu de la vigueur qu’on regardait comme offrant plus de garanties pour le maintien et le développement de la prospérité sociale. Le terme primitif ne fut pas moins conservé, surtout sous la forme collective γερουσί, πρεσβύτιϰον, en latin senatus, pour désigner soit l’assemblée des chefs qui administraient la cité, soit un conseil officiel dont ils avaient à prendre l’avis dans les affaires d’une grande gravité.» De Smedt, Congrès scientifique des catholiques, 1889, t. ii, p. 303. Sous le nom d’anciens, l’idée d’autorité se substitua donc assez vite à celle de vieillesse. Ce titre désigne déjà unefonction chez les Égyptiens, Gen., xxiv, 2; L, 7; chez lesMoabites et les Madianites, Num., xxii, 4, 7, etc.

I. Histoire des anciens dans l’Ancien Testament. — 1° Depuis l'époque patriarcale jusqu'à l'époque des rois. — Sous le gouvernement des pharaons, les Hébreux avaient conservé et développé leur organisation patriarcale. Dans la terre de Gessen, ils avaient des anciens qui exerçaient l’autorité sur le peuple, et auprès desquels le Seigneur envoya Moïse, quand il lui imposa sa mission. Exod., iii, 16; iv, 29; xii, 21. La tradition juive croyait que ce corps d’anciens était officiellement constitué; c’est pourquoi les Septante emploient dans les deux premiers passages le mot γερουσία, «sénat.» Au désert, les anciens furent comme les représentants du peuple et les intermédiaires entre Moïse et la multitude. Ils sont appelés pour être témoins des miracles, Exod., xvii, 6, interviennent dans certains sacrifices, Levit., iv, 15, et sont comme un moyen de communication entre Moïse et les tribus. Exod., xix, 7. Cependant ils ne paraissent point exercer une grande autorité, car tous les différends sont portés devant Moïse, au point de l’accabler. C’est alors que sur le conseil de Jéthro, son beau-père, le législateur établit des juges à la tête de mille, de cent, de cinquante et de dix chefs de famille, pour rendre la justice dans les cas ordinaires. Beaucoup de ces juges furent naturellement choisis parmi les anciens. Ceux-ci subsistèrent cependant avec leur nom et leurs attributions d’autrefois; ainsi, sur le point de remonter au Sinaï, Moïse ordonne que soixante-dix anciens accompagnent Aaron et ses fils sur le flanc de la montagne, et s’y mettent en adoration. Exod., xxiv, 1.

C’est un peu plus tard seulement que le Seigneur commande à Moïse de rassembler soixante-dix hommes parmi les anciens d’Israël; ils doivent être «des anciens du peuple et des maîtres», et ils sont destinés à recevoir l’esprit de Moïse, «pour soutenir avec lui le fardeau du peuple.» L’esprit divin leur est en effet communiqué, et ils «prophétisent», c’est-à-dire reçoivent le pouvoir et la grâce de parler et d’agir au nom du Seigneur. Num., xi, 16, 17, 24-30. Ils deviennent ainsi les organes officiels du gouvernement théocratique. À partir de ce moment, le conseil des soixante-dix anciens connaît de toutes les affaires qui intéressent l’ensemble de la nation, Num., xvi, 25; Levit., ix, 1, et il commande de concert avec Moïse. Deut., xxvii, 1. Le pouvoir conféré aux soixante-dix était à vie. Ils continuèrent donc leurs fonctions sous Josué, Jos., vii, 6; viii, 10, 33, et gardèrent leur préséance sur toutes les autres autorités. Jos., xxiii, 2; xxiv, 1. Ceux qui survécurent au conquérant contribuèrent puissamment à maintenir le peuple dans la fidélité. Jos., xxiv, 31; Jud., ii, 7. Il n’y a point trace d’une transmission de leur pouvoir théocratique à des successeurs. Le rôle de ce conseil avait été temporaire, et s’était exercé seulement pendant que tout le peuple était réuni pour la marche dans le désert et pour la conquête de la Terre Promise. Comme il n'était point dans les desseins de Dieu qu’immédiatement après la conquête le pouvoir fût centralisé dans les mêmes mains, le conseil des soixante-dix n’avait plus de raison d'être.

Mais dès cette époque se dessine l’organisation du corps des anciens, telle qu’elle se perpétuera jusqu’au temps du Messie. Cette organisation, suggérée par la nature même des choses, est celle qui se retrouve sous des noms et desformes diverses chez tous les peuples sédentaires, et qui existe chez nous sous les noms de conseils municipaux, conseils généraux et parlement. Les attributions, le mode de nomination, la durée des pouvoirs, etc., ont variésuivant les temps et les pays; mais ces trois degrés de pouvoir collectif ont fonctionné presque partout, et en particulier chez les Israélites. Il y a un conseil d’anciens dans les villes. Deut., xix, 12; xxi, 3; xxii, 15, etc.; Jos., xx, 4; Jud., viii, 14; Ruth, iv, 2; I Reg., xi, 3; III Reg., xxi, 8; IV Reg., x, 1; Judith, vi, 12; I Esdr., x, 14. Ainsi, les anciens qui sont à la tête des villes sont signalés à toutes les époques, même après la captivité. Au temps de Notre-Seigneur, ils sont représentés par cesἀρχισυναγῶγοι «chefs de synagogues» qui, au nombre de trois, président la synagogue jusque dans les moindres villages, par ces πρεσβύτεροι τῶν Ἰουδαιων, 4 anciens des Juifs,» que le centurion de Capharnaüm envoie au Sauveur, pour demander la guérison de son serviteur, Luc, vii, 3, et par cet ἄρχων «chef,» qui en Pérée vient interroger Notre-Seigneur. Luc, xviii, 18.

D’autres anciens sont à la tête des tribus, Deut., xxix, 10; xxxi, 28; I Reg., xxx, 26, etc., et à l'époque même des Machabées, quand les tribus sont depuis longtemps mélangées géographiquement, on retrouve des πρεσβύτεροι τῆς χώρας, «anciens de la région,» distincts des princes du peuple. I Mach., xiv, 28.

Depuis les rois jusqu'à Jésus-Christ. — De Josué à Samuel, il n’y a point trace de conseil succédant à celui des soixante-dix anciens de Moïse. Mais, dès le début, les livres de Samuel, ou premiers livres des Rois, mentionnent des «anciens d’Israël», qui ensuite semblent bien constituer un corps jouissant d’un caractère officiel et agissant au nom de toute la nation. I Reg., iv, 3; xv, 30; II Reg., n. 17; v, 3; xvii, 4, 15; I Par., xi, 3; xv, 25; II Par., v, 2, etc. Ce sont ces anciens d’Israël qui prennent l’initiative de demander un roi à Samuel. I Reg., viii, 4. Plus tard, ils forment un conseil auprès du roi, III Reg., vin, 1; xii, 6, et il y a dans le palais royal une salle affectée à leurs réunions. I Par., xxvi, 15. Les détails font absolument défaut sur leur mode de recrutement et sur l'étendue de leurs pouvoirs. Ces pouvoirs ont naturellement varié avec les époques et les circonstances; sous la royauté, ils ont dû être singulièrement amoindris. Les anciens n’en avaient pas moins une réelle influence, capable d’atténuer dans bien des cas le mauvais effet des exemples donnés par les rois impies, et c’est pour n’avoir pas toujours exercé cette influence salutaire qu’ils sont pris à partie par les prophètes. Is., iii, 14; Jer., xix,; Ézech., vii, 26; viii, 12. C’est dans ce dernier passage que le prophète montre les anciens du peuple réunis clandestinement dans une salle du temple pour adorer des images idolâtriques.

Pendant la captivité, les anciens continuent à l'étranger leurs fonctions habituelles vis-à-vis de leurs compatriotes, autant du moins que les circonstances le permettent. Jer., xxix, 1; Dan., xiii, 5, 41. Au retour, ils président à la construction du temple, I Esdr., v, 5; vi, 14, et commandent au peuple conjointement avec le scribe Esdras. I Esdr., x, 8. Mais l’organisation reste flottante. Esdras, qui avait tant de choses à restaurer, ne paraît pas s'être préoccupé de reconstituer le conseil national des anciens. Il établit seulement la grande Synagogue, dont les membres, de compétence exclusivement théologique, n’avaient aucune attribution administrative ou politique. Encore l’existence de cette grande Synagogue est-elle contestée; il n’en est fait mention ni dans les livres postérieurs de la Rible, ni dans les écrits de l’historien Josèphe. Les Talmudistes sont les premiers à en parler, et on peut les soupçonner d’avoir voulu donner plus d’autorité à leurs traditions, en imaginant un corps constitué par Esdras pour les fixer.

D’Esdras aux Machabées (433-177), l’histoire biblique fait défaut. Pendant cette période, le corps des anciens prit certainement plus de consistance; car, au rapport de Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3, il y avait une γερουσία chez les Juifs sous Antiochus Épiphane (176-163). Le fils de ce persécuteur, Antiochus Eupator (163), écrivit une lettre τῇ γερουσίᾳ τῶν Ἴουδαίων, «au sénat des Juifs,» II Mach., xi, 27. Sous les Séleucides, ce sénat ne dut avoir qu’une autorité précaire. Les anciens néanmoins coopérèrent avec les princes asmonéens à l’affranchissem*nt de la nation. I Mach., i, 27; xi, 23. Quand Jonathas fut vainqueur, ils devinrent à ses côtés ἡ γερουσία τοῦ ἔθνους, «le sénat de la nation,» et en cette qualité négocièrent des alliances importantes. I Mach., xii, 6; II Mach., i, 10; iv, 44. Cette γερουσία n'était autre que le sanhédrin. Voir Sanhédrin. Les anciens qui en faisaient partie étaient prêtres ou laïques, mais en tout cas de haute compétence sur toutes les questions qui intéressaient les destinées politiques et religieuses de la nation.

II. Les anciens dans le Nouveau Testament. — 1° Dans les Évangiles. — Quand l’Iduméen Hérode usurpa le trône des princes asmonéens, la plupart des anciens du sanhédrin furent mis à mort et remplacés par d’autres plus complaisants. Ceux-ci et leurs successeurs partagèrent les destinées de ce sanhédrin amoindri, tenu en tutelle par les Hérodes, puis par les procurateurs romains, et réduit à discuter les subtilités pharisaïques qui avaientremplacé pour lui les grandes questions politiques et religieuses en vue desquelles il avait été institué. Les anciens dont parle si souvent l'Évangile composaient la plus grande partie du sanhédrin, et y siégeaient avec les grands prêtres et les scribes. Ils étaient recrutés parmi les chefs defamilles riches et influentes. Mais comme leur nomination dépendait pratiquement des grands prêtres, ces derniers s’efforçaient de n’introduire dans le sanhédrin que des anciens appartenant comme eux à la secte matérialiste des Sadducéens. Toutes les fois qu’il est question d’anciensdans l'Évangile (sauf un seul passage de saint Luc, vii, 3), il s’agit de membres du sanhédrin, dont il a été parlé plus haut, i, 1°. Ils se montrèrent opiniâtrement hostiles à Notre-Seigneur, et poussèrent l’acharnement jusqu'à le condamner à mort, au mépris de toutes les conditions de fond et de forme requises par le droit naturel et le droit positif. Nicodème et Joseph d’Arimathie, qui s’illustrèrent par leur courage et leur piété au moment de la sépulture du Sauveur, faisaient partie du sanhédrin, selon toute probabilité, à titre d’anciens. Il est à croire qu’ils ne furent convoqués ni l’un ni l’autre à la séance dans laquelle Notre-Seigneur fut condamné à mort. Ils n’auraient pas manqué de faire entendre une protestation dont l'Évangile eût gardé le souvenir.

Dans les Actes et les Épîtres. — Le Nouveau Testament réservait à la dignité d’ancien des destinées plus glorieuses. L'Église, dès sa naissance, a des πρεσβύτερους, seniores ou majores natu. Act, xi, 30; xv, 4, 6; xx, 17, etc. Mais ce sont des chefs spirituels remplissant les fonctions sacrées: ils prennent part au concile de Jérusalem et promulguent le décret avec les Apôtres, Act., xv, 23, 41, ils administrent les sacrements, Jac, v, 14, dirigent les églises particulières, Tit., 1, 5, etc. En un mot, ce sont des prêtres, par conséquent des ministres sacrés dont les fonctions sont bien différentes de celles des anciens. Voir Prêtres.

Dans l’Apocalypse. — Vingt-quatre vieillards ou «anciens» occupent des trônes dans le ciel autour du trône de l’Agneau, Apoc, iv, 4; xix, 4. Ils se prosternent devant lui, et offrent dans des coupes d’or les prières des saints, v, 8. L’un d’eux parle à saint Jean pour lui expliquer ce qu’il a sous les yeux, v, 5; vii, 13. La cité céleste est conçue par l'écrivain sacré à l’image de la cité terrestre. Il est donc naturel que le Roi du ciel ait autour de lui des anciens. Ces anciens sont des πρεσβύτεροι, à la fois vieillards et prêtres, comme l’indiquent la place qu’ils occupent et les fonctions qu’ils remplissent. Ils représentent en général la totalité des élus, et plus spécialement les douze patriarches, chefs des douze tribus de l’ancien peuple, et les douze Apôtres, chefs du peuple nouveau. Apoc. xxi, 12-14.

H. Lesêtre.

4. ANCIEN TESTAMENT, nom donné, par opposition au Nouveau Testament: 1° à l’ancienne loi et à l’histoire du peuple de Dieu avant la venue du Messie; 2° aux livres inspirés et canoniques antérieurs à Jésus-Christ. VoirTestament 1.

1. ANCILLON Jean-Pierre-Frédéric, pasteur protestant français à Berlin, né dans cette ville, le 30 avril 1766, mort le 10 avril 1837. Il descendait de David Ancillon (1617-1692), qui était pasteur de Metz, d’où il était originaire, lors de la révocation de l'édit de Nantes, et qui se réfugia alors à Francfort (1685) et puis à Berlin. Les fils de David occupèrent une place importante parmi les réfugiés français en Prusse. Jean-Pierre-Frédéric, son arrière-petit-fils, fut nommé professeur à l’académie militaire de Berlin, après avoir terminé ses études théologiques. Il fut en même temps prédicateur à l'église française protestante de cette ville. Le succès de ses sermons attira sur lui l’attention du roi de Prusse, qui, en 1806, lui confia l'éducation du prince royal. En 1825, il devint ministre des affaires étrangères, et conserva cette dignité jusqu'à sa mort, en 1837. Il était aussi membre de l’académie des sciences de Berlin. Parmi ses ouvrages, nous n’avons à signaler que son Discours sur la question: Quels sont, outre l’inspiration, les caractères qui assurent aux Livres Saints la supériorité sur les livres profanes? in-8°, Berlin, 1782, ouvrage estimé, quoique un peu superficiel. Voir Haag, La France protestante, t. i, p. 90; Mignet, Notice historique sur la vie et les travaux d’Ancillon, dans les Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, 1850, t. VI, p. 59-85.

2. ANCILLON Louis-Frédéric, petit-fils de David et père de Jean-Pierre-Frédéric, prédicateur protestant français à Berlin, né dans cette ville, le 30 avril 1767, mort en 1814, a laissé entre autres écrits: Tentamen in Psalmosexagesimo octavo denuo vertendo, in-8°, Berlin, 1797. Voir Barbier, Dictionnaire des anonymes, au titre Tentamen; Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopädie, au mot Ancillon.

ANCRE (ἄγϰυρα, anchora). On appelle ainsi l’instrument de fer, à un ou plusieurs crochets, qu’on laisse tomber, à l’aide d’un câble, au fond de l’eau, pour retenir les navires. Les Hébreux ne furent jamais un peuple denavigateurs; cependant les choses de la mer occupent une certaine place dans leur littérature, et si l’Ancien Testament ne mentionne nulle part les ancres, c’est moins peut-être parce que l’occasion ne s’en est pas présentée, que parce que cet instrument n'était pas encore inventé. Dans Homère il n’est question que des εὔναί, c’est-à-dire de ces pierres qui par leur poids servaient à fixer les navires. Longtemps aussi les Phéniciens employèrentde simples objets pesants dans le même but. L’ancre a une seule dent d’abord, cf. Pollux, i, 9, puis à deux bras (ἀμφίστομος), paraît être une invention des Grecs. Dans l’hébreu postbiblique, il n’y a pas non plus de nomsémitique pour l’ancre; le ʿuggin de la Mischnâ, Bababathra, v, 1, comme le ʿuqinos et ʿuqinâ de la version syriaque, ne sont que des transcriptions du grec ô'yxr], oyxivo; , crochet. Dans le Nouveau Testament il est fait mention de l’ancre en deux passages: dans l’un, au sens propre, Act., xxvii, 29, 30, 40, et dans l’autre, au figuré, Hebr., vi, 19.

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137. — Ancre Jetée de l’aplustre.
D’après un bas-relief du musée du Capitale, a Home.

I. Le passage des Actes nous reporte au moment le plus critique du naufrage de saint Paul dans son voyage de Césarée à Rome; on est à la quatorzième nuit depuis que le navire, perdu dans la tempête, va à la dérive dans l’Adria, sans que l’on puisse se reconnaître. Tout à coup, sans doute avertis par le bruit de quelques brisants, qu’une oreille exercée sait distinguer du mugissem*ntordinaire de la tempête, «les matelots, vers le milieu de la nuit, crurent (ὕπενόσυν) qu’ils approchaient de quelque terre. Ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses, et un peu plus loin quinze. Alors craignant de donner contre quelque écueil, ils jetèrent de la poupe quatre ancres, etils souhaitaient que le jour se fît.» Act., xxvii, 27-29. Lesancres jetées de la poupe, sans autre explication, voilà un des nombreux traits qui dans ce récit décèlent le témoin oculaire. Un auteur qui aurait écrit d’imagination s’en serait tenu à la donnée ordinaire: anchora de prorā jacitur, Virgile, Æn., III, 277; il ne s’en écarterait pas au moins sans en indiquer la raison. La situation seulejustifie cette manœuvre. La sonde avait montré que le fond se relevait brusquement; en jetant les ancres de l’arrière, on empêchait aussitôt le vaisseau d’aller plus avant. En outre, «mouiller au moyen des ancres de l’avant, dit un homme habitué à la mer, c’eût été forcer le navire à venirprésenter l’avant au vent, et ce mouvement tournant qu’on appelle en marine évitage n’eût pas été sans danger, cardans son évolution le navire fût resté un temps plus oumoins long de travers à la lame.» Trêves, Une traversée de Césarée de Palestine à Puthéoles au temps de saint Paul, 1887, p. 36. Enfin, on pensa dès lors peut-être auplan qu’on exécuta le lendemain: ancré par l’arrière, levaisseau se trouvait dans une position plus favorable poursaisir, dès que le jour le permettrait, l’occasion d’alleratterrir.

Du reste, quoique l’ancre fût généralement suspendueà l’avant ou sur le flanc du bâtiment, comme on le voitdans les bas-reliefs de la colonne Trajane et dans celui deNarbonne, l’ancrage par l’arrière devait être connu etpratiqué en certains cas par les anciens; sur un bas-reliefdu musée du Capitule, l’ancre est jetée de l’aplustre, ornement de la poupe (fig. 137).

Il en est de même pour un vaisseau d’une peinture d’Herculanum, qui a de plus l’avantage de nous expliquer une autre manœuvre de notre récit; le lendemain, quand on leva les ancres placéestout autour de la poupe (τὰς ἀγκύρας περιελόντες), on détacha les gouvernails (ἅμα ἀνέντες τὰς ζευκτηρίας τῶν πηδαλίων), Act, xxvii, 40; la figure d’Herculanum (fig. 138) montre, en effet, la nécessité de les attacher pour les empêcher de s’engager dans les cordages des ancres.


138. — Vaisseau à l’ancre. D’après une peinture d’Herculanum.

Quant au nombre des ancres, il variait suivant l’importance des vaisseaux, cf. Athénée, v, 43; de là la locution «lever les ancres», αἰρεῖν τὰς ἀγκηύρας, Polybe, xxxi, 22, dans le sens de s’en aller. Dans le De Bello civ., i, 25, César parle de deux vaisseaux que l’on tient réunis pour former une plate-forme immobile: has quaternis anchoris ex quatuor angulis distmebat ne fluctibus moveretur. «Tant que l’art de forger n’a pu fournir au navigateur des ancres d’un grand poids, on y a suppléé par le nombre.Cet état de choses a duré fort longtemps; deux nefs construites pour saint Louis à Gênes, aux dimensions de vingtet un mètres de quille et de huit mètres de largeur, devaientsuivant les conditions de marche être pourvues chacunede vingt-six ancres.» Trêves, ouvr. cité, p. 37. Le vaisseau qui portait Saint Paul n'était pas moins bien muni. Les matelots, craignant qu’il ne pût tenir jusqu’au lendemain, conçurent l’indigne projet de s’enfuir dans la chaloupeen abandonnant les passagers. On sait comment l’Apôtredéjoua leur complot; mais il faut noter ici le prétexte qu’ilsalléguaient pour descendre à la mer dans la chaloupe: ils voulaient, disaient-ils, tendre encore des ancres de la proue, Act., xxvii, 30. Au lieu de les jeter, commeon avait fait pour celles de l’arrière (ῥίψαντες, ꝟ. 29), on les aurait portées aussi loin que le permettaient les câbles tendus, comme pour mieux empêcher le mouvement dunavire. On a ainsi la clef de cette locution assez obscure: «tendre les ancres.»

Nous n’insisterons pas sur la forme des ancres; l’ancienne, à une seule dent, n’est pas représentée sur les monuments; mais on y voit fréquemment l’ancre à deux bras, quelquefois comme sur le bas-relief de l’arc de triomphe d’Orange (fig. 139), avec la barre transversale ou jas qui se trouvait à l’extrémité opposée au bras; le plus souvent celle-ci est simplement munie d’un anneau où l’on passait le câble qui tenait l’ancre.


139. — Ancre à deux bras. Arc de triomphe d’Orange.

Au point de jonction des deux bras, il n’est pas rare de voir un autre anneau sans doute destiné, selon la conjecture de Jal (Glossaire nautique, au mot Ancre), à recevoir l’orin ou cordage, dont l’autre bout, retenu à la surface par un corps flottant, indiquait aux marins la position précise de l’ancre.

II. Dans Hebr., VI, 19, l’espérance chrétienne est comparée à une ancre qui retient l'âme solidement fixée à larégion invisible où habite le Christ. C’est pour les fidèlesune puissante consolation que de se sentir à l’abri «entenant ferme l’espérance proposée, que nous avons commel’ancre de l'âme, sûre, solide et pénétrant jusqu’au dedansdu voile où Jésus est entré comme notre précurseur».Belle image, que Sedulius, In Ep. ad Hebr., commenteainsi: «Nous jetons en haut notre ancre dans les profondeurs du ciel, comme on jette l’ancre de fer dans lesprofondeurs de la mer.» L’ancre devint dès l’origine pourles chrétiens le symbole de l’espérance. Après la colombec’est le symbole qui se rencontre le plus souvent sur lesmonuments figurés des premiers siècles (fig. 140). Clément d’Alexandrie, Pædag., i, 3, t. viii, col. 634, nomme l’ancre parmi les signes qu’il recommande aux fidèles de graver sur leurs anneaux. Ce n’est pas seulement un des symboles les plus répandus, mais encore un des plusanciens, un de ceux même dont l’usage demeure confiné aux premiers siècles. On en a des exemples qui peuvent remonter jusqu'à la première moitié du deuxième; il a son plein épanouissem*nt au troisième; mais après la paix de l’Église, à partir du quatrième, il disparaît. Cf. de Rossi, Roma sotterranea, t. ii, p. 315. Déjà, chez les païens, on attachait un caractère religieux à l’ancre qui, entre toutes celles d’un navire, était réputée la plus solide et comme la dernière ressource du navigateur; on l’appelait l’ancre sacrée, au point que la locution «jeter l’ancre sacrée» était prise dans le sens de «recourir aux moyens suprêmes». Cf. Pollux, i, 93; Lucien, Jup. traq., .51; Plutarque, Sol., 19, 25; S. Jean Chrysostome, Hom. in red. Flaviani, 2, t. xlix, col. 213. Mais, chez les chrétiens, la signification de l’ancre comme symbole de l’espérance est beaucoup plus déterminée, comme le montre sa fréquence sur les pierres tombales de défunts qui portent les noms de Spes, Elpis, ou de leurs dérivés, ou bien la lettre E, sigle d’elpis, gravée à l’extrémité de la traverse, ou bien encore sa présence à côté du divin poisson servant ainsi à écrire, comme en idéogramme, la formule spes in Christo.

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140. — Ancre dans les catacombes.De Rossi, Roma sotterranea, t. i, pl. xviii, n°2.

Or ce n’est que dans l'Épître aux Hébreux qu’on a puisé une signification si précise du symbole de l’ancre; dès lors sa présence, spécialement fréquente sur les monuments de l'Église romaine aux IIe et IIIe siècles, peut servir à montrer que l'Épître aux Hébreux y était bien connue, comme il résulte du reste d’autres témoignages, et, bien qu’elle n’y fût pas encore lue publiquement, qu’on la tenait déjà en grand honneur, puisque le symbole qu’on lui empruntait était à la fois si vénéré et si populaire.

J. Thomas.

ANDALA Ruard, théologien hollandais, né près de Bools ward, dans la Frise, en 1665, mort à Franeker, le 12 septembre 1727. Il avait fait ses études dans cette dernière ville et y était devenu professeur de théologie.C'était un ardent cartésien. Il publia un grand nombred’ouvrages théologiques et philosophiques. Ses écrits exégétiques sont les suivants: Exegesis illustrium locorumSacræ Scripturæ; accedit clavis apocalyptica, Franeker, 1720; Dissertationes in præcipua Zachariæ dicta, Franeker, 1720; Verklaaring van de Openbaringe van Joannes, in-4o, Leeuwarden, 1726. Ce commentaire de l’Apocalypse est fort estimé par les protestants. Voir Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon, au mot Andala; Vriemoet, Athenæ Frisiacæ, p. 728-737; Chalmot, Biographisch. Woordenboek der Nederlanden, t. i, p. 241 - 243; Ypeij et Dermout, Geschiedenis der Nederlandsche hervormde Kerk, t. ii, p. 458.


ANDERSEN LARS (Andreä Laurentius), traducteurde la Bible en suédois, né probablement à Strengnàs, enSuède, en 1480, mort dans cette ville, le 29 avril 1552.Il exerça d’abord le ministère sacerdotal à Strengnäs, etdevint ensuite archidiacre d’Upsal. Étant passé à Wittenberg au retour d’un voyage à Rome, il y fut gagné aux idées de Luther, et, à son arrivée en Suède, il fut nommé chancelier par le roi Gustave Wasa, qui le soutint de toute sa puissance pour introduire l’hérésie dans son royaume. Elle fut établie officiellement par la diète de Westeraasen (1527). Andersen contribua beaucoup à la propagation des idées protestantes par sa célèbre traduction du Nouveau Testament en suédois, faite avec le concours d’Olaüs Pétri (Olof Person). Elle parut in-folio, en 1526. Quinze ans plus tard, en 1541, Andersen publia la Bible suédoise complète, connue sous le nom de «versiongustavienne». Le traducteur s’aida dans son travail de laVulgate latine et des anciennes traductions allemandes, en particulier de celle de Luther. Cette version joua en partie, en Suède, le rôle de celle du père du protestantisme en Allemagne: non seulement elle rendit l’hérésie populaire, mais elle exerça la plus grande influence sur le développement de la langue suédoise, qui se rendit indépendante de la langue danoise. Andersen jouit de la plus haute faveur jusqu’en 1540. Il fut alors accusé de n’avoir pas dénoncé au roi une conspiration dont il avait eu connaissance, et condamné à mort. La sentence ne fut pourtant pas exécutée; il obtint sa grâce en payant une forte somme d’argent, et se retira à Strengnàs, où il mourut en 1552. Voir J. Magnus, Historia de omnibus Gothorum regibus, Rome, 1553, p. 477; A. Michelsen, dans Herzog et Plitt, Real-Encyklopädie, 2e édit., t. i, p. 375-383.

1. ANDERSON Christopher, ministre baptiste, né àÉdimbourg, en Écosse, le 19 février 1782, mort dans lamême ville, le 18 février 1852. Élevé au collège baptiste àBristol, il devint ministre de sa secte à Édimbourg. Il futl’un des principaux fondateurs de la Société biblique établiedans cette ville en 1809. On a de lui, entre autres ouvrages, Annals of the English Bible, 2 in-8°, Londres, 1845.C’est une histoire complète de la «Version autorisée» anglaise et des autres traductions en cette langue, antérieures à Jacques Ier, roi d’Angleterre. Voir Jamieson, Relig. Biogr., p. 16.

2. ANDERSON Robert, pasteur anglican à Brighton, néen 1793, mort le 22 mars 1853. Il a publié A practicalExposition of St. Paul’s Epistles to the Romans, exposition homilétique, mais sans importance exégétique et critique.


ANDRADA (Thomas d'), plus connu sous le nom de Thomas de Jésus, augustin portugais, mort le 17 avril 1582. Issu d’une famille illustre du Portugal, il avait fait profession au monastère de Coïmbre. En 1578, il commença la réforme des «Déchaussés». Peu après, il suivit en Afrique le roi don Sébastien dans sa guerre contre les Maures, et il fut fait prisonnier à la bataille d’Alcacer, le 4 août 1578. Vendu à un marabout, son maître le jeta au fond d’une prison, où il n’avait pas d’autre lumière que celle qui lui arrivait par le soupirail de son cachot. Il se consola de sa captivité en composant en portugais l’admirable livre des Trabalhos de Jésus, qui fut imprimé à Lisbonne, en deux volumes, en 1602 et 1607. Thomas avait laissé son œuvre inachevée. Elle fut complétée par Jérôme Romain, du même ordre que lui. Le P. Alleaume, jésuite, a traduit les Trabalhos en français sous le titre de Souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cette traduction a été souvent réimprimée, ordinairement en 2 volumes in-12. Les Trabalhos de Jésus ne sont pas seulement uneœuvre de piété, ils sont aussi une étude détaillée des souffrances, et en particulier de la passion du Sauveur, d’après le récit des quatre Évangiles. Quoique l’auteur n’eût aucun livre sous la main, sa mémoire l’a bien servi. On peutseulement lui reprocher de se laisser aller quelquefois tropfacilement aux conjectures. D’Andrada mourut au Maroc; quoique sa rançon eût été envoyée par sa sœur, la comtesse de Linhares, il préféra demeurer chez les Maures pour consoler, pendant le reste de ses jours, les prisonniers chrétiens qui souffraient avec lui. Sa vie a été écrite par le P. Alexis de Meneses et imprimée, en 1631, en tête des Souffrances de Notre-Seigneur. Les éditions françaises contiennent aussi une biographie abrégée d’Andrada.

1. ANDRÉ (Ἀνδρέας, «le vaillant» ), nom dérivé deἀνδρεία ou ἀνδρία, et usité dans Hérodote, Plutarque, Pausanias, fut, comme Philippe et Nicodème, un de ceux qui, avec l’influence grecque, devinrent très communs parmiles Juifs, dès le second siècle avant l'ère chrétienne. Dans leTalmud de Jérusalem, Migd. Perek., 4; Lightfoot, Harm. quat. Ev., in Luc, v, 10, t. i, p. 500, il est question d’un rabbin appelé André, et dans Dion Cassius, lxviii, 32, d’un Juif cyrénéen du même nom, qui joua un rôle sousTrajan. C’est parce qu’il fut porté par l’un des douzeApôtres que ce nom est célèbre dans la littérature biblique.

Fils de Jona ou Jean et frère de Simon, André étaitoriginaire de Bethsaïde, Joa., i, 44, et pêcheur de sonétat. Les occupations matérielles n’ont jamais empêchéles hommes de l’Orient de se passionner pour les questionsreligieuses. Les deux frères, tout en gagnant leur vie surle lac de Génésareth, s'étaient vivement intéressés aumouvement théocratique que Jean-Baptiste venait de provoquer en Judée. L’un et l’autre avaient tenté de devenir les disciples du Précurseur. C’est en l’entendant désigner Jésus comme «l’Agneau de Dieu», qu’André et un de ses amis se mirent à la suite de celui qui leur était ainsi révélé comme le Messie. L’histoire naïve de cette première vocation est admirablement racontée par celui qui fut le compagnon d’André en cette circonstance. Joa., i, 35-40. Après avoir passé quelques heures avec Jésus, André, enthousiasmé de ce qu’il avait vu et entendu, se hâta de chercher son frère, et l’ayant abordé par cette parole qui nous révèle l’ardeur de son âme: «Nous avons trouvé le Messie!» il le conduisit, le soir même, au jeune Maître, comme une nouvelle recrue qui ne devaitpas être la moins importante de toutes. Joa., i, 41. Ens' attachant, dès ce jour, à la doctrine ou même à lapersonne de Jésus, les deux, frères ne renoncèrent pascependant entièrement à leurs filets. Il leur fallait pourvoir aux nécessités de la vie pour eux et surtout pour leur famille. Nous savons qu’ils habitaient tous deux, à Capharnaüm, une même maison, où Jésus guérit la belle-mère de Pierre. Marc, i, 29. Peut-être André était-il plus jeune que son frère et non encore marié, puisqu’il avait quitté Bethsaïde pour s'établir chez sa belle-sœur.Mais on ne pouvait guère être réellement disciple de Jésus, encore moins Apôtre, sans avoir renoncé à toutes lesattaches terrestres de la vie: famille, biens, et préoccupations matérielles diverses. Jésus alla un jour surprendre les deux frères qui péchaient sur les bords du lac, et les ayant invités à laisser désormais leur vulgaire métier, il leur proposa de devenir tout simplement des pêcheursd’hommes. Matth., iv, 18; Marc, I, 16; Luc, v, 2. C’est dire qu’il y eut pour eux, après une vocation préliminaire, une seconde vocation définitive. Le récit de Jean n’exclut aucunement celui des synoptiques, mais le prépare. La première fois il s'était agi pour Jésus de s’attacher les deux frères par des liens généraux de foi et d’affection, la seconde il entendit établir entre eux et lui les relations officielles et suivies qui doivent exister entre les disciples et le Maître. On comprend surtout que Simon et André, aussi bien que Jacques et Jean, aient entendu le secondappel de Jésus, si bref, si impératif, s’ils avaient déjàvécu avec lui et subi ses saintes influences.

Dans les quatre listes que nous avons des douze Apôtres, André fait invariablement partie du premier groupe présidé par Pierre, et dont les membres vécurent toujoursdans une intimité plus particulière avec le Maître. VoirApôtres. Toutefois il n’occupe pas le même rang danschacune d’elles. Ainsi, tandis qu’il est le premier aprèsPierre dans saint Matthieu, x, 2, et dans saint Luc, vi, 14, il ne se trouve que le troisième, et par conséquentaprès les deux fils de Zébédée, dans Marc, iii, 18, et Act., I, 13. Ce fut peut-être là son classem*nt véritable, carnous le trouvons encore nommé après Pierre, Jacques etJean dans Marc, un, 3, lorsque les quatre du principalgroupe interrogent Jésus sur la fin des temps.

André ne figure nommément que trois fois dans lesrécits évangéliques: c’est d’abord dans le passage de saintMarc, que nous venons de citer; puis dans la premièremultiplication des pains, Joa., vi, 9, où, prenant la parole après Philippe, il observe qu’il y a bien dans la foule un petit jeune homme avec cinq pains d’orge et deux poissons, ressources insuffisantes pour tant de gens affamés; et enfin, quand les Grecs demandent à voir Jésus, Joa., xii, 22,

il se joint à Philippe pour appuyer leur requête auprès duMaître. Assez naturellement on pourrait supposer que, Jésus ayant fait de Pierre et des fils de Zébédée ses troisdisciples privilégiés, André était devenu le compagnonplus ordinaire de Philippe, natif comme lui de Bethsaïde, et chef du second groupe. Il est remarquable, en effet, que, sur trois fois où il est mis en scène par l'Évangile, il intervient deux fois pour appuyer Philippe dans ce qu’ildit ou dans ce qu’il veut. Bien que le livre des Actes nementionne André que dans la liste des Apôtres, il supposequ’il eut part à tout ce que le groupe apostolique entrepritet supporta pour la gloire du Seigneur. Les Épîtres ne parlent pas de lui, mais la tradition conservée par Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col. 216, et dont il faut chercher l’origine dans des documents qui, pour avoir été défigurés par l’esprit de secte et de ridicules légendes, n’en furent pas moins tout d’abord une histoire peut-être très authentique de l'œuvre des Apôtres, assure qu’André alla prêcher chez les Scythes: Ἀνδρέας δέ εῖληκην τὴν Σκυθίαν. Ce qui n’exclut pas l'évangélisation des colonies grecques qu’il trouva sur sa route vers la rive méridionale du Pont-Euxin, Héraclée, Sinope, Trapézonte. Nicéphore, H. E., ii, 39, 40, 41, 42, 43, 44, t. cxlv, col. 860-880. Après être retourné à Jérusalem, par Néocésarée et Samosate, il serait remonté de nouveau jusqu'à Byzance, d’où il passa en Grèce, S. Jérôme, Epist. lix ad Marcell., t. xxii, col. 589, et Théodoret, In Ps. cxvi, t. lxxx, col. 1805, pour y mourir à Patras, sur une croix dressée en forme d’X, et depuis appelée la Croix de Saint-André. Voir Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 105-166; ou Epistola de martyrio Sancti Andreæ, dans Migne, Patr. gr., t. ii, col. 1218-1248.

E. Le Camus.

2. ANDRÉ BERNA. Voir Berna.

3. ANDRÉ D’ALERET ou DALERET, mineur conventuel, est qualifié simplement de Segusianus, c’est-à-dire de Forézien, par Franchini, bibliographe des conventuels, Wadding et autres. Sbaraglia estime que cet auteur n'était pas conventuel, mais capucin; il le conclut de ce qu’un de ses ouvrages est une défense de l’Apologie des capucins, parue sous le pseudonyme de Bonice Combasson, conventuel, dissimulant un nom de capucin. Nous estimons que l’orthographe d’Aleret et Daleret doit être remplacée par d’Allerey, qui est le nom d’un village du département de Saône-et -Loire, compris par conséquent dans la région dont Lyon était le chef-lieu, à laquelle les géographes étrangers étendaient le nom de Forez. André d’Allerey a publié: Notæ in universam Sacram Scripturam, 2 in-f°, Sion (en Valais), 1625.

P. Apollinaire.

4. ANDRÉ de Césarée, archevêque de la ville de cenom, en Cappadoce, vivait vers la fin du ve siècle. VoirRettig, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1831, p. 739. Quelques savants le placent cependant au VIe etmême au 7111° ou IXe siècle. Il nous reste de lui un commentaire de l’Apocalypse (Migne, Patr. gr., t. cvi, col. 216-457); œuvre importante, non seulement parce qu’elle est l’explication la plus ancienne de ce livre qui soit parvenue jusqu'à nous dans son intégrité, mais aussi et surtout parce que les commentateurs ecclésiastiques qui sontvenus après André, lui ont beaucoup emprunté. Il distingue dans l’Apocalypse le sens littéral ou historique, le sens tropologique et le sens anagogique. Il s’attache principalement à montrer l’accomplissem*nt des prophéties de saint Jean; mais il a soin de remarquer qu’on ne peut tout expliquer, parce qu’une partie des prédictions ne sont pas encore réalisées et ne se réaliseront que dans un avenir encore obscur. Voir R. Ceillier, Histoire des auteurs sacrés, t. xii, 1862, p. 426; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. i, col. 830.

5. ANDRÉ DE PÉROUSE, frère mineur, fut fait évêque de Gravina, dans la Pouille, en 1343, et mourut deux ans après, laissant entre autres ouvrages: 1° Postilla super Genesim; 2° Postilla super novem Psalmos.

P. Apollinaire.

6. ANDRÉ Émeric, prémontré belge, mort en 1640, abbé de Saint-Michel d’Anvers, a laissé plusieurs ouvragesparmi lesquels se trouve un Commentaire sur les Épîtreset les Évangiles de l’année.

7. ANDRÉ PLACUS. Voir Placus.

8. ANDRÉ SOTO. Voir Soto.

ANDREA (Dr) Bernard, de Naples, capucin de la province de ce nom, né le 26 octobre 1819, de Gabrield’Andréa et de Fortunata Arienzo, prit l’habit religieuxle 30 janvier 1836. Après avoir enseigné la philosophie etla théologie dans les couvents de sa province, de 1844 à1858, il en fut élu ministre provincial en cette dernièreannée, devint examinateur du clergé des diocèses deNaples, Noie, Aversa et Salerne, et membre des académiesTibérine et des Arcades. Il est mort à Naples, le 22 juin1889, laissant au public un grand nombre d’oeuvres oratoires et poétiques, parmi lesquelles La Cantica volta in rima italiana dal testo ebraico, in-8, Naples, 1854.

P. Apollinaire.


ANDREW James, orientaliste écossais, né à Aberdeen, en 1773, mort à Edimbourg, le 13 juin 1833. Il fut le premier directeur de l’East India Collège à Addiscombe. On a de lui: Hebrew Dictionary and Grammar without points, in-8°, Londres, 1823; A Key to Scripture Chronology mode by comparing Sacred History with Prophecy, and rendering the Bible consistent with itself, in-8°, Londres, 1822. Voir Gentleman’s Magazine for 1833, p. 89.


ANDREWES Lancelot, théologien anglican, né àLondres en 1555, mort le 25 septembre 1626. Il tut élevéà Cambridge et y donna, en 1585, des «Lectures», célèbres en Angleterre, sur les dix commandements. Il occupasuccessivement des positions importantes dans l'Église anglicane. Jacques Ier le nomma, en 1605, évêque de Chichester, d’où il fut transféré, en 1609, à Ély, et enfin, en 1618, à Winchester, siège qu’il occupa jusqu'à sa mort. Il avait une grande réputation de science. Sur l’ordre de Jacques Ier, il écrivit en latin Tortura Torti sive ad Matthæi Torti librum responsio, in-4°, Londres, 1609. Ouvrage mis àl’index par décrets du 9 novembre 1609 et du 30 janvier1670. C’est une réponse à Bellarmin, qui, sous le nom deMatthieu Tortus, avait réfuté le livre du roi Jacques Ier sur la Prérogative royale (Oath of allegiance, in-8°,Oxford, 1851). Andrewes est un des auteurs de la célèbre «Version autorisée» anglaise. Il a traduit les livres historiques de l’Ancien Testament depuis Josué jusqu’auxChroniques ou Paralipomènes. On a aussi de lui des sermons, etc. Voir Isaacson, Life of Bishop Andrewes; Cassan, Life of Ihe Bishops of Winchester, Londres, 1827.

ANDRONICUS. Voir Andronique.

ANDRONIQUE. Grec: Ἀνδρόνικος, «homme vainqueur, conquérant.» Nom commun parmi les Grecs, et porté par plusieurs personnes mentionnées dans l'Écriture.

1. ANDRONIQUE, officier d’Antiochus Épiphane, roide Syrie, qui le laissa comme vice-roi (διαδεχόμενος, II Mach., iv, 31) à Antioche, pendant qu’il allait lui-même faire la guerre contre les villes de Tarse et de Mallo, en Cilicie (171 avant J.-C). Andronique abusa de son pouvoir pour faire périr le grand prêtre juif Onias III. Ménélas, frère de Simon, Juif ambitieux de la tribu de Benjamin, s'était fait le zélé partisan des idées grecques, afin d’arriver au souverain pontificat, quoiqu’il ne put point y aspirer légitimement, n'étant-pas de la descendance d’Aaron. Il acheta le souverain sacerdoce, vers 172, du roi de Syrie, en surenchérissant sur Jason. Mais, comme il ne put payer à Antiochus Épiphane les sommes qu’il lui avait promises, il fut chassé du pontificat. Cet échec ne le découragea pas. Il déroba des vases d’or du temple de Jérusalem et en offrit à Andronique, pendant que cedernier remplissait les fonctions de vice-roi à Antioche, afin de capter sa faveur. Quand Onias III, le pontife légitime déposé par Antiochus Épiphane, eut appris le sacrilège commis par Ménélas, il lui en fit des reproches, maisen ayant soin, pour prévenir sa vengeance, de se tenir àDaphné, près d’Antioche, à l’abri du sanctuaire d’Apollonet de Diane, lieu de refuge sacré pour les Syriens. Ménélas se plaignit à Andronique; le vice-roi, pour le satisfaire, décida, par un faux serment, le malheureux Onias à sortir de son asile et le mit à mort. Cette violation frauduleuse du droit d’asile excita l’indignation générale à Antioche. Au retour du roi, Andronique fut publiquement dégradé et exécuté dans le lieu où il avait commis son crime (170 avant J.-C). II Mach., iv, 30-38. Josèphe place la mort d’Onias III avant le pontificat de Jason, Ant. jud., XII, v, 1, et ne dit rien d’Andronique. G. Wernsdorf, Commentatio historica de fide librorum Machabæorum, Breslau, 1747, p. 90, a voulu se servir de l’autorité de Josèphe pour contester la véracité du récit du second livre des Machabées; mais la plupart des critiques protestants eux-mêmes reconnaissent que la narration vague de l’historien juif ne saurait prévaloir contre les témoignages circonstanciés et précis que nous venons de rapporter.

2. ANDRONIQUE, officier d’Antiochus Épiphane, différent du vice-roi d’Antioche du même nom, quoi qu’en aient dit quelques critiques. Il commandait les troupes syriennes qui occupaient le mont Garizim, à cause de sa forte situation, et peut-être aussi à cause du temple qu’y avaient élevé les Samaritains. Il ne nous est connu que par la mention qu’en tait II. Mach., v, 23. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 4, parle d’un Andronique, fils de Messalomos, qui convainquit Ptolémée Philométor de l’orthodoxie du temple de Jérusalem, par opposition à celui du mont Garizim. On a supposé que cet Andronique était le même que le gouverneur de Garizim, mais il est impossible de le prouver.

3. ANDRONIQUE, chrétien d’origine juive, parent desaint Paul et son compagnon de captivité. Rom., xvi, 7.Il s’était converti avant saint Paul au christianisme, comme Junias ou Junie que le docteur des nations nomme avec Andronique et qu’il qualifie l’un et l’autre «d’apôtres», c’est-à-dire sans doute, dans un sens large, de prédicateurs de l'Évangile. Nous ignorons dans quelles circonstances ils avaient partagé l’un et l’autre la captivité de saint Paul. D’après le Pseudo-Dorothée, Patr. gr., t. xcii, col. 1061, Andronique devint évêque d’Espagne; d’après saint Hippolyte, t. x, col. 956, de Pannonie. Voir Orlog, De Romanis quibus Paulus epistolam misit, Copenhague, 1722; Bosc, De Andronico et Junio, Leipzig, 1742.

ANE. — I. Nom et caractères. — Cet animal domestique est nommé plus de cent trente fois dans l'Écriture.Il porte en hébreu le nom de ḥâmôr, qui signifie roux, parce qu’il a souvent cette couleur en Orient. Ḥâmôr désigne toujours le mâle, excepté II Sam. (II Reg.), xix, 27 (26), où il s’applique à l’ânesse. La dénomination ordinaire de celle-ci est ʾȧṭôn. Num., xxii, 23, 33; II (IV) Reg., iv, 24. L'ânon s’appelle ʿayîr. Gen., xlix, 11; Zach., IX, 9, etc. L'âne sauvage ou onagre avait un double nom, celui de pér’é (rapide) et celui de ʿârôd (le fuyant). Voir Onagre. Cette richesse de noms, peu commune en hébreu, montre combien l’âne était répandu en Palestine et, l’on peut ajouter, combien il y était apprécié et estimé.

L'âne d’Orient ne mérite pas, en effet, le mépris dont l'âne d’Occident est l’objet parmi nous. Cet animal est une espèce du genre cheval. Il se distingue du cheval proprement dit par ses longues oreilles, par la touffe de crins qui pend seulement au bout de sa queue, par son braiment et par la croix noire qui est tracée sur le dos et sur les épaules du mâle (fig. 141). Il est originaire de l’Asie et du nord-est de l’Afrique, où on le trouve encore à l'état sauvage. Dans sa patrie primitive, il est plus vigoureuxet plus vif que dans nos contrées; et la durée de sa vie, qui n’est que de quinze à seize ans en Europe, est de vingt-cinq à trente dans son pays d’origine.

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141. — Anes d’Orient.

La chaleur lui est favorable, mais les soins lui sont également nécessaires; aussi dans l’Inde, où il n’a pas été assez bien traité, il a dégénéré, malgré la chaleur du climat. En Syrie et en Egypte, où cet animal est convenablement entretenu, il dépasse en taille et surtout en vigueur ses congénères de l’Occident. Les Arabes et les Persans conservent la généalogie de leurs ânes comme celle des chevaux. En Syrie, d’après Darwin, il y en a quatre espècesprincipales: «La première, gracieuse et légère avec une allure agréable, sert principalement aux dames; la seconde, race arabe, est réservée exclusivement pour la selle; la troisième, plus forte, sert au labourage et à des travaux divers; «la quatrième, qui est la race de Damas, est la plus grande et se distingue par la longueur du corps et des oreilles.» Animals and Plants under domestication, t. i, p. 62. Damas et Bagdad se glorifient particulièrement de leurs ânes blancs. Les animaux de cette couleur paraissent aussi avoir été fort appréciés chez les Israélites, d’après le cantique de Débora, qui dit aux chefs de son peuple: «Vous qui montez de blanches ânesses.» Jud., v, 10 (texte hébreu; la Vulgate traduit: nitentes asinos, «ânes luisants» ). Quelques interprètes pensent que leterme hébreu sâhôr, employé dans ce passage du livredes Juges, indique que les ânesses dont parle la prophétesse Débora étaient peintes de bandes de couleur. Tous ceux qui ont visité l’Orient, et en particulier le Caire, ont remarqué ces singulières peintures par lesquelles on veut parer les plus beaux ânes et rehausser les couleurs voyantes de leur riche harnachement. Le mot arabe correspondant à ṣâḥôr, ..4° et } Jo. ṣaḥor et ʾaṣoḥaru, se dit d’un âne blanc et roux. Quelque bizarre que nous paraisse la coutume d’orner ainsi cet animal domestique, elle nous montre du moins combien il est aimé de ceuxà qui il sert de monture.

Ce qui rend l'âne si précieux en Egypte et en Syrie, c’est qu’il est fait pour les pays chauds et pour les régions montagneuses et arides. Ses sabots sont longs, creux en dessous, avec des bords aigus, de sorte qu’il plante son pied avec sûreté, soit dans les montées, soit dans les descentes, là où le sabot plat du cheval est exposé à glisser.De plus, il souffre peu de la soif et de la chaleur; il boit rarement, et en petite quantité; la transpiration est chez lui presque insensible, grâce à sa peau dure et coriace.Les herbes sèches et aromatiques sont sa nourriture de prédilection; il préfère les chardons (fig. 142) et les plantes épineuses au fourrage le plus tendre et le plus succulent. Ce sont là tout autant de qualités inappréciables dans un pays sec et entrecoupé de collines et de vallées.

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142. — Âne broutant. Le scribe Uerchu est assis sur son âne. Il est précédé d’un coureur (V «Dynastie). Lepslus, Denkmaler, ii, 13.

On n’a point trouvé l'âne domestique représenté sur les monuments assyriens, A. Layard, Nineveh and its remains, 1849, t. ii, p. 425; mais Hérodote le nomme néanmoins parmi les animaux connus dans la région de l’Euphrate I, 194, édit. de Londres, 1679, p. 81; cf. I Esdr., Il, 67, et les bas-reliefs reproduisent souvent l’onagre, qui yexistait alors et y existe encore aujourd’hui. A. Layard, ibid., t. i, p. 324. Voir Onagre. Quoi qu’il en soit, du reste, de l’Assyrie, il est certain que l'âne était trèscommun en Egypte et en Palestine.

II. Histoire de l'âne dans l'Écriture. — Les ânes ont toujours été considérés par les Hébreux comme une partie importante de leurs richesses. Exod., xiii, 13; xxl, 33; xxii, 4, 10; xxiii, 4, 5, 12; Deut., v, 14, etc.; Luc, xiii, 15; xiv, 5. Les patriarches en possédaient de véritables troupeaux, Gen., xii, 16; xxiv, 35; xxx, 43; xxxii, 5; cf. xxxvi, 24; Job, i, 3, 14; xlii, 12; Num., xxxi, 39, 45, de même que les Égyptiens, ainsi que nous l’attestent leurs monuments (fig. 143). Voir aussi I Sam. (I Reg.), IX, 3; I Par., xxvii, 30; I Esdr., Il, 67; II Esdr., vii, 69. La loi défend de convoiter l'âne de son prochain, Exod., xx, 17; Deut., v, 21; cf. Job, xxiv, 3, parce qu’il était souvent un objet d’envie. Cf. Deut., xxviii, 31. C'était, avec le bœuf et les brebis, l’animal domestique par excellence. Cf.Gen., xxii, 5; Exod., xxii, 4, etc. L'âne était en effet, comme nous l’avons dit, la monture la plus commode et la plus usitée, Gen., xxii, 3, etc., comme elle l’est encoreaujourd’hui en Orient, où il sert aux personnes du plus haut rang et est richement harnaché comme le cheval. Celui-ci n'était pas élevé en Palestine avant Salomon; il y fut probablement toujours rare dans l’antiquité, et l’on n’en fit guère usage que pour la guerre. Le chameau n'était pas non plus très commun; c’est d’ailleurs un animal moins agréable à monter que l'âne, et celui-ci, dont le pas est très sûr dans les montagnes, peut rendre beaucoup plus de services dans toutes les parties de la Palestine. Nonseulement il portait les hommes et les femmes dans leurs voyages, Gen., xxii, 3; Exod., iv, 20; Num., xxii, 21; Jos., xv, 18; Jud., i, 14; v, 10; x, 4; xii, 14; I Reg., xxv, 20, 23, 42; II Reg., xvii, 23; xix, 26; I (im Reg., xiii, 23; II (IV) Reg., iv, 24; Zach., ix, 9; Matth., xxi, 7; Marc, xi, 7; Luc, xix, 30; mais il transportait aussi les fardeaux. Gen., xlii, 26; xlv, 23; Jos., ix, 4; I Reg., xvi, 20; sxv, 18; II Reg., xvi, 1; 1 Par., xii, 40; II Esdr., xiii, 15; Eccli., xxxiii, 25 (fig. 144). On l’employait, du moins du temps de Notre-Seigneur, pour tourner la meule et moudre le blé, comme le prouve l’expression du texte grec de saint Matthieu, xviii, 6; de saint Marc, ix, 41, et de saint Luc, xvii, 2, μύλος ὀνικός, «meule d'âne» (voir Meule); on l’utilisait également pour labourer les champs, Is., xxx, 24; xxxii, 20; cf. Deut., xxii, 10, et aussi, d’après Josèphe, Cont. Apion., ii, 7, pour battre le blé. Il servait certainement à ce dernier usage en Egypte. Voir fig. 45 et 48, col. 277, 283.

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143. — Troupeau d'ânes en Egypte. Un scribe en inscrit le compte. Tombeau de Beni-Hassan (XIIe Dynastie).
Lepsius, Denkmäler, ii, 132.

L'âne de Palestine est capable de faire une bonne journée de marche, à un pas modéré. Aujourd’hui on lui préfère le cheval pour les longues courses; mais, depuis Abraham jusqu'à l'époque de Notre-Seigneur, les personnages les plus honorables faisaient leurs voyages à âne, comme nous le voyons en particulier par l’histoire des Juges, x, 4; xii, 14, de même que par les monuments égyptiens (11g. 142 et 145).

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144. — Ânes portant (les fardeaux en Egypte. Dans l’original, la scène se continue sur la même ligne.Peinture du Musée Guimet, a Paris.

Notre-Seigneur lui-même se servit de cette monture pour faire son entrée triomphale à Jérusalem, le dimanche des Rameaux, Matth., xxi, 7; Marc, xi, 7; Luc, xix, 30, non pour nous donner un exemple d’humilité, comme on pourrait le croire d’après nos idées occidentales, mais pour montrer qu’il était un roi pacifique, l'âne étant comme l’emblème de la paix, de même que le cheval celui de la guerre. Voir Anon. De cette manière différente d’envisager l'âne en Orient et en Occident, il résulte qu’il n’est pas dans nos Livres Saints, comme il l’est parmi nous, l’objet de comparaisons désavantageuses et méprisantes. Au contraire, il est considéré comme un animal noble, auquel on assimile les personnages dont on veut faire l'éloge, dans la plus haute poésie. Ainsi Issachar est appelé «un âne fort», Gen., xwx, 14, dans la prophétie de Jacob. Voir aussi Jud., v, 10; 1s., 1, 3, etc. Cf. Iliade, xi, 588. Néanmoins, après sa mort, cet animal utile est jeté à la voirie. De là la prophétie de Jérémie, xxii, 19, contre Joakim, roi de Juda: «Il aura la sépulture d’un âne; il sera traîné (pourri, dit la Vulgate) et jeté hors des portes de Jérusalem.» Voir Joakjm.

On ne se servait point primitivement de selle pourmonter l'âne, mais on étendait simplement sur son dosune couverture ou un morceau d'étoile qu’on attachaitpour l’empêcher de tomber. C’est ce que le texte original appelle «lier autour» ou «ceindre» l'âne. Gen., xxii, 3; Num., xxii, 21; Jud., xix, 10; II Sam., xvi, 1; IV Reg., IV, 24, etc. Les Apôtres étendirent leurs vêtements sur l'âne dont se servit Notre-Seigheur pour faire son entrée solennelle à Jérusalem. Matth., xxi, 7. L'ânier ou un serviteur accompagnait souvent la monture (flg. 142), Jud., xix, 3; IVReg., iv, 24; Erubin, iv, 10, en courant à côté ou en arrière, comme cela se pratique de nos jours en Orient. Le mari marchait aussi à pied, à côté de l'âne qui portait sa femme et ses enfants, Exod., IV, 20; c’est ce qu’on voit encore fréquemment, quand on voyage en Palestine. L'Évangile ne nous donne point de détails sur la manière dont s’accomplit la fuite en Egypte; mais l’art chrétien, en représentant la sainte Vierge et l’enfant Jésus sur un âne, et saint Joseph à pied, a reproduit fidèlement les coutumes orientales.

On recourait aux services de l'âne, même en temps deguerre, où il était chargé de porter les bagages. IV Reg., vii, 7. Chez les Perses, on faisait même monter cet animal par des soldats, et Isaïe nous montre la cavalerie de Cyrus, composée non seulement de chevaux, mais aussi de chameaux et d'ânes. Is., xxi, 7. Cet usage est attesté par Strabon, xv, 14, édit. Didot, p. 618, qui rapporte que les Caramaniens, peuple qui faisait partie de l’empire perse, combattaient sur des ânes, et aussi par Hérodote, iv, 129, édit. Teubner, 1874, p. 350, qui nous apprend que Darius, fils d’Hystaspe, marcha avec des ânes contre les Scythes.Chez les Phéniciens et les Syriens, l'âne était un animal sacré. Les Juifs furent accusés par les païens d’adorer une tête d'âne. Le grammairien Apion prétendait qu’Antiochus Épiphane, en pillant le temple de Jérusalem, y avait découvert une tête d'âne en or. Josèphe, Cont. Apion., il, 7. On retrouve des traces de cette calomnie dans Plutarque, Sympos., iv, 5, et dans Tacite, Hist., v, 3-4. On sait que le même reproche fut fait aux chrétiens. Voir J. G. Müller, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1843, p. 906-912, 930-935, et ce que nous avons dit nous-même sur ce sujet dans Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 99-102.

III. Prescriptions légales relatives à l'âne. — On voit souvent aujourd’hui, en Egypte et en Syrie, des animaux d’espèce différente attelés à la même charrue. La loi de Moïse, Deut., xxii, 10, défend d’attacher au même joug le bœuf et l'âne, parce qu’on se servait de ces deux espèces d’animaux pour labourer les champs. La prescription deMoïse était fort humaine en interdisant de faire travailler ensemble des bêtes de force et de taille très différentes.

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145. — Âne de la reine de Pount. La reine, remarquable par son embonpoint, vient de descendre de son âne pour aller au-devant des Égyptiens à qui elle apporte son tribut. Temple de Deir el-Bahari.

Il est probable que cette défense avait aussi une portée morale plus haute et qu’elle était destinée, comme les ordonnances de Lev., xix, 19, à inspirer aux Israélites l’horreur de tout commerce avec les païens, pour leur faire mieux conserver la pureté de leur foi religieuse.Moïse avait prescrit aussi de prendre soin de l'âne de son prochain, s’il s'était égaré ou s’il lui était arrivé un accident. Deut., xxii, 3-4.

Chez les Perses et les Tartares, on faisait grand cas de la chair de l'âne sauvage. Chez les peuples chananéens, il ne devait pas en être de même. Cf. Ezech., xxiii, 20. Ils ne paraissent pas avoir fait usage de la viande d'âne. Les règles posées par le Lévitique, xi, 20 (cf. Deut., xiv, 6-8), rangent cet animal domestique parmi les animaux impurs, parce qu’il ne rumine pas. En cas defamine, on mangeait cependant les ânes, comme biend’autres espèces d’animaux. Pour donner une idée del’extrémité à laquelle était réduite la ville de Samarie, lorsqu’elle fut assiégée, sous Joram, par Benadad, roi de Syrie, l’auteur sacré raconte qu’une tête d'âne se vendait dans cette ville quatre-vingts sicles d’argent (225 francs environ). IV Reg., vi, 25. Plutarque rapporte un trait analogue. Il dit qu’Artaxercès ayant fait la guerre enEgypte, ses troupes manquèrent complètement de vivresdans un désert, de sorte qu’on mangea la plupart deschevaux et qu’on avait peine à trouver une tête d'âneà acheter au prix de soixante drachmes ( 52 francs environ). Artax., xxiv, 1, édit. Didot, t. ii, p. 1219.

IV. L’âne dans la grotte de Bethléhem. — L’art chrétien représenta de bonne heure un âne et un bœuf à côté de la crèche de Notre-Seigneur. Le plus ancien monument connu à ce sujet est un petit monument de l’an 343 (fig. 146). Voir de Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. i, n° 73, p. 51. Cette représentation n’est guère que la mise en scène du passage d’Isaïe, i, 3: Cognovit bos possessorem suum, et asinus præsepe domini sui: «Le bœuf a reconnu son maître, et l'âne, la crèche de son Seigneur.» De ces paroles du prophète, rapprochées de celles d’Habacuc, iii, 2, telles qu’elles sont traduites dans les Septante et l’ancienne Italique: «Vous vous manifesterez entre deux animaux,» est venu l’usage de représenter l'âne et le bœuf dans la grotte de la Nativité, quoique ces textes n’aient pas directement la signification qu’on leur a attribuée.

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146. — L'âne et le bœuf dans l'étable de Bethléhem.

Dans Habacuc, iii, 2, le texte originalporte, comme le traduit exactement notre Vulgate: «Au milieu des années,» c’est-à-dire bientôt, sans attendre trop longtemps, et non pas: «entre deux animaux.» Voir Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, note v, 2e édit., 1701, t. i, p. 423, et pour lathèse contraire Baronius, Annales ecclesiastici, ann. 1, n° 3, édit. de Lucques, 1738, t. i, p. 2. L'âne et le bœuf sont représentés dans le mystère de la naissance de Notre-Seigneur sur de nombreux sarcophages, à Rome, à Milan, à Arles, sur des gemmes et sur des diptyques. Voir F. X. Kraus, Real-Encyklopädie der christlichen Alterthümer, t. i, 1880, p. 431; J. E. de Uriarte, El buey y et asno, testigos del nacimiento de Nuestro Senor, dans La ciencia christiana, t. xii, 1879, p. 260-275; t. xiii, 1880, p. 64-87; 167-188.

Sur l'âne, voir J. G. Wood, Bible animals, in-8°, Londres, 1869, p. 264-279. — Pour l'âne sauvage, voirOnagre; pour l'ânesse de Balaam, voir Balaam; pour la mâchoire d'âne de Samson, voir Samson et Ramathlechi.

F. Vigouroux.

ANEITUMÈSE (VERSION) DE LA BIBLE. — Lalangue aneitumèse, parlée dans l'île d’Aneitéum, la plus méridionale des îles Hébrides, appartient à l’extrême groupe polynésien et est une branche du papou. Le Nouveau Testament a été traduit en aneitumèse par deux ministres protestants, J. Geddie et J. Inglis; il a paru en 1863. L’impression de l’Ancien Testament, traduit par J. Inglis, a été terminée en 1878.

ANEM (hébreu: ʿAnêm; Septante: τὴν Ἀινάν), ville de la tribu d’Issachar, donnée, avec ses faubourgs, aux fils de Gerson. I Par., vi, 73 (hébreu, 58). Dans le passage parallèle, Jos., xxi, 29, et dans la liste générale des villesde la même tribu, Jos., xix, 17-23, elle est omise, et à sa place on trouve Engannim. Aussi la plupart des auteurs regardent 'Anem comme une contraction de ce dernier nom, de même que Carthan, Jos., xxi, 32, est mis pour Cariathaïm. I Par., vi, 76. Cependant Conder et les explorateurs anglais proposent de l’identifier avec ʿAnîn, village situé à l’ouest de la plaine d’Esdrelon, non loin de Djenin (Engannim). Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 402; Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1800, feuille 10. Voir Engannim.

A. Legendre.


ANÉMONE, genre de la famille des Renonculacées, type de la tribu des Anémonées, dont on compte un trèsgrand nombre d’espèces et de variétés. Pline dit, H. N., XXI, 23 (94), que son nom vient du grec àvs^oç, «vent,» parce que cette fleur ne s’ouvre qu’au souffle du vent. La mythologie la fait naître du mélange du sang d’Adonis et des larmes de Vénus, flos de sanguine concolor ortus, dit Ovide, Metam., x, 735. Elle fait par là allusion à la couleur de l’anémone rouge commune en Syrie. Cette plante est une herbe vivace, à tige souterraine souvent charnue et ramifiée. Ses feuilles sont alternes, découpées, d’un vert foncé, du milieu desquelles s'élève une hampe portant une fleur solitaire. Les anémones croissent dans l’hémisphère boréal et dans l’hémisphère austral. L’anémonerouge abonde en Syrie. Quand on arrive en février ou en mars en Palestine, dès qu’on quitte Jaffa pour se rendre à Jérusalem, et qu’on entre dans la plaine de Saron, on est aussitôt frappé par la vue de cette petite fleur, dont la couleur vive attire invinciblement le regard au milieu de la verdure qui l’entoure. On la trouve ensuite sur toute sa route, à Jérusalem, au mont des Oliviers, en Samarie, en Galilée. Nulle autre fleur n’est aussi commune en Palestine, et c’est presque invariablement la variété rouge qu’on rencontre; parce que les jaunes, lesbleues et les pourpres fleurissent de très bonne heureou sont plus rares.

L'éclat de sa couleur (fig. 147) a porté plusieurs naturalistes à supposer que cette fleur est celle dont Notre-Seigneur dit, dans son sermon sur la montagne: «Jetez les yeux sur les lis des champs (τὰ κρίνα τοῦ ἀγροῦ): ils ne travaillent point, ils ne tissent point, et cependant Salomon dans toute sa gloire n'était pas vêtu comme l’un d’eux.» Matth., vi, 28-29; cf. Luc, XII, 27. «L’anémone coronaria, dit M. Tristram, est la plus magnifiquement colorée, la plus remarquable au printemps, la plus universellement répandue de toutes les fleurs que renferme la riche flore de la Terre Sainte. Si une plante peut prétendre à la prééminence parmi cette opulence merveilleuse qui couvre la terre d’Israël d’un tapis de fleurs au printemps, c’est l’anémone, et c’est donc à elle que nous nous arrêtons comme étant le plus probablement le lis des champs du discours de Notre-Seigneur.» H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, 1884, p. 208.

Cette identification n’est pas sans souffrir quelques difficultés, et elle est loin d'être admise par tout le monde.Ce qui est du moins certain, c’est qu’elle a des raisons à faire valoir en sa faveur et que, sur le mont des Béatitudes, à l’endroit même où la tradition place la scène du Sermon sur la montagne, le divin Maître pouvait montrer à ses auditeurs de nombreuses anémones qui y étalaient alors, comme aujourd’hui, leur riche et brillante couleur. Ce qui est également certain, c’est que «le lis des champs» n’est pas le lis blanc ordinaire; car on ne le rencontre nulle part dans les champs de la Palestine. Une autre raison à faire valoir en faveur de l’anémone, c’est que les traits par lesquels le Cantique des cantiques caractérise le šôšannâh ou lilium convallium lui conviennent en général fort bien, tandis qu’ils ne sauraient s’appliquer à ce que nous appelons le lis. L’anémone se voit partout dans les «vallées» de la Palestine, Cant. ii, 1, et elle étale ses pétales rouges «au milieu des épines», ii, 2, ainsi que dans les prairies où les bergers font paître leurs troupeaux, ii, 16; vi, 2; dan s les champs où broutent les gazelles, iv, 5; là où la rosée féconde la terre. Osée, xiv, 6; cf. Eccli., L, 8. Elle croît aussi dans les jardins, où celui qui aime les belles fleurs la cueille volontiers. Cant., VI, 1. Sa forme gracieuse nous explique pourquoi l'épouse du Cantique dit d’elle-même: «Je suis le šôšannâh des vallées,» Cant., ii, 1, et sacouleur rouge fournit à l’épouse la comparaison de Cant.,v, 13: «Ses lèvres sont des šôšannîm qui distillent lamyrrhe.»

On objecte contre l’identification de l’anémone avec lešôšannâh que les Septante ont rendu le mot hébreu parκρίνον, et la Vulgate par lilium, «lis;» ce qui, assure-t-on, ne permet pas de douter que le terme sémitique nedésigne une plante liliacée, quoique tout le monde reconnaisse qu’il ne saurait être question du lis ordinaire. Maisla raison tirée des anciennes versions peut n’être pasaussi concluante qu’elle le semble de prime abord. On peutadmettre, en effet, sans difficulté, que le terme šôšannâhs’appliquait en général, chez les Hébreux, aux diversesespèces de lis, et que les traducteurs grecs devaient parconséquent le traduire naturellement par lis; toutefois il nesuit point de là que l’anémone ne fut pas comprise dansle mot šôšannâh. Les Hébreux n’avaient point fait, tants’en faut, dans la flore de la Palestine toutes les distinctions qu’a établies la science occidentale; ils rangeaientsous un même nom des plantes très différentes. Aujourd’hui encore, et c’est une remarque importante dans laquestion présente, les Arabes comprennent l’anémonedans les fleurs qu’ils appellent susan. En Egypte, le sėšendésignait le lotus. Les anciens Hébreux ont donc bien pucomprendre l’anémone parmi les plantes qu’ils appelaientšôšannîm et avoir voulu souvent désigner par ce mot, dansleurs descriptions poétiques, cette belle fleur, si commune en Terre Sainte. Les Septante ayant traduit le šôšannâh de l’Ancien Testament par κρίνον, il est naturel que l’Évangile ait employé le même mot, quoique κρίνον fût le nom dulis véritable chez les Hellènes. On peut observer enfin que si le šôšannâh ne s’applique pas à l’anémone, il en résulte que cette fleur, l’une des plus belles et les plus communes en Palestine, n’est jamais nommée dans l’Ecriture, ce quiest difficile à admettre et paraît peu vraisemblable. S’ilexiste quelques difficultés contre l’identification du «lis deschamps» avec l’anémone, il faut donc convenir du moinsque l’on peut apporter aussi, en sa faveur, des raisons quine sont pas sans force. Voir Lis.

F. Vigouroux.

ANER, hébreu:‘Ânêr; Septante: Αυνάν.

1. ANER, un des trois chefs amorrhéens d’Hébron quiavaient fait alliance avec Abraham, et l’aidèrent à poursuivre Chodorlahom*or et ses alliés, et à reprendre le butin qu’ils emportaient. Gen., xiv, 13, 24.

2. ANER (hébreu:‘Ânêr; Septante: τὴν Ἀνάρ, ville dela tribu de Manassé occidental, attribuée, avec ses faubourgs, aux fils de Caath. I Par., vi, 70 (hébreu, 55). Dansla liste parallèle de Jos., xxi, 25, on lit, à sa place, Thanach. On peut donc admettre ici une corruption de motou une faute de copiste, ענר, ‘Aner, pour תענך, Ṭa‘ânâk,par l’omission du thav initial et la confusion entre leresch et le caph final. Cependant Conder et les auteursde la carte anglaise proposent de l’identifier avec ‘Ellâr,localité située «sur les collines sud —ouest de la plained’Esdrelon», à quelque distance au nord-ouest de Sebastiyéh (Samarie). Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder,Names and places in the Old and New Testament,Londres, 1889, p. 11; Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10. Voir Thanach.

A. Legendre.

ANESSE. Voir Ane et Anon.

ANETH. Voir Axis.

ANGARIER (Ἀγγαρεύω; Vulgate: angariare), terme vieilli qu’on n’emploie plus en français. Il est d’origine perse, et signifie «contraindre, forcer», parce que les courriers publics des rois de Perse, appelés ἄγγαροι, obligeaient ceux dont ils avaient besoin à un service forcé.

Ces courriers étaient chargés de porter les lettres et les édits des rois de Perse, appelés dans les livres de l’Ancien Testament écrits sous la domination perse, ’iggerôṭ (singulier: iggéreṭ; perse: انڭاره, engâré, «écrit.») Neh. (II Esdr.), ii, 7, 8, 9; vi, 5, 17, 19; II Par., xxx, 1, 6 (Vulgate: epistola, epistolæ). L’organisation de la poste persea été décrite en détail par Hérodote, viii, 98. Les rois Achéménides, pour faire transmettre plus rapidement leurs messages, avaient créé des relais d’hommes et de chevaux, stationnés de distance en distance. Les courriers, montés sur leurs chevaux, n’étaient arrêtés ni par le mauvais temps ni par l’obscurité, et ils se remettaient de main en main leurs lettres, comme les lampadophores grecs se remettaient le flambeau allumé dans la λαμπαδηφορία oucourse aux flambeaux. Afin de ne pas éprouver de retard,ils avaient le droit d’exiger de vive force les hommes, les chevaux et les barques qui leur étaient nécessaires. Ces courriers sont nommés dans Esther, viii, 10, 14: hârâṣim rokbê hârékėš, «des coureurs montant des chevaux rapides» (Vulgate: veredarii celeres). Le mot ἀγγαρεία devint ainsi synonyme de contrainte et de corvée forcée pour le service public.

La domination perse introduisit le nom et la chose enPalestine. Le nom se trouve sous la forme ’angaryâ’ dansle Talmud. Voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 131;Lightfoot, Horæ hebraicæ, in Matth., v, 41. Entre autres avantages que Démétrius Soter offrit au grand prêtre Jonathas Machabée pour l’attacher à sa cause, il lui proposa d’affranchir les Juifs de l’obligation de fournir (ἀγγαρεύεσθαι leurs animaux domestiques pour le service public,d’après ce que raconte Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 8. Tousces détails montrent que l'’angaryâ’ était odieuse auxpopulations qui avaient à la supporter; mais l’organisationperse de la poste était si avantageuse aux gouvernements,qu’elle avait été adoptée par les Séleucides après la ruinede l’empire de Darius, et qu’elle le fut plus tard par lesRomains, qui latinisèrent le mot sous la forme angario(cf. Pline, H. N., x, 14, 121, 122), comme les Hellènes l’avaient grécisé sous la forme ἀγγαρεύω. Cf. Xénophon, Cyrop., viii, 6, §17, 18; Athénée, iii, 91, 122; Eschyle,Agamemnon, 282; Pers., 217 (édit. Dindorf); Plutarque, De Alexandro, p. 326.

Le mot ἀγγαρεύω, angariare, se lit trois fois dans les Évangiles: une première fois dans le Sermon sur la montagne, Matth., v, 41: «Si quelqu’un te force (t’angariecomme un courrier) à faire avec lui un mille de chemin(ou mille pas), fais-en deux autres milles.» Les deuxautres passages où se retrouve ce mot sont les deux passages parallèles de Matth., xxvii, 32, et Marc, xv, 21, oùil est rapporté comment ceux qui conduisirent Jésus ausupplice, ayant rencontré sur leur passage Simon le Cyrénéen,l’«angarièrent», c’est-à-dire exigèrent de lui commeun service public de porter la croix du Sauveur.

1. ANGE. On donne le nom d’anges d’une manièregénérale à des esprits que Dieu a créés sans les destiner,comme nos âmes, à être unis à des corps. Leur vertuayant été mise à l’épreuve, plusieurs de ces esprits serévoltèrent contre Dieu et devinrent ainsi de mauvais anges.En punition, ils furent précipités en enfer. Ce sont lesdémons. D’autres furent fidèles à Dieu, qui les confirmaen grâce et leur donna le bonheur du ciel. Ce sont lesbons anges, qui sont appelés d’une façon plus particulièreanges tout court. C’est de ces derniers uniquement quenous nous occuperons dans cet article.

I. Noms des anges.

Les anges sont désignés dans laBible par des noms multiples qui ne leur sont pas exclusivement réservés. Leur nom le plus habituel est celuide messager: en hébreu, mal’âk; en grec, ἄγγελος, quela Vulgate a presque toujours traduit par angelus, maisqu’elle a aussi rendu parfois par nuncius, legatus, «messager, envoyé.» C’est ce nom grec ἄγγελος, qui a fourni Dict. de la Bible

Letouzey et Ané. Edit.


anémone.
l’étymologie de leur nom latin angelus et de leur nom français ange. Ils sont aussi appelés fils de Dieu, Job, I, 6; ii, 1; saints, Dan., viii, 13; habitants du ciel, Matth., xviii, 10; armée des cieux, II Esdr., ix, 6; esprits, Ps. cl, 6; Hebr., i, 14. L’Écriture nous indique, en outre, les noms de divers chœurs d’anges. Ce sont les Chérubins, Gen., iii, 24; Exod., xxv, 22; Ezech., x, 1-20; les Séraphins, Is., VI, 2, 6; les Principautés, les Puissances, les Dominations, Eph., i, 21; Col., i, 16; les Vertus, Eph., i, 21; les Trônes, Col., i, 6; les Archanges, I Thess., iv, 15; Judæ, 9.

Les livrés inspirés ne nous donnent que trois nomspropres d’anges: Gabriel, «Dieu est force,» Dan., viii, 16; îx, 21; Luc, i, 19, 26; Michel, «qui est comme Dieu?» Dan., x, 13, 21; xii, 1; Juda>, 9; Apoc, xii, 7; Raphaël, «Dieu guérit,» Tob., iii, 25. Le quatrième livre d’Esdras met en scène les anges Jérémiel, iv, 36, et Uriel, v, 20, et les rabbins croient connaître les noms d’autres anges encore; mais l’Ecriture ne nous fournit que lestrois noms de Gabriel, de Michel et de Raphaël. Aussi les autres noms ont-ils été rejetés par le pape Zacharie au concile de Rome de 745 et par le xvie chapitre du concile d’Aix-la-Chapelle de 789. Héfelé, Histoire des conciles, traduction Delarc, Paris, 1870, § 367, t. iv, p. 446, et § 393, t. v, p. 87; cf. § 93. Il est clair d’ailleurs que les noms par lesquels nous désignons les anges ne sont pas ceux qu’ils se donnent mutuellement, attendu que leur langage n’a rien de vocal et de sensible. On a remarqué aussi que le nom d’aucun ange n’avait été connu des Juifs avant la captivité de Babylone. Cette ignorance contribua sans doute à les empêcher d’adorer les anges, Jud., xiii, 18, comme ils y auraient été portés au temps des Juges et des rois.

II. Erreurs et opinions sur l’existence et la nature des anges. — L’existence des anges a été niée autrefois par les Sadducéens, Act., xxiii, 8, qui rejetaient également la spiritualité de l’âme et la résurrection des corps. Tous les chrétiens ont toujours cru à la réalité des esprits angéliques, dont il est si souvent parlé dans le Nouveau Testament; mais quelques Pères se sont trompés plus oumoins gravement sur leur nature. Origène, De princ, I, viii, 4; II, viii, 3, t. xi, col. 180, 222 et passim, entraîné par les théories platoniciennes, et imitant en cela Philon, De confusione linguarum et De gigantibus, Opera, Genève, 1613, p. 270, 222, soutint que la nature des anges ne différait pas de celle de nos âmes. Il pensait, en effet, que celles-ci avaient été unies à un corps en punition d’une faute. Voir Ame. L’opinion d’Origène sur la communauté de nature des anges et des âmes a été renouvelée par les spirites de nos jours. Un assez grand nombre de Pères des premiers siècles, trompés par l’autorité qu’ils accordaient au livre d’Hénoch (voir ce mot), pensèrent que les anges avaient un corps plus ou moins subtil, voir Klee, Histoire des dogmes, traduct. Mabire, Paris, 1848, t. i, p. 343, et Petau, De Angelis, lib. I, c. ii, édit. Vives, 1865, t. iii, p. 607. Plusieurscrurent même que la Genèse parle des anges, quand ellerapporte, vi, 2, que les fils de Dieu épousèrent les filles des hommes et en eurent des enfants. Quelques rabbins ont été jusqu’à penser qu’il y a entre les anges différence de sexe et qu’ils se multiplient par la génération. Calmet, Dissertation sur les bons et les mauvais anges, en tête de son Commentaire sur saint Luc. Ce que Notre-Seigneurdit dans l’Évangile, Matth., xxii, 30, des anges de Dieu qui ne se marient point, n’a permis à aucun auteur chrétien d’admettre qu’ils ont un sexe. Cependant M. Reuss conteste que telle ait été la pensée de Notre-Seigneur, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, Strasbourg, 1864, t. i, p. 464.

Les exégètes rationalistes ne veulent point reconnaître l’existence des anges. Ils expliquent donc de diverses manières ce que la Bible rapporte du monde angélique. Les uns prétendent que notre notion des anges n’existait pas chez les Juifs avant la captivité; ils la recueillirent parmi les Babyloniens, et elle devint chez eux une croyance populaire; Notre-Seigneur et les évangélistes n’admirent pas cette croyance, bien qu’ils y aient accommodé leurlangage. Voir Oswald, Angélologie, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1889, p. 6. D’autres pensent que les Juifs étaient primitivement polythéistes; à mesure qu’ils devinrent monothéistes, ils regardèrent les anges comme d’une nature inférieure à celle de Jéhovah; ils en firent, en conséquence, ses messagers et les ministres de ses desseins auprès des hommes, et Jésus-Christ et les auteurs du Nouveau Testament adoptèrent cette conception. Haag, Théologie biblique, Paris, 1870, § 96, 108, 121, 132, p. 338, 411, 459, 497. Cette manière de voir est fort en vogue aujourd’hui.

III. Doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges. — La doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges a été formulée par le quatrième concile de Latran (1215) et par le concile du Vatican (voir § v), qui affirment l’existence et la complète spiritualité des anges, et les distinguent non seulement des créaturescorporelles, mais encore des hommes composés de corpset d’âme. Les théologiens catholiques admettent que laconnaissance des anges s’est accrue depuis Moïse jusqu’à Jésus-Christ par des révélations successives (voir § 7); mais, à leurs yeux, c’est une erreur de penser que la croyance aux anges est la simple transformation d’un polythéisme primitif, ou qu’elle n’est pas confirmée et démontrée par le Nouveau Testament. — Montrons que le témoignage des plus anciens livres de la Bible, comme celui des plus récents, confirment la doctrine catholique et renversent les théories qui lui sont opposées.

Les anges sont très souvent en scène dans les récitsdes premiers livres de la Bible, le Pentateuque, Josué, les Juges. Ils y jouent un rôle qui démontre qu’on les regarde comme des êtres absolument personnels et qu’ils le sont réellement. Pour ne rien dire des chérubins, dont il sera question dans un article spécial, un ange apparaît à deux reprises, Gen., xvi, 7; xxi, 17, à Agar fugitive dans le désert et lui parle; des anges prédisent à Abraham la naissance d’Isaac et vont délivrer Loth de Sodome, xviii, xix; un ange empêche Abraham d’immoler son fils, xxii, 11-19; Jacob, endormi, voit des anges qui montent au ciel par une échelle et en descendent, xxviii, 12; cf. xxxi, 11; xxxii, 1; xlviii, 16; un ange apparaît à Balaam et lui marque ce qu’il devra faire, Num., xxii; un ange, l’épée à la main, promet à Josué de combattre avec lui, Jos., v, 13-16; un ange rappelle au peuple les bienfaits et les volontés de Dieu, Jud., ii, 1-4; un ange donne à Gédéon sa mission, Jud., vi, 11-23; un ange annonce la naissance de Samson, Jud., xm. Cesanges sont sans aucun doute des êtres doués d’intelligence et de volonté, et ils se présentent dans les autres livres de la Bible avec les mêmes caractères. Le Nouveau Testament raconte des apparitions semblables à Zacharie, à la sainte Vierge, à saint Joseph, aux bergers de Bethléhem, aux saintes femmes après la résurrection. Notre-Seigneur dit que les anges des petit* enfants voient la face de Dieu, Matth., xviii, 10; il parle de ceux qui assisteront au jugement dernier, et sépareront les bons des méchants, de ceux qui sont au ciel et auxquels les élus seront semblables. Matth., xxii, 30; Marc, xii, 25. Il seraittrop long d’énumérer ici toutes ces apparitions et tous ces témoignages; ce qui précède montre suffisamment que les auteurs des premiers livres de la Bible et ceux du Nouveau Testament regardaient les anges comme de véritables personnages.

Quant à la nature de ces personnages, reconnaissonsqu’elle n’est pas complètement expliquée dans les plusanciens livres de la Bible. Cependant le Pentateuque et les livres suivants nous fournissent bien des traits qui la caractérisent de plus en plus. On ne leur attribue point la nature de l’homme. Sans doute ils revêtent souvent sa forme et, pour ce motif, sont parfois appelés des hommes; mais aussitôt qu’on les reconnaît pour des anges, on leur suppose une nature à part. D’ailleurs la manière dont ils paraissent et disparaissent et tout ce qu’ils font prouvent qu’ils n’ont rien d’humain. L'Écriture déclare du reste que l’homme leur est inférieur, Ps. viii, 6; Hebr., ii, 7; II Petr., ii, 11, et si quelques Pères ont affirmé la supériorité de l’homme sur eux, c’est en se plaçant au point de vue surnaturel. Voir Klee, Histoire des dogmes, t. i, p. 347.

Mais la nature angélique est-elle purement spirituelle? les anges n’ont-ils point de corps? C’est aujourd’hui une vérité que les définitions invoquées plus haut rendent certaine; mais nous avons dit que plusieurs Pères en avaient douté. Cependant l'Écriture s’exprime assez clairement à ce sujet. Quoique elle raconte leur apparition aux hommes sous une forme corporelle, jamais elle ne dit qu’il leur soit naturel d’avoir un corps. Pendant qu’elle parle de l'âme ou de l’esprit de l’homme, marquant ainsi que nous sommes composés de deux principes, elle ne parle jamais de l’esprit des anges; elle les appelle simplement des esprits. Hebr., i, 14; Apoc, i, 4; cf. Matth., viii, 16; Luc, x, 20. Job dit qu’ils n’ont point comme nous des corps formés de terre. Job, iv, 18, 19. D’après d’autres textes, ils sont invisibles, Col., i, 16; ce n’est qu’en apparence qu’ils prennent la nourriture que les hommes leur offrent, Tob., xii, 19; ils n’ont aucun commerce charnel. Matth., {rom|xxii}}, 30. Les enfants de Dieu dont la Genèse, VI, 2, nous raconte l’union avec les filles deshommes, ne sont donc point des anges, mais des descendants du vertueux Seth.

Mais les anciens Hébreux faisaient-ils une différence entre ces esprits si élevés et la Divinité? Ne faut-il pas considérer la croyance aux anges comme un reste depolythéisme? Les Livres Saints, particulièrement dans la Genèse, nous rapportent des apparitions où un même personnage est appelé tantôt ange et tantôt dieu. Cette manière de parler soulève la question de savoir si ce personnage était Dieu lui-même ou un ange. Nous reviendrons, au § xi, sur cette question. En tout cas, quelque solution qu’on lui donne, il est certain que les Hébreux ont toujours regardé les anges comme des êtres supérieurs à l’homme, mais inférieurs à Dieu. Sans doute ils n’ont pas précisé, comme nos théologiens chrétiens, les différences qui distinguent la nature angélique de la nature divine; mais ils présentent sans cesse les anges comme des ministres de Jéhovah, qui agissent en son nom et exécutent ses ordres, jamais comme des êtres indépendants. Jacob fugitif voit une échelle qui relie le ciel à la terre et sur laquelle les anges montent et descendent; mais Jéhovah est au haut de l'échelle, c’est sa protection qui est promise à Jacob. Gen., xxviii, 12-13. Au commencement du livre de Job, i, 6, les anges sont représentés autour de Dieu. Les anges sont multiples; Dieu est unique, et il n’y a que Dieu à qui l’on puisse rendre le culte d’adoration proprement dite. Aussi est-ce à Dieu que l’ange qui apparaît à Manué fait offrir un holocauste. Jud., xiii, 16.

Nous ne dirons rien de la connaissance naturelle desanges et de leur langage. Les théologiens ont longuement étudié ces questions, mais à la lumière de la philosophie plutôt qu'à celle de l'Écriture Sainte et de la révélation.

IV. Hiérarchie et nombre des anges. — La Bible nenous a pas seulement fait connaître les anges en général; elle nous parle aussi de divers ordres entre lesquels ils se partagent et nous en donne les noms (voir § i); mais elle ne s’explique pas sur la nature de chacun de ces ordres ni sur leur rang respectif dans la hiérarchie céleste. Aussi les anciens Pères ne sont-ils pas d’accord sur ce point. Cependant la division adoptée par le livre de la Hiérarchie céleste, attribuée à saint Denys l’Aréopagite, est devenue courante depuis longtemps. Elle partage les anges en trois hiérarchies, qui sont elles-mêmes partagées en trois ordres. La première hiérarchie se compose des Séraphins, des Chérubins et des Trônes; la seconde, des Dominations, des Vertus et des Puissances; enfin la troisième, des Principautés, des Archanges et des Anges. Saint Thomas et les thomistes soutiennent que dans ces ordres chaque ange est d’une espèce à part et a sa nature distincte; mais leurs raisons sont plutôt empruntées à la philosophie qu'à la révélation. Les anges forment une multitude innombrable. Jacob, Gen., xxviii, 12, en voit qui montent au ciel et en descendent; et plus tard il en rencontre une armée. Gen., xxxii, 2.Daniel, vii, 10, dit qu’un million d’anges servaient l’Ancien des jours et que mille millions se tenaient en sa présence. Notre-Seigneur assure à ses apôtres, Matth., xxvi, 53, qu’il pourrait obtenir de son Père plus de douze légions d’anges. L'Épître aux Hébreux, xii, 22, et l’Apocalypse, v, 11, nous donnent des chiffres qui exprimentqu’il y a une quantité incalculable de ces esprits bienheureux. Les Livres Saints s’en tiennent à cette affirmation générale. Plusieurs Pères et écrivains ecclésiastiques ont essayé de déterminer ce chiffre en se fondant sur diverses conjectures. Ils appliquent, par exemple, aux anges et aux hommes la parabole du pasteur qui abandonne quatre-vingt-dix-neuf brebis pour aller à la recherche d’une centième égarée dans le désert. Matth., xviii, 12; Luc, xv, 4. Ils en concluent que le nombre des anges est quatre-vingt-dix-neuf fois plus considérable que celui des hommes.

V. Création des anges. — Les anges ont-ils été créés, c’est-à-dire tirés du néant? Ont-ils été créés dans le temps ou de toute éternité? Ont-ils été créés avant le monde matériel, après lui ou en même temps que lui? — Le premier verset de la Genèse: «Au commencement Dieu créa le ciel et la terre,» semble répondre à cestrois questions. Le ciel, en effet, renferme les anges; et ce texte paraît nous dire que les anges ont été créés de Dieu, qu’ils ne l’ont pas été de toute éternité, mais dans le temps et avec la terre. Seulement on peut contester cette interprétation, car les anges ne sont pas mentionnés nominativement dans ce passage. Mais les Livres Saints nous fournissent ailleurs des renseignements sur ces trois questions. Ils nous disent, en effet, que tous les êtres finisont Dieu pour auteur, Eccli., xviii, 1; Esther, xiii, 10; Rom., xi, 36, et ils rangent expressément les anges parmi les créatures. Ps. cxlviii, 2 et suiv.; Dan., iii, 57; II Esdr., IX, 6; Col., i, 16. C’est donc contrairement à l'Écriture que les gnostiques Cérinthe, Carpocrate, Saturnin, et queles manichéens ont prétendu que les anges procédaient de Dieu par émanation. Klee, Histoire des dogmes, t. i, p. 340. Suivant la doctrine de quelques philosophes, il ne serait pas absolument impossible que les anges aient été créés de toute éternité. Origène semble même avoir admis qu’ils ont été produits de cette manière. Klee, ibid.; Freppel, Origène, Paris, 1868, lec. 16 et 17. Mais l'Écriture Sainte est positive sur ce point. Elle nous représente l'éternité comme n’appartenant qu'à Dieu, et elle affirme qu’il vivait avant qu’il existât aucun autre être. Ps. xcix, 3; Prov., viii, 22; Eccli., xxiv, 5; Joa., xvii, 5, 24; Eph., i, 4; Col., i, 16. Les anges ne sont donc pas éternels.

S’ils n’ont pas toujours été, depuis quel temps existent-ils? Un assez grand nombre de Pères: saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, saint Jean Damascène, saint Ambroise, saint Hilaire, saint Jérôme, ont pensé que les anges avaient été créés longtemps ou au moins quelque temps avant la matière. Ils s’appuient sur un texte de Job, xxxviii, 4-7, qui représente les angesassistant dans la joie à l'œuvre de Dieu, qui posait les fondements de la terre. Gennade croyait que la création des anges avait eu lieu après celle de la matière brute, pendant que les ténèbres couvraient la terre, et cela plusieurs siècles avant la production de la lumière. Sa raison, c’est qu’il fut convenable que Dieu ne restât pas inactif pendant ce temps. Suarez traite son opinion assez sévèrement. Le Juif Philon et saint Eucher ont cru que la création des anges avait suivi celle de l’homme, parce que les anges sont plus parfaits que l’homme, et que l'œuvre de Dieu a été en se perfectionnant. Mais le texte de Job que nous avons rapporté est contraire à ce sentiment.

Aussi plusieurs Pères, parmi lesquels saint Épiphane, saint Augustin, et à peu près tous les théologiens du moyen âge et des derniers siècles ont-ils admis que les anges ont été créés en même temps que le monde terrestre et avant l’homme. Le texte de Job cité en faveur de la première opinion ne suppose pas, en effet, que les anges ont été créés avant la terre, mais seulement qu’ils assistaient à l'œuvre des six jours. D’autre part le livre des Proverbes, viii, 22, laisse entendre qu’avant la production de la terre il n’existait aucune créature, mais seulement la Sagesse éternelle. La simultanéité de la création des habitants du ciel et de la terre est en outreaffirmée dans ces paroles de l’Exode, xx, 11: «Le Seigneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment,» et dans ces paroles plus succinctes de l’Ecclésiastique, xviii, 1: «Dieu a créé toutes les choses ensemble, creavit omnia simul.» Mais ce dernier texte a reçu un grand nombre d’interprétations. Cornélius a Lapide en énumère jusqu'à dix. On peut les ramener à deux classes principales. Les unes entendent simul d’unesimultanéité de temps, et y voient l’expression du sentiment que les anges ont été créés en même temps que le ciel et la terre. Les autres donnent à ce mot un des sens du terme grec κοινῇ, qu’il traduit. Ici, selon eux, simul voudrait dire en commun, soit qu’il exprime que Dieu a fait également toutes choses, soit qu’il signifie qu’il a faittoutes choses suivant un plan d’ensemble qui les embrasse toutes.

Cette dernière interprétation avait autrefois assez peu de partisans, mais elle est plus communément adoptée aujourd’hui. C’est que la simultanéité temporelle de la production des anges, du monde et de l’homme n’offrait aucune difficulté au temps où l’on pensait que Dieu avait produit toutes les créatures en six jours de vingt-quatre heures; car six de ces jours font un espace de temps si court, que les parties d’une œuvre considérable accomplie en ce temps seraient appelées simultanées dans notrelangage courant. Mais il n’en est plus de même dans la théorie des jours-périodes suivie aujourd’hui par tant d’exégètes; car, d’après cette théorie, il s’est écoulé de longs siècles entre l’apparition de la première créature et celle de l’homme; et, cela posé, il paraît peu exact de dire que Dieu a fait toutes choses au même temps.

La création des anges a été l’objet de déclarations dogmatiques de l'Église. À la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe, les Albigeois prétendaient que ce n'était pas Dieu, mais le démon, qui avait créé la matière; au sujet du démon, ils disaient tantôt, avec les manichéens, qu’il n’avait pas Dieu pour auteur, tantôt qu’il avait été créé bon par Dieu, puis qu’il s'était perverti. Héfélé, Histoire des conciles, § 645, t. viii, p. 62. Le quatrième concile de Latran, tenu en 1215, condamna leur erreur. Nous avons déjà, § iii, col. 578, parlé de son décret. «Dieu, dit-il, par sa vertu toute-puissante a produit du néant ensemble, au commencement du temps, les deux classes de créatures spirituelles et corporelles, c’est-à-dire les anges et le monde; puis ensuite les créatures humaines comme réunissant dans leur constitution l’esprit et le corps.» Cap. Firmiter; Denzinger, Enchiridion, n° 355. Le concile du Vatican a reproduit textuellement ce passage du concile de Latran dans le premier chapitre de la constitution Dei Filius. Il a en outre défini, au quatrième canon de ce chapitre, que les choses finies, soit corporelles, soit spirituelles, ne sont pas des émanations de la substance divine, et, au cinquième, que le monde et toutes les choses qu’il renferme, tant les spirituelles que les matérielles, ont été produites de rien par Dieu dans la totalité de leur substance. Il est donc de foi, en ce qui concerne les anges, qu’ils ont été tirés du néant par Dieu, ou, autrement dit, créés dans la totalité de leur substance; par conséquent, qu’ils ont eu un commencement et ne sont point éternels.

Mais ces déclarations ont-elles tranché la question de savoir à quel moment les anges ont été créés? Sur ce point les théologiens sont loin de s’accorder. Remarquons d’abord que les assertions des anciens théologiens au sujet du concile de Latran s’appliquent au concile du Vatican, qui le reproduit textuellement. Or, d’après saint Thomas (Opusc. xix ou xxiii, suivant les éditions, In Decretalem, I, cap. h), l’erreur que le concile de Latran avoulu frapper serait celle des origénistes, qui regardaient la création de la matière comme n’entrant point dans le plan que Dieu avait en vue en créant les esprits. Suivant le même docteur, Sum. theol., i, q. 61, art. 3, il n’estpas certain, mais seulement plus probable, que les anges ont été créés au même moment que la matière. Cajetan, Sixte de Sienne, Vasquez et Petau disent avec saint Thomas que le décret de Latran n’a point transformé en erreur le sentiment des Pères qui plaçaient la création des anges avant celle de la matière. Sylvestre de Ferrare, In 2 cont. Gent., c. 83 (D. Thomæ Opera, Anvers, 1612, t. ix, p. 206), pense, au contraire, que le concile a voulu définir et qu’il a défini la simultanéité de ces deux créations. Suarez, De Angelis, lib. I, c. iii, nos 13-15, Paris, 1856, t. ii, p. 11, estime que le concile ne s’est point proposé de trancher ce point, attendu qu’il s’est contentéd’y toucher en passant. Il ajoute que la pensée du décret de Latran est que les deux créations ont été simultanées; il conclut qu'à cause de ce décret, il serait téméraire de nier cette simultanéité. Il reconnaît cependant qu’on peut admettre que le corps de l’homme n’est pas le seul qui ait été formé après la création des anges; car, si le concile ne parle que de l’homme, cela peut venir de l’impossibilité où il était de nommer toutes les créatures. Lesentiment de Suarez était et est resté jusqu'à ces derniers temps l’opinion commune des théologiens. Nous le retrouvons sans aucun correctif dans Mazzella, De Deo creatore, 2e édit., Rome, 1880, nos 258 et 259, p. 173, qui l’appelle certain. Mais d’autres auteurs, comme Hurter, Theol. dogm., 6e édit., Inspruck, 1886, t. ii, nos 425 et 426, p. 231; Jungmann, De Deo creatore, 4e édit., Ratisbonne, 1883, n° 77, p. 63, admettent qu’on peut entendre le mot simul employé par les conciles de Latran et du Vatican dans le sens, non d’une simultanéité de temps, mais d’un plan unique ou d’une communauté d’origine. Ils font observer cependant qu’en plaçant au commencement du temps, ab initio temporis, la création des anges et de la matière, le texte laisse entendre que les anges n’ont pas été créés longtemps avant les corps. À notre avis, le concile de Latran visait surtout l’erreur des Albigeois, voir Héfélé, Hist. des conciles, trad. Delarc, Paris, 1872, t. viii, § 645, qui plaçaient la création de la matière après la chute des anges et en dehors du plan primitif de Dieu. Cela ressort de la suite du décret, qui justifie la déclaration qui nousoccupe par cette autre: «En effet, le diable et les autres démons ont été créés tous par Dieu; mais, par leur propre fait, ils sont devenus mauvais. Pour l’homme, il a péché à la suggestion du diable.» Bien que saint Thomas dise que cette condamnation a été portée contre les origénisteset non contre les Albigeois, il nous semble donc l’avoir mieux comprise que personne.

Cependant le concile de Latran et celui du Vatican ont aussi marqué le temps des diverses créations Ils affirment nettement que la création de l’homme a eu lieu après celle des anges et du monde corporel. Le sentiment de Philon et de saint Eucher est donc rejeté par l'Église. Nos conciles affirment encore que les anges et les corps ont été tirés du néant au commencement du monde. Ce qui suppose, comme le remarque Hurter, ibid., que ces deux créations n’ont point été séparées par un très long intervalle, ou, en d’autres termes, qu’elles ont été moralement simultanées. Il importe donc assez peu qu’on entende le mot simul dans le sens que lui attribue saint Thomas, ou dans celui que leur donnent Suarez et Mazzella. Il est d’ailleurs indubitable que les Pères du Vatican ne regardaient point leur déclaration comme inconciliable avec la théorie des jours-périodes; car la plupart d’entre eux admettaient cette théorie, et tous la considéraient au moins comme soutenable.

VI. Élévation surnaturelle des anges. — Les anges furent-ils créés dans l'état de pure nature, c’est-à-dire avec les seuls dons auxquels leur nature leur donnait droit, ou bien furent-ils élevés dès le premier moment de leur existence à l'état surnaturel, c’est-à-dire à la participation de la vie divine, à laquelle ils n’avaient aucun droit? Hugues et Richard de Saint-Victor, Pierre Lombard, saint Bonaventure et beaucoup de leurs contemporains, ont pensé que l'élévation des anges à l'état surnaturel ne s'était produite qu’après qu’ils eurent été laissés quelque temps à leurs seules ressources naturelles. Saint Thomas a soutenu, au contraire, qu’elle avait eu lieu aumoment même de leur création, et cette opinion a étéadoptée par la grande majorité des théologiens. Les jansénistes l’outrèrent en prétendant que les anges non plus que l’homme n’auraient pu vivre dans l'état de pure nature. Les théologiens ont réfuté cette erreur; car qui dit état de nature, dit un état dans lequel une créature possède tout ce à quoi elle a droit, et par conséquent un état possible.Mais quoi qu’il en soit de l'état dans lequel furent créés les anges, il est certain qu’au moment de leur épreuve ils avaient été élevés à l'état surnaturel. L’Ecriture les appelle, en effet, anges de lumière, II Cor., xi, 14; fils de Dieu, Job, xxxviii, 7; saints, Dan., viii, 13; Marc, viii, 38.Ces noms indiquent que les anges participent à la vue de Dieu, à sa vie et à la sainteté surnaturelle. Ils jouissent aujourd’hui au ciel de la vision intuitive de Dieu. Matth., xviii, 10. Ils possèdent par conséquent un bonheur surnaturel, qui est une récompense pour eux, comme l’enfer est un châtiment pour les démons. Or une récompensesurnaturelle suppose des actes de vertu surnaturelle, et par conséquent une élévation surnaturelle dans ceux qui ont accompli ces actes. Parmi les théologiens, les scotistes pensent que la grâce fut donnée aux anges en vue des mérites futurs de Jésus-Christ; mais les thomistes combattent ce sentiment.

VII. Épreuve des anges. — L'épreuve des anges n’est pas racontée expressément dans l'Écriture; mais son existence n’est point douteuse, car la tradition l’affirme unanimement. Il est en outre certain que les démons ont été créés bons, et qu’ils étaient primitivement comme les anges. Or saint Pierre nous dit que les démons ont été précipités en enfer à cause de leur péché, II Petr., ii, 4; cf. Matth., xxv, 41; Judæ 6, d’où il résulte que les bons anges auraient pu pécher comme eux, et qu’ils ont été soumis à une épreuve.

En quoi consiste cette épreuve? Nous pouvons le conclure encore de la nature du premier péché des démons, qui, suivant l’opinion commune, fut une faute d’orgueil. Eccli., x, 15; Tob., iv, 14; I Tim., iii, 6. Il semble probable que cette épreuve ne fut pas de longue durée, car l'Écriture ne laisse pas entendre qu’aucun des bons anges ait péché; elle suppose, au contraire, que les démons furent précipités en enfer dès leur première faute. II Petr., ii, 4.

Quel fut le nombre des anges qui tombèrent et celuides anges qui persévérèrent? Nous l’ignorons. Plusieurs auteurs ont cru que les démons sont deux fois moins nombreux que les anges, parce que l’Apocalypse, xii, 4, nous représente le dragon entraînant avec sa queue le tiers desétoiles du ciel et les précipitant sur la terre; mais, outre que ces étoiles du ciel paraissent être les saints persécutés, on ne doit pas regarder le chiffre donné ici comme avant une précision mathématique.

VIII. État actuel des bons anges. — Les bons anges depuis leur épreuve jouissent du bonheur du ciel. L'Écriture les appelle non seulement, comme nous l’avons vii, anges de lumière, fils de Dieu, saints, mais encore anges élus, II Mach., xi, 6; xv, 23; anges du ciel, Matth., xxii, 30. Elle dit qu’ils sont en la présence de Dieu, Tob., xii, 15; Dan., vii, 10; qu’ils habitent le ciel, Marc, xii, 25; qu’ils sont citoyens de la Jérusalem céleste, Hebr., xii, 22; qu’ils ont le sort qui sera donné aux élus, Luc, XX, 36; que ceux même qui nous gardent sur la terre voient sanscesse au ciel la face de Dieu. Matth., xviii, 10. Puisque les anges du ciel ont le sort que Dieu réserve aux saints ses élus, ils ne perdront jamais le bonheur dont ils jouissent. Du reste Notre-Seigneur dit expressément qu’ils voient toujours et pour toujours (διὰ παντός) la face de Dieu.

La gloire des anges n’est pas égale. Nous avons déjàparlé de leur hiérarchie. L'Écriture nous apprend enoutre qu’il y en a sept d’entre eux qui se tiennent devant le trône de Dieu. Tob., xii, 15. Tout ce qui est vrai du bonheur des saints dans le ciel, de leur connaissance de Dieu, de la manière dont ils l’aiment et le louent, de leur impeccabilité, de leur connaissance surnaturelle du monde, est également vrai des anges. Aussi n’en parlerons-nouspoint ici. Mais nous devons nous occuper des fonctions qu’ils exercent vis-à-vis des hommes et qui leur ont fait donner le nom d’anges ou députés.

IX. Fonctions des anges. Les anges gardiens. — Dieu se sert de ses créatures pour accomplir ses desseins. Ce n’est point qu’il ait besoin d’elles; mais, dans sa bonté, il veut leur donner une part à ses œuvres. C’est pour cela qu’il a accordé à tous les êtres une certaine puissance naturelle. C’est aussi pour ce motif qu’il se sert du ministère des hommes pour nous instruire des vérités révélées et pour nous communiquer la grâce des sacrements. Il n’y a donc rien d'étonnant qu’il emploie le ministère des anges pour exécuter les plans de sa providence, soit dans l’ordre naturel, soit surtout dans l’ordre surnaturel. Il a chargé ces esprits bienheureux de protéger le juste, Ps. xc, 11-13; Hebr., i, 14; d'écarter de lui les dangers, ibid., et Judith, xiii, 20; de le défendre contre les embûches du démon, Tob., viii, 3; de présenter ses prières à Dieu, Tob., xii, 12; de conduire son âme en l’autre vie, Luc, xvi, 22; il leur réserve aussi le soin de séparer les bons des méchants au jour du jugement général. Matth., xiii, 49. Un ange est même député auprès de chacun de nous pour nous aider. On l’appelle pour ce motif angegardien. C’est une doctrine certaine et qu’il serait téméraire de contredire en ce qui regarde les fidèles prédestinés; elle est communément admise dans l'Église pour les autres hommes. Elle était déjà crue par les premiers chrétiens; car lorsque saint Pierre, tiré miraculeusem*nt de la prison, frappait à la porte de Marie, mère de Jean, les chrétiens stupéfaits se disaient les uns aux autres que c'était son ange. Act, xii, 15. Notre-Seigneur avait, du reste, confirmé cette croyance en disant, Matth., xviii, 10, que les anges des petit* enfants voient sans cesse la face de Dieu; et elle s’appuyait sur les paroles du patriarche Jacob, Gen., xlviii, 16, et de Judith, Judith, xiii, 20, qui affirment que l’ange de Dieu les avait gardés.

Chaque peuple a aussi un ange spécialement chargé delui, suivant un sentiment admis par les saints Pères et par les théologiens catholiques. Le livre de Daniel, x, 13, 21, fait en effet mention de l’ange des Grecs et de celui des Perses. En outre, la traduction des Septante, Deut., xxxii, 8, porte que Dieu a partagé la terre aux nationssuivant le nombre de ses anges. Et plusieurs auteurs en ont conclu que chaque nation a son ange gardien. L’ange du peuple juif était Michel, Dan., x, 13, 21; xii, i; Judæ 9, qui est maintenant le protecteur spécial de l'Église universelle, Apoc. xii, 7, pour laquelle il combat. Il étaitassez naturel de penser que les Églises particulières ont aussi leur ange gardien. C’est donc un sentiment fort répandu. Il est même des interprètes qui pensent quesaint Jean s’adresse aux anges des sept Églises d’Asie au début de l’Apocalypse; mais ceux qu’il appelle anges en cet endroit sont les évêques de ces Églises, comme le prouvent les reproches qu’il leur fait. La croyance aux anges gardiens n’est point particulière aux Juifs et aux chrétiens; elle existait chez les Perses, chez les Grecs et chez d’autres peuples; mais ce n’est pas une raison pourla rejeter.

Saint Étienne, Act., vii, 53, et saint Paul, Hebr., ii, 2; Gal., iii, 19, déclarent que la loi et la révélation mosaïques avaient été données aux Juifs par le ministère desanges. Saint Paul en prend occasion de montrer la supériorité de la révélation chrétienne qui a été apportée au monde par le Fils de Dieu en personne. Hebr., i.

Si la participation des anges aux ouvrages de Dieu aété considérable, il est cependant des œuvres que Dieu s’est réservées à lui seul, savoir: la création et la rédemption du monde.

Cependant Simon le Magicien et après lui Ménandre, Saturnin et en général les gnostiques, attribuaient la création du monde aux anges (Voir Schwane, Histoire des dogmes, trad. Belot, t. i, § 31 et 32, p. 251-255). Marcion et les manichéens attribuaient celle des corps au démon. Ces opinions furent toujours rejetées par l'Église, qui, dansses symboles et ses conciles, proclama Dieu le créateur de toutes choses. Les théologiens se demandèrent même si Dieu pouvait communiquer, dans une certaine mesure, sa puissance créatrice à des êtres finis. Quelques-uns crurent cette communication possible; mais la plupart admettent avec saint Thomas, i, q. 45, a. 5, qu’aucunecréature ne peut recevoir le pouvoir de créer.

Basilides et les autres gnostiques faisaient de Jésus-Christ un éon. Ils attribuaient, en conséquence, notre rédemption aux anges. Mais la doctrine de saint Paul, Hebr., i et ii, des Pères et des théologiens, voir Klee, Hist. des dogmes, t. ii, p. 4, c’est que l’homme n’aurait pu être sauvé par un ange et qu’il l’a été par le Fils même de Dieu. On trouvera traitées dans les théologiens les questions relatives à la manière dont les anges agissent sur les corps, se transportent d’un lieu dans un autre (voir en particulier Schmid, Quæstiones selectæ ex theologia dogmatica, Paderborn, 1891, q. ii, p. 128-145), et nous suggèrent des pensées. L'Écriture affirme ces faits sans les expliquer. L'Écriture ne nous fait pas non plusconnaître si Dieu confie des missions sur la terre à tous ses anges ou s’il n’en donne qu’aux cinq derniers ordres. Un grand nombre de Pères, saint Athanase, saint Chrysostome, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Bernard, après eux Scot, et plus près de nous Petau, Knoll et d’autres auteurs ont pensé que tous les anges remplissent des ministères auprès des hommes. L'Épitre aux Hébreux, i, 14, dit en effet que tous les anges sont les ministres que Dieu emploie pour le salut des élus. Dieu plaça des chérubins à l’entrée du paradis pour en défendre l’accès, et les anges Michel, Gabriel et Raphaël, qui accomplirent plusieurs missions, sont du nombre des anges qui se tiennent devant le trône de Dieu. Néanmoins, à la suite de l’auteur de la Hiérarchie céleste, connue sous le nom de saint Denys l’Aréopagite, et de saint Grégoire le Grand, les principaux théologiens du moyen âge, saint Bonaventure, saint Thomas et l'école thomiste ont soutenu que les quatre premiers ordres d’anges n'étaient occupés qu'à louer et à adorer Dieu. Suivant cette opinion, lorsque ces anges supérieurs remplissent un ministère parmi les hommes, c’est par l’intermédiaire des anges des cinq derniers ordres. D’après saint Thomas, i, q. 112, a. 2, quandl'Écriture nous parle d’un ministère rempli sur la terre par les séraphins, Is., vi, 2-6, ou les chérubins, Gen., iii, 24, il faut regarder ces termes comme une dénominationgénérale qui ne désigne pas un ordre particulier de la hiérarchie céleste, mais qui s’applique à tous les anges, ou qu’explique la forme revêtue par les envoyés de Dieu.

X. Culte des anges. — Il était naturel que ceux qui attribuaient aux anges la création et la rédemption leur rendissent le culte qui n’est dû qu'à l'Être suprême. Saint Paul met les Colossiens, Col., ii, 18; cf. Matth., v, 34, engarde contre ce qu’il appelle la religion des anges. C’est sans doute à cause de ce culte que l’ange devant qui saint Jean voulait se prosterner, dans l’Apocalypse, lui défendit de le faire, et lui dit de réserver ses adorations pour Dieu. Apoc. xxii, 9. Cependant l'Écriture ne condamne point les honneurs rendus aux anges en tant que ministres de Dieu, ni les prières qu’on leur adresse pour qu’ils les portent au pied de son trône. Moïse, Exod., iii, 5, et Josué, v, 13, 14, ôtent leur chaussure par respect pour le lieu où l’ange du Seigneur leur apparaît. Daniel se prosterne devant un ange qui se présente à lui sur le Tigre, x, 5, 6. Cf. Gen., xviil, 2; xxxii, 36; xlviii, 16; Exod., xxiii, 20; Ose., xii, 4. Saint Jean, Apoc, v, 8, nous montre ces esprits bienheureux occupés à présenter à Dieu les prièresdes saints. Aussi l'Église catholique rend-elle un culte aux anges; mais le culte qu’elle leur rend n’est point celui de latrie, qui est réservé à Dieu, c’est le culte de dulie.

XI. L’ange de Jéhovah. Les apparitions des anges. — C’est ici le lieu de nous poser une question qui a été l’objet de nombreuses discussions. Les anges ont apparu très souvent aux hommes. Parmi les apparitions rapportées dans l’Ancien Testament, il en est un grand nombreoù celui qui apparaît est nommé l’ange de Jéhovah. Gen., xvi, 7; xxi, 17; xxii, 11, 15; xxiv, 40. xxxi, 11; Num., xx, 17; xxii, 22; Jud., ii, 1, 4; vi, 11; xiii, 3; II Reg., xxiv, 16; III Reg., xix, 5-7; IV Reg., i, 15; xix, 35; I Par., xxi, 15; Ps. xxxiii, 8; Isai., xxxvii, 36, etc. Il arrive aussi assez souvent que le même personnage qui vient d'être appelé ange est ensuite nommé Dieu. Ainsi par exemple, Gen., xviii, 19, lorsque le Seigneur apparaît à Abraham, celui-ci voit trois personnages; or, dans la suite du récit, tantôt ces personnages sont supposés plusieurs, tantôt ils sont supposés un seul; deux d’entre eux vont à Sodome secourir Loth, et sont appelés anges; l’un reste avec Abraham et est appelé le Seigneur. De mêmeencore Dieu, ou l’ange de Dieu suivant l’hébreu, Exod., iii, 2, apparut à Moïse dans le buisson ardent, et saint Étienne, rappelant cet événement, nomme celui qui apparut à Moïse tantôt un ange, tantôt Dieu. Act., vii, 31-35. Or on s’est demandé si l’ange de ces apparitions n'étaitpoint Dieu lui-même, avec lequel il semble se confondre, ou le Fils de Dieu, qui est nommé ailleurs l’Ange du Testament. Malac, iii, 1.

On peut ramener à trois classes les opinions diverses qui ont été émises à ce sujet. La plupart des Pères ont pensé que dans toutes ces apparitions ce n'était point un ange, mais Dieu lui-même qui se montrait. Leur raison, c’est que ce personnage est appelé Dieu et agit comme Dieu, et aussi que ces apparitions étaient des préliminaires de l’Incarnation. Plusieurs ont vu la Trinité dansquelques-unes de ces apparitions, en particulier dans les trois anges qui visitèrent Abraham; d’autres ont vu une manifestation du Dieu unique dans cette apparition, qui montre l’unité de nature des trois personnes divines, et dans celle où Dieu déclare qu’il se nomme Jéhovah, qu’il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob; mais ordinairement on a cru, aux quatre premiers siècles de l'Église, que c'était le Fils de Dieu qui se manifestait sous la forme des anges, et préparait ainsi son incarnation. Cette opinion a été formulée par saint Irénée, saint Justin, Origène, Tertullien, saint Cyrille d’Alexandrie, Eusèbe de Césarée, saintCyprien, saint Cyrille de Jérusalem, saint Chrysostome, saint Hilaire, saint Épiphane, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint Ambroise. Elle a gardé d’ailleurs jusqu'à nos jours des représentants très autorisés. Citons Bossuet, Élévations sur les mystères, 10e semaine, 6e élévation, qui s’exprime en ces termes: «Croyons que toutes ces apparitions, ou du Fils de Dieu ou du Père même, étaient aux hommes un gage certain que Dieu ne regardait pas la nature humaine comme étrangère à la sienne, depuis qu’il avait été résolu que le Fils de Dieu égal à son Père se ferait homme comme nous. Toutes ces apparitions préparaient et commençaient l’incarnation du Fils de Dieu, l’incarnation n'étant autre chose qu’une apparition de Dieu, I Tim., iii, 16, au milieu des hommes plus réelle et plus authentique que toutes les autres: pour accomplir ce qu’avait vu le saint prophète Baruch, iii, 37, 38, que Dieu même, après avoir enseigné la sagesse à Jacob et à ses enfants, avait été vu sur la terre et avait conversé parmi les hommes.» Cf. Vandenbrœck, qui s’applique àétablir cette opinion dans sa Dissertatio theologica de theophaniis sub Veteri Testamento, Louvain, 1851, p. 58 -113.

Cependant saint Jérôme, saint Augustin et saint Grégoire pape s'étaient montrés favorables à un sentiment différent, celui qui attribue ces apparitions à des anges.Ce sentiment fut suivi par la plupart des théologiens et des exégètes scolastiques. Citons saint Bonaventure, saint Thomas, les théologiens de Salamanque, Sylvius, Estius, Suarez, Billuart, Perrone, Tostat, Cornélius a Lapide, Bonfrère, Calmet, Menochius. Suivant ces auteurs, cesont des anges qui ont apparu aux hommes non seulement dans les cas où celui qui apparaît est appelé tantôt Dieu, tantôt ange, mais encore dans les apparitions où il n’est point parlé des anges, et où Dieu seul semble intervenir. Ils s’appuient principalement sur divers passages de l'Écriture où il est affirmé tantôt que personne n’a jamais vuDieu, Joa., i, 18; Joa., iv, 12, tantôt que dans l’Ancien Testament Dieu s’est toujours servi du ministère des anges. Heb., i, 1; II, 2; Gal., iii, 19; Act., vii, 53. Voiren particulier saint Thomas, Quæst. disp. de Potentia, q. 6, art. 8, ad. 3; Suarez, De Angelis, VI, xx, édit. Vives, 1850, t. ii, p. 765; Cornélius a Lapide, In Exodum, cap. iii, édit. Vives, 1868, t. i, p. 451.

Une troisième manière d’expliquer les apparitions qui nous occupent consiste à dire que ce sont des anges qui ont apparu, mais que c’est Dieu qui parlait en eux. Elle a été admise par le franciscain Frassen. M. Vandenbrœck, De theophaniis sub Veteri Testamento, p. 59, l’attribue aussi à Wouters et aux Bénédictins qui ont édité saint Hilaire. Cette troisième opinion mérite à peine d'être signalée; car elle est peu en harmonie avec les textes de l'Écriture, qui dit que les paroles sont prononcées par le personnage qui se montre dans les apparitions.

M. Vandenbrœck distingue une quatrième opinion, qu’il attribue à Witasse, et suivant laquelle Dieu aurait apparu médiatement et les anges immédiatement. Mais ce sentiment est celui de tous les scolastiques, qui attribuent ces apparitions aux anges; car ils font tous observer que ces anges remplissaient une mission de Dieu et parlaient en son nom. C’est pourquoi, suivant eux, l'Écritureaffirme tantôt que c’est un ange, tantôt que c’est Dieu qui parle et se manifeste.

Les anges ont apparu sous des formes diverses: sousforme de chérubins à corps d’animaux, à Ézéchiel etprobablement à Adam, sous forme de nuée dans le désert, sous forme de voyageurs, de guerriers, de prêtres en habit de liii, parfois avec et le plus souvent sans ailes. On peut se demander s’ils ont pris pour ces apparitions des corps véritables. L’opinion commune est qu’ils se sont formés, ou que Dieu leur a formé des corps véritables pour les apparitions que la Bible présente comme réelles.

II en est autrement dans le cas où les anges apparaissent en songe, comme cela eut lieu pour la vision de Jacob, Gen., xxviii, 12, 13, et pour celles de saint Joseph, Matth., I, 20; II, 19.

XII. Développement de la doctrine des anges. — On peut considérer ce développement soit dans la Bible, soit dans la théologie catholique. L’angélologie de l'Écriture Sainte s’est précisée peu à peu; mais on en trouve tous les éléments en germe dès les premiers récits bibliques.

Certaines couleurs de ces récits ont changé, certaines parties des croyances se sont développées, mais le fond est resté le même. La plupart des représentants de l’exégèse rationaliste se sont cependant persuadé que la croyance aux anges avait été notablement modifiée depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ. Voici quelle serait, suivant plusieurs d’entre eux, les étapes de ce développement.A l’origine les Hébreux auraient été polythéistes et auraient adoré les astres. Le monothéisme, qui prit racine en Israël, aurait rabaissé les anciens dieux à un rang secondaire et les aurait transformés en ces anges, serviteurs de Jéhovah, qui forment la milice céleste. Ce serait pour ce motif quele même personnage nous est présenté dans les premiers récits de la Bible, tantôt comme un envoyé de Dieu, tantôt comme Dieu lui-même. Les anges auraient gardé le caractère des dieux de l’Olympe dans Job, où ils forment le conseil de Dieu, Job, i, 6, et dans les passages nombreuxoù ils paraissent en guerriers. Gen., xxxii, 1-2; Jos., v, 14; I Keg., xxii, 19; II Reg., vi, 17, etc. Ensuite ils auraientpris de plus en plus le caractère de simples messagers. Leur spiritualité n’aurait pas été admise dans les premiers temps, mais seulement plus tard. Ainsi s’expliquerait qu’ils aient bu et mangé avec Abraham, Gen., xviii, 8, tandis qu’ils refusèrent de s’asseoir à la table de Manué, père deSamson, Jud., xiii, 16, et qu’ils déclarèrent à Tobie, Tob., xii, 19, que ce n'était qu’en apparence qu’ils prenaient la nourriture des hommes. Les Juifs auraient adopté pendant la captivité de Ninive et de Babylone diverses croyances des Chaldéens et des Perses, en particulier la distinction entre les bons et les mauvais anges, qui fait le fond du zoroastrisme. C’est aussi à cette source qu’ils auraient empruntéla division hiérarchique des anges, la notion des sept anges qui se tiennent devant le trône de Dieu et les noms de quelques-uns d’entre eux. Plusieurs autres conceptions contraires aux croyances primitives de l’hébraïsme se seraient introduites à partir de ce moment. «Dans l'âge patriarcal, dit M. Haag, Théologie biblique, Paris, 1870, p. 414, Dieu habitait au milieu des tentes de son peuple et protégeait directement la famille du patriarche. Pendant la période de l’hébraïsme (avant l’exil), la Bible nous montre le Dieu national des Israélites trônant entre les chérubins dans latente-sanctuaire ( le tabernacle) et intervenant encore quelquefois dans les affaires de la nation. Depuis l’exil, retiré dans le ciel comme les rois d’Orient dans leur palais, d’où ils ne sortent que rarement pour se montrer à leurs sujets, nous le voyons continuant à gouverner le monde, non pas encore, il est vrai, par des lois physiques et morales établies de toute éternité et immuables comme lui (qu'était donc le Décalogue?), mais par des ministres de sa volonté, par des anges, et à cet égard les Juifs vont si loin dès la fin de cette période, que déjà les Septante traduisent ʾeš dôṭ, Deut., xxxiii, 2, qui signifie feu de la loi, par ἄγγελοι, les anges, première trace d’une croyance que l’on trouve enseignée dans le Nouveau Testament, comme dans le Talmud.» (Notre Vulgate traduit ʾeš dôṭ par lex ignea; mais comment M. Haag n’a-t-il point remarqué que, dans le même verset et le suivant, le texte original parle de qôdês, de «saints» qui accompagnent Dieu par milliers, et dans lesquels les rabbins voient les Docteurs qui ont composé le Talmud, pendant que les exégètes catholiques y voient les anges?) «Cette croyance qui fait intervenir directement les anges dans la promulgation de la loi sur le Sinaï est aussi étrangère à l’hébraïsme que la doctrine des anges protecteurs, qui commence seulement à se produire dans les apocryphes de l’Ancien Testament.» Notre-Seigneur et ses Apôtres auraient accepté les idées courantes parmi les Juifs de leur temps. Voir Haag, Théologie biblique, §96, 108, 121 et 132, p. 338-347, 411415, 459-460 et 497-502.

Ces vues sont absolument exagérées, et par conséquent fausses. Sans doute la connaissance des anges, de leur caractère personnel et de leur nature s’est précisée de plus en plus. Il en est résulté que la part des anges dans l'œuvre de Dieu a paru davantage; mais il n’y a eu là qu’un éclaircissem*nt des données les plus anciennes de la Bible. Au temps des patriarches, les anges ne se distinguent point les uns des autres par des noms particuliers. On ne prend presque point garde à eux, mais seulement au Dieu dont ils sont les députés. C’est pourquoi on les appelle tantôt anges de Dieu, tantôt Dieu. Il faut remarquer cependant que la même confusion apparente qui fait donner au même personnage le nom d’ange et deDieu se retrouve jusque dans les derniers livres du Nouveau Testament. Qu’on lise pour s’en convaincre le discours de saint Etienne, Act., vii, 30, 33, et la fin de l’Apocalypse, xxii, 9, 13. Il est certain pourtant que les auteurs de ces derniers livres distinguaient parfaitement Dieu desanges, et que leur croyance sur ces derniers n’avait rien de polythéiste. Dieu, sur lequel toute l’attention se porte dans les premières pages de la Bible, semble par suite remplir en personne les ministères qui seront plus tard attribués aux anges qu’il envoie. Cependant, dès les temps les plus reculés, les anges s’acquittent, à la sortie du paradis terrestre, près d’Abraham, d’Agar, de Loth, de Jacob, de Moïse, de ministères de la même nature que ceux dont ils seront chargés auprès de Tobie, de Daniel, de Marie et de Joseph. Du reste, le nom de messager donné aux anges de toute antiquité montre bien qu’on leur a toujours attribué le même ministère que dans les derniers temps de l’Ancien Testament.

Les anges n'étant pas distingués individuellement les uns des autres à l'époque des patriarches, on ne pouvait arriver à la conception d’un ange gardien spécial, chargé de protéger les individus et les peuples pendant toute leur existence. Cependant Agar est sans cesse protégée par un ange; Jacob mourant invoque l’ange qui l’a délivré de tous les dangers, Gen., xlviii, 1(5, et un ange accompagne et guide le peuple d’Israël dans le désert, avec la même vigilance que Raphaël mit à accompagner Tobie. Sans être formulée théoriquement, la notion des anges gardiens des individus et des peuples a donc toujours fait partie des croyances hébraïques. Quant à la pensée que les anges concoururent à la promulgation de la loi qui fut entourée de tant de prodiges, on voit qu’elle était conforme auxidées reçues du temps de Moïse. Du reste, ce n’est pas seulement d’après la version des Septante, mais encore d’après le texte hébreu aussi bien que d’après la Vulgate, que le cantique de Moïse rapporté au Deutéronome, xxxiii, 2, parle de la part que les anges ont eue à la promulgation de la loi.

Les démons sont mieux connus et se distinguent mieuxdes anges après la captivité, mais de la même manière que les bons anges sont mieux connus et se distinguent mieux les uns des autres. L’attention était moins appelée à l’origine sur la différence de ces êtres supérieurs à l’homme, mais qui n’agissent que par l’ordre ou la permission de Dieu. Cependant la notion de l’esprit mauvais et méchant est dans les plus anciens livres de la Bible.Le serpent qui tente Ève a une personnalité aussi nettement dessinée qu’aucun des bons anges qui interviennent dans la Genèse; or son rôle est celui du démon. Il en est de même du rôle de Satan vis-à-vis de Job, Job, ii, et de celui de l’esprit malin qui agite le roi Saûl. 1 Reg., xvi, 11. Sans doute ces esprits mauvais nous sont présentés, au moins dans ces deux derniers cas, comme agissant par la permission, et d’une certaine manière par lavolonté de Jéhovah, tandis que dans les livres postérieurs de la Bible le démon semble avoir plus d’initiative; mais nous avons déjà fait une remarque analogue pour les bons anges. Du reste, il ne faut pas oublier qu’alors même que la Bible représente le démon laissé à lui-même, elle sous-entend toujours cette permission de Jéhovah sur laquelle les anciens récits portent notre attention. Il y a en effet toujours eu une différence radicale entre le dualisme des doctrines zoroastriennes, qui égalent le principe du mal au principe du bien, et les doctrines de la Bible, qui sont essentiellement monothéistes et soumettent à Dieu le principe même du mal.

Les divers ordres de la hiérarchie des anges n’avaient pas été déterminés avant la captivité; mais leur existence était déjà indiquée d’une façon générale, car dès lors les anges étaient comparés à une armée, et celui qui apparut à Josué s'était nommé le chef de l’armée du Seigneur. Josué, v, 14.

— Enfin les exégètes catholiques ne font pas difficulté de reconnaître que les noms des anges et quelques détails de l’angélologie hébraïque ont pu être empruntés aux croyances des Perses. Ces croyances n'étaient pas, en effet, fausses à tous égards. L’esprit de Dieu a pu révéler et faire discerner aux écrivains inspirés ce qu’elles contenaient d’exact. Pour ce qui est des noms donnés aux anges, nous avons déjà remarqué que ce ne sont pas les noms par lesquels ils se désignent eux-mêmes dans leur langage, puisqu’ils ne se servent pas de mots comme nous. Il importe, du reste, de ne pas oublier que s’il existe quelque ressemblance entre les croyances des Hébreux sur les anges et celles des autres peuples, et en particulier des Perses, il y a aussi de notables différences, et quel’angélologie des Juifs s’est développée sur un fonds tout hébraïque, ainsi que nous l’avons montré.

Ce fonds s’est encore développé davantage dans la théologie catholique. Deux influences y ont puissamment contribué: c’est l’action de la dogmatique chrétienne et les données de la philosophie grecque. Nous avons signalé les principaux problèmes sur lesquels l’attention des Pères et des théologiens s’est portée et les solutions diverses qu’ils ont reçues. Ces problèmes sont surtout la question de la nature des anges qui s'éclaircit en même temps que la doctrine de la spiritualité de l'âme humaine; la questionde l’action des anges dans l’Ancien Testament, qui fut envisagée différemment par les Pères et par les scolastiques; celle de leur hiérarchie, sur laquelle l’accord ne se fit qu’au moyen âge sous l’influence du traité attribué à saint Denysl’Aréopagite; la question de l’objet de leur science étudiée déjà par les Pères, en particulier par saint Augustin; les questions plus philosophiques que théologiques qui ont été discutées par la scolastique au sujet de leur mode de connaissance, de leur langage et de leur action sur le monde et sur nos âmes.

À consulter: Pierre Lombard, Sententiarum liber, D. 3-11, et tous ses commentateurs; S. Thomas d’Aquin, Summa theologica, I p., q. 50-62, 106-108, 111 -113, et ses commentateurs; Suarez, De Angelis, lib. i-iv; Collegii Salmanticensis cursus theologicus, tract. vii, De Angelis; Petau, Dogmata theologica, de Angelis; D. Calmet, Dissertation sur les bons et sur les mauvais anges, avant sonCommentaire sur saint Luc; Albertus (Knoll) a Bulsano, Institutiones theologicæ theoreticæ, 5e édit., Turin, 1875, p. 2, cap. iii; Jungmann, De Deo creatore, editio quarta, Ratisbonne, 1883, p. 57-96; Mazzella, De Deo creante, editio altera, Rome, 1880, disput. 2°, p. 169-340; Hurter, Theologiæ dogmaticæ compendium, 5e édit., lnspruck, 1888, t. ii, p. 319-336; Scheeben, La dogmatique, trad. Belet, Paris, 1881, § 135-142; Schell, Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890, t. ii, p. 170-262; Oswald, Angelologie, 2e édit., Paderborn, 1889; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. iv, 1886; article Engel.

A. Vacant.

2. ANGE CÉLESTIN, mineur observant, né à Monte-Corvino, ville du Principato, se rendit recommandable par l’enseignement, par la prédication et par la publication de beaucoup de bons ouvrages, parmi lesquels Alva note un Commentaire italien sur le Magnificat, imprimé à Naples en 1609, in-4o.

P. Apollinaire.

3. ANGE DE ANGELIS, natif de Feltria, mineur réformé de la province dite de Saint-Antoine-de-Padoue, dans laquelle il fut honoré des dignités de définiteur et de custode. II mourut au couvent de Venise, en 1694. Il apublié: Lux desiderata ad intelligendos Psalmos et Cantica, in-4o, Venise, 1684.

P. Apollinaire.

4. ANGE DE L’ABÎME (ἄγγελος τῆς ἀβύσσου). Un deschefs des démons, appelé Abaddon ou Exterminateur.Apoc, ix, 11. Voir Abaddon.

5. ANGE DEL PAS. Voir Pas (ange del).

6. ANGE DE LUMIÈRE (ἄγγελος φωτός), nom par lequelsaint Paul, II Cor., xi, 14, désigne les bons anges. Parlant de Satan, qui est un ange de ténèbres, parce qu’ilhabite l’enfer, le royaume des ténèbres, et qu’il chercheà faire le mal, l’Apôtre dit que le chef des démons setransforme quelquefois en «ange de lumière», c’est-à-direveut paraître un ange bon, pour tromper les justes. Cf.Matth., vii, 15.

7. ANGE DE SATAN (ἄγγελος Σατᾶν). II Cor., XII, 7. Satan est considéré dans l'Écriture comme un prince qui domine sur le royaume de l’enfer et commande à desdémons qui lui sont soumis. Cf. Matth., xii, 16. Cesdémons sont appelés «ses anges», Matth., xxv, 41; Apoc. xii, 7, parce qu’ils exécutent ses messages et accomplissent les ordres qu’il leur donne. «L’ange de Satansoufflette» saint Paul, c’est-à-dire le traite d’une manièrecruelle et humiliante. Voir Aiguillon, col. 309-310.

8. ANGES DES ÉGLISES. Saint Jean, dans l’Apocalypse, I, 20; ii, 1, 8, 12, 18; iii, 1, 7, 14, parle des anges des sept Eglises d’Asie et leur adresse des messages.On entend communément par le mot «ange» de cesEglises, dans ces passages, l'évêque qui les gouvernaitet qui était «l’envoyé» de Dieu auprès d’elles, selon lasignification du mot ἄγγελος, «ange» en grec. L’usagede désigner les évoques par ce nom ne prévalut pointdans le langage ecclésiastique. On trouve cependant quelques exemples de cette dénomination dans les ancienshistoriens. Ainsi Socrate, H. E., iv, 23, t. lxvii, col. 520, appelle «ange» Sérapion, évêque de Thmuis. — Des exégètes protestants ont entendu: les uns, des anges gardiens des sept Églises, les anges dont parle saint Jean; les autres, des messagers envoyés à saint Jean par les sept Églises. Ces explications sont inadmissibles. — 1° Lesesprits célestes ne pouvaient être blâmés par l’Apôtre, comme le sont quelques-uns de ceux à qui il écrit. Apoc.ii, 4, 14, 20, etc. — 2° On n'écrit pas aux messagers, mais à ceux qui les ont envoyés.

9. ANGE EXTERMINATEUR. 1° Nom donné communément à l’ange qui frappe les sujets de David de la plaiede la peste, II Reg., xxiv, 16-17, et qui extermine l’armée de Sennachérib. IV Reg., xix, 35; Is., xxxvii, 36; Eccli., xlviii, 24; I Mach., vii, 41. Cet ange est surnommé Exterminateur, à cause de la mission qu’il remplit; mais ce titre, adopté dans la langue usuelle, ne se lit pas dans l'Écriture, qui appelle simplement «ange de Jéhovah» ce ministre des vengeances célestes. Voir David et Sennachérib. — 2° Le nom d’exterminateur (Exterminans) n’est donné dans la Vulgate qu'à un mauvais ange, Abaddon, un des chefs des démons. Apoc, ix, 11. Voir Abaddon.

10. ANGE ou ANGELÔ ROCCA. Voir ROCCA.

ANGÉ, montagne de la Cappadoce, mentionnée seulement dans la Vulgate à propos d’une campagne d’Holopherne contre l’Asie Mineure. Judith, ii, 12. Le généralissime d’Assurbanipal, nous dit le texte latin, «ayant franchi les frontières de l’Assyrie, vint aux grandes montagnes d’Ange, qui sont à gauche (c’est-à-dire, d’après le langage oriental, au nord de la Cilicie; et il entra dans toutes les forteresses, et il s’empara de toutes lus places fortes. Il emporta d’assaut la ville fameuse de Mélothi (Mélite ou Mélitène de Cappadoce), et il pilla tous les habitants de Tharsis (Tarse en Cilicie), etc.» Laissant ainsi au sud l’Amanus et le Taurus oriental, Holopherne se dirigea tout de suite vers le centre ou l’ouest de l’Asie Mineure, l’un des principaux foyers de la révolte. Le mont Ange, qui se trouvait sur sa route, ne peut être que lemont Argée des auteurs classiques, l’Ἀργαῖος de Strabon, xii, p. 533, le pic principal du massif central de la Cappadoce. Cf. Calmet, Commentaire sur le livre de Judith, Paris, 1712, p. 381.


148. — Mont Argée.

Le mont Argée, aujourd’hui Ardjéh-dagh (fig. 148), appartient à la région volcanique qui s'étend au nord du Taurus cilicien et à l’ouest de l’Anti-Taurus. C’est avec raison que la Vulgate le qualifie de «grand»; ce cône puissant, en effet, dépasse toutes les autres cimes de l’Anatolie, et son altitude, selon les différents voyageurs, va de 3962 à 4008 mètres. Strabon, né à quelques journées de marche au nord du volcan, dit de son côté, loc. cit.: «C’est la plus haute de toutes les montagnes de cette contrée; son sommet est toujours couvert de neige.Ceux qui l’ont escaladé (et ils sont peu nombreux) assurent que, par un ciel clair, le regard découvre à la fois les deux mers, le Pont-Euxin et la mer d’Issus.» Cette assertion est démentie par les explorateurs modernes. Élisée Reclus, dont la description s’appuie sur les données de P. de Tchihatcheff, d’Hamilton et de Tozer, dit que du sommet on contemple, il est vrai, un immense horizon; mais, au sud, les remparts du Boulgar-dagh et de l’Aludagh cachent la Méditerranée, et c’est à peine si au nord-est on aperçoit les vagues linéaments des montagnes pontiques. Asie antérieure, Paris, 1881, p. 476.

«Le mont Argée, continue le même géographe, repose sur un socle très élevé: au nord, la plaine de Kaïsariéh (Césarée, la plus basse du pourtour, a plus de mille mètres d’altitude, tandis qu'à l’ouest un col, qui sépare le massif central d’un autre groupe volcanique, dépasse la hauteur de quinze cents mètres. Des contreforts, des cônes adventices, des coulées de roches fondues entourent la montagne proprement dite, et donnent à l’ensemble du groupe une superficie qui dépasse onze cents kilomètres carrés. En montant par le versant du sud, que choisit Hamilton, le premier gravisseur moderne de l’Argée, on s'élève successivement sur de larges terrasses disposées en degrés autour de la cime. Le cône suprême, haut d’environ huit cents mètres, est coupé de crevasses profondes, et les intempéries y ont creusé des ravins divergents, qui dessinent au bord du cratère une collerette deneiges blanches, descendant en longues traînées entre les scories rougeâtres… En été, la neige disparaît complètement du versant méridional de l’Argée; mais il en reste toujours dans le profond cratère, où elles forment même de véritables glaciers. Encore à l'époque de Strabon, le mont avait un reste d’activité volcanique. Les pentes étaient couvertes de forêts, — qui ont disparu; — mais la plaine était «minée par un feu intérieur», d’où jaillissaient fréquemment les flammes.» E. Reclus, ouv. cité, p. 476-478.

A. Legendre.

ANGELICUS (CODEX), manuscrit du Nouveau Testament grec, ainsi appelé parce qu’il a fait partie de la bibliothèque Angelica des religieux augustins de Rome (A 2, 15). Il a porté autrefois le nom de Passionei, parce qu’il avait appartenu au cardinal de ce nom. On le désignait autrefois par la lettre G, on le désigne aujourd’hui par L 2. Il est du ix 8 siècle. Il commence aux mots μις τοῦ θεοῦ, Act., viii, 10, contient toute la suite des Actes et les Épîtres de saint Paul jusqu'à Heb., xiii, 10, οὐκἔχουσιν. Il a été collationné par Scholz, par Fleck, par Tischendorf et par Tregelles.


ANGELIS (Mutius de), jésuite italien, né à Spolète en1561, mort à Rome, le 1er décembre 1597. Il entra dansla Compagnie de Jésus, en 1577, et professa la théologieau Collège romain. Il a laissé en manuscrit Notæ in Epistolas D. Pauli, in Evangelium D. Matthæi. Voir C. Sommervogel, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, 1890, t. i, col. 388.


ANGÉLOME, commentateur bénédictin, de l’abbaye de Luxeuil, mort vers 855. Il fut élevé dans cette abbaye, sous la direction de Mellin, et fut quelque temps professeur à l'école du palais de l’empereur Lothaire. On a de lui un Commentarius in Genesin et des Enarrationes in libros Regum, dans lesquels il s’attache principalement à exposer le sens littéral, et enfin des Enarrationes in Cantica canticorum, dont il dit: «Nihil in hoc volumine historialiter quæras, sed flores allegoriarum cum morali sensu investiges.» Præf., t. cxv, col. 554. Voir ces trois commentaires dans Migne, Patr. lat., t. cxv, col. 107-628. Cf. histoire littéraire de la France, t. v, p. 133-140; R. Ceillier, Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, t. xii, 1862, p. 442-446.'


ANGER Rudolph, théologien protestant, né à Dresde, en Saxe, en 1806, mort à Elster, le 10 octobre 1866. Ilprofessa la théologie à l’université de Leipzig et composaun grand nombre d’ouvrages: De temporum in Actis Apostolorum ratione, Leipzig, 1830-1833; Beiträge zur Historisch-kritischen Einleitung in das alte und neue Testament, Leipzig, 1843; De Onkelo, Chaldaico, quem ferunt Pentateuchi paraphraste, 2 fascicules, Leipzig, 1846; Der Stern der Weisen und das Geburstjahr Christi, Leipzig, 1847; Zur Chronologie des Lehramtes Christi, Leipzig, 1818; Synopsis Evangeliorum Matthæi, Marci, Lucas, cum locis qui supersunt parallelis, Leipzig, 1852; Ratio qua loci Veteris Testamenti in Evangelio Matthæi laudantur, 3 fascicules, Leipzig, 1861 - 1802.


ANGLAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.I. Premières versions, versions anglo-saxonnes. — On ne connaît point de traduction complète des Écritures en anglo-saxon, c’est-à-dire dans la langue d’où est sortie la langue anglaise actuelle. Les premiers essais de traduction ou au moins de vulgarisation de l’histoire sainte en anglo-saxon se trouvent dans les remarquables poèmes de Cædmon, moine du couvent de Streoneshalch en Northumbrie, qui vivait au VIIe siècle, et auquel le V. Bède a consacré tout un chapitre de son Historia ecclesiastica gentis Anglorum, iv, 24, t. xcv, col. 212-215. Cædmon avait mis en vers toute la Genèse et plusieurs autres parties de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il n’en reste que des fragments, qui ont été publiés par Fr. Junius, Cædmonis monachi Paraphrasis poetica Genesios ac præcipuarum sacræ pagines Historiarum abhinc annos cmlxx anglo-saxonice conscripta, in-4°, Amsterdam, 1655. D’autres éditions ont été données par Renj. Thorpe, Metrical paraphrase of parts of the Holy Scripture inAnglo-Saxon, with an English translation, Londres, 1832; par C. W. Routerwek, Cædmon’s des Angelsachsen biblische Dichtungen, 2 in-8o, Gütersloh, 1849-1854; par C. W. M. Grein, à Gœttingue, en 1857, dans sa Bibliothek der angelsächsischen Poesie. Voir Sandras, De carminibus saxonicis Cædmoni adjudicatis, Paris, 1859. Cf. Frd. Hammerich, Aelteste christliche Epik der Angelsachsen, Deutschen und Nordländer, aus dem Dänischen von Al. Michelsen, in-8o, Gütersloh, 1874.

Les versions littérales des parties de l'Écriture qui ontété traduites en anglo-saxon nous sont parvenues pour laplupart sous forme de versions interlinéaires dans lesmanuscrits latins. C’est ainsi qu’un psautier latin, qu’ondit avoir été envoyé par le pape saint Grégoire le Grandà saint Augustin, l’apôtre de l’Angleterre, est conservé auBritish Muséum parmi les manuscrits Cottoniens et contient une version interlinéaire anglo-saxonne dont la date est inconnue. Saint Aldhelm, évéque de Sherborne, et Guthlac, le premier anachorète anglo-saxon, traduisirent les Psaumes au commencement du viiie siècle; mais leur traduction est perdue, de même que celle de diverses parties des Écritures faite par le V. Bède, qui employa les dernières heures de sa vie, au rapport de son biographe, à achever sa traduction de l'Évangile de saint Jean. Cuthbert, Vita Bedæ, Migne, Patr. lat., t. xc, col. 40-41. Le roi Alfred le Grand traduisit aussi quelques passages des Livres Saints en anglo-saxon, quelques fragments de l’Exode, qu’il inséra avec le Décalogue dans un code, et des extraits qu’il inscrivait dans un Hand-boc. Voir W. de Malmesbury, De Gestis reg. Angl., édit. Bohn, p. 44, 121.

On connaît trois versions différentes des quatre Évangiles en anglo-saxon. La plus ancienne est la Glosse northumbrienne, connue sous le nom de Durham Book et conservée parmi les manuscrits Cottoniens. C’est un des plus beaux spécimens de l'écriture saxonne. Dans ce manuscrit, le texte latin de la Vulgate a été écrit par Eadfrith, évêque de Lindisfarne, vers 080; son successeur sur le siège épiscopal, Ethihvold, l’orna de belles enluminures, et un prêtre nommé Aldred y ajouta plus tard, probablement vers l’an 900, une version interlinéaire (of gloesade on Englisc). — La seconde version anglo-saxonne des Évangiles est du xe siècle: elle fut faite, à Harewood, par deux prêtres, Farmen et Owen, sur un texte latin de la Vulgate, datant du viie siècle et écrit par Macregol. Le manuscrit, connu sous le nom de Glosse de Rushworth, du nom d’un de ses premiers propriétaires, estconservé à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford. — Latroisième version des Évangiles, œuvre d’un inconnu, paraît avoir été faite peu de temps avant la conquête normande, non sur la Vulgate actuelle, mais sur une versionlatine plus ancienne.

Une édition des quatre Évangiles en anglo-saxon futpubliée in-4o, à Londres, en 1571, d’après un manuscritde la bibliothèque Bodléienne d’Oxford, avec une versionanglaise parallèle, par l’archevêque hérétique Parker. Lapréface est de John Fox. Cette édition, collationnée sur quatre manuscrits par Fr. Junius le jeune, fut réimprimée par Marshall, in-4o, à Dort, en 1(305, en colonnes parallèles avec la version mœsogothique. Quelques exemplaires ont reçu un nouveau titre, qui porte la date d’Amsterdam, 1684. Toutes les versions connues des Évangiles anglo-saxons furent publiées par Thorpe, in-12, Londres, en 1642. M. W. W. Skeat en a donné une édition critique: The Holy Gospels in Anglo-Saxon, Northumbrian, and old Mercian versions, synoptically arranged, with collations exhibiting ail the readings of ail the mss.; together with the early Latin version as contained in the Lindisfarne ms., collated with the Latin version in the Rushworth ms., 4 parties en 1 in-4°, Cambridge, 1871-1887.

Outre les versions anglo-saxonnes des Évangiles, on a publié des versions de quelques parties de l’Ancien Testament. Une édition du Psautier anglo-saxon fut publiée en 1640, in-4o, à Londres, par Spelman, d’après un ancien manuscrit anonyme: la version est faite sur le latin de la Vulgate. Une autre édition, d’après un manuscrit de la bibliothèque royale de Paris, a été donnée par Thorpe, in-4o, Oxford, 1835. L'éditeur la rapporte au xi» siècle; d’autres critiques supposent que c’est la copie de la version d’Aldhelm, évêque de Sherborne; c’est moins une traduction qu’une paraphrase, et elle est partie en prose et partie en vers.

Le British Muséum conserve, parmi les manuscrits Cottoniens, une version partielle interlinéaire des Proverbes faite au Xe siècle. À la même époque appartiennent les traductions d’Alfric ou Ælfric, archevêque de Cantorbéry; elles comprennent les sept premiers livres de l’Ancien Testament et Job, traduits sur la Vulgate latine, ordinairement d’une façon littérale, quelquefois en abrégeant ou résumant. Ces traductions ont été publiées par Thwaites, in-8°, Oxford, 1699, d’après un manuscrit unique de la bibliothèque Bodléienne; le livre de Job a été imprimé d’après une copie d’un manuscrit de la bibliothèque Cottonienne.

Il existe aussi quelques manuscrits contenant des traductions des Psaumes de l'époque de la conquête normande qui méritent d'être mentionnées parce qu’elles ne sont plus écrites en anglo-saxon, mais, comme on l’appelle, en anglo-normand. L’anglo-normand servit de transition entre l’anglo-saxon et l’anglais simplement dit.

II. Premières versions anglaises. — Les premiers essais de traduction de la Bible, en anglais comme en anglo-saxon et en diverses autres langues, furent faits sous une forme poétique. Pendant la seconde partie du xiie siècle, un prêtre nommé Orm ou Ormin, qu’on croit, à cause du dialecte qu’il a employé, avoir habité le nord de l’Angleterre, composa une paraphrase métrique de l’histoire évangélique, en vers de quinze syllabes. Elle est connue sous le titre d’Ormulum, du nom de son auteur, et conservée en manuscrit à la bibliothèque Bodléienne.

Une autre paraphrase métrique, plus étendue, comprenant tout l’Ancien et le Nouveau Testament, se trouve dans un recueil de poésies religieuses intitulé Sowle-hele ou Santé de l’âme, qui appartient à la bibliothèque Bodléienne; on le rapporte à la fin du XIIe siècle.

Il existe encore quelques autres traductions ou paraphrases, du xiiie ou XIVe siècle, de diverses parties des Livres Saints. Parmi elles on remarque celle des Psaumes, par William de Schorham, prêtre de Chart Sutton (Kent), parce qu’elle est la première version en prose anglaise d’un livre entier de la Bible. Elle est généralement fidèle et littérale et date de la première partie du xive siècle.Cette version des Psaumes n'était peut-être pas encore terminée, quand une nouvelle fut entreprise par RichardRolle, prêtre et chantre de Hampole, près de Doncaster, mort en 1349. Elle est accompagnée d’un commentaire.Toutes ces traductions sont faites sur le latin.

On a communément attribué une traduction complète de la Bible à John de Trevisa, vicaire de Berkeley dans le comté de Glocester; mais il paraît n’avoir traduit que des passages détachés. La première version complète de la Bible en anglais est celle de John Wickliffe ou Wicklef (1324-1384), l’un des précurseurs du protestantisme. Ella est faite sur la Vulgate, et fut achevée vers 1380. On croit qu’il traduisit lui-même le Nouveau Testament et que l’Ancien fut traduit par Nicholas de Hereford et d’autres disciples de Wicklef. Cette version provoqua unegrande agitation. Un bill fut présenté en 1390, à la Chambre des lords, pour sa suppression complète; mais le duc de Lancastre l’empêcha de passer. Ses sectateurs, sans doute vers cette époque, en publièrent une édition revisée par Purvey. En 1408, une assemblée, tenue à Oxford par l’archevêque Arundel, défendit la traduction et la lecture des Écritures en langue vulgaire. La version du Nouveau Testament de Wicklef n’a été imprimée qu’en 1731 par Lewis. Elle est précédée d’une introduction contenant l’histoire des traductions anglaises de la Bible. Elle a été rééditée, en 1810, par H. H. Baber; en 1841, par Bagster, dans les Hexaples anglais. Ce n’est pas la version proprede Wicklef comme l’avaient cru les éditeurs, mais larevision de Purvey. La véritable traduction du NouveauTestament de Wicklef a été publiée pour la première foisen 1848, in-i", par Pickering, d’après un manuscrit de 1380environ, faisant partie de la collection Lea Wilson. L’Ancien Testament a été imprimé, pour la première fois, àOxford, en 1850, 4 in-4o (avec le Nouveau Testamentet la revision de Purvey en colonnes parallèles), parJ. Forshall et F. Madden.

III. La version autorisée (Authorised version). — Laversion officielle de l’anglicanisme, connue sous le titrede Authorised version, peut être considérée comme remontant historiquement à l’an 1524, époque où les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc, formant les premières parties de la traduction de William Tyndal (1477-1536), furent imprimés à Hambourg. Le Nouveau Testament parut en entier, in-4o, à Cologne, et petit in-8o, à Worms, en 1525. Le seul exemplaire connu de l'édition in-8o est conservé dans la bibliothèque du Baptist College, à Bristol. Il a été reproduit, en 1862, à Bristol, en fac-similé, par Fr. Fry. Tyndal publia à Anvers en novembre 1534 une nouvelle édition de son Nouveau Testament, «soigneusem*nt corrigé et comparé avec le grec.» La version de Tyndal a été faite en effet sur le texte original, d’après la troisième édition du Nouveau Testament grec d'Érasme ( 1522); elle a servi de base à toutes les versions anglaises postérieures.

Tyndal publia aussi, en 1530-1531, une traduction sur l’hébreu du Pentateuque et de Jonas; il avait également traduit les autres livres historiques de l’Ancien Testament jusqu’aux Paralipomènes inclusivement et divers autres fragments des Livres Saints; mais il subit le dernier supplice, à cause de ses opinions religieuses, en 1536, près d’Anvers, sans avoir complété la version de l’Ancien Testament. La traduction de Miles Coverdale compléta son œuvre: elle embrasse tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et fut publiée, en 1535, sur le continent, on ignore en quel endroit (peut-être à Zurich). Elle est intitulée: Biblia, the Bible, that is the holy Scripture of the Olde and New Testament, 1535. Il se servit beaucoup des travaux de Tyndal. Son œuvre plut à Henri VIII, qui l’autorisa et qui ordonna, en 1536, qu’unexemplaire de la Bible complète, en latin et en anglais, serait placé dans le chœur de toutes les églises du royaume, à la disposition de ceux qui voudraient la lire.

La Bible, appelée Matthew’s Bible, fut publiée par JohnRogers, un ardent ami de Tyndal. Tout le Nouveau Testament, la première partie de l’Ancien jusqu'à la fin du second livre des Paralipomènes et plusieurs chapitres des prophètes sont tirés de la version imprimée ou restée manuscrite de Tyndal; le reste, que Tyndal n’avait pas traduit, est pris de la version de Coverdale. Cette Bible fut imprimée in-folio, en 1537, jusqu'à Isaïe inclusivement, à l'étranger (probablement à Lubeck); à partir d’Isaïe, à Londres. Rogers y prit le pseudonyme de ThomasMatthew, d’où le nom donné à cette version. Elle fut d’abord proscrite par le gouvernement, mais ensuite elle reçut son approbation (Set forth with the King’s most gracions license), et le clergé reçut l’ordre d’en placer un exemplaire dans toutes les églises.

On publia plusieurs revisions de la Bible de Matthew. — La Grande Bible (Great Bible) est ainsi appelée à causede la grandeur de son format. Cette édition revisée de Matthew fut commencée à Paris, mais elle y fut saisie avant d'être terminée; les imprimeurs français transportèrent alors leurs caractères et leurs presses à Londres, et c’est là que la grande Bible parut en 1539, après avoir été revue et corrigée par Coverdale. Une nouvelle édition, parue en 1540, est connue sous le nom de Cranmer’s Bible, parce qu’elle est précédée d’un prologue de l’archevêque Cranmer. — La Bible de Taverner, in-f°, 1539, est également une revision de celle de Matthew, faite sous le patronage de Cromwell.

La «Bible de Genève» est une revision de celle de Tyndal, dans laquelle le travail de ce dernier a été de nouveau comparé avec les textes originaux, pour le Nouveau Testament par William Wittingham, qui devint dans la suite doyen de Durham; pour l’Ancien Testament par Wittingham, Gilby et Sampson. L’Ancien Testament parut en 1540. Le Nouveau Testament fut publié à Genève, en 1557; c’est le premier de la langue anglaise où la distinction des versets soit indiquée par des chiffres.

La «Bible de l’archevêque Parker» ou ce des évêques» (Bishops' Bible) est ainsi nommée parce que, parmi lesquatorze savants qui y travaillèrent, huit étaient évêques.Parker, qui avait conçu le projet de cette œuvre, ladirigea lui-même; mais, outre les quatorze reviseurs quiavaient été chargés chacun d’une partie de la version, ileut recours encore à d’autres critiques qui la comparèrentavec les autres éditions savantes des Écritures. Son butn'était pas de faire une traduction nouvelle, mais decorriger et de perfectionner celle de Cranmer. Son édition, publiée en 1568, et exécutée avec grand luxe (elle estornée de 143 gravures), fut imposée pour l’usage deséglises, en 1571, et elle resta pendant quarante ans laversion officielle, quoique la Bible de Genève fût lue depréférence dans les familles. La Bible des évêques futréimprimée, en 1572, grand in-folio, avec des corrections; cette dernière édition est communément appelée la Biblede Matthew Parker.

La Bible du roi Jacques (King James' Bible) est la «Version autorisée» de l'Église anglicane. Elle fut commencée avec l’approbation de ce prince, en 1604, à la suite d’objections qu’on avait formulées contre la Bible des évêques. Cinquante- quatre personnes furent choisies, parmi celles qui avaient la plus grande réputation de savoir, pour travailler a cette version; mais quarante-sept seulement purent y travailler de fait. Les traducteurs se partagèrent en six groupes, chargés chacun d’une partie des Livres Saints. Ces groupes se réunissaient périodiquement et examinaient avec grand soin la partie qui avait été préparée. La version de Tyndal servit de base; mais elle fut comparée minutieusem*nt avec les textes originaux, et l’on se servit aussi des éditions de Coverdale, de Matthew, de Cranmer, de Taverner, et de la Bible deGenève, auxquelles on emprunta tout ce qui parut bon.La «Version autorisée» est donc plutôt une compilationdes anciennes versions qu’une version nouvelle. Commencée au printemps de 1607, elle fut terminée en 1611 et parut en un magnifique in-folio, sous ce titre: The Holy Bible Conteyning the Old Testament and the New: Newly translated out of the originall tongues: And with the former translation diligently compared and revised by his Majesties speciall Comandement. Appointed to be read in Churches. C’est un monument classique de la langue anglaise. Le style en est simple, pur, nerveux. Elle est restée jusqu'à ces derniers temps la Bible de tous les anglicans, et elle a exercé sur l'Église d’Angleterre une grande influence. «Qui voudrait soutenir, dit le P. Faber, Lives of the Saints, p. 118, que la Bible protestante n’est point, par sa rare beauté et sonstyle merveilleux, l’une des principales citadelles de l’hérésie dans ce pays (l’Angleterre)? Elle continue à vivredans l’oreille, comme une musique qu’on ne peut oublier…Elle est une portion de l’esprit national et l’ancre de lagravité nationale.»

Cependant les progrès de la philologie et de l’exégèse ont fait reconnaître aux anglicans eux-mêmes qu’elle avait besoin de corrections; de plus, la langue a vieilli. Quoique généralement fidèle, elle n’a pas toujours saisi exactement le sens; des termes obscurs n’ont pas été compris; les modes et les temps des verbes sont souvent mal rendus; les règles de la poésie hébraïque, en particulier le parallélisme, sont ignorées, etc. Certaines expressions qu’elle emploie sont aujourd’hui hors d’usage ou choquantes. Aussi depuis le xviiie siècle en demande-t-on la revision. H. Ross la réclama dès 1702, Essay for a new Translation, mais sans réussir à attirer l’attention publique. Plus tard, en 1758, le célèbre Lowth se prononça aussi en faveur d’une revision, et ce projet gagna peu à peu du terrain. Un catholique, Geddes, proposa un plan de revision, Prospectus for a new translation, 1786, et l’exécuta en partie. La révolution française fit oublier quelque temps la question. Elle fut reprise, en 1818, par John Bellamy. Depuis, on n’a cessé de s’en occuper. Enfin, en février 1870, la convocation ou synode de la province ecclésiastique de Cantorbéry nomma un comité composé d’un grand nombre de savants, qui se mit à l'œuvre de la revision. On remarquait parmi eux: Ellicott, président; Alford, Lightfoot, Scrivener, Tregelles, Westcott, Wordsworth. Voir The Nineteenth Century, juin 1881, p. 919; Farrar, The revised Version, dans la Contemporary Review, mars 1882. Depuis 1816, il existait aux États-Unis une société de revision qui n'était pas restée inactive. Des reviseurs travaillèrent dès lors dans ce pays avec un nouveau zèle, en même temps qu’en Angleterre. L'édition fruit de tous ces travaux a paru enfin. Le Nouveau Testament a vu le jour en 1881; l’Ancien, en 1884. Cette publication a été applaudie et attaquée avec passion; l'émotion qu’elle a soulevée n’est pas encore calmée, et les avis sont très partagés sur la valeur du travail exécuté par les nouveaux éditeurs. Voir, sur les règles suivies dans la revision, la préface placée en tête du New Testament of our Lord and Saviour Jésus Christ, translatedout of the Greek: being the version set forth A. D. 1011compared with the most ancient authorities and revisedA. D. 1881, in-32, Oxford, 1881, p. v-xviii.

IV. Version catholique anglaise de Reims et de Douai. — Les catholiques anglais, écrasés par la tyrannie d’Henri VIII et d’Elisabeth, ne pouvaient plus pratiquer librement leur religion sur le sol de la Grande-Bretagne; un grand nombre avaient été obligés de se réfugier sur le continent et surtout en France. C’est dans l’exil que fut faite et publiée la traduction anglaise des Écritures à l’usage des catholiques. Des hommes de grand mérite, professeurs du collège anglais de Reims: Grégoire Martin, gradué de Cambridge; Allen, depuis cardinal, et Bristow, traduisirent et publièrent dans cette ville le Nouveau Testament, en 1582, d’après la Vulgate, avec des notes dogmatiques et polémiques. L’Ancien Testament parut à Douai, en deux volumes, en 1609 et 1610. Cette version a été attaquée fort injustement par plusieurs critiques protestants k Voici ce qu’a écrit sur cette traduction un juge compétent, Mgr Kenrick, archevêque de Baltimore: «L’auteur del’introduction historique des Hexaples anglais reconnaît que «les traducteurs possédaient toutes les qualités nécessaires pour remplir leur tâche, en tant que le savoir et l’habileté peuvent y servir». Scrivener dit de cette version: «Elle est très recommandable pour son exactitude scrupuleuse et sa fidélité. C’est un acte de justice «de reconnaître qu’on n’a jamais pu reprocher chez nous «aux traducteurs de Reims aucun cas d’altération votante taire des Écritures…» Toutefois, quoique je ne puisse être d’accord avec Geddes, qui caractérise la version de Reims comme «barbare». je ne nierai point que l’attachement scrupuleux des traducteurs à la lettre de la Vulgate, en rendant les noms de lieux et de personnes, et leur désir de conserver des mots hébreux et grecs qui avaient été gardés dans le latin, de même que leur système d’exprimer les mots latins par des termes anglaiscorrespondants d’origine latine, au lieu de puiser aux sources du pur anglais, n’aient nui beaucoup à la clarté et à la beauté de leur version. Pour remédier à ces défauts, le Dr Cornelius Nary, prêtre irlandais, publia, en 1709, à Londres, une version nouvelle qui fut réimprimée à Paris, en 1717. Le Dr R. Witham, théologien anglais du collège de Douai, publia, en 1736, une revision de la traduction de Reims, avec de savantes notes où il n’y a aucune aigreur. La nécessité de cette revision était alors si profondément sentie, que le Dr Challoner et d’autresthéologiens, alors attachés au collège de Douai, lui donnèrent leur approbation écrite, et quelques années après, en 1749-1750, ce vénérable prélat publia lui-même à Londres, en cinq volumes, une édition revisée de toute la Bible, avec des notes peu nombreuses et nullement agressives. On lui reproche d’avoir considérablement affaibli le style, en évitant les inversions qui mettent souvent en relief les parties principales de la phrase, et en insérant des qualificatifs inutiles; mais sa revision n’en a pas moins été favorablement accueillie, et elle a toujours servi depuis de règle aux éditions qui ont été publiées en Angleterre, en Irlande, en Ecosse et aux États-Unis. — Une édition de Dublin, approuvée par l’archevêque catholique de cette ville, Mgr Troy, fut publiée, en 1791, par R. Cross. — En 1810, Bernard Mac Mahon fit paraître une autre édition, dans laquelle on signala de graves erreurstypographiques et quelques changements de texte. Des libertés semblables ont été prises par d’autres éditeurs, de sorte qu’il n’est pas aisé de déterminer toujours la vraie leçon; des omissions et des méprises importantes déparent la plupart des éditions, en remontant jusqu'à l'édition de Dublin, donnée par Reilly, en 1794. — Une autre édition de Dublin, par Coyne, en 1816, contient lapréface de Reims, qui est placée au commencement de la Bible, et les notes de Reims, pour le Nouveau Testament; mais le texte, ainsi que les notes pour l’Ancien Testament, sont de la revision de Challoner. Mgr Troy désavoua les notes. Un écrivain de la Dublin Revieiu, qu’on croit être le cardinal Wiseman, a insisté sur la nécessité impérative de la revision et de la correction de la version catholique.» Fr. P. Kenrick, The New Testament, 2e édit., Pref., in-8o, Baltimore, 1802, p. iv-vi. Cette revision désirée par les catholiques de langue anglaise a été faite par le savant archevêque de Baltimore lui-même, Mgr Kenrick (1797-1803). Il a publié, en 1849, la revision des Évangiles; en 1851, celle du Nouveau Testament complet, et celle de tout l’Ancien Testament, de 1858 à 1800. — Voir aussi, sur la Bible catholique anglaise, Th. G. Law, Introductory Dissertation on the Latin Vulgate, reprintedfrom the new édition of the Douai Bible, in-12, Londres, 1877; Fr. Newman, The Douay Version, dans le Rambler, juillet 1859, et Tracts theological and ecclesiastical, 1874.

V. Bibliographie. — Baber, Account of Saxon and English versions, dans son édition de Wyckliffe, New Testament, in-4o, Londres, 1810; Johnson, Account of the severalEnglish translations of the Bible, in-8o, Londres, 1730; Newcome, Historical view of the English Biblical translations, in-8 «, Dublin, 1792; Marsh, History of the translations which have been made of the Scriptures fromthe earliest to the présent age, in-8°, Londres, 1812; Lewis, History of the principal translations of the Bible, 3e édit., iii-8°, Londres, 1818; Todd, Vindication of our Authorised Translation, in-8o, Londres, 1819; Walter, Letter on the Independance of the Authorised Version of the Bible, in-8o, Londres, 1823; Wilson, Catalogue of Bibles, Londres, 1845; Anderson, Annals of the English Bible, 2 in-8°, Londres, 1845; Anonyme, Renderings of the principal English Translations of the Bible, in-4°, Londres, 1849; Hinds, Scripture and the Authorised Version, in-12, Londres, 1853; Mac Lure, Authors of English Bible, New-York, 1853; Malan, Vindication of the Authorised Version of the Bible, in-8o, Londres, 1856; Harness, State of the English Bible, Londres, 1856; Mrs. Conant, History of English Bible translations, in-8o, New York, 1856; Londres, 1859; Cumming, Bible Revision, Londres, 1856; Scholefield, Hints for an improved Translation of the New Testament, in-12, Londres, 1832; 1857; Trench, On the Authorised Version of the New Testament, Londres, 1858; Beard, Revised English Bible the Want of the Church, in-8o, Londres, 1857; 2e édit., 1860; Dowes, Plea for translating Scriptures, in-8°, Londres, 1866; (S. Bagster), The Bible of every Land, in-4o, Londres (1860), p. 191-205; E. Beckett, Should the revised New Testament be authorised, Londres, 1881; Samson, The English Reviser’s Greek Text shown to be unauthorised, New York, 1882; W. A. Osborne, The revised Version of the New Testament, Londres, 1882; The Revisers and the Greek Text of the New Testament, Londres, 1882; L. Cl. Fillion, La revision du Nouveau Testament de l’Eglise anglicane, dans les Essais d’exégèse, in-12, Lyon, 1884, p. 177-203; Mac Clintock et J. Strong, Cyclopædia of Biblical literature, t. i, p. 554-566; t. iii, p. 208-293; H. A. Glass, The Story of the Psalters, a history of the metrical versions of Great Britain and America from 1549 to 1885, in-16, Londres, 1888; English Hexapla, contenant les versions de Wyckliffe, Tyndal, Cranmer, de Genève, anglorémoise, autorisée, in-4o, Londres, 1841; J. B. Lightfoot, On a fresh revision of the English New Testament, 3e édit., in-12, Londres, 1891.

F. Vigouroux.

ANGLE (PORTE DE L'). Hébreu: šaʿar happinnâh(happônéh, II Par., xxv, 23); Septante: πύλη τῆς γωνίας; Vulgate: porta Anguli; (porta Angulorum, Zach., xiv, 10), porte de la ville de Jérusalem. II (IV) Reg., xiv, 13; II Par., xxv, 23; xxvi, 9; Jer., xxxi, 38; Zach., xiv, 10.Elle était située à l’ouest de Jérusalem, au nord de la ville haute, à un endroit où le mur de la ville formait sans doute un angle très prononcé, d’où son nom. Elle était à quatre cents coudées (210 mètres environ) de la porte d'Éphraïm. IV Reg., xiv, 13; II Par., xxv, 23. Joas, roi d’Israël, ayant battu et pris Amasias, roi de Juda, à Bethsamès, amena son prisonnier à Jérusalem, où il fit abattre lemur de la ville depuis la porte d'Éphraïm jusqu'à la porte de l’Angle. IV Reg., xiv, 13; II Par., xxv, 23. C'était la partie la plus vulnérable de Jérusalem et par conséquent celle où elle avait le plus besoin de défense; aussi Ozias, successeur d 'Amasias, se hâta-t-il de la fortifier (Josèphe, Ant. jud., IX, x, 3) par un «large mur», cf. Il Esdr., ni, 8, et de protéger par des tours la porte de l’Angle et les autres portes de ce côté de sa capitale. II Par., xxvi, 9. La tour de la porte de l’Angle est probablement celle qui est nommée dans Néhémie «la tour des Fours». II Esdr., m, 11; xii, 37 (hébreu, 38). Voir Jérusalem.


ANGLO-SAXONNES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Voir Anglaises (versions) de la Bible.


ANGRIANI Michel, carme italien, appelé aussi Aygriani, Ayguani, et plus communément Michel de Bologne, parce qu’il était né dans cette ville, dans la première moitié du xive siècle; il y mourut le 16 novembre 1400, selon l’opinion la plus probable. Il étudia à l’université de Paris et y reçut le titre de docteur; en 1354, il y fut aussi prieur du couvent des Carmes. Vers 1372, on lui confia la charge de définiteur de la province de Bologne. Dans un chapitrede son ordre tenu à Bruges, en 1379, et dans un autretenu à Milan, en 1381, Angriani fut élu général. Il futdéposé, en 1386, par le pape Urbain VI; on ignore pourquelle cause. Il se retira alors dans le couvent de Bologne, où il mourut. On a de lui Commentaria in Psalmos, in-f°, Milan, 1510. Cet ouvrage, de médiocre valeur, est souvent appelé Incognitus in Psalmos ou Opus auctoris incogniti, et a eu plusieurs éditions. Il est composé en grande partie de citations de Pères. L’auteur n’a fait aucun usage du texte original. Il s’attache presque exclusivement à appliquer les Psaumes à Notre-Seigneur. Angriani avait aussi composé des commentaires sur l'Évangile de saint Matthieu, de saint Luc, de saint Jean, sur l’Apocalypse, etc.; mais ils n’ont pas été imprimés. Voir Fabricius, Bibliotheca latina mediæ ætatis, t. v, p. 222.

ANGULAIRE (PIERRE), hébreu: ʾében pinnâh, «pierre de l’angle,» Job, xxxviii, 6; Is., xxviii, 16; rʾôš pinnâh, «tête de l’angle,» Ps. cxviii, 22; Septante: λίθος γωνιαῖος, Job, xxxviii, 6; ἀκρoγωνιαῖος, Is., xxviii, 16; Éph., ii, 20; I Petr., ii, 6; κεφαλὴ γωνίας, Ps. cxvii, 22; Vulgate: lapis angularis, Job, xxxviii, 6; Is., xxviii, 16; Eph., li, 20; I Petr., ii, 6; caput anguli, Ps. cxvii, 22. 'Aἀκρoγωνιαῖος, composé d’ἄκρος, «extrême,» et de γωνία, «angle,» est un mot exclusivement biblique et ecclésiastique, inconnu des auteurs profanes. L’expression «tête de l’angle» du Ps. cxvii (cxviii), 22, est citée dans Matth., xxi, 42; Marc, xii, 10; Luc, xx, 17; Act, iv, 11; I Petr., Il, 7.

1° La pierre angulaire est celle qui est placée à l’angle d’un édifice. Elle a une grande importance pour tenir les deux côtés du bâtiment; aussi est-elle choisie avec soin. Chez les Juifs, elle était d’ordinaire de dimensions considérables: parmi celles qui ont été employées pour les fondements du temple, il v en a qui ont six à sept mètres de longueur et deux à trois mètres d'épaisseur. En Assyrie, les angles sont aussi formés quelquefois par une pierre angulaire, quoique les constructions soient en briques (A. Layard, Nineveh and its remains, t. ii, p. 254), etc’est aux angles que sont placées, dans une sorte de cassette, les tablettes cunéiformes destinées à conserver le souvenir de l'érection du monument.

2° Comme la tribu et le peuple sont souvent appelés une «maison», Gen., xlvi, 27; Exod., xvi, 31, etc., et que la pierre angulaire tenait dans l'édifice la place principale, elle désigne, dans un sens métaphorique, un grand personnage, tel que les chefs de l’Egypte. Is., xix, 13. Cf. Jud., xx, 2; 1 Ileg., xiv, 38 ( «l’angle, les angles du peuple» ). Le Psalmiste, Ps. cxvii, 22, et Isaïe, xxviii, 16 (cf. I Petr., il, 6), appellent le Messie «la pierre angulaire», et lePsalmiste fait remarquer que la pierre qu’on avait rejetée, c’est-à-dire Jésus, repoussé par les Juifs, est devenue la pierre angulaire de l'Église, son fondement et son chef. Matth., xxi, 42, etc.; Eph., ii, 20.

ANI (hébreu: ʿUnni, «affligé;» Septante: Ἐλιωήλ, Ἠλωνεί), Lévite du nombre des musiciens qui accompagnèrent l’arche d’alliance, lorsque David la fit transporter à Jérusalem. I Par., xv, 18-20.

ANIA. Chef du peuple, II Esdr., viii, 4, le même que celui qui est appelé Anaïa. II Esdr., x, 22. Voir Anaïa.


ANIAM (hébreu: ʾĂni'âm, * gémissem*nt du peuple;» Septante: Ἀνιάν), fils de Sémida, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 19.

ANIM (hébreu: ʿÂnim; Septante: Ἀισάμ), ville des montagnes de Juda, mentionnée une seule fois dans l'Écriture. Jos., xv, 50. Les deux villes qui la précèdent peuvent nous servir à déterminer son emplacement: Anal) est l’une des deux localités qui portent encore le même nom, 'Anab es-Serhir (Anab la Petite) et 'Anab el-Kebir (Anab la Grande), situées à peu de distance l’une de l’autre, au sud-ouest d’Hébron. Voir Anab. Istémo est, d’après l’opinion générale des commentateurs, Semou’a. Voir Istemo. Or, dans la même contrée, un peu au sud des endroits que nous venons de mentionner, il y avait, du temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, deux villes voisines, appelées Anéa, Ἀνεά ou Ἀναιά, placées l’une à l’est, l’autre à l’ouest, la première habitée par des chrétiens, la seconde, et alors la plus considérable, habitée par des Juifs. Cf. Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 221, aux mots Ἀνάβ et Άνσήμ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum hebr., t. xxiii, col. 871, aux mots Anab et Anim. Elles correspondent, croyons-nous, aux ruines actuelles de Rhoueïn ech-Charkiéh, «Rhoueïn orientale,» et de Bhoueïn er-Rharbiéh, «Rhoueïn occidentale,» éloignées seulement de dix minutes l’une de l’autre, dans la direction du nord-est au sud-ouest. Robinson avait d’abord vu dans ces ruines, qu’il écrit El-Ghuwein, la ville d’Aïn. Voir Aïn 2. Biblical Researches in Palestine, 1™ édit., 1841, t. ii, p. 625, note 2. Mais plus tard il les identifia avec Anim, après le Dr Wilson, Lands of the Bible, I, p. 354. «Le nom de ʿAnim (pour ʿAyânîm), dit-il, est le pluriel de ʿAïn, «fontaine.» L’arabe Ghuwein est un diminutif de la forme ʿAïnOuv. cité, 2e édit., 1856, t. ii, p. 201, note 1. Il faut reconnaître, avec le même savant, que le nom arabe répond mieux à l’hébreu ʿAïn; car, la première lettre étant remplacée par le ghaïn (r grasseyé), comme dans Gaza (hébreu: ʿAzza; arabe: Ghazzéh ou Rhazzéh), les autres sont semblables; mais la position des deux Rhoueïn nous semble favoriser leur identification avec l’Anim de Josué et les deux Anéa d’Eusèbe et de saint Jérôme: identification admise, au moins pour Anim, par un bon nombre d’auteurs. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 11; et la carte de la Palestine publiée dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, 1890, t. xiii, n° 1, etc.

Mariette prétend que le n°95 des listes de Karnak, Aïna, n’est autre chose que l’Anim de Juda, et l’Ἀναιά, de l’Onomasticon, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 39. M. Maspero fait remarquer que ce nom figure sur une seule des trois listes, et le suivant, Karman, sur deux. «On a, dit-il, le droit d’en conclure, soit que les deux noms désignaient une même localité, soit qu’ils s’appliquaient à deux localités, différentes, mais si rapprochées, qu’on pouvait les prendre l’une pour l’autre.» Il en cherche l’emplacement au milieu des vignobles qui enveloppent Hébron de toutes parts. Alors Aïna serait Aïn ech-Chems, et Karman serait Khirbet Sérâsir, bien plus au nord que Rhoueïn. Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmès III, qu’on peut rapporter à la Judée, 1888, p. 13-15.

Les ruines de Rhoueïn er-Rharbiéh «couvrent les flancset le sommet d’une colline, située dans une vallée. Lepoint culminant du monticule est occupé par les restesd’un petit fort en pierres de taille, de forme carrée. Plusieurs autres constructions, bâties également en pierres de taille, sont encore en partie debout alentour; elles renferment des citernes et des caveaux creusés dans le roc… À dix minutes de marche de ce point, vers l’est-nord-est, les ruines recommencent à se montrer, et comprennent un espace plus considérable encore… Elles sont désignées sous le nom de Rhoueïn ech-Charkiéh. De nombreuses habitations, dont les assises inférieures existent encore, et dont une vingtaine même ont conservé leurs voûtes cintrées, s'élevaient jadis en amphithéâtre sur les pentes d’une colline. Chacune de ces habitations contenait intérieurement un petit magasin souterrain, pratiqué dans le roc. La plupart étaient bâties avec des pierres bien taillées, de dimensions plus ou moins grandes. Une église chrétienne, maintenant renversée, avait été construite avec des pierres d’un bel appareil, comme l’attestent quelques pans de mur encore debout. Les traces d’une enceintemurée, qui environnait cette ville, sont reconnaissables sur plusieurs points.» V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 191-192. Voir la carte de la tribu de Juda.

A. Legendre.


ANIMAUX mentionnés dans les Écritures. — LaBible hébraïque désigne les «animaux» en général parle mot ḥayyâh, forme féminine de l’adjectif ḥay, «vivant.» Cf. Gen., ix, 5, 10; Lev., xi, 46; Septante: ζῶον; Vulgate: anima vivens, bestia. Ḥayyâh signifie proprement «un être vivant» quelconque, Gen., iii, 1, mais il est souvent employé dans un sens restreint; tantôt il s’applique aux quadrupèdes domestiques ou sauvages, par opposition aux oiseaux, Gen., i, 28; Lev., xi, 2, 27, etc.; tantôt, etfréquemment, il se dit des quadrupèdes sauvages, Gen., vii, 14, 21; viii, 1, 19, etc.; dans ces deux cas, il est quelquefois suivi du mot haššadéh, «animaux des champs.» Exod., xxiii, 11; Lev., xxvi, 22; Deut., vii, 22; Jer., xii, 9, etc. Les Septante ont traduit: τετράπους; θηρίον, θήρ, et la Vulgate: fera, bestia, quadrupes. — Deux autres mots hébreux signifient aussi «animal», mais toujours dans un sens plus ou moins restreint: 1o Le mot be‘îr désigne toutes les espèces de bétail, Exod., xxii, 4 (Vulgate, 5); Num., xx, 4, 8, 11; Ps. lxxviii (Vulgate, lxxvii), 48, et quelquefois, plus spécialement, les bêtes de somme, Gen. xlv, 17; Septante: κτῆνος; Vulgate: jumentum. 2o Le mot behêmâh désigne ordinairement les quadrupèdes, et encore dans un sens restreint, ainsi que nous l’expliquons plus bas.

La classification des animaux, dans la Bible, est des plus simples; Moïse et, à sa suite, les Hébreux ont divisé les animaux en quatre grandes catégories: les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles et les poissons. Cette classification, sans être nulle part enseignée scientifiquement, est cependant proposée ou supposée dans un grand nombre d’endroits. Gen., i, 26; ix, 2; Lev., xi, 46; Deut., iv, 16-18; III Reg., iv, 33; Éz., xxxviii, 20; Jac., iii, 7. Cette division est tirée du mode de mouvement des animaux: parmi eux, les uns marchent, les autres volent, ceux-ci nagent, ceux-là rampent; c’est là ce qu’il y a de plus apparent et de plus frappant dans l’animal, et aussi ce qui entraîne entre les diverses espèces d’animaux les différences les plus importantes. Cette même division est aussi proposée par des auteurs profanes. Cf. Cicéron, Tuscul., V, xiii, édit. Lemaire, Paris, 1830, t. iii, p.482; et De natura deorum, II, xlvii, t.iv, p.213. Nous devons dire un motde chacune de ces quatre catégories d’animaux.

1o Quadrupèdes: Moïse appelle le quadrupède behêmâh; cette expression, dans la Bible, désigne tous les quadrupèdes terrestres, pourvu qu’ils ne soient pas de très petite taille; nous disons les quadrupèdes «terrestres», pour exclure certains animaux aquatiques ou amphibies, comme le crocodile, qui ont quatre pieds, et que Moïse n’a jamais classés parmi les behêmôṭ; de même, les petit* quadrupèdes, comme les rats, les taupes, etc., sont classés par Moïse, non parmi les behêmôṭ, mais parmi les reptiles. Cf. Bochart, Hierozoicon, Londres, 1663, i, 2, p.4. Remarquons, pour éviter les confusions, que quelquefois Moïse a donné au mot behêmâh un sens plus restreint, l’entendant simplement des quadrupèdes domestiques, comme le bœuf, la chèvre, le chameau, etc., et l’opposant ainsi aux quadrupèdes sauvages, comme le lion, le loup, l’ours, etc., qu’il appelle alors ḥayyaṭ hââréṣ; Septante: θηρία τῆς γῆς; Vulgate: bestiæ terræ. Gen., i, 24, 25.

2o Oiseaux, ou, généralement, «tous les animaux àailes,» ʿôf. Gen., i, 20, 21; Lev., xi, 13, 20; Deut, xiv, 11, etc. Parmi ces animaux à ailes, Moïse distingue une catégorie particulière, qu’il appelle kôl šéréṣ hàʿôf, «tout être qui se traîne (sur la terre), et a des ailes.» Lev., xi, 20-25. Ce sont les «insectes ailés», comme les différentes espèces de sauterelles.

3o Poissons, ou, généralement, «tous les êtres vivants qui nagent (šéréṣ a ici ce sens) dans l’eau.» Gen., i, 20, 21; Lev., xi, 9; Deut., xiv, 9. Parmi ces animaux aquatiques, Moïse fait une mention spéciale des grands cétacés, qu’il appelle ṭannînim gedôlim; Septante: κήτη μεγάλα; Vulgate: cete grandia.

4o Reptiles; Moïse les appelle šéréṣ šôrêṣ ʿal hââréṣ, c’est-à-dire les animaux «qui se traînent en rampant sur la terre». Gen., i, 24, 25; Lev., xi, 29. Il les distingue ainsi, soit des poissons, appelés aussi šéréṣ, mais qui se meuvent «dans l’eau» (cf. Bochart, loc. cit., c. 6, p.37), soit de ces insectes ailés, que nous venons de signaler, appelés également šéréṣ, qui peuvent se mouvoir ou ramper sur la terre, mais qui ont des ailes, et qui, de ce chef, sont classés parmi les oiseaux. Remarquons que les mots «rampant sur la terre», qui désignent les reptiles, se prennent dans un sens très large, et s’entendent non seulement des reptiles proprement dits, qui sont apodes, mais encore des animaux dont les pieds sont si petit*, qu’ils semblent moins marcher que se glisser ou ramper, comme les taupes, les lézards, et un grand nombre d’insectes.

Environ cent cinquante-cinq mots hébreux désignentcent vingt-deux espèces d’animaux, auxquelles il fautajouter deux espèces nouvelles mentionnées par les livres grecs de l’Ancien Testament, et quatre, mentionnées dans le Nouveau Testament; en tout cent vingt-huit espèces signalées dans la Bible.

Voici la liste de tous ces animaux; nous la donnonsdans l’ordre alphabétique, sans aucune distinction declasses, afin qu’on puisse les trouver plus facilement.À côté du nom de chaque animal, nous indiquons le mothébreu qui le désigne dans l’Écriture, puis le mot qui lui correspond dans les Septante et dans la Vulgate; enfin, s’il y a lieu, le mot qui désigne l’animal dans le Nouveau Testament; nous signalons les cas où l’identification est douteuse. Les articles spéciaux sur chaque animal compléteront les renseignements qui le concernent.

Abeille; hébreu: debôrâh, Jud., xiv, 8, etc.; Septante: μέλισσα; Vulgate: apis.

Addax, espèce d’antilope; hébreu: dîšôn, Deut., xiv, 5, etc.; Septante: πύγαργος; Vulgate: pygargus.

Agneau, désigné en hébreu par les mots suivants:

  1. Agneau de moins d’un an, agnelet, tâléh, I Reg., vii, 9, etc.; Septante: ἀνήρ γαλαθηνός; Vulgate: agnus lactens.
  2. Agneau d’un an à trois, kébéṡ ou kéṡéb (par transposition des deux dernières radicales), Num., vii, 15, 17; Lev., iii, 7, etc.; Septante, ordinairement: ἀμνός; quelquefois: ἀνήρ, ἀρνioν, πρόβατoν; Nouveau Testament: ἀμνός, Act., viii, 32, etc.; Vulgate: agnus.
  3. Agneau gras, kar, Deut., xxxii, 14, etc.; Septante: tantôt ἀνήρ, tantôt ἀμνός, une fois κριός; Vulgate: agnus.
  4. Signalons encore le mot chaldaïque, ʾimmar, I Esdr., vi, 9, 17; Septante: ἀμνός; Vulgate: agnus.

Aigle; hébreu: néšer, Lev., xi, 13, etc.; Septante et Nouveau Testament: ἀετός; Vulgate: aquila. Le mot néšer désigne toutes les espèces d’aigles, et même en quelques endroits, par exemple, Michée, i, 16, le vautour.

Aigle de mer; hébreu: ʿôzniyâh, Lev., xi, 13; Septante: ἀλιαίετός; Vulgate: haliæetus. Toutefois cette identificationest douteuse; d’après d’autres, le mot ʿôzniyâhsignifierait le circaète (espèce d’aigle) ou le balbusard.

Âne, désigné par trois mots hébreux:

  1. ḥǎmôr, Gen., xlix, 14; Ex., xiii, 13, etc.
  2. ʿayîr, signifiant surtout «jeune âne», Gen., xlix, 11, etc.
  3. ʾâtôn, ânesse, Gen., xlix, 11; Num., xxii, 23, etc.

Les Septante ont traduit par ὄνoς, des deux genres, et πῶλος τῆς ὄνoυ; Vulgate: asinus, asina, pullus asinæ; Nouveau Testament: mêmes mots.

Âne sauvage, ou onagre, désigné par deux mots hébreux:

  1. ʿârôd, Job, xxxix, 5, etc.; Septante: ὄνoς ἀγρioς; Vulgate: onager.
  2. péré’ ou péréh, Gen., xvi, 12; Job, vi, 5, etc.; Septante: ὄνoς ἀγρioς; Vulgate: onager.

Antilope. Voir, dans la présente liste, les quatre espèces d’antilopes dont parle la Bible: Addax, Bubale, Gazelle, Oryx.

Araignée; hébreu: ʿakkâbîš, Job, viii, 14; Is., lix, 5, etc.; Septante: ἀράχνη; Vulgate: aranea. Quelques auteurs traduisent aussi par «araignée» le mot hébreuṡemâmîṭ. Voir Lézard.

Aspic, serpent venimeux; hébreu: péṭén, Deut., xxxii, 33; Job. xx, 14, etc.; Septante et Nouveau Testament (Rom., iii, 13): ἀσπίς, βασιλίσκος; Vulgate: aspis, basiliscus.

Aurochs, sorte de taureau sauvage; hébreu: reʾêm, Num., xxiii, 22. Voir Rhinocéros.

Autruche; hébreu: baṭ hayyaʿănâh («la fille des cris»), Lev., xi, 16; Deut., xiv, 15; Septante: στρουθός; Vulgate: struthio.

Balbusard, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu ʿoznîyâh. Voir Aigle de mer.

Béhémoth. Voir Hippopotame.

Belette; hébreu: ḥôléd, Lev., xi, 29; Septante: γαλή; Vulgate: mustela.

Bélier; hébreu: ʾayil, Gen., xv, 9, etc.; Septante: κρίὀς; Vulgate: aries.

Blaireau, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu ṭaḥaš. Ce mot désigne plutôt le dugong.

Bœuf:

  1. Un troupeau de bœufs; hébreu: bâqâr, Gen., xii, 16; xiii, 5, etc.;
  2. Un animal quelconque de l’espèce bovine, sans distinction de sexe ni d’âge, hébreu: šôr, Ose., xii, 12 (11), etc.;
  3. Un taureau, surtout jeune, hébreu: par, Ex., xxix, 1; Lev., iv, 3, 14, etc.;
  4. Un veau, ʿégél, Ex., xxxii, 4, etc.;
  5. Une génisse, pârâh, Num., xix, 2, 6, etc., ou ʿéglâh, Gen., xv, 9, etc.

Septante et Nouveau Testament: βoῦς, des deux genres, bœuf; ταῦρoς, taureau; μόσχoς, des deux genres, veau, génisse; δάμαλις, vache, génisse (Hebr., ix, 13). Vulgate: bos, taurus, vitulus, vitula, vacca.

Bouc, désigné, en hébreu, par quatre mots:

  1. ṡâʿîr, Lev., iv, 24 (23); xvi, 9, etc.
  2. ṣafîr, Dan., viii, 5, etc.; Esdras, vi, 17.
  3. ʿaṭṭûd, Gen., xxxi, 10.
  4. ṭayyiš, Gen., xxx, 35, etc.

Septante: τράγος, quelquefois χίμαρος; (quoique ce mot signifie surtout «chevreau»); Vulgate: caper, hircus; Nouveau Testament: τράγος, hircus, Hebr., ix, 12, etc.

Bouquetin; hébreu: yâʿêl, Ps. civ (ciii), 18; Job, xxxix, 1, etc.; femelle du bouquetin ou chèvre sauvage, yaʿălâh, Prov., v, 19. Septante: τράγέλαφος (qui est plutôt le chevreuil); Vulgate: ibex; l’ibex est une espèce de bouquetin.

Brebis; hébreu: râḥêl, Gen., xxxi, 38, etc.; Septante: πρόβατov; Vulgate: ovis. Le mot ṣôʾn, Gen., xxix, 10, etc., signifie un troupeau de petit bétail, grex (brebis et chèvres); et principalement un troupeau de brebis; de même, le mot ṡéh, Deut., xiv, 4, etc., signifie un animal quelconque du troupeau, pecus; et surtout une brebis. Voir aussi Agneau.

Bubale, espèce d’antilope; hébreu: yaḥmûr, Deut., xiv, 5; les Septante n’ont pas traduit ce mot; Vulgate: bubalus. Toutefois l’identification est douteuse; d’après d’autres, le mot yaḥmûr signifierait le daim.

Buffle, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu yaḥmûr; d’après d’autres, par l’hébreu reʾêm.

Busard. Voir Faucon.

Butor; hébreu: qippôd, Is., xiv, 23, d’après quelques interprètes. Voir Hérisson.

Caille; hébreu: ṡelâv, Ex., xvi, 13; Num., xi, 31, etc.; Septante: ὀρτυγομήτρα; Vulgate: coturnix.

Caméléon; hébreu: kôǎḥ; Septante: χαμαιλέων; Vulgate: chamæleon. Malgré l’autorité des Septante et de la Vulgate, le mot kôǎḥ désignerait plutôt un lézard ou la grenouille, et le caméléon correspondrait à l’hébreu ṭinšeméṭ, Lev., xi, 30. Voir Taupe.

Canard, n’est pas expressément désigné dans la Bible; il est peut-être compris dans le mot barburim. Voir Oie.

Céraste, espèce de serpent; hébreu: šefîfôn, Gen., xlix, 17; Septante: ἐγκαθήμεvος («celui qui dresse des embûches»); Vulgate: cerastes.

Cerf; hébreu: ʾayyâl; biche: ʾayyâlâh, Gen., xlix, 21; Deut., xiv, 5, etc.; Septante: ἔλαφος; Vulgate: cervus.

Cétacés, terme générique qui désigne les monstresmarins, comme le requin, etc.; hébreu: ṭannînim, Gen., i, 21; Job, vii, 12, etc.; Septante: τὰ κήτη τὰ μεγάλα, Vulgate: cete grandia.

Chacal, désigné en hébreu par trois noms:

  1. šûʿal (qui lui est commun avec le renard), Jud., xv, 4, etc.; Septante: ἀλώπηξ; Vulgate: vulpes.
  2. ʾi, pluriel ʾîyyîm, «les hurleurs,» Is., xiii, 22, xxxiv, 14; Septante: ὀνοκενταύρος; Vulgate: ulula (au premier endroit); onocentaurus (au second).
  3. ṭan, inusité au singulier, pluriel ṭannîm, Is., xiii, 22; xxxiv, 13; xxxv, 7, etc.; Septante: δράκoντες, σειρῆνες, ἔχῖνοι, etc.; Vulgate: dracones, lamiæ.

Chameau ou dromadaire; hébreu: gâmâl, Gen., xii, 16, etc.; Septante: κάμηλος; Vulgate: camelus. Le mot hébreu békér, Is., lx, 6, désigne un jeune chameau.

Chat, ne se lit que dans Baruch, vi, 21: ἄιλουρος; Vulgate: catta. Le texte original hébraïque de Baruch étant perdu, nous ne connaissons pas le nom hébreu du chat.

Chauve-souris; hébreu: ʿătallêf, Lev., xi, 19; Septante: νύκτερις; Vulgate: vespertilio.

Cheval, désigné principalement en hébreu par le mot sûs, Gen., xlvii, 17; Ex., xiv, 9, etc., Septante: ἵππος; Vulgate: equus. Cf. Nouveau Testament: Jac., iii, 3; Apoc., vi, 2, 4, etc. Toutefois quatre autres mots hébreux désignent quelquefois le cheval:

  1. Le mot pârâš, qui signifie souvent «cavalier» et est rendu ordinairement ainsi par les interprètes, signifie quelquefois «cheval», par exemple: IIIReg., v, 6 (hébreu); Ezech., xxvii, 14; Is., xxviii, 28 (hébreu).
  2. Le mot rékéš, de signification controversée, indique vraisemblablement le «cheval», au moins ISam. (IIIReg.), v, 8 (hébreu); Esther, viii, 14 (hébreu).
  3. Le mot rammâk, qui ne se trouve que Esther, viii, 10 (hébreu), désigne la jument.
  4. Le mot rékéb, qui signifie habituellement «char», signifie quelquefois le «cheval», IIReg., viii, 4; IPar., xviii, 4.

Chevêche, espèce de hibou; hébreu: kôs, Lev., xi, 17; Septante: νύκτίκοραξ; Vulgate: bubo.

Chèvre; hébreu: ʿêz, Gen., xv, 9; Deut., xiv, 4, etc.; Septante: ἄιξ; Vulgate: capra. Voir aussi Bouc et Chevreau.

Chevreau; hébreu: gedî, Gen., xxxviii, 23; Ex., xxiii, 19, etc.; Septante: ἔπιφος; Vulgate: hœdus.

Chevreuil; hébreu: ʾaqqô, Deut., xiv, 5; les Septante n’ont pas traduit ce mot dans ce passage du Deutéronome; Vulgate: tragelaphus. Identification douteuse; d’autres traduisent ʾaqqô par «bouquetin».

Chien; hébreu: kéléb, Exod., xi, 7; Jud., vii, 5, etc.; Septante: κύων; Nouveau Testament: κύων, Luc., xvi, 21; IIPetr., ii, 22; Vulgate: canis.

Chouette, désignée probablement en hébreu par lemême mot que «chevêche». Voir ce mot.

Cigogne; hébreu: ḥasîdâh, «la pieuse,» Lev., xi, 19; Deut., xiv, 18, etc., d’après l’interprétation la plus commune. Toutefois les Septante et la Vulgate traduisent ḥasîdâh par «héron», ἐρωδιός, herodio.

Circaète, espèce d’aigle. Voir Aigle.

Cochenille; hébreu: ṭôlaʿaṭ (cramoisi, couleur produite avec la cochenille), Exod., xxvi, 31; xxxv, 25, etc.; Septante: πορφύρα; Vulgate: purpura.

Colombe; hébreu: yônâh, Gen., viii, 8-9, etc.; Septante: περιστερά; Vulgate: columba.

Coq; la Vulgate a traduit par «gallus» deux mots hébreux:

  1. le mot ṡékvî, Job, xxxviii, 36;
  2. le mot zarzîr, Prov., xxx, 31.

Au second endroit, les Septante ont traduit aussi par «coq», ἀλέκτωρ. Ces interprétations paraissent maintenant abandonnées. Le mot ṡékvî signifie plutôt «âme, cœur,» et le mot zarzîr «ceint, brave». — Nouveau Testament: ἀλέκτωρ, Matth., xxvi, 34; ὄρνις, Matth., xxiii, 37, etc.; Vulgate: gallus, gallina.

Corail; hébreu: râʾmôṭ (littéralement: «choses élevées»), Job, xxviii, 18; Ezech., xxvii, 16; Septante: Job, μετέωρα, «objets élevés;» Ezech., Ῥαμόθ (comme si c’était une ville); Vulgate: Job, excelsa; Ezech., sericum.

Corbeau; hébreu: ‘ârab, Gen., viii, 7, etc.; Septante: κόραξ; Vulgate: corvus.

Cormoran; hébreu: šâlak, Lev., xi, 17. Voir Plongeur.

Coucou; hébreu: šâḥâf, Lev., xi, 16, d’après quelques interprètes. Voir Mouette.

Cousin; hébreu kinnîm, Exod., viii, 16-19; Septante: σκνίφες; Vulgate: sciniphes.

Crapaud; hébreu: ṣefardêʿ, comme la grenouille. Voir Grenouille.

Crécerelle. Voir Faucon.

Criquet, sorte de sauterelle. Voir Sauterelle.

Crocodile; hébreu: livyâṭan, Job, iii, 8; xl, 25 (20), etc.; Septante: δράκων, μέγα κῆτος; Vulgate: leviathan, draco.

Crocodile terrestre, espèce de grand lézard; hébreu: ṣâb, Lev., xi, 29; Septante: κροκόδειλος ὁ χερσαῖος; Vulgate: crocodilus. D’après quelques auteurs, le mot ṣâb désignerait la tortue.

Cygne; hébreu: ṭinšeméṭ, Lev., xi, 18; Deut., xiv, 16; Septante: κύκνος; Vulgate: cygnus. L’hébreu ṭinšeméṭ désigne plutôt l’ibis. Remarquons que le mot ṭinšeméṭ, qui signifie ici un oiseau, signifie ailleurs un reptile. Voir Taupe.

Daim, désigné très probablement, en hébreu, par lemême mot que le cerf, ’ayyâl. Voir Cerf. D’après d’autres, il serait désigné par le mot yaḥmûr. Voir Bubale.

Daman, désigné, d’après l’interprétation aujourd’hui la plus commune, par le mot hébreu šâfân, Lev., xi, 5. Voir Porc-épic.

Dromadaire. Voir Chameau.

Duc (Grand), espèce de hibou, désigné, d’après beaucoup d’auteurs, par le mot hébreu yanšûf. Voir Ibis.

Dugong, vulgairement «vache marine»; hébreu: ṭaḥaš, Exod., xxv, 5; xxvi, 14; Ezech., xvi, 10. Les Septante et la Vulgate ont traduit ces trois passages, où il s’agit de «peaux de ṭaḥaš», en substituant au nom de l’animal celui de la couleur: δέρματα ὑακίνθινα, pelles ianthinæ.

Éléphant, n’est pas mentionné directement dans leslivres hébreux de l’Ancien Testament. D’après quelquesauteurs, son nom hébreu serait, au pluriel, habbîm; la raison en est dans le mot šénhabbim, qui signifie «ivoire» ou dent d’éléphant. Le mot šen signifiant «dent», il est probable que le reste du mot signifie «éléphant». Les Septante ont traduit, III Reg., x, 22 et II Par., ix, 21, le mot šénhabbim par: ὀδὀντα ἐλεφάντινα; la Vulgate,III Reg., dentes elephantorum. Le mot ἐλέφας se trouve dans les livres grecs de l’Ancien Testament: I Mach., i, 18; II Mach., xi, 4, etc.

Émouchet. Voir Faucon.

Engoulevent, espèce d’hirondelle. Voir Hirondelle.

Épervier. Voir Faucon.

Éponge; Nouveau Testament: σπόγγος, Matth., xxvii, 48; Marc, xv, 36; Joa., xix, 29; Vulgate: spongia.

Escargot. Voir Limaçon.

Faucon; hébreu: nêṣ, Lev., xi, 16; Deut., xiv, 15; Septante: ἱέραξ; Vulgate: accipiter. Le mot nêṣ semble désigner aussi tous les autres petit* oiseaux de proie: épervier, crécerelle, busard, émouchet. D’après quelques auteurs, le faucon serait encore désigné par le mot hébreu ’ayyâh, Lev., xi, 14. Voir Vautour.

Fourmi; hébreu: nemâlâh, Prov., vi, 6; xxx, 25; Septante: μύρμηξ; Vulgate: formica.

Frelon; hébreu: ṣir‘âh, comme guêpe. Voir ce mot.

Gazelle, espèce d’antilope; hébreu: ṣebî, Deut., xii, 15; xiv, 5, etc.; Septante: δορκάς; Vulgate: caprea.

Gecko, espèce de lézard, désigné, d’après l’opinion commune aujourd’hui, par l’hébreu ’anàqâh, Lev., xi, 30. Voir Musaraigne.

Gerboise. Voir Rat.

Girafe; hébreu: zémér, Deut., xiv, 5; Septante: καμηλοπάρδαλις; Vulgate: camelopardalus (qui correspond exactement au mot «girafe» ). Toutefois identificationdouteuse; le mot zémér désigne plutôt le mouflon à manchettes.

Grenouille; hébreu: ṣefardêʿ, Exod., viii, 3; Ps. lxxvii, 45, etc.; Septante et Nouveau Testament (Ap., xvi, 13): βάτραχος; Vulgate: rana.

Griffon; hébreu: pérés, Lev., xi, 13; Septante: γρύψ; Vulgate: gryps. Toutefois identification douteuse; d’après d’autres, le mot pérés désignerait l’orfraie ou aigle de mer, ou encore le gypaète, espèce de vautour.

Grillon; hébreu: ṣelâṣal, d’après quelques auteurs. Voir Sauterelle, 6.

Grue; hébreu: ‘agur, Is., xxxviii, 14; Jer., viii, 7; Septante: στρουθία; Vulgate: pullus hirundinis et ciconia.

Guêpe; hébreu: ṣir‘âh, Exod., xxiii, 28; Deut., vii, 20, etc.; Septante: σφηκία; Vulgate: vespa, crabo.

Gypaète, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu pérés. Voir Griffon.

Hanneton; hébreu: yéléq, d’après quelques auteurs. Voir Sauterelle, 8.

Hérisson; hébreu: qippôd, Is., xiv, 23; xxxiv, 11, etc.; Septante: ἐχίνος; Vulgate: ericius.

Héron; hébreu: ’anâfâh, Lev., xi, 19; Deut., xiv, 18, d’après l’interprétation la plus commune. Toutefois les Septante et la Vulgate traduisent ’anâfâh par «pluvier», χαραδριός, charadrios, et ils traduisent par «héron» l’hébreu ḥasîdâh. Voir Cigogne.

Hibou; hébreu: ṭaḥmâs, Lev., xi, 16; Deut., xiv, 15; Septante: γλαύξ; Vulgate: noctua. Voir aussi les différentes espèces de hibou: Chevêche, Chouette, Grand duc.

Hippopotame; hébreu: behêmôṭ, Job, xl, 10 (héb. 15). Les Septante ont traduit θηρία, et la Vulgate: behemoth.

Hirondelle, désignée en hébreu par deux mots:

  1. derôr, Ps. lxxxiv, 4; Prov., xxvi, 2.
  2. sîs, Is., xxxviii, 14; Jer., viii, 7.

Les Septante traduisent derôr par τρυγών, στρουθός, et sîs par στρουθία. Vulgate: pullus hirundinis, turtur, passer.

Huppe; hébreu: dûkifaṭ, Lev., xi, 19; Deut., xiv, 18; Septante: ἔποψ; Vulgate: upupa.

Hyène; hébreu: ṣàbûăʿ, Jer., xii, 9; Septante: ὕαινα. La Vulgate a traduit par avis discolor.

Ibex, espèce de bouquetin. Voir ce mot.

Ibis; hébreu: yanšûf, Lev., xi, 17; Septante: ἴβις; Vulgate: ibis. Toutefois cette identification est douteuse; d’après beaucoup d’auteurs, le mot yanšûf signifierait plutôt le grand duc, espèce de hibou, et l’ibis serait désigné par le mot hébreu ṭinšeméṭ.

Lapin, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu šâfan. Ce mot désigne plutôt le daman.

Léopard; hébreu: nâmêr, Is., xi, 6; Hab., i, 8; Septante: πάρδαλις; Vulgate: pardus; Nouveau Testament: πάρδαλις, pardus, Apoc. xiii, 2.

Léviathan. Voir Crocodile.

Lézard; il y en a de plusieurs espèces, désignées par les mots hébreux suivants:

  1. ṣâb. Voir Crocodile terrestre.
  2. ʾanàqâh. Voir Gecko.
  3. kôah, grand lézard ou monitor, Lev., xi, 30, malgré les Septante et la Vulgate, qui traduisent: χαμαιλέων, chamæleon.
  4. letâʾâh, lézard vert, Lev., xi, 30; Septante: χαλαβώτης; Vulgate: stellio (lézard étoilé).
  5. ḥômét, lézard des sables, Lev., xi, 30; Septante: σαῦρα; Vulgate: lacerta.
  6. ṡemâmîṭ, le stellion vulgaire, Prov., xxx, 28; Vulgate: stellio. Toutefois, pour ce dernier mot, qui ne se lit qu’à l’endroit cité des Proverbes, identification douteuse; d’autres traduisent par «araignée» ou plutôt «tarentule», espèce d’araignée. Bochart les réfute, Hierozoicon, Londres, 1663, IV, vii, t. i, p.1083 et suiv.

Licorne, animal fabuleux d’après l’opinion commune. Voir Animaux fabuleux.

Lièvre; hébreu: ’arnébêṭ, Lev., xi, 6; Deut., xiv, 7; Septante: δασύπους; Vulgate: lepus. Limaçon; hébreu: šablûl, Ps. lvii (héb. lviii), 9, malgré les Septante et la Vulgate, qui traduisent κήρος , cera.

Lion, désigné, en hébreu, par les quatre mots suivants: — 1. ʾârî, Num., xxiv, 9, etc.; Septante: XImv; Nouveau Testament: λέων, Hebr., xi, 33; 1 Pet., v, 8, etc.; Vulgate: leo. — 2. lâbiʾ, Gen., xlix, 9, etc.; Septante σκύμνος (lionceau) et λέων; Vulgate: leo. — 3. layiš, Is., xxx, 6; Job, IV, 11, etc.; Septante et Vulgate: λέων, leo. — 4. šahal Job, iv, 10; x, 16, etc.; Septante et Vulgate: λέων, leo. Ces trois derniers mots sont «poétiques»; le dernier, šahal, a un sens différent dans quelques autres endroits de l'Écriture.

Lionceau, désigné par les deux mots suivants: —1. lionceau encore à la mamelle: gûr, Ez., xix, 2, 3, 5, etc.; Septante: σκύμνος; Vulgate: leunculus. — 2. lionceau sevré: kefîr, Jud., xiv, 5, etc.; Septante: tantôt σκύμνος, tantôt λέων; Vulgate: catulus leonis.

Loup; hébreu: zeʾêb, Gen., xlix, 27, etc.; Septante et Nouveau Testament (Matth., x, 16; Luc, x, 3, etc.): λύκος; Vulgate: lupus.

Martinet, espèce d’hirondelle. Voir ce mot.

Milan; hébreu: dâʾâh, Lev., xi, 14; Deut., xiv, 13; Septante: γύψ; Vulgate: milvus.

Moineau, comme «passereau». Voir ce mot.

Monitor, grand lézard. Voir Lézard.

Mouche; deux mots hébreux désignent la mouche ouses espèces, comme le taon, l'œstre du cheval, du bœuf, etc.: — 1. ʿârôb, Ex., viii, 21 (héb. 17), etc.; Septante: κυνόμυια; Vulgate: musca. — 2. zébûb, Is., vii, 18; Eccl., x, 1; Septante: μυῖα; Vulgate: musca.

Mouche de l’olive, dacus oleæ, insecte ailé qui ronge le fruit de quelques arbres, surtout de l’olivier; hébreu: ṣelâṣal, Deut. xxviii, 40-42; Septante: ἐρισύβη; Vulgate: rubigo.

Moucheron; Nouveau Testament: κώνωψ, Matth., xxiii, 21; Vulgate: culex.

Mouette; hébreu: šaḥaf, Lev., xi, 16; Deut., xiv, 15; Septante: λάρος; Vulgate: larus. D’après d’autres auteurs, le mot šaḥaf signifierait coucou.

Mouflon, désigné, d’après beaucoup d’auteurs, par l’hébreu zémér, Deut., XIV, 5. Voir Girafe.

Moustique, espèce de cousin. Voir ce mot.

Mouton. Voir Brebis.

Mulet, mule; hébreu: péréd, II Reg., xviii, 9; III Reg., I, 33, etc.; féminin: pirdâh, III Reg., i, 33, 38, 44; Septante: ἑμίονος; Vulgate: mulus, mula. Le mulet estencore désigné très probablement par le mot hébreu, pluriel, ʾâḥašṭerânîm, Esther, viii, 10.

Musaraigne; hébreu: ănâqâh, Lev., xi, 30; Septante: μυγάλη; Vulgate: mygale. Le mot hébreu signifie plutôt le gecko. Voir ce mot.

Œstre, espèce de mouche. Voir Mouche.

Oie; compris probablement dans le mot hébreu: barburîm, I (III) Reg., v, 3, qui paraît signifier «oiseaux engraissés»; les Septante traduisent: ἐκλεκτοί, «choisis,» et la Vulgate, III Reg., iv, 23: aves altiles.

Orfraie, aigle de mer. Voir ce mot.

Oryx, espèce d’antilope; hébreu: ṭeʾô, Deut., xiv, 5; Is., li, 20; Septante: ὄρυξ; Vulgate: oryx.

Ours; hébreu: dôb, I Reg., xvii, 34, 36, etc.; II Reg., xvii, 8, etc.; Septante: ἄρκτος ou ἄρκος; ; Nouveau Testament: ἄρκος , Apoc. XIII, 2; Vulgate: ursus.

Paon; hébreu, pluriel: ṭukkiyîm, III Reg., x, 22; Il Par., ix, 21; Septante (Codex alexandrinus): ταῶνες; Vulgate: pavos.

Papillon. Voir Teigne.

Passereau, nom générique renfermant un bon nombred’espèces; hébreu: ṣippôr, Lev., xiv, 4, 49; Ps. ci (héb. en), 8, etc.; Septante et Nouveau Testament (Matth., x, 29, 31; Luc, xii, 6): στρουθίον; Vulgate: passer.

Pélican; hébreu: qâʾâṭ, Lev., xi, 18; Deut., xiv, 17 (Vulgate, 18), etc.; Septante: πελεκάν; Vulgate: onocrotalus (pelicanus, Ps. ci, 7).

Perdrix; hébreu: qôréʾ, I Reg., xxvi, 20; Jer., xvii, 11; Septante: I Reg., νυκτικόραξ; Jer., πέρδιξ; Vulgate: perdix.

Pigeon. Voir Colombe.

Plongeur; hébreu: šâlâk, Lev., xi, 17; Deut., xiv, 17; Septante: καταῤῥάκτης; ; Vulgate: mergulus; d’après d’autres, le mot šâlâk signifie le cormoran.

Pluvier; hébreu: ʾânâfâh, au moins d’après les Septante et la Vulgate. Voir Héron.

Poisson; hébreu: dag, terme générique. Aucune espèce n’est désignée dans la Bible. Septante et Nouveau Testament: ἰχθύς; Vulgate: piscis. Toutefois l’Ancien Testament signale «les grands poissons» (voir Cétacés), et le Nouveau Testament signale «les petit* poissons», ἰχθύδια, pisciculi. Matth., xv, 34; Marc, viii, 7.

Porc; hébreu: ḥǎzîr, Lev., xi, 7, etc.; Septante: ὔς; Vulgate: sus; Nouveau Testament: tantôt ὔς, II Pet., ii, 22; Vulgate: sus; tantôt χοῖρος, Matth., vii, 6; Marc, v, 11-13, etc.; Vulgate: porcus.

Porc-épic; hébreu: šâfân, Lev., xi, 5; Deut., xiv, 17; Septante: χοιρογρύλλος; Vulgate: chœrogryllus. Toutefois identification douteuse. Le šâfân est plutôt le daman, hyrax syriacus, et le porc-épic serait désigné, en hébreu, par le même mot, qippôd, que le hérisson; en effet, ces deux animaux, à l’extérieur, paraissent n'être que deux variétés d’une même espèce.

Porphyrion; hébreu: râḥâm, Lev., xi, 18, d’après la traduction inexacte des Septante: πορφυρίων, et de la Vulgate: porphyrio. Le mot râḥâm signifie plutôt le vautour égyptien.

Pou; hébreu: kinnîm, Ex., viii, 16-19; Ps. civ, 31, d’après plusieurs commentateurs. Voir Cousin.

Poule. Voir Coq.

Poule sultane ou porphyrion. Voir ce dernier mot.

Puce; hébreu: parʿôš, I Reg., xxiv, 15; xxvi, 20; Septante: ψύλλος; Vulgate: pulex.

Python, grand serpent venimeux; hébreu: ṣifʾôni, Is., xi, 8; lix, 5, etc.; Septante: ἀσπὶς βασιλίσκος; Vulgate: regulus.

Rat; hébreu: ʿakbâr, Lev., xi, 29, etc.; Septante: μῦς; Vulgate: mus. Il est probable que ce même mot ʿakbâr désigne encore les autres rongeurs, tels que la souris, la gerboise, la marmotte, le loir, etc.

Renard; hébreu: šûʿal, qui signifie aussi chacal. Jud., xv, 4; Cant. ii, 15, etc.; Septante et Nouveau Testament (Matth., viii, 20; Luc, ix, 58, etc.): ἀλώπηξ; Vulgate: vulpes.

Rhinocéros; hébreu: reʾêm, Num., xxiii, 22; Job, xxxix, 9-12; d’après la traduction inexacte des Septante: μονοκέρως; et de la Vulgate: rhinoceros. Par le reʾêm, on entend communément aujourd’hui l’aurochs, sorte de taureau sauvage.

Sanglier, désigné par le même mot que le porc, ḥǎzîr, Ps. lxxix (héb., lxxx), 14; Septante: σῦς; ; Vulgate: aper.

Sangsue; hébreu: ʿălûqâh, Prov., xxx, 15; Vulgate: sanguisuga. Les Septante n’ont pas traduit ce passage des Proverbes.

Sarcopte, insecte de la gale; hébreu: gârâb, Lev., xxi, 20; Deut., xxviii, 27; Septante: ψώρα ἀγρία Vulgate: scabies.

Sauterelle; neuf mots hébreux désignent la sauterelle ou ses espèces: — 1. ʾarbéh, Ex., x, 4, etc.; Septante: ἀρχίς βροῦχος; Vulgate: locusta, bruchus. — 2. solʿâm, Lev., xi, 22, etc.; Septante: ἀττάκης; Vulgate: attacus. — 3. ḥargôl, Lev., xi, 22, etc.; Septante: ὀφιομάχης; Vulgate: ophiomachus. — 4. ḥâgâb, Lev., xi, 22, etc.; Septante: ἀρχίς; Vulgate: locusta. — 5. gôb, Am., vii, 1; Nah., iii, 17, etc.; gêb, Is., xxxiii, 4; Septante: ἀρχίς; Vulgate: locusta. — 6. ṣelâṣal, Deut., xxviii, 42, etc.: Septante: ἐρυσίβη; Vulgate: rubigo. — 7. gâzâm, Joël, i, 4; ii, 25, etc., «la rongeuse;» Septante. κάμπη; Vulgate: entea. — 8. yéléq, Jer., li, 27; Nah., iii, 16, etc., «la lécheuse;» Septante: ἀρχίς βροῦχος; ; Vulgate: ' bruchus. — 9. ḥǎzîl, III Reg., viii, 37; Is., xxxiii, 4, etc., «la dévoreuse;» Septante: ἐρυσίβη, βροῦχος, ἀρχίς; Vulgate: bruchus, ærugo, rubigo. — Nouveau Testament: ἀρχίς, Matth., iii, 4; Marc, i, 6; Apoc. IX, 3, 7; Vulgate: locusta.

Scorpion; hébreu: ʿaqrâb, Deut., viii, 15; III Reg., xii, ii, etc.; Septante et Nouveau Testament: σκορπίος; Vulgate: scorpio.

Serpent, terme générique qui désigne tous les ophidiens; hébreu: nâḥâṡ, Gen., iii, 4, etc.; Septante: ὄφις Vulgate: serpens. La Bible signale, de plus, cinq espèces de serpents: le céraste, l’aspic, le python, la vipère (voir Serpent), et une espèce non encore identifiée d’une manière certaine, ʿakšûb, Ps. cxxxix (cxl), 4; Septante: ἀσπίς; Vulgate: aspis.

Singe; hébreu: qôf, III Reg., x, 22; II Par., rx, 21; Septante: πίθηκος; Vulgate: simia.

Souris. Voir Rat.

Stellion, espèce de lézard. Voir ce mot.

Taon, espèce de mouche. Voir Mouche.

Tarentule, espèce d’araignée désignée, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu ṡemâmît, Prov., xxx, 28. Voir Lézard.

Taupe; hébreu: ṭinšeméṭ, Lev., xi, 30, au moins d’après les Septante et la Vulgate, qui traduisent ἀσπάλαξ et talpa. Le mot hébreu ṭinšeméṭ désigne ici plutôt le caméléon. La Vulgate traduit aussi par talpæ le mot hébreu ḥăfarpêrôṭ, Is., ii, 20; cette identification est encore douteuse.

Taureau. Voir Bœuf.

Teigne, signifiée par deux mots hébreux: — 1. ʿâš, Job, iv, 19; xiii, 28; xxvii, 18, etc.; Septante et Nouveau Testament: σής; Vulgate: tinea. — 2. sâs, Is., li, 8, etc.; Septante: σής; Vulgate: tinea.

Tortue; hébreu: ṣab, Lev., xi, 29, d’après quelques auteurs. Voir Crocodile terrestre.

Tourterelle; hébreu: ṭôr, Gen., xv, 9, etc.; Septante: τρυγὼν; Vulgate: turtur.

Vache marine. Voir Dugong.

Vautour; hébreu: ʾayyâh, Lev., xi, 14; Deut., xiv, 13; Septante: ἵκτιν; Vulgate: vultur; d’après quelques auteurs, le mot ʾayyâh signifierait plutôt le faucon. Le vautourest quelquefois signifié par le mot néšer, pur exemple, Michée, i, 16.

Vautour égyptien, ou percnoptère stercoraire; hébreu: râḥâm, Lev., xi, 18, malgré la traduction des Septante: πορφυρίων, et de la Vulgate: porphyrio.

Veau. Voir Bœuf.

Ver, désigné par deux mots hébreux: — 1. rimmâh, Exod., xvi, 24; Is., xiv, 11; Job, vii, 5, etc. — 2. ṭôlaʿâṭ, Exod., xvi, 20; Deut., xxviii, 39; Ps. xxi (héb., xxii), 7, etc. — Les Septante ont traduit partout σκώληξ, (mot qui se lit aussi dans le Nouveau Testament: Marc, ix, 44, 46, 48 (Vulgate, 43, 45, 47), etc.), et la Vulgate: vermis. Les termes hébreux sont très généraux et comprennent, non seulement les «vers» proprement dits, mais encore une multitude d’insectes, chenilles, myriapodes, scolopendres, etc.

Vipère; hébreu: ʾéfʿéh, Job, xx, 16; Is., xxx, 6, etc.; Septante: ὄφις, ἀσπίς; Vulgate: aspis, vipera.

Vipére-aspic; Nouveau Testament: ἔχιδνα, Act., xxviii, 3; Matth., iii, 7, etc.; Vulgate: vipera.

Bibliographie. — Samuel Bochart, Hierozoicon, Londres, 1603, 21n-f°; Opera omnia, Leyde, 1712, 3 vol. in-f°; les deux derniers volumes renferment l’Hierozoicon; Hierozoicon, Leipzig, 1793-1796, édition donnée et annotée par Rosenmüller, 3 in-4o; Œdmann, Sammlungen aus der Naturkunde zur Erklärung der heil. Schrift, publié en suédois, 4 in-8°, Upsal, 1785-1794, traduit en allemand par Groning et revu par Michælis, 1799; Rosenmüller, Biblische Naturgeschichte, dans son Handbuch der bibl. Alterthumskunde, 4 in-8°, Leipzig, 1818-1820, t. iv, part, n; Th. M. Harris, Natural History of the Bible, in-8o, Londres, 1824; nouvelle édit. par J. Couder, avec illustrations, in-12, Londres, 1833-1834; W. Carpenter, Scripture natural History, in-8o, Londres, 1828; une traduction latine de cet ouvrage est insérée dans Migne, Scripturæ Sacræ cursus completus, t. iii, col. 491-790. H. Tristram, Natural History of the Bible, in-12, 8e édit. Londres, 1889; Arnaud, La Palestine ancienne et moderne, in-8o, Paris, 1808, p. 313 et suiv.; Pierotti, La Palestine actuelle dans ses rapports avec la Palestine ancienne, Paris, 1865, p. 1-82; J.-B. Glaire, Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, 2\{\{e\}\} édit., in-8°, Paris, 1843, t. ii, p. 76-131; P. Cultrera, Fauna Biblica, ovvero Spiegazione degli animali menzionati nella Sacra Scritlura, in-8°, Palerme, 1880; Wood, Animals of the Bible, 2e édit., in-8°, Londres, 1883; Hart, The animals mentioned in the Bible, in-16, Londres, 1888, dans la collection des By Paths of Bible Knowledge, t. xi; A. E. Knight, Bible plants and animals, in-12, Londres, 1889; Trochon, Introduction générale à la Bible, Paris, 1887, t. ii, p. 87-132; Fillion, Atlas d’histoire naturelle de la Bible, in-4o, Paris, 1884.

S. Many.

2. ANIMAUX FABULEUX. Cette expression désigne desanimaux qui n’ont jamais existé, et qui ne sont que lefruit de l’imagination populaire; celle-ci les a admis par ignorance ou les a créés pour symboliser des vices, des passions, ou bien certaines forces ou puissances. On trouve des animaux fabuleux dans la littérature ou sur les monuments de tous les peuples anciens. On en trouve aussi dans la Bible, mais seulement dans la traduction des Septante et dans la Vulgate, et non dans le texte original. En voici la liste par ordre alphabétique. Quant à la question de savoir quels sont les véritables animaux dont les interprètes ont fait des êtres imaginaires, voir l’article consacré à chacun de ces animaux fabuleux.

Dragon; ce mot (hébreu: ṭannin et ṭannim; Septante: δράκων; Vulgate: draco) désigne dans la Bible un animal réel du genre des serpents ou de l’ordre des cétacés; mais, tel qu’il est souvent représenté sur les monuments de l’antiquité avec des ailes, des pieds, des griffes, etc., le dragon est un animal fabuleux. C’est dans ce sens qu’il est pris dans l’Apocalypse, mais seulement comme emblème du démon, δράκων (Vulgate: draco). Apoc. xii, 3-17; xiii, 2, 4, 11; xvi, 13; xx, 2.

Faune; le mot faunus se trouve une fois dans la Vulgate, Jer., L, 39 (hébreu: ʾiyyîm, «les hurleurs, les chacals» ). Les Septante ont traduit, Jer., l (xxvii), 39, faussem*nt 'îyyîm par ἐν νήσοις et ṣîyim (bêtes sauvages) par ἰδάλματα , «fantômes.»

Fourmi-lion, (μυρμυκολέων, se trouve une fois dans les Septante, Job, iv, 11, qui ont traduit ainsi le mot hébreu layis. D’après beaucoup d’auteurs, le myrmécoléon est un animal fabuleux; d’après Bochart, ce serait un animal réel, une espèce de lion. Hierozoicon, Leyde, 1692, t. ii, p. 813-816. La Vulgate a traduit avec raison l’original hébreu par «lion».

Griffon; le griffon, tel qu’il est souvent représenté sur les monuments anciens, c’est-à-dire sous la forme d’un quadrupède avec des griffes et des ailes, est un animal fabuleux. Les Septante et la Vulgate ayant traduit par γρύψ, gryps, c’est-à-dire «grillon», le mot hébreu pérés, Lev., xi, 13, et Deut., xiv, 12, plusieurs auteurs ont prétendu que Moïse avait défendu aux Hébreux de manger de la chair d’un animal qui n’existait pas; mais le mot pérés désigne certainement un oiseau réel. Voir Griffon.

Lamie. Ce mot se trouve deux fois dans la Vulgate. Is., xxxiv, 14; Thren., iv, 3 Dans Isaïe, l’hébreu porte lîlîṭ (Septante: ὀνοκενταύρος), voir lîlîṭ; dans les Lamentations, l’hébreu porte ṭannin (Septante: δράκοντες).

Licorne, animal très probablement fabuleux, auquel on ne donne qu’une corne au milieu du front, d’où son nom μονόκερως, unicornis. Le mot μονόκερως se trouve sept fois dans les Septante: Num., xxiii, 22; Deut., xxx, 17; Job, xxxix, 9; Ps. xxi, 22; xxviii, 6; lxxvii, 69; xci, 11; et cinq fois dans la Vulgate, aux quatre psaumes indiqués, et, de plus, dans Isaïe, xxxiv, 7. Le mot hébreu correspondant est reʾêm, qui ne désigne certainement pas la licorne, mais, d’après l’opinion commune aujourd’hui, l’aurochs, espèce de taureau sauvage.

Onocentaure, être fabuleux moitié homme, moitiéâne. Le mot ὀνοκενταύρος se trouve quatre fois dans les Septante: Is., xxxiv, 11 (hébreu: ʾabnê-bôhû, «les pierres de la solitude»); xiii, 22; xxxiv, 14 (hébreu: ʾiyyîm, «les chacals» ); xxxiv, 14 (hébreu: lîlîṭ), et une fois seulement dans la Vulgate, Is., xxxiv, 14 (hébreu: ʾiyyîm).

Phénix; cet animal fabuleux serait désigné, d’après quelques auteurs, par le mot grec φοῖνιξ, par lequel les Septante ont traduit le mot hébreu ḥôl. Job, xxix, 18. La Vulgate traduit palma, «palmier.»

Satyre; d’après saint Jérôme, In Isaiam, xiii, 21, t. xxiv, col. 159; Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1335, et beaucoup d’autres auteurs, les «satyres» sont désignés, Is., xiii, 21; xxxiv, 14, par le mot hébreu ṡâʿir, pluriel ṡeʿîrîm, que les Septante ont traduit par δαιμόνια, et la Vulgate par pilosi, «velus,» traduction littérale de l’hébreu ṡâʿir, qui appelle ainsi un animal très velu, ordinairement le bouc.

10° Sirène. Le mot σειρήν, «sirène,» être fabuleux, moitié femme, moitié poisson, se trouve six fois dans les Septante: Job, xxx, 29; Is., xiii, 21; xxxiv, 13; xliii, 20; Jer., xxvii (hébreu: l), 39; Mien., i, 8; dans la Vulgate, le mot siren ne se trouve qu’une fois. Is., xiii, 22. Les mots hébreux correspondants sont benôṭ yaʿânâh, traduits ordinairement par «autruches», et ṭannin, traduit souvent par «dragon, serpent». Cf. S. Jérôme, In Isaiam, xiii, 22, t. xxiv, col. 214-216.

11° Tragélaphe. Le mot τραγέλαφος se trouve dans les Septante, Job, xxxix, 1, et dans la Vulgate, tragelaphus. Deut., xiv, 5. Les mots hébreux correspondants sont: Job, sxxix, 1, ʾayyâlâh, «biche;» Deut., xiv, 5, ʾaqqô, espèce de chevreuil. À la suite d’Origène, De princ., iv, 17, t. xi, col. 379, beaucoup d’auteurs ont prétendu que le tragélaphe, tenant à la fois du bouc et du cerf, était un animal fabuleux. Personne ne conteste sérieusem*nt aujourd’hui que les mots hébreux ʾayyâl et ʾaqqô, et le mot grec τραγέλαφος ne désignent des animaux réels.

Sur ces animaux fabuleux voir Bochart, Hierozoicon, 2 in-f°, Leyde, 1692, t. ii, p. 809-844. Quant aux animaux symboliques des visions d'Ézéchiel et de Daniel, voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, t. iv, p. 354-409; 545-560.

S. Many.

3. ANIMAUX IMPURS. La distinction entre les animaux purs et impure est un des caractères spéciaux de la loi mosaïque, et un de ceux qui contribuent le plus à lui donner sa physionomie originale, au moins par rapporta nous. Les textes fondamentaux, en cette matière, sont Lev., xi, et Deut., xiv, 1-21. De plus, dans d’autres passages, Dieu rappelle ces lois et insiste sur leur observance. Lev., xx, 24-26, etc.

I. Nature de la loi sur les animaux impurs. — Ladistinction des animaux puis et impurs regardait premièrement et avant tout l’alimentation: les animaux purs étaient ceux dont les Israélites pouvaient manger la chair; les impurs, ceux dont ils devaient s’abstenir. L’inscription, pour un animal, sur la liste des animaux impurs n’entraînait pour lui, par elle-même, aucun discrédit, aucune dépréciation, à plus forte raison, aucun mépris.L’aigle, le lion, le cheval, etc., sont classés dans lacatégorie des animaux impurs, et cependant l'Écriture, en beaucoup d’endroits, loue leurs qualités et leurs services, et les donne même comme des symboles des vertus morales. En dehors de l’alimentation, les Hébreux pouvaient utiliser les animaux impurs pour différents services; il suffît de citer l'âne et le chameau, les deux bêtes de somme les plus communes chez les Hébreux; mais, dès qu’il s’agissait de l’alimentation, les épithètes les plus énergiques s’accumulaient pour inspirer aux Israélites la répugnance et l’horreur pour la chair de l’animal défendu: l’animal était appelé «immonde, souillé, abominable, exécrable, etc.». Lev., xi, 5, 8, 10, 12, 23, etc. Ce n'était pas là une contradiction: quoi de plus apprécié, chez nous, que le cheval et le chien, qui sont les aides et les compagnons de l’homme dans tous ses travaux? Et cependant, comme aliment, leur chair nous inspire du dégoût.

II. Origines de cette loi. — La première origine historique de cette loi apparaît dès avant le déluge. Gen., vii, 2: «Prenez sept par sept de tous les animaux purs, … et un couple des animaux impurs.» Cf. vii, 8; viii, 20. C’est pourla première fois que nous rencontrons l'épithète d' «impur» appliquée à un animal. D’après sa nature, aucuneespèce d’animal n’est immonde; nous voyons, au contraire, Gen., i, 20-25, qu’au cinquième et au sixième jour de la création, Dieu, après avoir créé les animaux de toute espèce, quadrupèdes, oiseaux, reptiles, etc., vit que «tout était bon». Toutefois ce qui est bon d’une manière générale peut ne l'être pas sous tel ou tel rapport particulier; un animal peut être excellent pour la course, le travail, etc., mais sa chair, comme nourriture, peut être ou paraître nuisible; dans ce cas, il sera traité d’impur et d’immonde. Cette dénomination vient donc de l’appréciation de l’homme; et cette appréciation elle-même se forme, généralement, par l’observation faite des mœursde l’animal. L’homme, remarquant dans tel animal desmœurs sensuelles, brutales, cyniques, ou bien, le voyantse nourrir d’aliments immondes et dégoûtants, commede boue, de cadavres, etc., le croit naturellement impropre à servir de nourriture, et le qualifie d’impur. D’autres considérations, soit physiques, soit même morales ou religieuses, ont pu donner naissance à la même appréciation: par exemple, le souvenir du premier homme tenté et trompé par le serpent a pu contribuer à faire déclarer immonde toute la classe des reptiles.

Or ces différentes appréciations se formèrent et se développèrent dès avant le déluge, si bien qu'à cette époque reculée, il y avait déjà diverses catégories d’animaux qualifiés d’impurs. De là les expressions que nous avons relevées Gen., vii, 2, et viii, 20. Nous savons que plusieurs auteursdisent que Moïse a parlé ainsi «par anticipation»; cette opinion est déjà signalée par Alphonse Tostat, Commentaria in Genesim, vii, Venise, 1596, p. 39; d’après eux, Dieu aurait désigné à Moïse les espèces d’animaux dont il voulait sauver sept couples, et celles dont il ne voulait sauver qu’un couple; or, plus tard, du temps de Moïse, les premières espèces furent appelées pures, les autres, impures; en sorte que Moïse, publiant à ce moment son ouvrage que nous appelons la Genèse, a pu leur donner cette qualification. Mais cette explication paraît forcée; ilserait bien étrange que précisément toutes les espèces, et celles-là seules, dont Dieu ne sauvait qu’un couple, fussent plus tard déclarées impures; il est plus naturel de penser que si Dieu ne voulut sauver du déluge qu’un couple des espèces impures, c’est que déjà, à cette époque, elles étaient regardées comme telles, et qu’ainsi un moins grand nombre d’individus de ces espèces pouvait suffire, les animaux impurs ne servant ni aux sacrifices, iii, en général, à l’alimentation. Cette opinion est soutenue par Pererius, In Gen., vii, t. ii, p. 175; Cornélius a Lapide, In Gen., vii, 2. Remarquons cependant qu’au point de vue del’alimentation, les animaux impurs, avant Moïse, n'étaient pas défendus par une loi positive, puisque Dieu lui-même permet à Noé la chair de tous les animaux, Gen., rx, 4; ce n'était sans doute qu’une coutume pieuse, observée seulement dans les familles les plus fidèles au culte du vrai Dieu. Pererius, In Gen., vii, t. ii, p. 175.

Après le déluge, la distinction des animaux purs et impurs s’accentua et se propagea. Nous la trouvons chez les Égyptiens, dès les temps les plus antiques; au temps où Joseph gouvernait l’Égypte, nous voyons, Gen., xliii, 32, les Égyptiens refuser non seulement de manger les mêmesmets que les enfants de Jacob, mais même de les admettreà leur table, en sorte qu’il fallut dresser plusieurs tables séparées. Les Égyptiens s’abstenaient de la chair des animaux pour différents motifs, tantôt parce qu’ils étaient sacrés et les objets de leur culte, comme le bœuf, la brebis, la chèvre, tantôt parce qu’ils étaient regardés comme impurs; par exemple, la vache, la tourterelle, différents poissons. Porphyre, Περὶ ἀποχῆς,; (de l’abstinence), 1. iv, § 7. Les prêtres égyptiens portaient le zèle plus loin encore.D’après Chérémon (dans Porphyre, endroit cité), ilss’abstenaient de tous les poissons, des oiseaux de proie, et des quadrupèdes qui n’ont pas de corne au pied ou dont le sabot est entier ou divisé en plus de deux parties; plusieurs d’entre eux s’abstenaient de toute chair d’animal.

Nous trouvons dans les lois de Manou des prescriptionssemblables à celles de Moïse: «Que tout Dwidja (Indien «régénéré», initié) s’abstienne des oiseaux carnivoressans exception, des oiseaux qui vivent dans les villes, des quadrupèdes au sabot non fendu, excepté ceux que permet la Sainte Écriture (les Védas), de l’oiseau appelé tittibha, du moineau, du plongeon, du cygne, du coq de village, du pivert, du perroquet, des oiseaux qui frappent avec le bec, des oiseaux palmipèdes…, de la chair du héron, du corbeau, des animaux amphibies mangeurs de poissons, des porcs apprivoisés, etc. (Lois de Manou, 1. v, st. 11-14, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 379.)

La distinction des animaux purs et impurs était aussiconnue des Arabes. Les anciens Arabes ne mangeaientjamais de viande de porc. G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. v, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, p. 515. Aussi Mahomet s’empressa-t-il de reproduire, et plusieurs fois, cette défense dans le Koran, II, 168; v, 4; vi, 146; xvi, 116. Niebuhr, Description de l’Arabie, t. i, p. 250-251 de la traduction française, donne une longue liste des animaux regardés comme impurs par les Arabes, au moins dans plusieurs régions de l’Arabie. D’après Plutarque, Συμπόσιον, Festin des sept Sages, viii, q. 8, les Syriens et les Grecs s’abstenaient de poisson.César dit que les anciens Bretons regardaient commeimpurs le lièvre, la poule et l’oie, et s’abstenaient deleur chair. De bello Gallico, v, 12, édit. Lemaire, Paris, 1819, t. i, p. 184. La distinction des animaux purs et impurs se trouvant ainsi chez, un grand nombre de peuples, il n’est pas étonnant que nous la rencontrions aussi chez les Hébreux.

III. Motifs de cette loi. — Que s’est proposé Moïse, ou plutôt Dieu lui-même, en faisant cette distinction au point de vue de l’alimentation? Le grand nombre d’opinions qui se sont produites sur ce point parmi les savants montre l’intérêt qu’a provoqué cette partie de la législation mosaïque, mais aussi la difficulté qu’il y a à l’éclaircir.

Quelques auteurs, par exemple, von Bohlen, In Gen., vii, 2, ont dit que cette distinction entre les animaux reposait sur une conception dualiste ou manichéenne de la création. Cette explication est inadmissible, puisque Moïse lui-même, qui fait cette distinction, reconnaît que toute la création était bonne, et particulièrement les animaux. Gen., i, 21, 25.

D’autres ont dit que la chair de certains animaux souillait l'âme humaine directement, immédiatement, et par elle-même, et que pour cela Moïse les avait interdits. Spencer, De Legibus Hebræorum ritualibus, La Haye, 1686, lib. i, c. v, sect. I. p. 76-77, attribue cette opinion à différents auteurs, surtout juifs. Cf. Bertramus, De Republica Hebræorum, Leyde. 1641. p. 347 et suiv. Nous nenous arrêtons pas à réfuter cette opinion. Cf. Matth., xv, 11-20: Marc, vii, 15.

D’autres prétendent que ces animaux souillent l'âme, au moins indirectement, c’est-à-dire en développant dans le? corps certaines dispositions morbides, qui donnentnaissance à certains vices, et par suite à certains péchés; ainsi la chair d’un animal voluptueux fera naître dans l’homme des instincts sensuels; la chair d’un animal vindicatif développera dans l’homme l’instinct de la colère. Voilà pourquoi, disent-ils, Moïse a défendu tels ou tels animaux qu’il pensait être plus ou moins dangereux sous ce rapport. Michælis, Mosaisches Recht, § 203, t. iv, p. 200, signale et combat cette explication. Sans doutel’alimentation peut avoir une certaine influence générale sur le tempérament physique et par suite sur le moral; mais, comme le prouve l’expérience, cette influence ne peut aller jusqu'à communiquer à l’homme les vices de l’animal dont il se nourrit. Si les Arabes sont enclins à la vengeance, ce n’est pas parce qu’ils mangent de la chair de chameau, animal très vindicatif, mais plutôt par fierté traditionnelle; les peuples du sud de l’Europe sont très vindicatifs, et ne mangent d’aucun animal signalé spécialement pour ce vice. Nous mangeons de plusieurs animaux défendus aux Juifs; on ne voit pas quels vices cette nourriture autrefois prohibée développe en nous.

D’après Origène, le but de Moïse a été d'éloigner lesHébreux de l’idolâtrie, en déclarant impurs les animauxque les Égyptiens regardaient comme «divinatoires», parce qu’ils étaient employés par leurs prêtres à la divination. Contra Celsum, iv, 93, t. xi, col. 1171. Cette explication n’est guère plausible; Moïse, voulant provoquer le mépris des Hébreux pour ces animaux vénérés par les Égyptiens, n’avait pas besoin de les déclarer impurs; il aurait atteint le même but, en permettant aux Hébreux defaire cuire ces animaux et de se les mettre sous la dent. C’est ce qu’il fit pour d’autres animaux encore plus vénérés par les Égyptiens: le bœuf, le bélier, etc., adorés en Egypte et rôtis en Israël.

Théodoret accepte et développe l’opinion d’Origène.D’après lui, Dieu, prévoyant la stupide idolâtrie danslaquelle tomberaient les hommes en allant jusqu'à adorerdes animaux, voulut préserver de cette folie les Hébreux: en conséquence, il leur permit de manger la chair desanimaux, afin qu’ils ne fussent pas portés à adorer cequ’ils mangeraient; et même il en déclara plusieursespèces impures, afin qu’ils conçussent pour elles encore plus de mépris. In Gen., q. 55, t. lxxx, col. 158; In Lev., q. 1, t. lxxx, col. 299. Quoique cette interprétation soit ingénieuse, et qu’il puisse y avoir en elle quelques parcelles de vérité, cependant la distinction des animaux purs et impurs ne paraît pas suffisamment expliquée, attendu qu’il y a, dans la catégorie des impurs, bien des animaux qui n’ont jamais été adorés chez les Égyptiens, ni ailleurs.

Plusieurs auteurs disent que, par cette distinction desaliments, Moïse voulait morigéner et mater le peuplehébreu, toujours prêt au murmure et à la révolte, et lu^donner ainsi fréquemment l’occasion de pratiquer l’obéissance, la tempérance, etc. Cf. Cornélius a Lapide, In Lev., xi, 2. Cette explication a le tort de convenir, non seulement à la loi qui nous occupe, mais encore à toute la législation mosaïque. En expliquant tout, elle n’explique rien.

Un bon nombre d’auteurs ecclésiastiques, et même dePères de l'Église donnent à cette loi de Moïse une explication symbolique. Les animaux qu’il interdit représentent différents vices, contre lesquels il prémunit les Hébreux; ainsi le porc désigne l’impureté; le cygne, l’orgueil; les oiseaux de proie, le vol et la rapine; le lièvre, la pusillanimité, etc., etc. C’est l’explication que le grand prêtre Éléazar donnait aux envoyés de Ptolémée Philadelphe (284-247), si l’on peut en croire les extraits d’Aristée que nous a conservés Eusèbe, Prœpar. evang., viii, 9, t. xxi, col. 626-635. C’est aussi l’explication que donne l’auteur de la lettre attribuée à saint Barnabe; voir surtout le chapitre x. Opera Patrum apostolicorum, édit. Funk, Tubingue, 1881, p. 31-35. Novatien entre sous ce rapport dans des détails minutieux, et assigne à chaque animal interdit le vice qu’il est chargé de personnifier. Novatien, De Cibis judaicis, c. iii, t. iii, col. 356 et suiv. Cf. Clément d’Alexandrie, Pœdag., ii, 10, t. viii, col. 498 et suiv.; S. Cyrille d’Alexandrie, Cont. Julian., lx, circa finem, t. lxxvi, col. 983 et suiv.; S. Augustin, Cont. Adimantum, xv, 1, t. xlii, col. 152; Bède, In Lev., xi, t. xci, col. 345. Tout le monde sait combien cette interprétation symbolique était en vogue dans les premiers siècles de l'Église, surtout dans l'école judéo-alexandrine. Cf. F. Vigouroux, Manuel biblique, Paris, 1890, 1. 1, p. 299 et suiv., p. 313 et suiv. Voir Alexandrie 2. Mais de même que, dans les faits historiques, la signification allégorique n’exclut pas, et, au contraire, suppose l’explication littérale; ainsi, dans la loi, l’interprétation symbolique, non seulement n’exclut pas, mais au contraire suppose l’interprétation littérale. Moïse a pu avoir pour but, dans ses lois sur les animaux impurs, d'éloigner son peuple de certains vices; mais pourquoi, voulant atteindre ce but, a-t-il choisi comme moyen un procédé symbolique? Et pourquoi, de tous les procédés symboliques qui pouvaient se présenter à son esprit, a-t-il préféré celui dont il s’agit, c’est-à-dire la distinction des animaux en deux catégories?C’est ce que ne dit pas l’explication allégorique, et c’est pourquoi, si elle a du vrai, elle n’est pas complète.

Voici, croyons-nous, les deux buts principaux queMoïse s’est proposés dans ses lois sur la distinction des animaux par rapport à l’alimentation. D’abord il a voulu séparer plus complètement son peuple des idolâtres au milieu et à côté desquels il devait vivre, et lui imprimer ainsi un caractère de sainteté qui le grandirait à ses propres yeux. Le but principal de la législation mosaïque a été de conserver dans Israël le culte du vrai Dieu, et par conséquent de le détourner à tout prix de l’idolâtrie. Le moyen général pris par Moïse pour atteindre ce but a été de «séparer» les Israélites des peuples idolâtres qui étaient leurs voisins. Remarquons que Dieu lui-même, dans le même but, a séparé physiquement son peuple de tous ses voisins, en le cantonnant dans un petit pays environné de toutes parts soit par la mer, soit par des rivières, soit par des montagnes ou des déserts. Cette séparation physique, quoique efficace, ne suffisait pourtant pas, soit parce que, après tout, les Israélites ou les étrangers pouvaient franchir la barrière qui les séparait, soit parce que des étrangers idolâtres vivaient au milieumême des Israélites ou dans un voisinage très rapproché.Jud., ii, 3; 20-23; iii, 1-5. Il fallut donc, outre la séparation physique, une séparation morale. Or, un des moyens, parmi beaucoup d’autres, de cette séparation morale, c’est la loi dont nous parlons. Afin de rendre plus difficiles, plus rares, et moins intimes les relations de son peuple avec les idolâtres, ses voisins, Moïse lui défend de manger de plusieurs espèces d’animaux dont pouvaient manger ces idolâtres; il déclare ces animaux, au point de vue de l’alimentation, impurs et exécrables; il ne veut pas que les Israélites en souillent leur corps et leur âme. Lev., xi, 43. Aussi, c’est cette idée de séparation, et, en conséquence, de sainteté, qui se manifeste chaque fois que Dieu propose cette loi à son peuple: «Je suis, leur dit-il, le Seigneur votre Dieu, qui vous ai séparés de tous les peuples; séparez donc aussi vous-mêmes les animaux impurs de ceux qui sont purs… Ainsi vous serez saints, parce que je suis saint, moi, le Seigneur, et que je vous ai séparés de tous les peuples, afin que vous fussiez à moi.» Lev., xx, 25-26. Cf. Deut., xiv, 2-3.

Quelques auteurs, par exemple, Saalschütz, Das Mosaische Recht, Berlin, 1853, k. 28, p. 251, trouvent étrange ce moyen de séparer un peuple de ceux qui l’environnent. Oui, peut-être ce moyen paraît étrange, quand on raisonne d’après nos mœurs actuelles, qui ne mettent d’autres limites à notre liberté de manger de toute espèce de viandes que celles qui sont posées par l’hygiène et les instincts de la nature; mais quand on se transporte dans les temps et dans les lieux où vivaient les Israélites, ce moyen, au contraire, paraît tout naturel, puisqu’il était, comme nous l’avons vii, dans les idées et les goûts des peuples environnants, et dans les traditions du peuple hébreu lui-même.

Quant à l’efficacité de ce moyen de séparation morale, elle est hors de doute. Il est certain que c’est surtout à table que se forment, se maintiennent, et se développent les relations, principalement les relations d’amitié. Quand les habitants d’un pays, par suite des prescriptions alimentaires qui les régissent, ne peuvent ni recevoir à leur table les habitants du pays voisin, ni accepter d’invitation chez eux, l’intimité est à peu près impossible entre eux.Ils auront, pour le commerce, l’industrie, les rapportsindispensables qu’exige la nature des contrats ou desmarchés dont l’occasion se présente; mais tout se bornera là; il n’y aura pas, ou presque pas, d’influence morale réciproque, et chacun des deux peuples gardera sa tradition, ses coutumes, ses mœurs. Ces réflexions sont confirmées par l’expérience. Le but que Moïse s’est proposé a été atteint; nous pourrions même dire qu’il a été dépassé. Les Juifs sont restés séparés des païens leurs voisins; ils n’ont eu avec eux que les rapports nécessaires; les rapports plus intimes leur paraissaient prohibés; ils disaient ouvertement qu’il leur était défendu d’avoir commerce avec les étrangers, de manger avec eux, etc. Act., X, 28; XI, 3. Notre-Seigneur lui-même, qui mangea quelquefois avec des publicains, ne put échapper au blâme des Juifs. Marc, ii, 16; Luc, xv, 2. Bien plus, mettant le comble à l’exagération, les Juifs sont allés jusqu'à regarder comme immondes, non seulement les aliments des païens, mais les païens eux-mêmes, en sorte que, à leurs yeux, le contact physique avec ceux-ci faisait encourir une impureté légale. C’est pourquoi les Juifs, le jour de la mort de Notre-Seigneur, ne veulent pas entrer dans le prétoirede Pilate, afin de ne pas se souiller., Toa., xviii, 28.

Aussi les Gentils, mis, pour ainsi dire, au ban de lasociété par les Juifs, leur rendent volontiers la pareille, et signalent, non sans une pointe d’ironie, leur isolement volontaire. C’est ce que nous voyons, par exemple. dans le 3e livre (historique, quoique non canonique) des Machabées, ch. iii. C’est ce que nous lisons aussi dans Philostrate, De Vita Apollonii Thyanæi, v, 2: «Les Juifs, dit-il, dès l’antiquité, se sont séparés non seulement des Romains, mais encore de tout le genre humain; car ils ont imaginé un genre de vie si séparé, qu’ils n’ont rien de commun avec personne, ni la table, ni la prière, ni les sacrifices.» Beaucoup d'écrivains signalent cette tendance des Juifs à vivre séparés de tout le monde. Tacite, Hist., v, 5; Justin, Hist., xxxvi, 2. Les écrits de Josèphe font souvent allusion à cette aversion des Gentils contre les Juifs, occasionnée par la «vie séparée» de ceux-ci; voir surtout Cont. Apion., ii, 36, etc. Cf. Selden, De Jure naturali, Wittenberg, 1770, ii, 5, p. 177-179. Ainsi les Juifs avaientexagéré la portée de la loi de Moïse sur la distinction des aliments; mais cela n’en montre que mieux l’efficacité de cette prescription par rapport au but que se proposait leur législateur. Ce but de Moïse, dans la loi qui nous occupe, est bien exposé par Michælis, Mosaisches Recht, § 203, t. iv, p. 193-200, dont les conclusions sont suivies par Rosenmüller, In Lev., xi, 1.

Le second but principal des prescriptions de Moïse surla distinction des animaux, c’est l’hygiène. On a prétendu que Moïse, dans les prescriptions dont il s’agit, n’avait tenu aucun compte de l’hygiène et qu’il avait sacrifié à un vain symbolisme la santé publique d’Israël. C’est le contraire qui est vrai. Les hommes les plus compétents dans la science médicale s’accordent à reconnaître que, non seulement aucune des prescriptions mosaïques sur l’alimentation n’est opposée aux règles de l’hygiène, mais, au contraire, que toutes favorisent singulièrement la santé publique et sont très propres à prévenir les maladies, qui pourraient être si fréquentes dans la partie de l’Orient habitée par les Juifs. Voici ce que dit, à ce sujet, le Dr Guéneau de Mussy: «Moïse ne s’est pas contenté de jeter lesbases de l’hygiène sociale; il est entré dans des détails plus intimes qui nous font admirer la sagacité de ses observations et la sagesse de ses préceptes. Pour l’alimentation, il indique avec soin les animaux dont il sera permis de faire usage. Cette idée des maladies parasitaires et infectieuses, qui a conquis une si grande place dans la pathologie moderne, paraît l’avoir vivement préoccupé; on peut dire qu’elle domine toutes ses prescriptions hygiéniques.Il exclut du régime hébraïque les animaux qui sont particulièrement envahis par des parasites, et spécialement le porc. Le lièvre et le lapin seraient passibles du même reproche, d’après le Dr Leven; ils sont interdits; c’est dans le sang que circulent les germes ou les spores d’un grand nombre de maladies infectieuses: les animaux doivent être saignés avant d'être apprêtés pour servir à l’alimentation.» Étude sur l’hygiène de Moïse, dans F. Vigouroux, Livres Saints et la critique, Paris, 1887, t. iii, p. 617.

Ces observations sont confirmées par le Dr Isambert: «En Orient surtout, les règles de l’hygiène ont été formulées, dès les temps les plus anciens, par les législateurs religieux, Moïse et Mahomet. La purification personnelle, la fréquence des ablutions, l’abstinence de vin et de certaines viandes, érigées en préceptes religieux, sont des règles hygiéniques dont la valeur est incontestable… L’alimentation ne demande pas des précautions moins grandes. C’est pour n’avoir rien voulu changer à leurs habitudes européennes, pour n’avoir pas voulu renoncer à l’usage des viandes fortes et des graisses, à l’usage des boissons fermentées, que tant d’Européens succombent en Afrique et dans les Indes. Boire du vin pur, manger des viandes fortes avant que les chaleurs de la journée soient passées, c’est s’exposer à rester tout le jour dans un état d’apathie, de torpeur, de dyspepsie et de congestion qui amènera les accidents les plus graves, s’il se prolonge; bientôt les digestions s’altéreront; les diarrhées, les entérites et les maladies du foie surviendront. Manger très légèrement le matin, des œufs, des viandes blanches, ne boire que de l’eau, ou du vin coupé en petite quantité, sont des règles dont il ne faudra pas se départir quand on voyage dans la saison chaude… Quant aux aliments gras, quant à la viande de porc, quant aux alcooliques proprement dits, nous croyons qu’il faut positivement y renoncer dans les pays chauds.» Dr Isambert, Itinéraire de l’Orient, t. iii, Syrie. Palestine, édit. 1887, introd., p. xxx-xxxi.

Du reste, la seule expérience confirme la vérité de notre proposition. Aujourd’hui encore, après tant de siècles, quelle conduite tient-on, par rapport à la nourriture animale, dans ce même pays pour lequel Moïse a donné ses lois? Les Juifs n’y comptent plus que pour une très faible minorité; mais à leur place sont les Arabes ou Syriens, qui composent la plus grande partie de la population. Que font les Arabes au point de vue de la nourriture? Ils suivent à peu près les mêmes règles qu’a tracées Moïse; leur nourriture est surtout végétale: ils ne mangent guère que les animaux que mangeaient les Hébreux du temps de Moïse et des Juges, c’est-à-dire la chèvre, le mouton, le poulet, le bœuf; ils s’abstiennent en général des animaux que Moïse avait déclarés impurs. Le porc surtout, sous toutes ses formes, est banni de leur table; s’ils touchent quelquefois à la chair du chameau et du lièvre (prohibés par Moïse), c’est de loin en loin et tout à fait exceptionnellement. Tel est le régime qu’une expérience plus de quarante fois séculaire a fait adopter aux Arabes comme étant le mieux approprié aux conditionsclimatériques de la Syrie; c’est, dans ses lignes principales, et même dans la plupart des détails, le même qu’a prescrit Moïse aux Hébreux.

Il est tellement évident que Moïse a tenu grand comptede l’hygiène dans ses prescriptions, que ce point a étéreconnu et affirmé depuis de longs siècles par les meilleurs auteurs. Cf. Anastase le Sinaïte, Quæst. de variis argum., q. 26, t. lxxxix, col. 55; Maïmonide, More Nebochim, traduction latine de Buxtorf, Bâle, 1629,

part, iii, c. xlviii, p. 495; Grotius, In Lev., xi, 2; Michælis, Mosaisches Recht, § 203, t. iv, p. 197-198; Rosenmüller, In Lev., xi. Saalschütz, Das Mosaische Recht, t. 28, p. 251-253, donne à cette raison une telle importance, qu’il la regarde comme la seule qui ait dirigé Moïse; ce sentiment est exagéré. Moïse, nous l’avons dit, a été guidé par d’autres motifs; cf. Bloch, La foi d’Israël, Paris, 1859, p. 262 et suiv.; toutefois l’opinion de cet auteur protestant montre que, dans son esprit, les prescriptions alimentaires de Moïse sont en parfaite harmonie avec les règles de l’hygiène.

La raison hygiénique est plus manifeste encore pour certains animaux; par exemple, pour le porc. Les médecins, et les explorateurs s’accordent à dire que la viande deporc est très insalubre en Orient, et spécialement dans laSyrie et la Palestine. Depuis de longs siècles, les auteurs, parmi les raisons qu’ils allèguent de la prohibition de lachair de porc, signalent, comme une des principales, l’insalubrité de cette viande. Tous les rabbins juifs assignent cette cause; ils disent que la chair de porc favorisele développement de la lèpre, qui est endémique en Syrie, ou oppose à sa guérison un obstacle insurmontable; delà, chez eux, l’axiome hygiénique: «Qui mange du porc, s’expose à la lèpre» (cité dans Bochart, Hierozoicon, Leyde, 1692, t. î, p. 699). Maïmonide assigne aussi cettecause, More Nebochim, p. 495. Les auteurs plus récents, sont du même avis: Michælis, Mosaisches Recht, § 203, t. iv, p. 197-198; Rosenmüller, In Lev., xi, 1, 7, etc. Aussi la plupart des peuples orientaux s’abstiennent de la chair de cet animal. Pour les Égyptiens, nous avons comme témoins: Hérodote, ii, 47; Élien, De animal., x, 16, Opera, Zurich, 1556, p. 214; Josèphe, Cont. Apion., n; pour les Arabes, Pline, H. N., viii, 52; S. Jérôme, Cont. Jovin., ii, 7, t. xxiii, col. 294; le Koran, vi, 146, etc.; voir aussi, pour les Arabes avant Mahomet, G. Sale, Observations sur le mahométisme, sect. v, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 515; pour les Phéniciens, Hérodien, Hist., v, In Heliogabalum, édit. H. Estienne, 1581, p. 122; pour les Indiens, les lois de Manou, v, 4, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, p. 379.

IV. Contact prohibé du cadavre des animaux impurs.— Nous avons dit que la loi sur les animaux impurs regardait surtout l’alimentation; elle visait encore, accessoirement, le contact du cadavre de ces animaux. Voici le résumé de ces prohibitions: 1° Pour les quadrupèdes impurs, le contact de leur cadavre est défendu, Lev., xi, 26-28; quiconque viole cette loi est souillé (d’une impureté légale); si on touche simplement le cadavre, l’impureté cesse d’elle-même le soir du même jour; mais, si on l’a porté, un lavage des vêtements est, de plus, nécessaire. 2° Pour les poissons et les oiseaux, le législateur ne dit que deux mots, Lev., xi, 11, 13: «Vous éviterez leurs cadavres;» ce qui s’entend, comme ci-dessus, sous peine de souillure légale. 3° Pour les insectes ailés, dont il est question Lev., xi, 20-23, le législateur s'étend plus longuement, 24-25; ce sont, du reste, les mêmes sanctions que pour les cadavres des quadrupèdes, avec la distinction entre celui qui les touche et celui qui les porte. 4° Moïse insiste sur les reptiles, Lev., xi, 31-38; le contact de leurs cadavres souille, non seulement les personnes, dans le sens déjà signalé, mais encore les choses; ici le législateur énumère: les instruments de ménage, surtout s’ils sont d’argile; les aliments et les boissons, l’eau, le lait, l’huile, etc.; les fours, c’est-à-dire ces petit* fours portatifs si communs en Orient; toutefois les fontaines, citernes et autres masses d’eau considérables n'étaient passouillées; quant aux grains des céréales, destinés à servirde sem*nce, s’ils étaient secs, ils n'étaient pas souilléspar le contact en question; s’ils étaient mouillés, ils étaientsouillés. Comme on le voit par ce seul énoncé, ce sont làsurtout, sans exclure le but moral que se propose Moïse, des prescriptions d’hygiène et de propreté; tous les interprètes ont admiré la sagesse et la prévoyance du législateur hébreu, qui a ainsi épargné bien des maladies à son peuple, et procuré d’une manière si efficace la conservation et le développement de la santé publique. Cf. Michælis, Mosaisches Recht, § 205, t. iv, p. 207 et suiv.

Quant à la sanction de toutes ces prescriptions sur lesanimaux impurs, au point de vue de l’alimentation et ducontact, Moïse n’en marque pas de spéciale; il faut parconséquent appliquer les règles générales dont il est question Num., xv, 22-31, et Lev., iv-vii.

V. La loi sur les animaux impurs dans le Nouveau Testament. — La loi sur les animaux impurs se rattache à la partie «cérémoniale» du droit mosaïque, à cause de son but, qui était de donner aux Hébreux un caractère de sainteté extérieure, en les séparant des autres nations. En conséquence, cette loi spéciale subit le sort du droit cérémonial mosaïque. Ce droit fut abrogé, suivant la meilleure opinion, non à la mort ou à l’Ascension de Notre-Seigneur, mais le jour de la Pentecôte, où fut donnée solennellement la loi nouvelle. Toutefois ce droit ne fut pas abrogé tout d’un coup, mais il cessa peu à peu d’obliger, à mesure que la loi nouvelle, par la promulgation qui en était faite parles Apôtres, commençait à devenir obligatoire. De plus, lors même que le droit cérémonial cessa d’obliger, il ne fut pas pour cela interdit; ainsi que disent les théologiens, la loi ancienne était «morte, mais non cause de mort», mortua, non mortifera. Aussi, bon nombre de Juifs, surtout les plus zélés, l’observaient encore, «comme pour enterrer avec honneur la Synagogue,» suivant l’expression de saint Augustin, Epist. lxxxii ad Hieronym., 16, t. xxxiii, col. 282. Nous avons en ces quelques lignes l’explication de tout ce qui est dit, dans le Nouveau Testament, sur les prescriptions qui concernent les animaux impurs.

Ces prescriptions n’obligent plus. Saint Paul le déclare nettement: «Je sais, et j’en ai la pleine confiance dans le Seigneur Jésus, aucun aliment n’est profane, κοίνον, ou impur par lui-même.» Rom., xiv, 14. Cf. Rom., xiv, 20; Col., ii, 16, 20 21; I Tim., iv, 1-5; Hebr., ix, 9. C’est aussi un des sens de la vision de saint Pierre. Act., x. Le prince des Apôtres voit descendre du ciel une grande toile nouée aux quatre coins, et remplie de toutes sortes d’animaux impurs; une voix lui dit: «Lève-toi, Pierre, tue et mange.» Pierre répond: «Je n’ai garde, Seigneur; car je n’ai jamais rien mangé d’impur ni de souillé.» La voix reprend: «Ce que Dieu a purifié, toi, ne le tiens pas pour impur.» Et ceci se répète jusqu'à trois fois. Sans doute ces dernières paroles ont un sens plus étendu et plus élevé; elles signifient que les Gentils ne sont plus des profanes, et que Dieu les appelle à son Église et à la grâce du Saint-Esprit, aussi bien que les Juifs, ainsi que Pierre le comprit bientôt, Act., xi; mais ce sens plus large n’empêche pas le sens littéral, il le suppose au contraire; Dieu déclarait donc, d’une manière solennelle, que la loi sur les animaux impurs avait cessé.

À cette règle générale, saint Paul mettait deux exceptions: l’une, dans le cas d’une conscience faible et mal formée, qui regardait encore l’ancienne loi comme obligatoire, Rom., xiv, 2; l’autre, dans le cas de scandale.Les chrétiens éclairés, sachant que la loi n’existait plus, pouvaient, généralement, ne pas l’observer; mais si cette manière d’agir devait scandaliser leurs frères, saint Paul veut qu’ils observent la loi. Rom., xiv, 14-23. Ces deux exceptions sont évidentes et fondées sur le droit naturel et divin.

Quoique la loi fût abrogée, beaucoup de Juifs l’observaient encore. Nous en avons la preuve dans les paroles mêmes de saint Pierre que nous avons citées; laloi avait cessé le jour de la Pentecôte qui suivit l’ascension du Sauveur; environ dix ans après, saint Pierre déclare qu’il n’a jamais rien mangé d’impur. Act., x, 14. Saint Jacques, évêque de Jérusalem, observait également cette loi, et même allait beaucoup plus loin, puisqu’il suivitjusqu'à sa mort le genre de vie des Nazaréens. Eusèbe, H. E., ii, 23, t. xx, col. 198, Des milliers de Juifs, devenus chrétiens, demeuraient fidèles à la loi et à toutes ses observances. Act., xxi, 20. Le motif qui les inspirait, c'était l’honneur de la Synagogue, et un respect religieux pour ces antiques usages, imposés par le Dieu de leurspères. Saint Paul lui-même observait quelquefois cetteloi, Act., xxi, 24, pour des motifs encore plus élevés, «afin qu’en se faisant Juif avec les Juifs, il les gagnât tous à Jésus-Christ.» I Cor., ix, 20-21.

VI. Énumération des animaux impurs. — Il nous resteà dresser la liste des animaux impurs, telle que nous latrouvons Lev., xi, et Deut., xiv, 3-21; nous y joindrons l’indication de quelques animaux purs que le législateur a notés expressément, Deut., xiv, 4-5, peut-être pour écarter des difficultés. Moïse divise, comme dans le récit de la création, les animaux en quatre catégories: les quadrupèdes, les animaux aquatiques, les animaux aériens, les reptiles.

Première catégorie: quadrupèdes. — Sont «purs» les quadrupèdes qui réunissent ces deux conditions: avoir la corne du pied complètement fendue, et ruminer. Tous les quadrupèdes qui manquent de ces conditions ou de l’une d’elles sont «impurs»; à plus forte raison, ceux qui n’ont pas de corne au pied, et marchent «comme sur des mains», Lev., xi, 27, tels que le chien, le chat, le lion, etc. Pour comprendre la première condition, remarquons que Moïse distingue entre corne ou sabot simplement divisé, et sabot complètement tendu, si bien qu’il distingue des animaux qui ont le sabot divisé, mais non complètement fendu. Lev., xi, 4, 7, 26, etc. Le chameau, par exemple, a le sabot divisé en haut, mais en bas les deux parties sont réunies et n’en font qu’une; il manque donc de la première condition. Cf. Bochart, Hierozoicon, Londres, 1663, lib. I, c. ii, p. 6. Quant à la rumination, elle s’entend moins dans le sens scientifique, qu’au point de vue du langage populaire: ce qui convenait beaucoup mieux au but que se proposait Moïse, qui était de marquer par une note extérieure et facile à reconnaître, les animaux qu’il était permis ou défendu de manger; ainsi le daman, šȧfan, et le lièvre, 'arnėbėṭ, sont présentés par Moïse, Lev., xi, 5-6, comme ruminants; au fond, ils n’appartiennent pas à cette espèce, n’en ayant pas l’estomac; mais les mouvements qu’ils exécutent constamment avec les mâchoires et les lèvres leur donnent l’aspect d’animaux qui ruminent. Moïse applique ensuite la règle générale aux quadrupèdes les plus communs parmi les Hébreux.

Quadrupèdes purs. — Il en signale dix. Deut., xiv, 4-5.

  1. šôr; Septante: μόσχος ἐκ βοῶν; Vulgate: bos; le bœuf.
  2. ṡëh keṡâbîm ( littéralement: pecus agnorum); Septante: ἀμνος ἐκ προβατών; Vulgate: ovis; la brebis.
  3. ṡêh ʿizzîm (littéralement: pecus caprorum); Septante: χίμαρος ἐξ αἰγῶν; Vulgate: capra; la chèvre. Ces trois animaux étaient, si l’on peut parler ainsi, dans un degré supérieur de pureté, étant destinés, et eux seuls, aux sacrifices.
  4. ʾayyàl; Septante: ἔλαος ; Vulgate: cervus; le cerf commun.
  5. ṣebî; Septante: δοκράς; Vulgate: caprea; la gazelle (espèce d’antilope, l’antilope dorcas).
  6. yaḥmûr; les Septante n’ont pas traduit ce mot; Vulgate: bubalus. Identification douteuse: bubale; daim.
  7. ʾaqqô; les Septante n’ont pas traduit ce mot; Vulgate: tragelaphus. Identification douteuse: chevreuil; bouquetin.
  8. dišôn; Septante: πύγαργος; Vulgate: pygargus; l’antilope addax.
  9. teʾô; Septante: ὄϱυξ; Vulgate: oryx; l’antilope oryx.
  10. zémér; Septante: καμηλοπάρδαλις; Vulgate: camelopardalus. Identification douteuse: chamois; girafe; plutôt mouflon à manchettes. Quadrupèdes impurs. — Moïse en signale quatre. Lev.,

xi, 4-8; Deut., xiv, 7-8.

1. gâmâl; Septante: κάμηλος, Vulgate: camelus; le chameau.

2. šâfân; Septante: χοιρογρύλλος; Vulgate: chærogryllus. Identification douteuse: porc-épic ou hérisson; lapin; mus jaculus; plutôt le daman.

3. ʾarnébéṭ; Septante: δασύπους; Vulgate: lepus; le lièvre.

4. ḥǎzîr; Septante: ὗς; Vulgate: sus; le porc. Deuxième catégorie: animaux aquatiques. — Ici Moïse se contente de donner la règle générale et ne fait aucune application particulière. D’après Lev. xi, 9-12, sont purs les animaux aquatiques qui ont tout à la fois des nageoires et des écailles. Sont impurs ceux qui manquent des unes ou des autres. Ces conditions s’appliquent également aux poissons d’eau douce, et aux poissons d’eau salée. On peut donc regarder comme impurs tous les cétacés, puis les anguilles, les raies, etc.

Troisième catégorie: animaux aériens. — Moïse divise cette catégorie en deux sections: les bipèdes ou oiseaux proprement dits, et ceux qui ont quatre pieds ou plus.

Première section: oiseaux. — Pour cette section, Moïse ne donne aucune règle générale; il signale vingt et un oiseaux comme impurs, laissant entendre que les autres sont purs. Il en dresse deux listes: Lev., xi, 13-19; Deut., xiv, 12-18. Ces deux listes sont identiques, sauf un oiseau de plus que renferme la liste du Deutéronome, et qu’ainsi Moïse a ajouté à la première liste. Voici les vingt et un oiseaux impurs, en suivant l’ordre du Lévitique:

1. néšer; Septante: ἀετός; Vulgate: aquila; l’aigle; d’après quelques auteurs, ce serait le griffon, espèce de vautour. En réalité, le mot néšer désigne quelquefois le griffon.

2. pérés; Septante: γρύψ; Vulgate: gryps. Identification douteuse: aigle pêcheur; griffon.

3.ʿoznîyâh; Septante: ἀλιαίετός; Vulgate: haliæetus; l’aigle de mer ou aigle-pêcheur.

4. dâʾâh; Septante: γύψ Vulgate: milvus; le milan.

5.ʾayyâh; Septante: ἴκτιν: Vulgate: vultur. Identification douteuse: faucon; épervier.

6.ʿôréb; Septante: κόραξ; Vulgate: corvus; le corbeau.

7. baṭ hayyaʿanâh (littéralement: «la fille des cris» ); Septante: στρουθός; Vulgate: struthio; l’autruche.

8. ṭaḥmȧs; Septante: γλαύξ; Vulgate: noctua. Identification douteuse: coucou; hirondelle; plutôt le hibou.

9. šâḥaf; Septante: λάρος; Vulgate: larus. Identification douteuse: probablement la mouette.

10. néṣ; Septante: ἱέραξ; Vulgate: accipiter; l’épervier ou le faucon.

11. kôs; Septante: νuκτίκοραξ; Vulgate: bubo. Identification douteuse: chathuant; chevêche, etc.

12. šâlàk; Septante: καταῤῥάκτης; Vulgate: mergulus. Identification douteuse: plongeur; plutôt le cormoran commun.

13. yanšuf; Septante: ἴβις; Vulgate: ibis. Identification douteuse: grand-duc; ibis.

14. ṭinšéméṭ; Septante: κύκνος; Vulgate: cygnus. Identification douteuse: ibis; cygne; porphyrion.

15. qâʾȧṭ; Septante: πελεκάν; Vulgate: onocrotalus; le pélican. |

16. râḥâm; Septante: πορφυρίων; Vulgate: porphyrio; Identification douteuse: porphyrion; vautour égyptien.

17. ḥǎsidȧh; Septante: ἐρωδιός; Vulgate: herodio. Identification douteuse: héron; cigogne.

18. ʾǎnȧfâh; Septante: χαραδριός; Vulgate: charadrion. Identification douteuse: pluvier doré; héron.

19. dûkifaṭ; Septante: ἔπoψ; Vulgate: upupa; la huppe immonde.

20. ʿǎtallêf; Septante: νuκτερις; Vulgate: vespertilio; la chauve-souris, rangée parmi les oiseaux, conformément au langage vulgaire, quoiqu’elle ait quatre pieds.

21. râʾȧh, Deut., xiv, 13; les Septante n’ont pas traduit ce mot; Vulgate: ixion. identification douteuse: vautour; milan.

Deuxième section: insectes ailés. — Il s’agit des insectes ayant au moins quatre pieds, mais munis d’ailes. Il en est question Lev., xi, 20-25. Moïse les déclare tous impurs, sauf les insectes sauteurs, vers. 21, c’est-à-dire en général les sauterelles. Ceux-là sont purs; Moïse en signalequatre espèces:

1.ʾarbéh; Septante: βροῦχος; Vulgate: bruchus.

2. solʿâm; Septante: ἀττάκης; Vulgate: attacus.

3. ḥargôl; Septante: ὀφιομάχης; Vulgate: ophiomachus.

4. ḥâgàb; Septante: ἀρχίς; Vulgate: locusta.Malgré la différence des noms, il est bien probable qu’ils ne désignent que des espèces de sauterelles; quelques auteurs croient que les quatre noms hébreux désignent plusieurs métamorphoses, par lesquelles passe la sauterelle, à l’instar des papillons.

Quatrième catégorie: reptiles. — Il en est question, Lev., xi, 29-38 et 41-42. Ce mot ne comprend pas seulement les animaux sans pattes qui rampent sur leur ventre, comme les serpents, mais encore ceux qui, ayant des pattes, les ont si petites, qu’ils paraissent ramper, comme les lézards. Les reptiles sont tous impurs; Moïse le déclare expressément au ꝟ. 42, dont voici le sens exact, d’après l’hébreu: «Vous ne mangerez pas les reptiles, soit qu’ils se meuvent sur leur ventre, soit qu’ils se meuvent sur quatre pattes, soit qu’ils aient un plus grand nombre de pattes; ils sont tous abominables.» Cette défense généralen’empêche pas Moïse de signaler spécialement huit espèces de reptiles qui étaient plus communes chez les Hébreux:

1. ḥôléd; Septante: γαλή; Vulgate: mustela. Identification douteuse: belette; taupe.

2. ʿakbar; Septante: μῦς; Vulgate: mus. Identification douteuse: rat ou souris; gerboise.

3. ṣab; Septante: κροκοδειλος ὁ χερσαῖος; Vulgate: crocodilus; le crocodile terrestre, ou espèce de lézard très grand.

4. ʾanâqâh; Septante: μυγάλη; Vulgate: mygale. Identification douteuse: gecko (espèce de lézard); musaraigne.

5. kôâḥ; Septante: χαμαιλέων; Vulgate: chamæleon. Identification douteuse: caméléon; mais plutôt grenouille ou lézard.

6. letȧʾâh; Septante: χαλαβώτης; Vulgate: stellio. Identification douteuse: stellion (espèce de lézard); salamandre.

7. ḥômét; Septante: σαῦρα; Vulgate: lacerta; le lézard des sables. D’après le Talmud, ce serait la limace ou l’escargot.

8. ṭinšéméṭ; Septante: ἀσπάλαξ; Vulgate: talpa; très probablement le caméléon, malgré l’autorité des Septante et de la Vulgate.

S. Many.

ANIS (Nouveau Testament: Ἄνεθον; Vulgate: Anethum). Ce mot ne se lit qu’une fois dans l’Écriture. Notre-Seigneur dit en saint Matthieu, xxiii, 23: «Malheur à vous, scribes et pharisiens, qui payez la dîme de la menthe, de l’anis et du cumin, et qui négligez les préceptes de la loi.»

«Anis» désigne en français deux plantes différentes, ayant d’ailleurs des propriétés analogues et appartenant toutes deux à la famille des Ombellifères. Ces deux plantes sont: 1° Le Pimpinella Anisum, de Candolle; l’ἆνισον, deDioscoride, iii, 65. C’est une plante annuelle originaire du Levant et cultivée dans beaucoup de pays (fig. 149). Les fruits, appelés anis vert, donnent, à la distillation, de l’essence d’anis employée dans la médecine et dans la parfumerie. Les fruits eux-mêmes servent à faire des infusions carminatives.

2° l’Anethum graveolens de Linné (ἆνεθον de Dioscoride, iii, 67), rangé par les botanistes actuels dans le genre Peucedanum. C’est une plante annuelle dressée, glauque, à feuilles finement divisées, à fleurs jaunes, à fruit d’une odeur aromatique et agréable. Native de la région méditerranéenne et du Caucase, elle se rencontre à l’état sauvage dans beaucoup de contrées, et elle est aussi cultivée dans les jardins. Les fruits sont composés de deux graines accolées, brunâtres, ovales, striées, un peu convexes d’un côté et entourées d’un disque membraneux (fig. 150). Parla distillation on en obtient l’eau et l’huile d’aneth, qu’onemploie avec succès contre les coliques.

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149. — Pimpinella Ânisum,

C’est de cette seconde plante qu’il s’agit ici, d’après l’opinion commune. C’est en effet celle-ci que les rabbins appellent sâbâṭ, et que la traduction arabe des œuvres de Pline appelle šabiṭ. Les anciens, comme on peut le voir dans Dioscoride, iii, et dans Pline, xx, 74, ont connu cette plante et s’en servaient comme condiment, comme parfum et comme remède. Ces deux auteurs lui attribuent en outre plusieurs autres propriétés fabuleuses. Les fleurs mêmes en étaient assez estimées, si nous en jugeons par les vers de Virgile, qui loue florem… bene olentis anethi. (Egl., ii, 48.) En Palestine, l’anis était d’un usage tellement commun parmi le peuple, qu’il en est fait spécialement mention dans le Talmud. La loi telle qu’elle est énoncée dans le Deutéronome, xiv, 22-23, n’obligeait d’offrir la dîme que des fruits du sol et des troupeaux, froment, viii, huile, bœufs, moutons. Les rabbins avaient étendu cette obligation à tous les légumes. La Mischna donne, en effet, cette règle au commencement du traité consacré aux dîmes. «Voici la règle générale concernant les dîmes: Tout ce qui peut être mangé et se conserve, tout ce que produit la terre est soumis à la dîme.» Maasarolh, i, 1, édit. Surenhusius, Mischna, t. i, p. 245. Dans le même traité, Rabbi Éliézer applique expressément cette règle à l’unis. Nous y lisons en effet: «La sem*nce, la plante et les fleurs de l’anis sont soumis à la dîme.» Maasuroth, iv, 5, ibid., p. 258.

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150. — Anethum graveolens.

Comme ce n’était pas seulement la graine, mais aussi la tige et les feuilles qui servaient à l’alimentation, Rabbi Éliézer décide qu’il faut payer la dîme pour le tout, et les pharisiens zélés se conformaient rigoureusem*nt à cet usage, justifiant ainsi le reproche que leur fait Notre-Seigneur d’attacher beaucoup d’importance aux petites choses et de négliger les grandes. Ce n’était, en effet, que par un zèle affecté pour l’observation de la loi que l’on s’astreignait à donner la dîme d’une récolte aussi insignifiante que celle de l’anis. La Mischna elle-même semble reconnaître l’exagération de Rabbi Éliézeren ajoutant immédiatement, après avoir rapporté sa décision: «Les sages disent: La sem*nce et la plante ne sont pas assujetties à la dime.» Ibid. Cf. Le Talmud de Jérusalem, traduct. M. Schwab, t. iii, in-8°, Paris, 1879, p. 182.

A. Orban.

ANIWA (VERSION) DE LA BIBLE. Les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc ont été traduits en ce dialecte, parlé dans l’île d’Aniwa, en Australie, par un ministre protestant, J. G. Paton. Ils ont été imprimés à Melbourne, en 1877.

ANNA. Voir Anne.


ANNALISTE, historiographe officiel chargé d’écrireles annales des rois et de les conserver. Il s’appelait enhébreu mazkir. II Sam. (II Reg.), xx, 24; II (IV) Reg., xviii, 18 (Septante: ἀναμιμνήσκων; Vulgate: a commentariis). La coutume de faire écrire l’histoire des rois, soit dans des inscriptions gravées, soit dans des livres, existait chez les Égyptiens, les Chaldéens, les Assyriens, les Perses, etc. Cf. Esther, vi, 1. Nous voyons apparaître un annaliste, en Israël, dès le règne de David, qui se créa une cour complète à la manière orientale. II Reg., xx, 21. Diverses allusions contenues dans le récit de l’histoire de ses successeurs nous montrent que ses descendants, ainsi que les rois d’Israël, suivirent son exemple et firent écrirerégulièrement l’histoire de leur règne. III Reg., xi, 41; xiv, 19; xv, 7, etc.

ANNE, nom d’homme et de femme. Hébreu: Hannâh, «grâce;» Septante: Ἄννα.

1. ANNE, épouse d’Elcana, I Reg., 1, 1, mère de Samuel, après l'épreuve d’une longue stérilité, I Reg., i, 5, honorée cependant de l’affection constante de son mari, qui lui donnait comme à Phénenna, sa seconde femme, mère deplusieurs enfants, une part (d’après le syriaque: une doublepart) des sacrifices d’actions de grâces qu’il offrait à Silo, aux jours marqués, sur l’autel du Seigneur. I Reg., i, 3-7. Cette attention avait excité la jalousie de Phénenna à ce point, qu’elle se répandait en invectives contre Anne, lui reprochant sa stérilité. La vertueuse Anne supportait en silence cet affront; mais elle le sentait si vivement, qu’elle ne pouvait manger la part du sacrifice qui lui était offerte, et elle pleurait amèrement. Un jour, après le sacrifice, Elcana, la trouvant à l'écart et baignée de larmes, chercha à la consoler, et la détermina à prendre un peu de nourriture. I Reg., i, 8-9. Puis par une inspiration d’en haut, Anne, s'étant approchée du tabernacle, y répandit longtemps sa prière, et fit le double vœu (nédér, vœu positif de faire quelque chose, par opposition à ʾissâr, Num., xxx, 3, vœu par lequel on s’engageait à s’abstenir), si Jéhovah mettait un terme à sa stérilité et lui donnait un fils, de le lui consacrer, non seulement comme les lévites qui n'étaient obligés au service du temple que depuis vingt-cinq, Num., viii, 24, ou trente ans, Num., iv, 2, jusqu'à cinquante, et à des temps déterminés, mais durant tout le cours de sa vie; puis de l'élever selon les règles du nazaréat, Num., vi, 1-21, dont les prescriptions principales étaient de ne jamais couper sa chevelure, et de ne point user de liqueurs enivrantes. Voir Nazaréat. Les Septante expriment ces deux conditions du vœu de la mère de Samuel: οῒνον καὶ μέθυσμα οὐ πίεται καὶ σίδηρος οὐκ ἀναβήσεται ἐπὶ τὴν κεφαλὴν αὐτοῦ, I Reg., i, 11, tandis que la Vulgate n’exprime que la seconde. Anne, en faisant ce vœu, ne prétendait point et ne pouvait d’ailleurs engager la liberté de son enfant; elle promettait seulement à Dieu de faire son possible pour le déterminer à observer ce qu’elle avait promis à son sujet.

Dans cet acte de religion elle eut à subir un nouvel affront, là d’où elle devait le moins l’attendre; car, comme elle priait tout bas, «parlant à son cœur» selon l’hébreu, cf. Gen., xxxiv, 3, et remuant seulement les lèvres, contrairement à la pratique ordinaire chez les Juifs de prier à haute voix, Héli, le grand prêtre, par une légèreté dejugement difficile à excuser, la prit pour une femme demauvaise vie, «une fille de Bélial,» 1 Reg., i, 16, et l’invectiva rudement. Les Septante, à cause sans doute de la dureté de ces paroles, ont attribué ce reproche au serviteur du grand prêtre: Kαὶ εῖπεν αὐτῇ τὸ παιδάριον Ἠλι… v. 14, ce qui est invraisemblable puisque Anne réponditdirectement au grand prêtre, v. 15. Elle se justifia avecforce et modération, sans toutefois manifester l’objet desa prière, qui demeura son secret, et sans doute aussicelui d’Elcana, qui paraît avoir fait le même vœu queson épouse. I Reg., i, 21. L’accent de sincérité d’Anne, sa modestie et sa douceur, firent reconnaître au grand prêtre son erreur, si bien qu'à son départ il la salua par des paroles de bénédiction, que le Seigneur exauça; carAnne rentra à Ramathaïm-Sophim, le cœur consolé et siplein d’espoir, que, selon l’hébreu, «son visage ne futplus (le même).» I Reg., i, 18. Quelques mois aprèsnaissait Samuel, «exaucé de Dieu,» qui était ainsi nonseulement le huit de son sein, mais encore et surtout lefruit de sa foi, de ses prières et de ses larmes. I Reg., I, 20. Quand l’enfant fut sevré, ce qui avait lieu versl'âge de trois ans, II Mach., vii, 27 (ou peut-être: tut élevé, car le mot gâmâl, v. 22 et 21, s’entend aussi dans ce sens, cf. III Reg., xi, 20), Anne le conduisit à Silo pour l’accomplissem*nt de son vœu, et elle le présenta au Seigneur, offrant en même temps en sacrifice trois taureaux, 1 Reg., i, 21 (Septante: ἐν μόσχῷ τριετίζοντι), dans lesquels sont compris deux taureaux qu’offrait ordinairement Elcana (voir le texte des Septante, v. 25), ce qui fait qu’au v. 25, l'écrivain, n’ayant en vue que l’offrande d’Anne, ne parle plus que d’un taureau; puis trois mesures de farine (hébreu: un épha, vingt litres environ; d’après Ruth, II, 17, trois mesures équivalaient à un épha), cf. Ezech., xlvi, 7, et une amphore (hébreu: nêbél, «une outre» ) de vin. Les Septante ajoutent: des pains. I Reg., i. 21.À ce moment Anne présenta Samuel au grand prêtre, enlui rappelant la circonstance de sa prière; elle lui déclaraaussi son vœu, mêlant à cette déclaration un double jeude mots sur le terme šâʾal, «demander, accorder.» «Le Seigneur, dit-elle, m’a accordé ma demande (seʾêlâṭi)que je lui ai adressée (šâʾalṭi), c’est pourquoi je l’aiaccordé (hišʾilṭihû, à la forme hiphil) tout le temps qu’il sera consacré (sâʾûl) au Seigneur.» I Sam. (I Reg.), i, 27-28. La consécration de Samuel apparaît dans ce jeu de mots comme intimement liée, dans la pensée d’Anne, avec sa demande et se confond avec elle.

C’est alors que, dans la joie de voir ses espérances réalisées, Anne chanta au Seigneur son sublime cantique.I Reg., ii, 1-10. Les critiques modernes ont vainement tenté d’en nier l’authenticité, en disant qu’il est un chant de triomphe destiné à célébrer un succès plus général que la naissance de Samuel, et composé à une époque plus récente qu’ils n’essayent pas d’ailleurs de déterminer.Assertion toute gratuite et insoutenable. Il ne répugneraitpas en soi que ce cantique, ayant été composé avant lanaissance de Samuel, Anne l’eût emprunté pour célébrerles gloires de sa maternité; mais pour l’affirmer, il faudrait une raison positive, qui n’existe pas. Rien n’empêche d’ailleurs que le regard de la pieuse mère se soit élevé, sous le souffle de l’Esprit de Dieu, du bienfait personnel jusqu'à la contemplation prophétique du bienfait national lié à la naissance de Samuel, savoir: la consécration du premier roi de Juda, la délivrance du peuple opprimé, la ruine des ennemis de Dieu, enfin, et par-dessus tout, le règne triomphal du Messie. 1 Reg., ii, 1-10. Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, t. ii, ch. viii; Meignan, Les prophéties contenues dans les deux premiers livres des Rois, Paris, 1878, p. 71-102; Thalhofer, Erklärung der Psalmen, Ratisbonne, 1880, p. 840-843. La très sainte Vierge dans son Magnificat, Luc, i, 46-55, s’est appliqué plusieurs des pensées du cantique d’Anne, en laquelle tous les interprètes ont vu une figure de la fécondité miraculeuse de la Mère de Dieu. Anne est encore regardée comme l’image de l'Église persécutée à son origine, puis féconde et glorieuse, tandis que Phénenna est regardée comme le type de la Synagogue, d’abord puissante, puis rejetée. S. Cyprien, t. iv, col. 522; S. Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 27, 62, 90; S. Isidore de Séville, t. lxxxiii, col. 111-112. On peut aussi voir en elle avec saint Augustin, t. xli, col. 528, la figure de la religion chrétienne et de la grâce. Saint Jean Chrysostome a exposé tous les enseignements moraux qui découlent de la maternité d’Anne dans cinq homélies très remarquables, t. liv, col. 631-676. La mère de Samuel a été mise par plusieurs auteurs au nombre des saints de l’Ancien Testament, bien qu’elle ne se trouve inscrite dans aucun ménologe grec, ni martyrologe latin.

P. Renard.

2. ANNE, épouse de Tobie le père, et comme lui de latribu de Nephthali ( selon les Septante, de la famille mêmede Tobie), et mère du jeune Tobie, Tob., i, 9, suivit son mari dans les rudes épreuves de l’exil et de la captivitéà Ninive, lorsque Salmanasar y transporta en masse lesIsraélites après la prise de Samarie. IV Reg., xvii, 6; xviii, 9-10. Elle lui fut fidèle non seulement dans cesépreuves communes, mais encore dans la persécution personnelle que lui suscitèrent ses œuvres de miséricorde.Tob., i, 21-25. Sa piété envers Dieu et son affection pour son mari soutinrent son courage, lorsqu’après l’accidentarrivé à Tobie, la famille tomba dans le dénuement. Car, pour arriver à faire vivre son époux aveugle et son fils, elle se fit mercenaire et travailla à tisser la toile. Un jour qu’elle avait reçu un chevreau en payement de son travail, ou, selon le texte grec, en surplus de son salaire, une observation de son mari l’amena à révéler son caractèresusceptible et emporté. Elle alla jusqu'à reprochera Tobieses aumônes et ses œuvres de miséricorde, parce qu’ellesn’avaient abouti qu'à les réduire à la pauvreté. Il y a dansses paroles un accent de blasphème contre la bonté et laprovidence de Dieu. Tob., ii, 19-23. Cette irritabilité se renouvela, au milieu des larmes de sa tendresse maternelle, à l’occasion du voyage de son fils à Rages. Tob., v, 23-25; x, 4-7. Heureusem*nt la tristesse fit place à la joie lorsque, du haut de la colline d’où elle allait souvent interroger l’horizon, Anne reconnut dans le lointain le jeune Tobie qui revenait. Tob., xi, 5-6. La réception qu’elle lui fit est un peu plus explicitement racontée dans les textes grecs que dans la Vulgate. Anne survécut à son mari, Tob., xiv, 12, et fut assistée jusqu'à sa mort par son fils et sa belle-fille, comme le vieux Tobie l’avait recommandé. Tob., xiv, 14.

P. Renard.

3. ANNE, épouse de Raguel et parente, par son mari, de la famille de Tobie, Tob., vii, 2, est appelée par les textes grecs Ἔδνα, de l’hébreu ʿêdnâh, «volupté, délices,» facilement transformé en Anna. Elle manifesta, aussi bien que son mari et sa fille, une cordiale tendresse pour son jeune cousin Tobie, quand elle le reconnut à son arrivée à Rages, et elle s’empressa, comme eux, de le recevoir dignement. Tob., vii, 8-9. Elle ne paraît pas avoir été appelée à donner son avis dans le mariage de sa fille avec Tobie, mais elle entra docilement dans les vues de son mari, et fit, en cette circonstance délicate et périlleuse, une belle profession de sa confiance en Dieu. Tob., vii, 18-20.

P. Renard.


4. ANNE, mère de la sainte Vierge. Son nom ne se litpas dans les livres canoniques. Les plus anciens écritsqui contiennent son histoire sont les Évangiles apocryphes, l'Évangile de la Nativité de Marie et de l’enfancedu Sauveur et le Protévangile de saint Jacques (Fabricius, Codex apocryphus Novi Testamenti, t. i, p. 19-67). Il y est raconté que le père d’Anne, appelé Mathan, était prêtre et habitait Bethléhem. Il eut trois filles, Marie, Sobé et Anne. Marie épousa un homme de Bethléhem, et devint la mère de Marie Salomé; Sobé se maria aussi dans le même village, et donna le jour à sainte Elisabeth, mère de saint Jean-Baptiste; enfin Anne épousa saint Joachim, qui était de Galilée. Elle fut longtemps stérile, mais elle obtint enfin de Dieu la Bienheureuse Vierge Marie. Ses parents la consacrèrent, quand elle eut atteint l'âge de trois ans, au service du temple de Jérusalem, et ils moururent quelque temps après. Tel est le récit du Protévangile de saint Jacques. Il est difficile de démêler ce qu’il peut contenir d’historique et de légendaire; mais l'Église a consacré la tradition qui fait de saint Joachim et de sainte Anne le père et la mère de la sainte Vierge, et leur culte est fort ancien chez les Orientaux, comme nous l’apprenons par saint Grégoire de Nysse et par saint Épiphane. Hœr. lxxviii, 17, t. xlii, col. 728. Il existe des hymnes grecques antiques en l’honneur de la mère de Marie (Lambecius, Comm. de Biblioth. Vindob., l. iii, p. 207); les homélies des Pères en l’honneur de la sainte Vierge célèbrent aussi les louanges de sainte Anne. Voir en particulier saint Jean Damascène, Hom. i in dortn. Mariée, 5, t. xcvi, col. 708. Justinien fit dédier une église en son nom à Constantinople, en 550, d’après Procope, De ædif. Justiniani, i, 3, édit. de Bonn, t. iii, p. 185. L'Église grecque honore sainte Anne, le 4 septembre, conjointement avec saint Joachim; le 9 décembre elle fête sa conception, et le 25 juillet sa mort. L'Église latine célèbre sa fête le 26 juillet. Les artistes chrétiens l’ont souvent représentée enseignant à lire l’Ancien Testament à la sainte Vierge encore enfant. Cf. J. Wessely, Iconographie Gottes und der Heiligen, in-8', Leipzig, 1874, p. 72. Voir Menologium Basilianum, dans Assemani, Calendaria Ecclesiæ universalis, t. vi, au 25 juillet; Legenda matrones Annæ, Leipzig, 1502; Binerus, De Joachimo, Anna et Josepho, Anvers, 1638; Frantz, Versuch einer Geschichte des Marien und Annen-Cultus, Halberstadt, 1854; Acta Sanctorum, julii, t. vi, p. 233-261.

F.Vigouroux.

5. ANNE, la prophétesse. Elle était fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Luc, ii, 36. Veuve, après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité, elle allait tous les jours au temple, et servait Dieu, nuit et jour, dans les jeunes et la prière. Elle était âgée de quatre-vingt-quatre ans, lorsqu’elle survint dans le temple le jour de la présentation de Notre -Seigneur, à l’heure où le vieillardSiméon, bénissant Dieu, proclamait en face de tous queJésus était le Messie attendu d’Israël. Anne aussi louaitle Seigneur et parlait de l’enfant à tous les Juifs pieuxqui passaient leurs jours dans le temple, et attendaient larédemption d’Israël. C’est parce qu’elle annonçait la venuedu Messie qu’elle est appelée prophétesse; elle formeainsi la transition entre les prophétesses (nebiʾâh) del’Ancien Testament, Exod., xv, 20; Jud., iv, 4; IV Reg., xxii, 14; Is., viii, 3, et celles du Nouveau. Act., xxi, 9.

Bien que le texte affirme qu’Anne ne s'éloignait pasdu temple, il n’est pas probable, comme l’ont pensé certains exégètes, qu’elle ait vécu dans une des annexes decet édifice. Saint Ambroise et quelques commentateursont cru qu’Anne était restée veuve pendant quatre-vingt-quatre ans, et qu’elle était âgée d’environ cent six anslors de la Présentation de Notre-Seigneur; mais le textegrec n’est pas favorable à cette opinion. On célèbre la fêtede sainte Anne la prophétesse le 1er septembre.

E. Jacquier.

6. ANNE, grand prêtre juif (Ἄννα; dans le NouveauTestament, et Ἄνανος chez Josèphe). Anne, fils de Seth, probablement d’origine non palestinienne, mais alexandrine (d’après Derenbourg), fut nommé grand prêtre par Quirinius, en l’an 6 ou 7, et exerça ses fonctions jusqu’en l’an 15, où le procurateur Valérius Gratus le remplaça par Ismaël, fils de Phabi. Quoiqu’il ne fût plus grand prêtre en fonction, Anne continua à jouir auprès des Juifs d’une grande influence, soit par ses richesses, soit par ce fait, inouï dans l’histoire judaïque, qu’il vit cinq de ses fils et son gendre Joseph Caïphe devenir grands prêtres. Josèphe rapporte que de son temps on regardait Anne comme l’homme le plus heureux de sa nation. Il vécut, dit-on, jusqu'à un âge avancé; mais on ignore la date de sa mort. Cependant, lors du siège de Jérusalem, il était mort, puisque Josèphe parle de sontombeau, situé à l’ouest de la ville.

À diverses reprises il est question du grand prêtre Annedans le Nouveau Testament. Saint Luc, iii, 2, date la prédication de saint Jean Baptiste du souverain pontificatd’Anne et de Caïphe. — C’est devant Anne que fut d’abordconduit Notre-Seigneur Jésus-Christ, Joa., xviii, 13, et ici encore il est appelé grand prêtre, ἀρχιερεύς, si toutefois on admet avec de nombreux exégètes, tels quesaint Jean Chrysostome, Calmet, Olshausen, Bleek, Weiss, Schegg, Westcott, Fouard, Schanz, Holtzmann, etc., quel’interrogatoire subi par Jésus devant le pontife, ἀρχιερεύς, Joa., xviii, 19-24, sur ses disciples et sa doctrine, eut lieu devant Anne, et non devant Caïphe, comme l’ont penséd’autres exégètes ni moins nombreux ni moins savants, comme saint Cyrille, Maldonat, Jansénius, de Wette, Langen, Edersheim, Fillion. La première opinion a ensa faveur le verset 24, où saint Jean affirme qu’après cetinterrogatoire Anne renvoya Jésus devant Caïphe. Lestenants de la seconde opinion supposent que l'évangéliste aurait noté au verset 24 le changement de lieu qu’il avaitoublié de mentionner auparavant; ils font remarquer quesi l’interrogatoire rapporté par saint Jean a été fait devantAnne, il s’ensuit que les deux premiers reniements onteu lieu chez celui-ci, tandis que, d’après les synoptiques etd’après saint Jean lui-même, ils se sont passés dans lemême lieu et chez Caïphe. — Enfin, au chapitre iv des Actesdes Apôtres, saint Luc mentionne, en tête de ceux quise réunirent pour juger Pierre et Jean, Anne, le grandprêtre, et Caïphe. Il est probable que le grand prêtre dontil est plusieurs fois question aux chapitres v et vu desActes est Anne et non Caïphe.

Au temps où se passaient les événements racontés dans les Évangiles et les Actes, il y avait au moins quinzeans qu’Anne n'était plus grand prêtre en fonction. Comment les écrivains du Nouveau Testament ont-ils pu appeler Anne grand prêtre, lui faire remplir des fonctions qui paraissent réservées au pontife, et surtout l’appeler en deux endroits ἀρχιερεύς, à l’exclusion de tout autre, d’abord au chap. iv, 6, des Actes; puis au ch. iii, 2, de l'Évangile de saint Luc? Dans ce dernier passage, la Vulgate ainsi que le textus receptus ont, l’une principibus sacerdotum Anna et Caïpha, l’autre ἀρχιερέων, mais ce pluriel est une correction récente; car tous les onciaux grecs et les principales versions ont ἀρχιερέων au singulier. Tischendorf, edit. octava major, 1. 1, p. 412. En outre il semblerait, d’après saint Luc et aussi d’après saint Jean, qu’il y avait deux 'grands prêtres à la fois.

On a émis diverses hypothèses pour expliquer cesexpressions. Anne et Caïphe auraient exercé le souverainpontificat alternativement, chacun une année (Maldonat, Beza, Hug), ou même ils l’auraient exercé ensemble(Zumpt); Anne aurait été le sagan des prêtres, c’est-à-dire le vice-grand prêtre (Lightfoot, Grotius, Wolf) ou lenasi, président du Sanhédrin (Selden, Wiesel, Reischl).Ces hypothèses ne concordent pas avec ce que nous savonsdes institutions judaïques; ou bien, en s’appuyant sur lesenseignements talmudiques, elles transportent aux tempsanciens ce qui est relativement moderne.

Il n’y a d’abord nullement à s'étonner qu’Anne ait étéappelé grand prêtre par les évangélistes. Ce titre ne désignait pas exclusivement le grand prêtre en fonction; soit Je Nouveau Testament, soit Josèphe appellent de ce nomtous ceux qui ont été grands prêtres, ainsi que les membresdes trois ou quatre ramilles dans lesquelles on choisissait les grands prêtres. Certaines personnes sont désignées comme étant de famille archi-sacerdotale, ἀρχιρατικοῦ. Act., iv, 6. Il est douteux cependant qu’on ait donnéle titre d'ἀρχιερεύς aux chefs des vingt-quatre famillessacerdotales. Or Anne était de famille archi-sacerdotale; il avait été grand prêtre, il était même resté en chargebeaucoup plus longtemps que les autres grands prêtres; il avait conservé un très grand crédit et jouissait d’uneréelle influence sur les affaires; il touchait même encorede près au souverain pontificat par ses cinq fils, qui furenttous grands prêtres, et par son gendre Caïphe, en fonction au temps dont il est question ici.

Les écrivains du Nouveau Testament paraissent avoirfait d’Anne le président du Sanhédrin; fonction réservée, diton, au grand piètre. Jésus, il est vrai, fut conduitd’abord chez Anne, Joa., xviii, 13; mais il s’agissait ici d’un conseil privé, et non du Sanhédrin, qui fut réuni plus tard chez Caïphe. Au chapitre iv, 6, des Actes, Anne est nommé le premier, parmi ceux qui se réunirent pour juger Pierre et Jean; mais il n’est pas dit qu’il ait présidé. D’ailleurs il n’est pas certain que le président du Sanhédrin ait été nécessairement le grand prêtre. La tradition rabbinique est même opposée à cette hypothèse. Ce président est, dans le Nouveau Testament, appelé ἀρχιερεύς; mais ce titre, nous venons de le voir, ne désigne pas exclusivement le grand prêtre. Il est donc possible qu’Anne ait été le président du Sanhédrin, et ceci nous expliquerait pourquoi saint Luc le nomme conjointementavec Caïphe, grand prêtre en fonction. Le premier auraitété le représentant de l’autorité civile, et le second, dol’autorité religieuse. Il est possible aussi, comme l’ontcru quelques-uns, que les Juifs attachés à leur loi, d’aprèslaquelle le pontificat était à vie, aient honoré Anne commele grand prêtre légal, et refusé de reconnaître les pontifestransitoires, que leur imposait l’autorité romaine ou lecaprice des rois hérodiens.

Quoi qu’il en soit, il est certain que ni saint Luc nisaint Jean n’ont ignoré que Caïphe était le grand prêtreen fonction, Luc, iii, 2; Joa., xviii, 13, et s’ils ont appelé Anne ἀρχιερεύς, s’ils l’ont placé au premier rang, c’est que celui-ci avait droit à ce titre et à cette place.

E. Jacquier.

ANNEAU. Il est question dans la Bible d’anneaux dedifférentes sortes: 1° d’anneaux servant d’ornement pourles personnes; 2° d’anneaux faisant partie de la construction ou du mobilier du tabernacle; 3° d’anneaux destinés à conduire les animaux.

I. Anneaux d’ornement — Les Hébreux se servaientd’anneaux pour orner les oreilles, le nez, les doigts de lamain. Nous laissons ici de côté les premiers (voir Pendants d’oreilles), pour ne nous occuper que des anneaux de nez et des anneaux de doigt.

L’anneau de nez porte un nom spécial en hébreu: nézém. Plusieurs passages ne laissent aucun doute sur ladestination du nézém. «Je plaçais un nézém à son nez,» dit Éliézer en parlant de Rébecca. Gen., xxiv, 47; cf. Is., iii, 21; Ezech., xvi, 12. De plus nous avons le vivant commentaire de ces passages chez plusieurs peuples orientaux, et en particulier chez certaines tribus bédouines vivant en Palestine et à l’est du Jourdain, où les femmes portent encore des anneaux passés dans un des cartilages inférieurs du nez (fig. 151). Van Lennep assure qu’il a remarqué cette coutume surtout dans les basses classes et les populations rurales, depuis l’Arménie inférieure jusqu'à l’Egypte. Bible Lands, their modern customs, 1875, p. 531. — Cependant le nézém devait ce nom plutôt à sa forme particulière qu'à la partie du visage qu’il ornait; aussi est-il question de nézém pour les oreilles, Gen., xxxv, 4: c'étaient des nézém d’oreille que Jacob fit enterrer auprès du térébinthe de Sichem, comme étant des objets idolâtriques ou des amulettes superstitieuses; il en était de même des nézém d’or que le peuple donna à Aaron pour fondre le veau d’or. Exod., xxxii, 2, 3. En d’autres passages, Exod., xxxv, 22; Judic, viii, 24; Job, xlii, 11; Prov., xxv, 12; Ose., ii, 15 (13), le contexte ne montre pas d’une façon évidente si l’on y parle d’anneaux de nez; cependant l’emploi du singulier fait penser qu’il en est question plutôt que de pendants d’oreilles.

Les traducteurs grecs et latins ont méconnu la véritabledestination des anneaux de nez. D’une part, ils paraissentavoir ignoré une coutume qui, de leur temps, avait disparudes villes et des hautes classes; d’autre part, en certainscas, l’expression nézém désignant certainement des pendants d’oreilles, les Septante l’ont rendue toujours parἐνώτια; ce qui donne lieu à des confusions. La languegrecque ne pouvait avoir un mot spécial pour un objetque les Grecs ne connaissaient pas; il fallait donc oubien se servir du nom de l’ornement qui avait le plus deressemblance avec le nézém et y ajouter un déterminatifcaractéristique, comme l’ont fait les Septante dans Ezech., xvi, 12: ἐνώτιov ἐπὶ τὸν μυκτήρα, «une boucle d’oreillepour le nez;» ou bien il fallait forger un mot nouveau, comme Symmaque: ἐπιρρίνον dans Job, xlii, 11, et ἐπιρρίνιος, dans Ezech., xvi, 12, d’après S. Jérôme, Comment. in h. l., t. xxv, col. 134. — La Vulgate a presque partout suivi les Septante en traduisant nézém par inaures, et parfois elle est forcée de recourir à des paraphrases pour ramener le passage à ce sens. Ainsi dans Gen., xxiv, 47, que nous avons traduit: «un nézém à son nez,» elle tourne ainsi la difficulté: inaures ad ornandam faciem ejus; dans Ezech., xvi, 12, «un nézém sur son nez:» inaures super os suum; dans Isaïe, iii, 21, «des nézém de nez:» gemmas in fronte pendentes.

Le nézém était porté, chez les Hébreux, par les femmes; il donna lieu à un proverbe au trait acéré. Prov., xi, 22. Voici la traduction exacte de l’original: «Un nézém d’or au nez d’un porc (beʿaf ḥăzîr), telle est une femme belle mais sotte.»

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151. — Femme orientale portant le nézém.

— L’anneau de nez était-il aussi porté par les hommes chez certaines tribus voisines de la Palesine? C’est peut-être ce qui ressort de Jud., viii, 22. Après la défaite des Madianites et des autres nomades orientaux, Benê-Qédém, qui les accompagnaient, Gédéon demande pour sa récompense que chaque Israélite lui cède de sa part de butin un nézém, et il ajoute: «Car ils avaient des nézém d’or, puisque c'étaient des Ismaélites,» Réflexion qui présente, comme un trait distinctif des Ismaélites, la coutume de porter des nézém d’or.

2° L’anneau de doigt porte en hébreu le nom de tàbba’af. Non seulement ces anneaux sont mentionnés parmiles bijoux des femmes, 1s., iii, 21; cf. Judith, x, 3, mais il en est aussi question pour les hommes. Ces anneaux formaient une partie notable des présents offerts pour la construction du tabernacle, Exod., xxxv, 22; ils figurent aussi parmi les pièces recherchées dans le butin pris sur les Madianites. Num., xxxi, 50. Les Hébreux venaient de sortir de l’Egypte, où l’usage des bagues et anneaux était très répandu.

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152. — Anneau égyptien avec pierre gravée fixe au nom de Thotmès IV. Musée du Louvre.

On en a découvert en or, très massifs, ayant la plupart, comme celui de la figure 152, une pierre gravée. Quelques-uns sont larges et émaillés (fig. 153). Sur les bas-reliefs et sur les peintures, on voit souvent hommes et femmes portant des anneaux; ces dernières en ont parfois à chaque doigt, mais spécialement à la main gauche (fig. 154).

Établis en Chanaan, les Israélites se trouvèrent en contact et presque toujours en bons termes avec les Phéniciens; ils purent facilement se procurer auprès d’eux les bibelots de toilette, et en particulier les anneaux que l’industrie phénicienne excellait à mettre à la portée de tous. «L’usage des anneaux, dit M. Perrot, était encore plus répandu quecelui des bracelets (en Phénicie).

Il y en avait de tous les modèles et de toutes les matières, depuis la bague de verre ou d’ambre jusqu’au simplecercle d’or et à celui qui était muni d’une pierre gravée, d’un scarabée ou d’un scarabéoïde tournant autour d’unaxe; il y en avait de tous les modèles, les uns, comme en Egypte, ayant la forme d’un serpent roulé sur lui-même; d’autres faits d’une chaînette ou d’une tresse, beaucoup ne se composant que d’une tige métallique ronde ou triangulaire, qui vers son milieu a un renflement elliptique où le burina quelquefois mis une image. On rencontre partout des bagues dans les sépultures phéniciennes.» G. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iii, p. 836. On trouve des échantillons de ces bagues phéniciennes de la Sardaigne dans la dissertation spéciale que leur a consacrée Spanio, Anelli antichi Sardi, dans le Bullettino archeologico Sardo, t v, p. 16-20 (fig. 155).

Dans l’Ecriture, les anneaux sont le plus souvent considérés comme de simples ornements, mais on s’en servait en outre comme de sceaux, et c’est ce qui explique leur nom (de la racine tâbaʿ, «enfoncer, empreindre»), ainsi que l’importance que l’on y attachait, bien supérieure à celle de bagues ordinaires.

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153. — Anneau d’or avec émaux.Musée du Louvre.


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154. — Mains de femme avec anneaux, sur le couvercled’un cercueil de momie. British Muséum.

Cette coutume n'était pas spéciale aux Hébreux; on la retrouve chez d’autres peuples orientaux, chez les Égyptiens, par exemple (fig. 150). Toutes les personnes d’un rang élevé faisaient usage de leur anneau comme d’un sceau. Les fouilles nous en ont fourni un grand nombre. Le musée du Louvre en possède des centaines. Pierret, Salle historique de la galerie égyptienne, 1877, p. 110-119. Ils étaient parfois tout en métal; souvent aussi ils étaient munis d’une pierre gravée en creux portant le signe caractéristique de la personne. L’apposition de l’anneau royal donnait vigueur aux édits, et la tradition de l’anneau était un symbole de la transmission de la puissance. Ainsi, Gen., xli, 42, le Pharaon investissant Joseph de pouvoirs extraordinaires lui remet son anneau. Nous retrouvons le même usage chez lesPerses dans le livre d’Esther; le roi donne d’abord sonanneau à Aman, pour sceller le terrible édit contre lesJuifs, Esth., iii, 10, 12, puis il le retire à Aman, tombé en disgrâce, pour le donner à Mardochée, et pour sceller les lettres du «jour de vengeance». Esth., viii, 2, 8, 10.


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155. — Bagues phéniciennes.
À droite, bague d’après le Bullettino sardo, 1858, p. 745. — À gauche, bague avec chaton, d’après di Cesnola. Salamina, p. 40.

Le livre de Daniel nous montre aussi à deux reprises le roi de Perse se servant de son anneau comme d’un sceau: Daniel, vi, 18 (avec le chaldéen ʿisqâ) et xiv, 10, 13 (que nous n’avons qu’en grec: σφράγισον ἐν τῷ δαϰτυλίῷ τοῦ βασιλέως). Cet usage passa sans doute aux monarchies grecques, qui remplacèrent en Orient l’empire perse, et nous voyons dans 1 Mach., vi, 14-15, Antiochus Épiphane mourant confier son anneau, avec les autres insignes royaux, à son ami Philippe, qu’il choisit comme régent du royaume et tuteur de son jeune fils Antiochus.

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156. — Anneaux égyptiens. Musée du Louvre.
À droite, anneau d’or avec chaton mobile. Pierre gravée en creux. Lapis lazuli. — À gauche, anneau d’or avec chaton mobile au nom d’Aménophis II.

Comme on se servait de l’anneau de doigt en guise de sceau, on le désignait aussi par le nom même qui signifiaiten hébreu un sceau: ḥôṭâm. Dans Jérémie, xxii, 24, Dieu s’exprime ainsi: «Jéchonias, fils de Joakim, roi de Juda, serait-il un anneau (ḥôṭâm) à ma maindroite, que je l’en arracherais.» Cf. Agg., ii, 24; Eccli., xlix, (11) 13: passages qui nous montrent de plus que l’anneau se portait chez les Hébreux à la main droite. LaVulgate a donc bien rendu le sens de ḥôṭâm par annulus; elle a fait de même dans Gen., xxxviii, 18, 25, où le sceau, ḥôṭâm, que Thamar demande à Juda pour se faire plus tard reconnaître de lui, paraît bien être celui de l’anneau. Mais la traduction annulus dans I (III) Reg., xxi, 8, où il s’agit de lettres scellées par Jézabel avec le sceau, ḥôṭâm, d’Achab, ne paraît pas aussi bien ustifiée; là les Septante ont serré de plus près le texte en traduisant par σφραγίς. Dans les derniers temps, l’usage de porter l’anneau persistait chez les Juifs avec son importante signification.

L’anneau d’or est un indice d’opulence. Jac, ii, 2: ἀνὴρ χρυσοδακτύλιος, l’homme à l’anneau d’or, désigne le riche pour lequel on ne doit pas faire acception de personne. L’anneau est aussi le signe distinctif du fils de famille par opposition aux serviteurs, signe qui est rendu à l’enfant prodigue repentant. Luc, xv, 22.

II — Anneaux du tabernacle. — L’expression tabbaʿaṭ est encore employée en hébreu pour désigner des objets qui, bien que ne pouvant servir à imprimer un sceau, comme les anneaux de doigt, avaient avec ceux-ci unecertaine ressemblance de forme. Il s’agit des différentsanneaux qui se trouvaient dans le mobilier du tabernacle: anneaux de l’arche, de l’autel, etc., servant à passer lesbarres de bois pour les transporter, cf. Exod., xxvi, 29; xxvii, 4; xxx, 4; anneaux plus délicats où s’attachaient les chaînettes qui reliaient le rational et l’éphod. Exod., xxviii, 23, 26-28. La Vulgate a traduit tabbaʿaṭ dans ces passages par annulus, mais aussi par circulus dans Exod., xxv, 12, 15 et suiv.; xxvii, 7, etc., léger changement que nous ne signalerions même pas si elle n’avait aussi rendu par circulus l’expression gérés, Exod., xxvi, 6, etc., qui désigne non de simples anneaux, mais des crochets. Voir Agrafe.

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157. — Anneau, chaîne et crochets assyriens. D’après V. Place, Ninive et l’Assyrie, pi. 70.

Il est difficile de comprendre dans les traductions ces descriptions minutieuses de construction ou de mobilier, quand chaque objet n’a pas, comme en hébreu, un nom spécial ou qu’on ne lui donne pas toujours le même. On a retrouvé dans les ruines du palais de Sargon à Khorsabad, au nord de Ninive, des anneaux en fer, avec chaîne et crochets, que nous reproduisons ici (fig. 157).

III. Anneaux destinés a conduire les animaux. — LesHébreux se servaient aussi d’anneaux passés dans les narines, pour mener les animaux difficiles à conduire; ils appelaient cette espèce d’anneau ḥâḥ, ḥôaḥ. Dieu met Job au défi de conduire Léviathan avec un tel anneau. Job, XL, 20: Numquid pones circulum in naribus ejus, aut armilla perforabis maxillam ejus? Dans l’hébreu, v. 26: «Placeras-tu un jonc dans sa narine, ou avec un anneau (ḥâḥ) perceras-tu sa mâchoire?» L’image n’est pasmoins grandiose quand Dieu menace Sennachérib de le ramener dans son pays avec un anneau dans les narines. Is., xxxvii, 29; IV Reg., xix, 28. Ézéchiel se sert de la même figure dans la parabole de la lionne et des lionceaux, xix, 4, et aussi pour le roi d’Egypte et le roi Gog, xxix, 4; xxxviii, 4 (Vulgate: frænum).

Ce qui n’était qu’une image dans les prophètes hébreuxétait la triste réalité chez les cruels conquérantsassyriens et perses. Sur des monuments d’Assurbanipal(fig. 158) et de Darius figurent des bas-reliefs où les prisonnière de distinction sont amenés devant le roi vainqueur, enchaînés et conduits comme des animaux sauvages, avec un anneau passé dans les narines ou dans leslèvres; c’est l’expressif commentaire non seulement detextes d’Isaïe et d’Ezéchiel, mais aussi de II Par., xxxiii, 1 1, où nous voyons que le roi de Juda Manassé, vaincu par les Assyriens, fut retenu prisonnier avec de tels anneaux, baḥôḥim. Les Paralipomènes nous ont conservé ici» comme en d’autres cas, un trait caractéristique dont lesmonuments figurés ont permis de comprendre toute laportée; avant d’avoir découvert ces représentations, onne supposait pas un tel raffinement de cruauté, et lesversions avaient en général atténué la signification del’expression employée. La Vulgate (d’après les Septante, ἐν δεσμοῖς) traduit ici par catenis, «chaînes» commedans Ezech., xix, 4.

J. Thomas.


158. — Prisonniers avec l’anneau passé dans les lèvres, devant Assurbanipal, roi d’Assyrie (les vêtements ont été en partie restaurés).
D’après Botta, Monument de Ninive, t. ii, pl. 118.

ANNÉE, en hébreu šanâh. Dans la plupart des languessémitiques, y compris le phénicien et l’assyrien, šenat, šantu, le nom de l’année dérive de la mêmeracine, qui exprime l’idée de répétition, succession, et aussi de retour périodique, les saisons se suivant dans le même ordre; de là l’expression, le cercle de l’année, ṭeqûfaṭ haššanâh, Exod., xxxiv, 22; IIPar., xxiv, 23, pour le cours de l’année, cf. le latin annus (annulus), le grec ἐνιαυτός, qui se rattachent sans doute à la même idée. Un texte de Servius, ad Æn., iii, 284, montre que les anciens, prenant simplement annus dans le sens primitif, pouvaient l’appliquer à la révolution de la lune comme à celle du soleil: «Les anciens… eurent d’abord l’année lunaire (lunarem annum) de trente jours…; puis on trouva l’année solaire (annus solstitialis), qui contient douze mois.» Mais cela ne prouve pas que chez aucune nation civilisée on ait jamais construit un calendrier sur une année de trente jours, et encore moins qu’il y ait des textes historiques où la durée des événements soit évaluée avec de telles années.

Déjà saint Augustin, De Civit. Dei, xv, 12, t. xli, col. 450-455, parle de tentatives faites de son temps pour expliquer la longévité extraordinaire attribuée dans Gen., v, xi, aux patriarches antérieurs à Abraham, en prétendant qu’à l’origine l’année pouvait n’être que de deux ou trois mois. Il n’a pas de peine à montrer combien ces explications sont peu fondées; mais comme on a depuis essayé parfois de les reprendre, notons qu’elles n’ont d’autre appui que les affirmations très suspectes d’auteurs anciens, d’après lesquels l’année égyptienne n’aurait eu d’abord qu’un mois (Pline, H. N., vii, 48; Varron, d’après Lactance qui le réfute, Instit. divin., ii, 13, t. vi, col. 325); ensuite deux mois, puis quatre mois. Censorinus, De die natali. Rien n’est venu confirmer les allégations de cesauteurs; aussi haut que les monuments et papyrus égyptienspermettent de remonter, on trouve chez ce peuplel’année de douze mois. D’autre part, dans le texte sacrélui-même, ces conjectures plus ou moins ingénieusesn’ont aucune base; au contraire, non seulement à toutesles époques nous trouvons la mention de douze mois, IIIReg., iv, 7; IVReg., xxv, 27; IPar., xxvii, I, 15; Jer., lii, 31; Ezech., xxxii, 1; Esther, ii, 12; iii, 7, 13, etc., mais encore déjà dans le récit du déluge l’année nous apparaît, comme l’observait très bien saint Augustin, avec sa durée ordinaire. Nous y voyons, en effet, indiqués le deuxième mois, puis le septième, le dixième, Gen., vii, 11; viii, 4, 5; on passe ensuite au premier de l’année suivante, mais on voit par les ꝟ. 6, 10, 12, que depuis le dixième de la précédente il s’est écoulé encore au moins cinquante-quatre jours, qui ne sont pas même donnéscomme remplissant cet intervalle; nous sommes doncramenés sensiblement à une durée de douze mois. Enfin, à l’époque traditionnelle de la rédaction de ce récit, c’est-à-dire à l’époque de Moïse, les deux grands peuples auxquels se rattachaient les Hébreux, les Chaldéens, parl’origine de la famille d’Abraham, et les Égyptiens par leséjour prolongé des descendants de Jacob, se servaient, — nous le savons certainement aujourd’hui par leursmonuments, — de l’année de douze mois. Ainsi donc, tenant pour établi que dans la Bible l’année représentetoujours la même période de temps, il nous reste à déterminer: 1o quel en était le caractère, solaire ou lunaire; 2o quel en était le début, uniforme ou différent suivantles époques. On peut, en effet, grouper autour de cesdeux questions les faits et les textes qui nous éclairentsur la constitution de l’année hébraïque.

I. Caractère de l’année hébraïque.

1o L’année desHébreux était à la fois lunaire et solaire: lunaire, parcequ’elle se composait de mois dont le début et la duréeétaient réglés sur les phases de la lune; solaire, parcequ’un procédé d’intercalation que nous étudierons ramenaitla première lunaison, et par conséquent les suivantes, à coïncider avec la même saison de l’année, et ainsi avecla révolution solaire. L’année n’était donc pas simplementlunaire, comme celle des musulmans, dans laquellel’ordre des mois ou lunaisons, retardant chaque année deonze jours sur la révolution du soleil, cesse de coïnciderd’une manière fixe avec le cours des saisons. Elle n’étaitpas non plus uniquement solaire, comme celle des Égyptiensou comme la nôtre, dans lesquelles le mois nereprésente plus une division réelle, c’est-à-dire marquéepar la révolution d’un astre, mais une division conventionnelle de la révolution solaire.

2o Nous ne pensons pas, de plus, que les Hébreux se soient jamais servis, ou du moins qu’il y ait dans leurs anciens écrits quelque trace d’une année purement solaire, comme l’ont prétendu quelques auteurs.

Telles sont les deux conclusions que la présente étudemettra en lumière et qui serviront de commentaire àl’ordre de Dieu dans la Gen., i, 14, d’après lequel les deux grands luminaires ne doivent pas seulement distinguer le jour et la nuit, mais aussi marquer ensemble les temps et les années: fonction qui ailleurs est plus spécialement attribuée à la lune. Ps. civ (hébr.), 19; Eccli., xliii, 6-9. Dans notre calendrier exclusivement solaire, la lune est dépossédée de ce rôle; ou, si l’on veut, elle n’y a plus qu’un règne nominal grâce au mot mois, qui la rappelle par son étymologie, mensis (cf. le grec, μήν, lune; allemand: Mond, Monat; anglais: moon, month), et aussi croyons-nous, par le nombre douze, que l’on s’est appliqué partout à maintenir. Nous devonsfaire abstraction de nos habitudes pour comprendre comment la lune a fourni d’abord la division de l’année; le système de calendrier qui nous paraît aujourd’hui si simple, si naturel, est au fond le plus difficile, le plus compliqué, et nous ne devons pas oublier qu’il n’a reçu son dernier perfectionnement qu’à la fin du xviesiècle de notre ère par la réforme grégorienne, 1582 (GrégoireXIII). Évaluer la durée exacte de l’année sur la révolution solaire suppose des calculs astronomiques que l’on ne pouvait faire à l’origine. Le changement périodique des saisons se présentait comme un moyen facile de fixer une première division des temps au moins d’une façon approximative; et, comme le retour des saisons dépend de la révolution solaire, indirectement l’année se trouvait réglée sur le cours de cet astre. De plus, les phases de la lune, se succédant dans l’espace d’une trentaine de jours (en réalité, 29jours, 12heures, 44’, 2,9’’), il fut aisé d’observer que ce renouvellement des saisons prenait environ douze lunes; on avait là le principe de la division en 12mois. Cependant on ne tarda pas à s’apercevoir que, si ou ne comptait pour l’année que douze lunaisons, on ne la commencerait plus à la même saison. Douze mois lunaires ne font en effet que 354jours, 8heures, 48’, 34,8’’, tandis que la révolution solaire qui règle le cours des saisons ne s’accomplit qu’en 365jours, 5heures, 48’, 46,1’’; la différence est donc presque de 11jours. Les exigences de la vie pastorale ou agricole demandaient que les divisions de l’année ou l’ordre des mois fussent autant que possible maintenus en harmonieavec la marche des saisons. Les divers peuples, suivantleur génie et leur degré de civilisation, ont résolu leproblème de manière différente; mais on peut ramener tous les systèmes à deux types principaux: l’un d’origine égyptienne, qui est passé ensuite avec des perfectionnements chez les Grecs, chez les Romains et enfin chez nous; l’autre, plus primitif et conservé dans les civilisations d’origine chaldéenne. À ce dernier type se rattache l’année hébraïque; mais comme on a voulu la rapprocher aussi du premier, il importe de donner ici brièvement une notion exacte des deux, ce qui permettra de mieux apprécier la valeur des rapprochements.

1o Système égyptien.

On conserve invariablement le nombre douze pour les mois, mais on établit la durée de chacun en divisant en parties égales la durée de la révolution solaire, sans aucun égard pour les phases dela lune; c’était du coup sortir du système lunaire. «L’année primitive des Égyptiens, dit M.Maspero, ou du moinsla première année que nous leur connaissions historiquement, se composait de douze mois de 30jours chacun, soit en tout 360jours. Ces douze mois étaient partagés entrois saisons de quatre mois: la saison du commencement(shâ), qui répond au temps de l’inondation [août, septembre, octobre, novembre]; la saison des semailles(pro), qui répond à l’hiver [décembre, janvier, février, mars]; la saison des moissons (shemou), qui répond à l’été [avril, mai, juin, juillet].» Histoire des peuples de l’Orient, 3e édit., p.79. Des observations plus exactes ne tardèrent pas à montrer que l’année tropique comptait en réalité 365jours, et non 360; on ajouta dès lors à chaque année, en sus des douze mois, cinq jours épagomènes. «L’époque de ce changement était si ancienne, que nous ne saurions lui assigner aucune date, et que les Égyptiens eux-mêmes l’avaient reportée jusque dans les temps mythiques antérieurs à l’avènement de Mena (Ménès).» G.Maspero, ibid., p.80. Cf. Plutarque, De Iside et Osiride, c. 22. En tout cas, c’est le système qu’Hérodote avait trouvé en vigueur en Égypte, et dont ce peuple s’attribuait l’invention. Les prêtres de Memphis lui dirent, en effet, «que les Égyptiens avaient inventé les premiers l’année, et qu’ils l’avaient distribuée en douze parties d’après la connaissance qu’ils avaient des astres. Ils meparaissent en cela, ajoute Hérodote, beaucoup plus habiles que les Grecs, qui, pour conserver l’ordre des saisons, placent au commencement de la troisième année un mois intercalaire; au lieu que les Égyptiens font chaque mois de trente jours, et que tous les ans ils ajoutent à leur année cinq jours surnuméraires, au moyen de quoi les saisons reviennent toujours au même point.» ii, 4.

Hérodote jugeait avec trop d’indulgence ce système.L’année de 365jours ne répond pas exactement à l’annéeastronomique, qui est de 365jours et quart, si bien quetous les quatre ans il y avait un retard d’un jour sur cette année; peu à peu les mêmes mois cessaient de coïncider avec les mêmes saisons et les parcouraient toutes successivement dans une période de 1460années astronomiques (365×4), que l’on appelait sothiaque, du nom égyptien de Sirius, Sopt, d’où les Grecs ont fait Sothis. «Son lever héliaque, qui marquait le commencement de l’inondation, marquait aussi le commencement de l’année civile… Au bout de quatorze siècles et demi, l’accord si longtemps rompu était parfait de nouveau: le commencement de l’année civile coïncidait alors, et pour une fois seulement avec celui de l’année astronomique; le commencement de ces deux années coïncidait avec le lever héliaque, au matin, de Sirius Sothis, et par suite avec le début de l’inondation. Les prêtres célébrèrent le lever de l’astre par des fêtes solennelles, dont l’origine devait remonter plus haut que les rois de la première dynastie, au temps des Shesou-Hor, et donnèrent à la période de 1460 = 1461, qui ramenait cette coïncidence merveilleuse, le nom de période sothiaque.» G.Maspero, ibid., p.80-81. En somme, le système égyptien n’avait abouti qu’à l’année de 365 jours, dite vague, c’est-à-dire errant dans une longue période à travers toutes les saisons.

2o Système chaldéen.

L’autre système, plus fidèleà la donnée première, conserve au mois son caractèrelunaire, réglant sa durée sur les phases de la lune; mais, pour ramener le début de l’année à peu près àla même saison, il laisse passer, quand besoin est, une13e lune, et dans ce cas on dit que l’année a un moisintercalaire. À la différence du système précédent, il maintient la nature primitive du mois, mais abandonne pourquelques années le nombre ordinaire de douze. Les inscriptions assyro-babyloniennes nous ont montré que c’étaitlà le système de l’antique Chaldée. Sur des tablettes lesjours du mois sont comptés d’après ceux de la lune, etsur celles qui nous ont donné une liste complète desmois, on voit figurer, après le dernier appelé Adaru, lemois intercalaire: Maqru sa Adari, incident à Adar.Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p.246 et suiv.; G. Smith, The Assyrian eponym canon, p.18-21. Ed. von Haerdt, Astronomische Beiträge zur assyrischen Chronologie, in-8o, Vienne, 1855; le P.Epping, S. J., Astronomisches aus Babylon oder das Wissen der Chaldäer über den gestirnten Himmel, unter Mitwirkung von P. J. N. Strassmayer, S. J., in-8o, Fribourg-en-Brisgau, 1889; du même, Die babylonische Berechnung des Neumondes, dans les Stimmen aus Maria-Lach, septembre 1890; le P.Lucas, S. J., L’astronomie à Babylone, dans la Revue des questions scientifiques, octobre 1890; avril 1891.

Les mois sont comptés à partir de Nisanu, et celuiqui occupe le huitième rang s’appelle simplement Araḥu samna, mois huitième. Les Chaldéens ne le cédaient enrien aux Égyptiens pour les observations et les calculsastronomiques. Cf. Diodore, ii, 30, 31. Les tablettes relatives aux phénomènes célestes abondent dans la bibliothèque du palais d’Assurbanipal, et certaines n’étaient que la copie d’un ouvrage astrologique rédigé par ordre de Sargon l’Ancien, roi d’Agadé, plus de 3000ans avant notre ère. Dans la suite, les astronomes officiels ne se contentèrent pas des observations sidérales qu’ils faisaient sur les zigurat ou pyramides à étage, annexées d’ordinaire aux temples ou aux palais royaux, mais ils abordèrent et résolurent par le calcul, comme le montrent les tablettes étudiées par le P.Epping, le difficile problème de la détermination de la lune vraie; ils arrivèrent pour cela à connaître avec assez d’exactitude les rapports du mouvement du soleil et du mouvement de la lune, et purent dès lors établir à l’avance l’époque des mois intercalaires pour que le 1er Nisan demeurât toujours placé aux environs de l'équinoxe du printemps. De même qu’ils purent calculer et prévoir le retour des éclipses, le passage des étoiles, la marche du soleil à travers les signes du zodiaque, dont ils furent les inventeurs; de même ils dressèrent à l’avance des calendriers où étaient réglées l’alternance des mois de 29 ou de 30jours, et sans doute aussi la succession des années à mois intercalaires. Si nous laissons de côté ces derniers perfectionnements, qui supposaient une science astronomique avancée, le système chaldéen se retrouve, mais fonctionnant avec des procédés empiriques, chez les Hébreux comme chez les anciens Grecs et chez les anciens Romains; par l’année juive, il s’est même maintenu pour le fond dans notre comput ecclésiastique, tandis que le système égyptien est à la base de notre calendrier ordinaire.

Ces systèmes nettement distingués, il est facile de voir avec lequel des deux concordent les données que la Bible fournit sur la division lunaire de l’année et sur le procédé d’intercalation qui en est la conséquence. Mais auparavant recueillons les renseignements plus complets que nous tenons sur les mêmes sujets des docteurs juifs de la Mischna et du Talmud. En l’absence de toute indication positive de changement, ils nous représentent un état de choses d’où nous pouvons conjecturer ce qu’était l’état primitif, et de plus pour le temps du Nouveau Testament, de Notre-Seigneur et des Apôtres, on peut les considérer comme des témoins directs.

1o Sur la division purement lunaire de l’année et la manière dont elle était réglée à la dernière époque, nos sources d’information sont abondantes. La révolution de la lune durant en réalité 29jours et demi, on comptait pour le mois tantôt 29jours et tantôt 30; il y avait, selon l’expression de la Ghemarâ, Berakoth, f. 30 b, des mois pleins, melâʾim, et des mois défectueux, ḥăsêrîm. Les anciens Grecs avaient de même distingué des mois pleins et des mois caves. Mais, quand la plupart des peuples civilisés eurent abandonné le vieux système chaldéen, les auteurs profanes, comme Galien, au second siècle, notèrent cette distinction comme une particularité «du peuple de Palestine». Opera, édit. Kühn, t. xvii, p.23. Le livre d’Énoch, 78, 15-16, traduction de Dillman, la remarquait aussi. De leur côté, les Juifs s’en glorifiaient comme d’un privilège. «Les nations du siècle suivent dans leur comput le soleil, et Israël la lune.» Zohar, in Genes., f. 236 b. Avant la destruction du temple, c'était le Sanhédrin; ensuite ce fut l’assemblée de Jamnia qui, se tenant en séance pendant le jour qui suivait le vingt-neuvième d’un mois, décidait, suivant le moment où des témoins dignes de foi annonçaient l’apparition du nouveau croissant, si ce jour appartiendrait comme trentième au mois précédent ou s’il commencerait le suivant. La décision prise, des messagers allaient aussitôt la porter aux villes voisines, au moins pour les mois où les fêtes importantes revenaient à des jours déterminés. Ce procédé tout empirique était encore celui du second siècle de notre ère, au temps des docteurs de la Mischna, Rosch haschschanah, i, 3; ii; iii, 1; iv, 4; cf. Araḥin, iii, 7. La décision dépendait donc beaucoup de l’état du ciel, serein ou nuageux, au moment de la nouvelle lune. Cependant il était de règle que dans une même année il ne put y avoir moins de quatre mois pleins, ni plus de huit, cf. Araḥin, ii, 2; ce qui revenait à dire que l’année ordinaire ne devait jamais compter moins de 352jours, ni plus de 356. Ajoutons que plus tard, vers la fin du ivesiècle, les Juifs rabbanites, à la différence des Karaïtes, adoptèrent le cycle dit de Hillel, dont il sera question à propos des années à mois intercalaire, et d’après lequel l’alternance des mois pleins et des mois caves était établie à l’avance sur une règle fixe.

Or, que chez les anciens Hébreux la division de l’annéefût aussi purement lunaire, c’est ce qu’indiquent d’abord les noms mêmes du mois: soit yêraḥ, qui se rattache au nom même de la lune yârėǎḥ (cf. en assyrien, araḥu, où le mois était certainement lunaire): soit ḥôdêš, la nouvelle lune, qui était le point de départ du mois, et de là servit aussi à le désigner. Gen., xxix, 14. C’est la remarque que déjà faisait l’Eccli., xliii, 6-9, dans ce curieux passage où, après avoir simplement célébré le soleil pour sa chaleur et son éclat, il assigne à la lune, parmi les œuvres de Dieu, la place de régulatrice des temps. «Et la lune, [il l’a destinée] en tout à marquer les temps; elle les montre, elle en est le signe. De la lune [vient] le signal des fêtes, luminaire qui diminue jusqu’à sa consommation. Le mois prend d’elle son nom. Elle va croissant, merveilleuse dans ses changements, lampe des camps d’en haut (du ciel), brillant au firmament du ciel.»

De plus, la manière dont la loi établit le cycle des fêtes religieuses, Exod., xii; Lev., xxiii; Num., xxviii-xxix, suppose que l’année commence avec la ḥôdêš, c’est-à-dire la nouvelle lune, que les jours des mois sont comptés à partir de ce moment. Les deux principales fêtes, celle qui ouvre ce cycle et celle qui le ferme, Pâques et la fête des Tabernacles, sont fixées au quinzième jour du mois, c’est-à-dire à la pleine lune. Nous ne savons pas comment se réglait l’alternance des mois de 29 ou de 30jours; probablement par un procédé aussi empirique qu’à l’époque du Sanhédrin; il n’y avait pas de calculétabli à l’avance, et l’on pouvait hésiter entre deux jours pour fixer quel était celui de la nouvelle lune; aussi un ancien récit se rapportant au temps de Saül, I Reg., xx, 5, 18, 19, 21, 27, 34, suppose-t-il qu’on célèbre pendant deux jours consécutifs la néoménie. Avant l’exil, les mois sont désignés d’après leur rang, second, troisième, etc., par rapport à celui de la Pâque, qui est le premier. Cependant, au moins pour quatre mois, on trouve des noms anciens, indiquant le retour de ces mois à des saisons déterminées; ce sont: le premier, ʾAbib, mois des épis, Exod., xiii, 4; xxiii, 15; xxxiv, 18; Deut., xvi, 1 (Vulg.: novarum frugum, novorum, verni temporis); le deuxième, Ziv, mois des fleurs, IIIReg., vi, 1, 37; le septième, ʾEṭanim, mois des courants, IIIReg., viii, 2; le huitième, Bul, mois des pluies. IIIReg., vi, 38. L’année, quoique divisée en mois lunaires, devait donc être réglée aussi sur la marche des saisons. De plus, non seulement la loi établit elle-même la coïncidence de la fête de Pâques, fixée sur le jour de la lune, avec le mois des épis, d’après Exod., xiii, 4; mais encore un des rites de la fête, l’offrande d’une gerbe au second jour, Lev., xxiii, 10-11, 15, suppose que la fête se célèbre toujours à une saison où déjà des épis d’orge ont commencé à mûrir; ce qui a lieu, en effet, dans certaines régions chaudes de la Palestine et à quelques heures de Jérusalem, vers le commencement d’avril.

2o C’est par l’intercalation d’un treizième mois de 29jours, c’est-à-dire en laissant passer une lunaison de plus, que les Juifs, depuis longtemps à l'époque de Notre-Seigneur, arrivaient à maintenir l’accord entre les saisons et l’année lunaire, quand celle-ci menaçait de demeurer trop en retard. Le dernier mois étant ʾAdar, l’intercalaire s’appelait ʾAdar šeni, ʾAdar baṭra, «Adar second, postérieur», ou simplement, avec la conjonction, Veʾadar. On nommait l’intercalation ʿibbûr, l’année où elle avait lieu šanâ meʿôbéréṭ, et l’année ordinaire šanâ pešutâ. Cf. Mischna, Eduyoth, vii, 7; Gemarâ, Rosch haschschanâh, vi, 2; xix, 2. Cette intercalation devenait nécessaire tantôt après deux ans et tantôt après trois ans. C’était le président du Sanhédrin assisté de quelques collègues, trois au moins, sept au plus, qui décidaient, et souvent seulement vers la fin d’Adar, s’il y avait lieu de faire l’intercalation. Mischna, Eduyoth, vii, 7; Megillâ, i, 4; Gemarâ, Sanhedrin, xi, 1, 2. Ils devaient veiller à ce que le 16 Nisan, ou deuxième jour de la fête, tombât toujours après l'équinoxe du printemps. Que cette condition dont parle la Gemarâ au vie siècle fut déjà observée au Ier, c’est ce qui résulte des indications de Philon, De Septenario, 19; Quæstiones et solut. in Exod., i, 1; de Josèphe, Ant. jud., 111, x, 5, et d’Anatolius, dans Eusèbe, H. E., vii, 32, 10-19, t. xx, col. 728-729. Mais les passages cités de la Mischna montrent qu’alors rien n'était encore réglé à l’avance d’après un cycle, et qu’on attendait parfois au dernier mois pour la décision. On tenait compte aussi de l'état de la végétation pour savoir si on pourrait faire l’offrande des épis; et même, après des pluies prolongées, si on n’avaitpas eu le temps de réparer les routes et les fours où l’on faisait cuire l’agneau pascal (Sanhédrin: «à cause des routes, des ponts, des fours,» ṭanurê pesâḥim, le Sanhédrin déclarait qu’on attendrait pendant une lunaison encore le commencement de l’année nouvelle; mais, dans une année sabbatique, on ne devait jamais faire l’intercalation. Vers la fin du ive siècle seulement (670 de l'ère des contrats = 358), les Juifs rabbanites reçurent le cyclede Hillel. Th. Reinach, Le calendrier des Grecs de Babylonie et les origines du calendrier juif, dans la Revue des études juives, t. xviii, 1889, p. 90-94. C'était le cycle de dix-neuf ans inventé par l’astronome grec Méton vers 463 avant J.-C. Diodore, xii, 36; Théophraste, De signis tempest., 4; Élien, Var. hist., x, 7. Dans ce cycle de dix-neuf ans, sept années ont le mois intercalaire: les troisième, sixième, huitième, onzième, quatorzième, dix-septième et dix-neuvième. Comme il n’intéresse pas lestemps bibliques, nous n’avons pas à en étudier ici le mécanisme; il suffit de signaler son introduction tardive et surtout de remarquer qu’au second siècle de notre ère, et par conséquent au temps de Notre-Seigneur, une intervention du Sanhédrin réglait d’une façon tout empirique soit la durée de chaque mois, soit la succession des années à mois intercalaire, d’où dépend la coïncidence des fêtes avec tel ou tel jour de la semaine. On ne peut donc retrouver l’année où avaient lieu de pareilles coïncidences au moyen de tables calculées d’après des cycles déterminés, comme cherchent à le faire certains auteurs pour la vie de Notre-Seigneur et pour les temps apostoliques; c’est à des renseignements historiques spéciaux à chaque cas, s’il en existe, qu’il faut demander la solution de cesproblèmes chronologiques.

Quant aux anciens Hébreux, puisqu’ils se servaient, nous l’avons vii, de mois lunaires, ils ne pouvaient arriver à faire coïncider leur premier mois avec la même saison de l’année que par le procédé de l’intercalation; nous devons conclure de là qu’ils le pratiquaient. L’usage des temps postérieurs, comme les attaches chaldéennes de la famille d’Abraham, confirment cette conclusion.Cependant les textes bibliques ne nous permettent pasd’en constater l’application. Le tour mensuel de servicede certains officiers est réglé pour l’année ordinaire de douze mois. III Reg., iv, 7; I Par., xxvii, 1, 15. En vain, les docteurs de la Mishna, Pesah., 4, 9, veulent-ils trouver trace de l’intercalation dans II Parai., xxx, 1-3, 13, 15, où l’on voit Ézéchias retarder la célébration de la Pâque au second mois; rien n’indique que ce princeajouta un second Nisan, comme on le faisait parfois dansle calendrier assyro-babylonien, mais il applique plutôt à la célébration solennelle et nationale de la Pâque ce que les particuliers pouvaient faire en certains cas. Num., ix, 6-11. Dans Daniel, iv, 26, l’expression «après douze mois», au lieu de dire «après un au», laisse-t-elle entendre que l’année pouvait avoir plus de douze mois? C’est possible, d’autant plus que l’expression se rencontre là dans un document attribué au roi même de Babylone, où l’usage d’années à mois intercalaire était couramment pratiqué; mais par là même ce passage ne peut être cité comme un témoignage direct sur la coutume des anciens Hébreux. On ne peut que par conjecture dire sur quels principes se faisait autrefois l’intercalation. Il y a tout lieu de penser qu’elle était réglée, comme aux temps postérieurs, d’une façon aussi empirique. L'état de la végétation devait, comme plus tard, servir d’indice. Des courriers portaient aux villes du royaume la décision de l’autorité centrale. Cf. II Par., xxx, 5, 6, 10. Cependant on pouvait avoir recours aussi à quelques observations astronomiques rudimentaires sur la position de certaines étoiles ou constellations à telle ou telle saison de l’année, permettant de prévoir quelque temps à l’avance le moment où devait se faire l’intercalation. On trouve trace d’observations de ce genre dans le poème de Job, xxxviii, 31; et qu’on les ait utilisées pour fixer l’ordre et la durée des années, c’est ce qui paraît résulter de la note incidemment donnée dans I Par., xii, 32 (hébr. 33), sur les gens de latribu d’Issachar, qui sont réputés, au temps de David tcomme «habiles à distinguer les temps pour savoir ceque doit faire Israël».

Nous arrivons maintenant à notre seconde conclusion: rien dans la littérature hébraïque n’indique que les Hébreux aient anciennement connu et employé l’année solaire, c’est-à-dire composée simplement de douze mois fixes de trente jours chacun, avec cinq: jours surnuméraires. Les considérations qui précèdent réfutent suffisamment ceux qui vont jusqu'à prétendre qu’ils ont fait d’abord usage d’un tel système et n’ont compté par mois lunaires qu'à une époque relativement récente, sous Ézéchias ou Josias d’après Credner, Joël übersetzt und erklärt, 1831, p. 207 et suiv.; Bottcher, Proben alttestamentl. Schrifterklärung, 1833, p. 283 et suiv.; vers le temps d’Alexandre le Grand et sous la domination grecque, d’après D. Calmet, Dictionnaire de la Bible, au mot An et Dissertation sur la chronologie, en tête du Commentaire sur la Genèse; et même seulement vers l’an 200 avant J.-C, suivantSeyffarth, Chronologia sacra, 1846, p. 26 et suiv. D’autres soutiennent simplement que les Hébreux ont connu l’année solaire et s’en sont parfois servis à côté du système luni-solaire. Ainsi Riehm, Handwörterbuch, au mot Jahr, t. i, p. 655; S. Poole dans le Smith’s Dictionary of the Bible, t. iii, p. 1803, veulent en trouver quelques traces dans la Bible; mais est-il bien sérieux d’alléguer dans ce sens le chiffre de 365 ans attribué au patriarche Hénoch dans Genèse, v, 23? ou celui de 150 jours dans le récit du déluge, Gen., vii, 24; viii, 3, quand le récit n’insinue d’aucune façon qu’ils font cinq mois, 5x30, mais implique seulement que ces 150 jours sont renfermés dans un intervalle de cinq mois et dix jours, Gen., vii, 11; viii, 4, intervalle qui renferme plus de 150 jours, qu’on le prenne en mois lunaires ou en mois solaires? De plus, d’après.Riehm, dans les dates qui fixent la durée totale du déluge, du dix-septième jour du deuxième mois au vingt-septième jour du deuxième mois de l’année suivante, vii, 11; viii, 14, on trouverait une combinaison de l’année solaire et de l’année lunaire. Ces dates supposent, en effet, une année, plus onze jours. Or une année lunaire, 351 jours plus 11 jours, égale l’année solaire, soit 365 jours. Que l’auteur du récit ait voulu faire entendre que la durée totale du déluge égalait une révolution solaire, c’est possible; mais il n’en reste pas moins vrai que son calcul par mois, 354 + 11, est basé sur l’année lunaire. — Onallègue ensuite les noms anciens: Abib, Ziv, Ethanhn, Bul, indiquant que ces mois sont essentiellement rattachés à des saisons déterminées, et par conséquent des mois solaires. Ces noms supposent, en effet, la coïncidence, mais ne disent pas quelle en était la nature; celle que l’on obtenait par le procédé de l’intercalation suffisait pour justifier la dénomination de lune (ḥôdėš) des épis, des fleurs, etc. — On dit encore que l’expression «trente jours» est prise par les auteurs sacrés comme synonyme d’un mois. Deut., xxr, 13; xxxiv, 8; Num., xx, 30 ( 29); Esther, iv. Il: Dan., vi, 7, 12; Judith, iii, 15; xv, 13. On ne peut rien conclure de semblables locutions; même dans le cas de l’année lunaire, on compte en chiffres ronds 30 jours pour un mois, le mois lunaire faisant un peuplus de 29 jours et demi. — Ce qui serait plus grave, les prophètes, d’après S. Poole, se seraient servis de l’année de 360 jours. Mais pour appuyer une telle affirmation il n’allègue que l’expression assez énigmatique de Daniel, vii, 25; xii, 7: «un temps, des temps et un demi-temps», sous prétexte que l’Apocalypse, xii, 14; cf. 6; xi, 2, 3; xiii, 5, désigne par là 42 mois ou 1 260 jours, ce qui suppose des mois de 30 jours fixes: 42 X 30 = 1 260. Mais il reste à savoir si l’auteur de l’Apocalypse n’a pas repris pour son compte une expression mystérieuse qu’il explique suivant les usages d’une autre époque.

II. Début de l’année. — La loi, Exod., xii, 2, déclare que le mois où se célèbre la Pâque est la tête des mois, le premier, rʾôš hôdâšîm, rʾišôn; aussi, dans tous les livres de l’Ancien Testament, les autres mois sont-ils comptésdeuxième, troisième, etc., en partant du mois de la Pâque, qui après la captivité portait le nom de Nisan. II Esdr., II, 1; Esther, iii, 7. Le début de l’année est appelé par Ézéchiel, comme chez les Juifs modernes, rʾôš haššânâh, tête de l’année, Ezech., XL, 1; mais, dans ce texte, il désigne le mois plutôt que le jour par lequel débute l’année. Cf. Ezech., xxiv, 17; xxx, 20, où ce premier mois est aussi appelé rʾišôn. Comme Ézéchiel compte partout les mois suivant l’usage ordinaire, il faut donc entendre chez lui le rʾôš haššânâh du mois où se célèbre la Pâque. Mais les Juifs modernes désignent sous le nom de rʾôš haššânâh le 1er Tischri ou septième mois à partir de Nisan; c’est de là qu’ils comptent l’année civile pour la distinguer de l’année religieuse ou des fêtes, qui commence en Nisan. La Mischna, Rosch haschschanah, i, 1, distingue quatre débuts d’année: 1° le premier Nisan, d’où part l’année religieuse, et aussi, est-il dit, l’année des rois; 2° le premier Élul ou sixième mois à partir de Nisan, d’où part l’année des troupeaux, pour établir à quel moment ils devront payer la dîme; 3° le premier Tischri ou septième mois, tête de l’année civile ou des contrats, de l’année sabbatique et de l’année jubilaire; 4° le quinze Schébet ou onzième mois après Nisan, d’où se compte l’année des fruits pour la dîme. Les usages spéciaux à l’année des troupeaux ou à celle des fruits ne représentent nullement, de l’aveu de tous, une manière particulière de compter les mois de l’année qui ait jamais servi à établir le calendrier; mais il n’en est pas de même de la tête d’an du premier Tischri. D’après Josèphe, l’usage de commencer l’année avec Tischri, en automne, serait le plus ancien; dans le récit du déluge les mois seraient comptés à partir de ce moment, de telle sorte que le deuxième mois de Gen., vii, 11, date du commencement des pluies, serait le mois appelé Dios par les Macédoniens et Marschevan par les Hébreux. Ant. jud., i, iii, 3. Et à cette occasion Josèphe déclare que Moïse changea l’ordre des mois, mettant Nisan à la tête pour les fêtes religieuses et pour le sacré, mais laissant subsister l’ordre ancien pour les ventes, achats et autres affaires. Le Targum de Jonathan sur III Reg., viii, 2, affirme aussi que les anciens regardaient le septième mois, Tischri, comme le premier.Cette opinion, ainsi répandue parmi les Juifs dés le premier siècle de notre ère et acceptée sans contrôle par beaucoup d’auteurs chrétiens, a-t-elle quelque fondement dans le passé, ou ne s’est-elle produite.qu’après l’introduction récente d’un usage étranger aux anciens Hébreux? C’est ce que nous devons examiner.

D’une part, la manière dont Exod., xii, place le mois de la Pâque à la tête des mois paraît établir, comme le croyait Josèphe, une chose nouvelle. De plus, la néoménie du septième mois, c’est-à-dire le premier jour du mois appelé plus tard Tischri, est célébrée avec une solennité particulière. Lev., xxiii, 24; Num., xxix, 1. L’année jubilaire, Lev., xxv, 8, et très probablement aussi l’annéesabbatique étaient annoncées et commençaient, dans cemême mois de Tischri, au dixième jour. Enfin la troisième grande fête de l’année, celle des Tabernacles, qui avait lieu dans ce mois à la pleine lune et qui durait une semaine, est présentée dans Exod., xxiii, -16; xxxiv, 22, comme se célébrant «au sortir de l’année, au déclin de l’année», beṣêʾṭ haššânâh, ṭeqûfaṭ haššânâh. Ces expressions ne supposent-elles pas un usage ancien suivant lequel l’année se terminait et, partant, se renouvelait à la saison où a lieu cette fête, c’est-à-dire en automne? Remarquons toutefois que ni le début de l’année jubilaire annoncée le 10 Tischri, ni les expressions citées, relatives à la fête des Tabernacles, ne s’accordent exactement avec l’usage juif postérieur, qui place au 1er Tischri le rʾôš haššânâh. Si ce mois avait été considéré comme le premier, on n’aurait pas dit d’une fête qui arrive dans sa seconde moitié: «au sortir ou au déclin de l’année,» mais au contraire: «au commencement.» Le sens de cette locution doit être cherché ailleurs.

D’autre part, on ne trouve aucune trace dans l’AncienTestament d’une manière de compter les mois différentede celle qui a le mois de la Pâque pour point initial, aucun indice positif d’un calendrier où l’année commencerait en automne. Dans le récit du déluge, rien ne justifie l’opinion de Josèphe identifiant le second mois de Genèse, vii, 11, avec le second mois de l’année macédonienne qui partait de l’automne. Les rapports de ce récit avec la tradition chaldéenne, que les découvertes modernes ont mis en lumière, donneraient plutôt à penser que les mois sont comptés, à partir du printemps. Les expressions d’Exode, xxiii, 16; xxxiv, 22, en dehors d’autres indications plus positives, sont trop vagues pour prouver l’existence d’un système différent de calendrier.Comme il n’y avait pas d’autre fête avant la Pâque suivante, elles peuvent vouloir simplement dire que celle de la récolte des fruits est la dernière fête de l’année, qu’avec elle on est à cette seconde partie où il n’y a plus de fête, et qui est comme le retour de l’année. Si on devait leur donner un sens plus déterminé, il faudrait les expliquer par la clause qui les accompagne dans Exode, xxiii, 16: «et là fête de la récolte, au sortir de l’année, quand tu as ramassé tes récoltes des champs.» Cf. Lev., xxiii, 39; Deut., xvi, 13. Ces derniers mots laissent entendre que l’auteur veut surtout parler de la fin des travaux agricoles, qui par eux-mêmes forment un cycle annuel essentiellement lié au renouvellement des saisons, cf. Gen., viii, 22, basé sur la nature même, et qui existe indépendammentde toute forme de calendrier; on peut donc faire allusion à ce cycle agricole annuel alors même qu’il n’est pas à la base du calendrier. L’année sabbatique et l’année jubilaire, qui consistent avant tout dans le repos de la terre, dans l’abstention des travaux des champs, doivent nécessairement commencer et se terminer comme ceux-ci, sans qu’il y ait là aucune trace d’un calendrier spécial.Il n’est pas nécessaire d’expliquer comme un début d’année la solennité de la septième néoménie; elle ouvre un mois saint par excellence, à cause des grandes fêtes de l’Expiation et des Tabernacles, et de plus son rang même de septième la distingue, comme celui de la septième année ou celui de la septième semaine d’année (jubilé).Mais, comme le septième mois arrivait dans la saison d’automne, on comprend que ce qui au début était seulement fête de la septième néoménie pourrait servir plus tard de point d’attache à une fête de tête d’an, si jamais s’introduisait l’usage de commencer l’année à cette saison; ce qui arriva plus tard, nous le verrons. Ces observations atténuent de beaucoup l’importance critique que l’on a attribuée à ces passages, pour dater les différents documents dont se compose, dit-on, le Pentateuque. Si Exod., xxiii, 16 (code de l’alliance dans le document jehoviste), représente une époque où l’année commençait en automne, et au contraire, Exod., xii; Lev., xxm (code sacerdotaldans le document élohiste), un temps où le calendrierpartait du printemps, de l'époque fixée pour chacun deces usages dépend celle des documents. Dillman, Exeget. Handbuch, sur Exod., xii, xxiii, 16, et sur Lev., xxiii, 22, donne la priorité à l’usage du printemps, tandis qua Wellhausen, Geschichte Isræls, c. iii, la donne à celui de l’automne, que sans preuve suffisante il présente comme le seul usage en vigueur au temps des rois. Mais ces auteurs, préoccupés de trouver le moyen de dater les documents, oublient d’examiner une troisième hypothèse: la coexistence des deux systèmes, telle qu’elle a existé à l'âge postérieur, et que Josèphe faisait remonter à l'époque de Moïse; dans ce cas, le même auteur pourrait parler comme Exod., xii, 2, et Exod., xxiii, 16. Mais de plus ils oublient de montrer que, dans ce dernier passage indiquant le rapport des fêtes religieuses avec les travaux des champs, il y a autre chose qu’une allusion à l’année agricole indépendante de tout système de calendrier.

En résumé, nous croyons que les Hébreux ont commencé primitivement l’année au printemps selon le système chaldéen, apporté en Chanaan par la famille d’Abraham. Pendant leur séjour prolongé en Egypte, les Hébreuxauraient pu s’accoutumer au système de l’année vague ouplacer le commencement des saisons à partir de l’inondation, en août. Voir plus haut, col. 639. Voilà pourquoi Moïse, sans établir rien de nouveau, insiste pour fixer le début de l’année au printemps et donne désormais à ce début une consécration religieuse; ce qui ne l’empêche pas, en parlant de la fête de la récolte, ḥag ʾâsîf, de tenir compte de l’année naturelle agricole, ou peut-être, comme d’autres le veulent, d’un système de calendrier préexistant.

Comme nous l’admettons pas cette préexistence, il nousreste à dire quand s’introduisit l’usage de commencerune année civile av°c Tischri, usage qui était certainement en vigueur au I er siècle de notre ère. Quelques auteurs le feraient remonter au retour même de la captivité, la restauration du culte mosaïque à Jérusalem ayant commencé par les têtes du septième mois, I Esdr., iii, 1-0; II Esdr., vii, 73 (hébreu); viii, 1 et suiv. Mais, dansces récits, le mois de la fête est appelé le septième; il n’y a donc aucune trace de dérogation aux usages antérieurs ou d’innovation sous ce rapport. Les livres postérieurs à la captivité donnent aux mois des noms d’origine babylonienne, mais ils continuent à les ranger et à les indiquer suivant l’ordre ancien: Nisan comme le premier, Esth., iii, 7; Sivan, le troisième, Esth., viii, 9; Casleu, le neuvième, Zach., vii, 1; I Mac, iv, 52; Tébet, le dixième, Esth., ii, 16; Sabath, le onzième, Zach., i, 7; I Mac, xvi, 14; Adar, le douzième. Esth., iii, 13; ix, I. Il faut descendre plutôt jusqu'à la domination macédonienne en Palestine pour trouver l'époque où s’introduisit l’usage de distinguer un second commencement de l’année en automne. L’année macédonienne, en effet, comme celled’autres cités helléniques, avait son point de départ enautomne; elle fut acceptée par beaucoup de villes syriennes. Voir Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, au mot Calendrier. De plus, la plupart de ces villes adoptèrent, pour supputer les années et dater les événements, l'ère des Séleucides, qui partaitde l’automne 312 avant J.-C. Que ces usages aient pénétré dans le monde juif, c’est ce qui résulte des livres des Machabées; tout en comptant les mois suivant la coutume ancienne, I Mac, iv, 12; x, 21 (où le mois de la fête des Tabernacles est appelé le septième); xvi, 14; II Mac, xvi, 37 (grec), ils se servent de l'ère des Séleucides pour dater les événements, l’un des deux au moins, sinon tous les deux, la faisant partir de l’automne selon l’usage grec. Les noms macédoniens de certains mois, Dioscore, Xanthique, y apparaissent dans certains documents rapportés II Mac, xi, 21, 30, 33, 38. Il est donc probable que ce fut aussi vers le même temps que les Juifs s’accommodèrent, pour les affaires civiles, à la coutumedevenue générale autour d’eux par rapport au début del’année. Ils s’en servirent comme leurs voisins; et elle entra si bien dans leurs habitudes, que deux siècles après, au temps de Josèphe, ils la considéraient comme un usage ancien qu’ils auraient connu avant Moïse en Egypte. Josèphe, Ant. jud., i, iii, οὔτως γὰρ ἐν Αἰγύπτῳ τὸν ἐνιαυτὸν ἦσαν διατεταχόντες. Le texte de Josèphe ne suppose pas encore qu’on fait une fête de rʾôš haššânâh au 1er Tischri; Philon, De septenario 2, 22, appelle la septième néoménie ἱερομνία et σαλπίγγων ἑορτή, «fête des trompettes», mais ne laisse nullement entendre qu’elle est une solennité de nouvel an. Cependant, d’après Josèphe, on considérait Tischri comme le premier mois selon l’ordre prémosaïque (τὸν πρῶτον ϰόσμον); or de là à prendre la solennité de la septième néoménie comme une fête de tête d’année, il n’y avait qu’un pas, et ce pas était déjà franchi, nous l’avons vii, au temps des docteurs de la Mischna.

Bibliographie. — Maïmonide, dans son Yad haḥḥazaka, le traité Kiddush Hachodesh, traduit et expliqué par Ed. Mahler, in-8°, Vienne, 1889. Dans la Bibliotheca rabbinica de J. Bartolocci, t. ii, p. 392, et dans le Thesaurus d’Ugolini, t. xvii, diverses dissertations sur l’annéejuive, parmi lesquelles la traduction latine du traité de Maïmonide. Ideler, Handbuch der mathemat. und technischen Chronologie, t. i, p. 477-583, in-8°, Berlin, 1825; Anger, De temporum in Actis Apostolorum ratione, in-8°, Leipzig, 1833; Wieseler, Chronol. Synopse der vier Evangelien, in-8°, Hambourg, 1843; Beiträge zur richtigen Würdigung der Evangelien und der evangel. Geschichte, in-8% Gotha, 1869, p. 290-321; Seyffarth, Chronologia sacra, in-8°, Leipzig, 1846, p. 26-80; Gumpach, Ueber den altjüdischen Kalender zunächst in seiner Beziehung zur neutestatementl. Geschichte, in-8°, Bruxelles, 1848; Caspari, Chronolog. und geograph. Einleitung in das Leben Jesu Christi, in-8°, Hambourg, 1869; Schwarz, Der jüdische Kalender historisch und astronomisch untersucht, 1872; Zuckermann, Materialien zur Entwichelung der altjüdischen Zeitrechnung im Talmud, in-8°, Breslau, 1882; abbé Mémain, La connaissance des temps évangéliques, in-8°, Paris, 1886, p. 39-43; 377-445; 481 et suiv.; Isidore Loeb, Tables du calendrier juif, in-12, Paris, 1886; Mahler, Chronologische Vergleichungs-Tabellen, 2 Heft; Die Zeit und Festrechnung der Juden, in-8°, Vienne, 1889; Schürer, Geschichte des jüdisches Volkes in Zeitalter Jesu Christi, in-8°, Leipzig, 1890; édit. angl., 1890, append. iii.

J. Thomas.

2. ANNÉE JUBILAIRE. Voir Jubilaire (Année).

3. ANNÉE SABBATIQUE. Voir SABBATIQUE (ANNÉE).

ANNIVERSAIRE (de naissance), natalis, γενέθλια. — L’usage de célébrer par une fête l’anniversaire du jour de naissance était très répandu dans l’antiquité. Les anniversaires des rois étaient plus nombreux encore. On fêtait non seulement le jour de leur naissance, mais celui de leur couronnement. Telle fut la coutume à l'égard des Pharaons (Josèphe, Ant. jud., II, v, 3; Philon, De Joseph, p. 540 c; cf. Erman, Ægypten, ^. 101); des rois de Perse (Hérodote, ix, 110; cf. i, 133; Platon, Alcibiad., i, p. 121. Plutarque, Artaxerx., iii); des Ptolémées ( décret de Canope, dans le Journal des savants, 1883, p. 214 et suiv., 1. 4 et 26; décret de Rosette, Corpus inscript, græcarum, n°4697, 1. 46 et suiv.); des Séleucides (Corpus inscript, græcarum, n° 3595, 1. 16; Bulletin de correspondance hellénique, 1885, p. 387, 1. 2); des Attalides (Dittenberger, Syllog. Inscript. græc. n°249, 1.35; Corpus inscript. græc. n°3068, 1. 17; 3069, 1. 36); des rois de Commagène (Humann et Puchstein, Reisen in Kleinasien und Nordsyrien, p. 274, II b., 1. 15 et 16), et plus tard des empereurs romains (Corpus inscriptionum latinarum, t. i, 280), etc. Tant que le roi était vivant, l’anniversaire de naissance se nommait en grec γενέθλια; il prenait le nom de γενέσια après sa mort. La Bible mentionne la célébration des anniversaires de naissance du Pharaon contemporain de Moïse, Gen., XL, 20; d’Antiochus Épiphane, II Mac. vi, 7, et d’Hérode, Marc, vi, 21; Matth., xiv, 6. Celui d’Antiochus Épiphane, dit l’auteur du second livre des Machabées, était célébré chaque mois. Ce retour mensuel de l’anniversaire, contraire aux usages romains, n’a pas été compris du traducteur de la Vulgate, qui a supprimé les mots κατὰ μῆνα, «chaque mois.» Les textesque nous avons cités plus haut, à propos des rois grecs: Ptolémées, Séleucides, Attalides et rois de Commagène, prouvent, au contraire, que le retour mensuel de la fêteétait une coutume constante. Les cérémonies usitées auxanniversaires des rois étaient les mêmes qu’aux iêtes des dieux. C'étaient des jeux de toute espèce, luttes, pugilats, courses, combats d’animaux; des processions dans lesquelles l’image du roi était portée avec celles des dieux; des distributions de vivres et de vin au peuple, des sacrifices offerts aux dieux pour le roi et au roi lui-même, comme à un dieu. Voir les textes cités plus haut. Le texte des Machabées fait mention spéciale de ces sacrifices dans les anniversaires d’Antiochus Épiphane. II Mac, VI, 7.

E. Beurlier.

ANNONCIATION. Message de l’ange Gabriel à laVierge Marie pour lui annoncer qu’elle serait la mère deJésus-Christ. Saint Luc, i, 26-38, est le seul des Évangélistes qui nous ait raconté les circonstances de ce mystère, sans doute d’après les indications fournies par Marie elle-même.

L’ange du Seigneur se présente à elle sous une formehumaine pour remplir son message. Il la salue en luireconnaissant trois prérogatives exceptionnelles: «elle est pleine de grâce,» κεχαριτωμένη, c’est-à-dire enrichie de tous les dons célestes; «le Seigneur est avec elle» d’une manière spéciale pour l’accomplissem*nt du grand mystère de l’Incarnation, auquel le messager divin vient lui proposer de coopérer; enfin elle est «bénie entre toutes les femmes», c’est-à-dire élevée au-dessus de toutes par ses glorieux privilèges. À la vue de l’ange (texte reçu: ἰδοῦσα) et plus encore en entendant ses paroles, l’humble jeune fille se trouble, ne sachant quels peuvent être le sens et le but d’une telle salutation. L’ange la rassure; elle n’a rien à craindre, car elle a trouvé grâce devant Dieu. Il lui révèle alors la dignité à laquelle elle est appelée par un résumé rapide des principales prophéties messianiques: «Voici que vous concevrez en votre sein et enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, il sera le Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, sonpère; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin.» Cf. Is., vii, 14; ix, 7; Dan., vii, 14-27; Mich., iv, 7; Ps. cxxxi, II. La Vierge, familiarisée avec les prophéties, comprit bien qu’il s’agissait du Messie promis à Israël et qu’elle était appelée à l’honneur d'être sa mère. Devant une telle proposition, sa foi ne fut pas hésitante, comme celle de Zacharie, Luc, i, 18-20; mais simple et ferme. Luc, r, 45. Cependant, dans sa surprise, elle demande humblement de quelle manière cela peut se faire, puisqu’elle est vierge et veut rester vierge. L’ange lui apprend aussitôt comment sa virginité et sa maternité peuvent se concilier dans ce mystère. C’est l’Esprit -Saint, la puissance du Très-Haut qui viendra en elle former le corps très pur du Fils de Dieu. Le saint formé en elle sera tout ensemble le vrai Fils de Dieu et le sien: sa virginité sera couronnée par la maternité divine. La conscience alarmée de la Viergeest rassurée; elle ne demande pas de signe d’une tellemerveille, mais l’ange lui en donne un: la féconditémiraculeuse d’Elisabeth, sa cousine, restée stérile jusque dans sa vieillesse. Rien n’est impossible à Dieu. Marie le sait, aussi s’incline-telle en disant: «Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre parole.» Luc, i, 38. Et elle s’abandonne à la divine Providence pour la réalisation de cette annonce et toutes ses conséquences. L'ange s'éloigne aussitôt; sa mission est heureusem*nt remplie.

Dés que la Vierge eut donné son consentement, Luc, i, 38, «le Verbe se fit chair et habita parmi nous,» Joa., i, 14: c’est le sentiment unanime des théologiens. D’après saint Luc, i, 26, ce grand événement s’accomplit au sixième mois: ce qui ne doit pas s’entendre du sixième mois de l’année juive, mais bien, suivant le contexte, du sixième mois depuis la conception de Jean-Baptiste. Le temps n’est indiqué que de cette manière générale et relative. Selon la croyance commune, ce fut le 25 mars. Voir S. Augustin, De Trinitate, iv, 5, t. xlii, col. 894. Marie était alors «fiancée» à Joseph. Luc, i, 27. La cérémonie du mariage, qui consistait surtout en la réception solennelle de l'épouse dans la maison de son époux, n’avait pas encore été célébrée, d’après beaucoup de commentateurs, et Marie habitait la maison paternelle. C'était à Nazareth. Luc, i, 25. L'évangéliste ne précise pas davantage le lieu. Les Grecs prétendent que Marie se trouvait près d’une fontaine, occupée à puiser de l’eau, quand l’ange la salua une première fois; il ne lui aurait révéléle mystère qu'à son retour dans sa demeure. Sur le lieu, présumé de cette première apparition, ils ont élevé uneéglise à l’ange Gabriel. Mais rien n’autorise cette légende, puisée dans le Protévangile de Jacques. Migne, Dictionnaire des apocryphes, 1. 1, col. 1019. L’Évangile ne parle pas de cette première salutation, qui paraît d’ailleurs bien invraisemblable; il insinue même que ce fut dans l’intérieur de sa demeure (εἰσελθων πρὸς αὐτήν, Luc, i, 28) que Marie, étonnée et troublée, entendit la salutation et le divin message.

La maison où eut lieu le mystère de l’Annonciation étaitsituée, d’après une tradition ancienne, dans l’enceinte du couvent actuel des Franciscains, près de la grotte qui renferme l'église de l’Annonciation à Nazareth. C’est là que sainte Hélène, après avoir retrouvé la sainte maison, dont le souvenir avait dû se conserver à Nazareth (cf. Adrichomius, Theatrum Terræ Sanctæ, in-f°, Cologne, 1582, p. 161), aurait fait élever une belle basilique, comme sur les lieux saints de Jérusalem et de Bethléhem. Nicéphore Callixte, H. E., viii, 30, t. cxlvi, col. 1 13. Les ruines trouvées au xviie siècle, quand on voulut réédifier l'église et les quelques vestiges découverts de nos jours, portent, en effet, le cachet de l’architecture du IVe siècle. Depuis son érection jusqu'à sa destruction en 1263, de nombreux pèlerins ont visité cette basilique et forment une longuechaîne de témoignages en faveur de l’authenticité du lieu. Au vie siècle, saint Antonin de Plaisance admire cette «grande basilique». P.A., t. lxxii, col.901, et Reland, De urbibus et vicis Palestinæ, lib. III, Nazareth. L’auteur de l’opuscule Liber nominum locorum ex Actis, attribué à saint Jérôme (Patr. lat., t. xxiii, col. 1302), signale une église à l’endroit où l’Ange entra pour annoncer à Marie la bonne nouvelle, et une seconde à l’endroit où Jésus enfant fut élevé. Au VIIe siècle, Arculfe constate également la présence de ces deux églises. Patr. lat., t. lxxxviii: col. 804. À partir du viiie siècle, un de ces deux monuments n’est plus mentionné: c’est l'église de la Nutrition, décrite par Arculfe, et dont les Dames de Nazareth, en 1885, ont vraisemblablement retrouvé l’emplacement. Voirdans La Terre Sainte, 1888, Les fouilles de Nazareth, p. 279, 299 et 322; et année 1889, Étude sur les sanctuaires de Nazareth, p. 88, 99 et 122. Elle avait probablement été détruite par les musulmans. Cf. la description de l’higoumène Daniel, en 1114, et celle de Phocas, en 1185, dans Abraham de Norolf, Pèlerinage en Terre Sainte de l’higoumène russe Daniel, in-4o, Saint-Pétersbourg, 1864, p. 113-115; dans Léon Allatius, Συμμικτα sive opusculorum græcorum libri duo, in-12, Cologne, 1653, p. 11 et 12, et dans La Terre Sainte, 1889, p. 101, Étude sur les sanctuaires vénérés à Nazareth. Au viiie siècle, saint Willibald nous apprend que les infidèles menaçaient de détruire aussi la basilique de l’Annonciation: ce n’est qu'à prix d’argent que les chrétiens les en détournèrent. Acta Sanctorum ordinis S. Benedicti, in-f°, t. iv, p. 374 Pendant le siège de Jérusalem par les croisés, elle fut saccagée, mais non détruite: car Sœvulf, en 1103, l’admire encore. Un archevêché fut érigé à Nazareth, et la maison du prélat fut adossée au mur septentrional de la basilique. Les croisés firent même à celle-ci des travaux d’embellissem*nt, dont on voit quelques vestiges dans la cour du couvent. En 1213, saint François d’Assise; en 1251, saint Louis, allèrent y prier; mais, peu de temps après, en 1263, elle fut renversée par le sultan Bibars-Bondokhar et ses hordes sauvages.

D’après une tradition, dont les premières tracesn’apparaissent qu’en 1525, la maison de la Vierge, qui yétait renfermée comme dans un vaste reliquaire, seraitrestée debout. En 1291 pour la conserver à son Église, Dieu fait un grand miracle; les anges la détachent deses fondements et la transportent à Tersacte en Dalmatie, puis à Lorette en Italie. C’est le fond du récit publié par l’historien principal de Lorette, Horace Torsellini, S. J. qui fit paraître son volume, Lauretanæ historiæ libri quinque, en 1597. Il eut un immense succès; les éditions et les traductions se multiplièrent.

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159. — Plan de la Santa Casa de Lorette.
ABGD Murs de la Santa Casa. H Ancienne porte murée.E Fenêtre de l’ange. IJ Portes de la chapelle.F Sainte-Camine. K Porte donnant accès G Autel. à la Sainte-Camine.

Sur ses affirmations s’appuient les défenseurs modernesde la translation miraculeuse, comme A. Caillau, Histoire critique de Notre-Dame de Lorette, in-12, Paris, 1843; Milochau, De l’authenticité de la maison de Lorette, in-12, Tournai, 1881, et La sainte maison de Lorette, in-12, Tournai, 1881; Grillot, Sainte maison de Lorette. in-8o, Paris, 1873; Gosselin, Instructions sur les principales fêtes de l’Église, Paris, 1861, 3 in-12, t. iii, p. 387-462.

Telle qu’on la voit actuellement, la Santa Casa(fig. 159) est une chambre de 9 m 53 de long sur 4 m 17 de large et 4 m 30 de haut. Les murs ont une épaisseur de 38 centimètres; ils sont bâtis en pierres taillées, inégales, liées ensemble avec du ciment. La couleur rougeâtre de ces pierres leur donne un aspect qui, aupremier abord, rappelle la brique. Primitivement, lasainte maison n’avait qu’une seule porte assez large, située sur la façade nord: elle est maintenant murée: la poutre de sapin qui servait d’architrave a été conservée comme un souvenir de l’ancienne disposition. Trois autres portes ont été alors percées pour faciliter le service de la sainte chapelle et la circulation des pèlerins. Une petite ouverture, haute d’un mètre environ, pratiquée à l’ouest, est appelée fenêtre de l’Ange. À l’est, dans le fond, se voit un renfoncement de l m 38 de hauteur sur 76 centimètres de largeur et 16 centimètres de profondeur: il a reçu le nom de Sainte-Camine, parce qu’on le prenait pour une antique cheminée ou foyer. Mais on sait qu’en Orient les maisons n’avaient pas de cheminée. Ce renfoncement, pour les défenseurs de la tradition, serait plutôt une ancienne porte, qui aurait été fermée dans la moitié de l'épaisseur du mur, à l'époque où cette chambre vénérable fut transformée en sanctuaire? Au-dessus de la Sainte-Camine est placée une statue de la Vierge en bois de cèdre; en face, le riche autel actuelrenferme l’ancien, en pierres de taille, d’une très grande simplicité: la statue et l’autel primitif auraient été transportés de Nazareth avec la sainte maison.

Après la translation, selon le même récit, les fondements de la Santa Casa restèrent visibles à Nazareth. On aurait envoyé en 1291, en 1295 et en 1297, des députés de Dalmatie et d’Italie pour les mesurer, étudier la nature des pierres et se convaincre de leurparfaite conformité avec celles de la sainte demeure.Les Franciscains revinrent, dès 1300, s'établir à Nazareth; pendant les siècles suivants, expulsés deux fois, ils revinrent sans se décourager, attendant toujours le moment propice à la réédification du sanctuaire. Les pèlerins continuaient de venir vénérer, au milieu des ruines, l’emplacement de la sainte maison et la grotte qui y était attenante.

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160. — Plan de la crypte de l'église de l’Annonciation à Nazareth. D’après M. de Vogüé.

En 1336, Guillaume Baldinsel rapporte que de la grande et magnifique église, presque entièrement détruite, «il reste cependant une petite place centrale, recouverte et gardée avec le plus grand soin parles Sarrasins. On assure que c’est là, ajoute-t-il, prèsd’un endroit marqué par une colonne de marbre, que s’estaccompli le mystère de la conception divine.» Baldinsel, Hodœporicon ad Terram Sanctam, dans H. Canisius, Antiquæ lectiones, in-4o, Ingoldstadt, 1604, t. v, part. 2, p. 136. Enfin, en 1620, Thomas de Novare, gardien des saints lieux, obtint de l'émir Fakhr-eddin la restitution de l’emplacement du sanctuaire et la permission de le reconstruire. Avant de l'élever, il voulut vérifier si les dimensions de la Santa Casa cadraient bien avec la place qu’elle occupait à Nazareth; il eut la joie de le constater.De plus, dit Quaresmius (Elucidatio Terræ Sanctæ, in-f°, Venise, 1881, t. ii, 1. VII, p. 620), on trouva toutes les substructions de la basilique primitive. De même, «il y a quelques années (voir Guérin, Galilée, t. i, p. 86), les Franciscains, en pratiquant des fouilles dans leurjardin, ont retrouvé plusieurs colonnes de granit et desarasem*nts de gros murs ayant appartenu à cette ancienne basilique.» Il n’j a donc pas de doute, le couventdes R. P. Franciscains renferme bien l’emplacementde la basilique élevée au IVe siècle.

L'église élevée, en 1620, sur les ruines de la basiliqueantique, fut bientôt saccagée et livrée aux flammes (1638). Ce ne fut qu’en 1730 que l'édifice fut restauré et subit les remaniements considérables qui en ont fait le sanctuaire actuel. Il a vingt et un mètres de long sur quinze de large, et est dirigé, non plus de l’ouest à l’est, comme la basilique, mais du sud au nord. Des pilierscarrés le divisent en trois nefs. À l’extrémité de la nef centrale, le chœur forme comme un étage supérieur: on y monte par deux rampes disposées adroite et à gauchede l’entrée de l'étage inférieur ou crypte. Un escalier de quinze degrés en marbre blanc descend à ce sanctuairesouterrain. En voici la description (fig. 160). La grotte A est la partie naturelle, primitive. «Après la paix de l'Église, on la transforma en chapelle, c’est-à-dire on la prolongea du côté du midi par la construction d’une petite pièce voûtée d’arêtes, B, et ornée de colonnes en granit gris; puis on façonna le fond de l’excavation pour en faire une abside, et on le tapissa d’une voûte en cul-de-four en petit appareil romain; le caractère antique de ces constructions ne saurait se méconnaître, il reporte invinciblement jusqu’au IVe siècle la tradition qui place en ce lieu l’annonciation de Marie. Le mur laisse voir en beaucoup d’endroits la surface du rocher.» De Vogüé, Les églises de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1860, p. 350. La grotte A, avec son avant-corps B, ne formait autrefois qu’un sanctuaire unique; un mur moderne la divise maintenant en deux parties: au fond, la chapelle de saint Joseph, A, et, en avant, la chapelle de l’Annonciation, B. Un vestibule rectangulaire de 8 mètres de long sur 2 m 70 de large donne accès à la grotte: il est appelé chapelle de l’ange, C. Au fond de la grotte, A, un étroit escalier de quatorze marches, H, monte à une seconde grotte obscure, entièrement taillée dans le roc; en tournant sur la droite, il communique également avec l’escalier F qui conduit à la sacristie. Primitivement la grotte A avait-elle une issue par le fond? Cette ouverture, ainsi que les deux escaliers H et F et l’excavation E, sont peut-être l’œuvre des gardiens du couvent, qui se sont ménagé cette entrée secrète dans la grotte de l’Annonciation, à une époque où ils avaient à craindre les vexations des musulmans. Cependant cette entrée pourrait être plus ancienne, et dater de la transformation de la Santa Casa en sanctuaire.

Dans un ouvrage récent, Notre-Dame de Lorette, Étude historique sur l’authenticité de la Santa Casa, in-8°, Paris, 1906, M. Ulysse Chevalier a fait la critique de cette tradition, en produisant tous les documents relatifs à la maison de Nazareth, et au sanctuaire de Lorette. Ils ne paraissent guère favorables à l’existence de la Santa Casa à Nazareth en 1291, époque de la translation. Ils sont encore plus contraires à une translation ou origine miraculeuse du sanctuaire actuellement vénéré à Lorette. Jusqu’ici aucune réponse n’a pu ébranler son étude critique. Reste à expliquer l’origine de ce pèlerinage: plusieurs hypothèses ont été émises; mais aucune n’est pleinement satisfaisante ou justifiée. On a en particulier avancé celle-ci: des pèlerins de Nazareth auraient apporté quelques pierres de la sainte Maison, qui seraient entrées dans la construction de l'édicule de Lorette.

L'Église, si empressée d’honorer les mystères de Mariene pouvait tarder d’instituer une fête en l’honneur del’Annonciation. En effet, c’est avec la Purification la plus ancienne fête de la sainte Vierge. Dès le Ve siècle, on la trouve bien établie en Orient et en Occident. Les Bollandistes et Benoît XIV, prétendent qu’elle est d’institution apostolique. Acta Sanctorum, t. IV, 25 mars, p. 533; Benoît XIV, De festis, t. IX, p. 190, in-f°, Venise, 1767.Mais il est difficile de l'établir: on sait que Pâques et la Pentecôte furent pendant assez longtemps les seules fêtes annuelles de l'Église. La Chronique pascale parle de cette fête célébrée par l'Église catholique, le 25 mars, «d’après la tradition des saints Docteurs.» Patr. gr., t. xcii, p. 488. On trouve des discours prononcés à l’occasion de cette fête par Proclus, évêque de Constantinople.vers 450 (Patr. gr., t. lxv, col. 704-705), par Basilede Séleucie, vers 440 (Patr. gr., t. lxxxv, col. 426), etc. Le concile de Tolède, en 650, en transféra la célébration au 18 décembre, sans doute à cause du carême et des êtes de Pâques qui ne permettaient pas de la célébrer avec solennité. Partout ailleurs qu’en Espagne, elle était célébrée le 25 mars, comme on le voit par le martyrologe attribué à saint Jérôme, par les martyrologes, calendriers et autres livres liturgiques latins, grecs, syriens, chaldéens, coptes, et par les autorités citées plus haut. Comme les deux mystères de l’Annonciation et de l’Incarnation sont étroitement unis, l'Église les honore par une même fête. Aussi la trouve-t-on nommée tantôt Annonciation de l’ange à Marie, tantôt Annonciation de l’incarnation, Incarnation, Conception du Christ.


161. — L’Annonciation. Fresque de la catacombe de Priscille.
D’après Liell, Die Darstellungen der allerseligsten Jungfrau und Gottesgebärerin Maria, pl. ii, n. 1.

Les Grecs l’appelaient Ἑορτὴ τοὺ εὐαγγελισμοῦ, Ἑορτὴ τοὺ ἀσπασμοῦ. L’art chrétien antique devait s’emparer d’un si beau sujet. Voir, fig. 161, une très ancienne représentation de ce mystère qui a été trouvée dans le cimetière de Sainte-Priscille.

E. Levesque.

ANOB (hébreu: ʿÂnub, «associé;» Septante: Ἐνώβ), fils de Cos, de la tribu de Juda. I Par., iv, 8.

ANON. Voir Ane. Ce fut sur un ânon que Notre-Seigneur fit son entrée triomphale à Jérusalem, au jour que nous appelons le dimanche des Rameaux. Marc, xi, 7; Luc, xix, 35; Joa., xii, 14. Cet ânon n’avait pas encore été monté. Marc, xi, 2; Luc, xix, 30. Pour lerendre plus docile, on amena sa mère avec lui, commenous l’apprend saint Mathieu, xxi, 2; mais elle ne servit pas de monture au Sauveur. Notre Vulgate porteMatt., xxi, 7: «Et adduxerunt asinam et pullum: et imposuerunt super eos vestimenta sua, et eum desuper sedere fecerunt.» Le texte grec porte: ἐπάνω αὑτῶν, c’est-à-dire que Notre-Seigneur s’assit sur les vêtements qu’on avait placés sur l'ânon en guise de selle (voir col. 171), comme le fait remarquer Théophylacte: Οὐχὶ τῶν δύω ὑποζυγίων, ἀλλὰ τῶν ἱματίων, In Matth., xxi, 7, t. cxxiii, col. 369. D’autres commentateurs et Théophylacte lui-même (loc. cit.) ont dit qu’on pouvait interpréter le passage de saint Mathieu, xxi, 2, 7, en ce sens que Notre-Seigneur était monté à tour de rôle sur l'ânesse et sur l'ânon; mais l’explication donnée ci-dessus est plus vraisemblable et plus naturelle.

F. Vigouroux.

ANQUETIN (N.), prêtre français, mort en 1716, vivait dans les dernières années du xviie siècle et dans les premières du xviiie. Après avoir longtemps vécu dans le monde, il embrassa l'état ecclésiastique et fut curé de Lyons-la-Forêt, au diocèse de Rouen. — Voici la liste des travaux qu’il a publié: Dissertation sur sainte Marie Madeleine, pour prouver que Marie Madeleine, Marie, cœur de Marthe, et la femme pécheresse sont trois femmes différentes, in-8o, Rouen, 1699; Réflexions sur l’interprétation que le P. Lami donne au mot Pécheresse, in-12, Rouen, 1699; Réplique à la réponse du P. Lami, in-12, Rouen, 1700 (d’après le sous-titre, ce dernier opuscule semblerait n'être qu’une nouvelle édition du précédent); Lettres écrites au P. Lami sur le sujet de la femme pécheresse de l'Évangile, in-12, Rouen, 1699. Ces lettres sont au nombre de trois. Anquetin, après avoir exposé sa thèse de la distinction des trois Marie, dans sa Dissertation de 1699, s’occupe, dans les ouvrages suivants, de la défendre contre les attaques du P. Lami. Celui-ci, pour soutenir son système de l’unité des trois Marie, avait dit que le mot de «pécheresse» doit s’entendre d’une personne souillée seulement d’impureté légale. Anquetin s’attache à démontrer que les Pères grecs et les Pères de l’Eglise latine, Tertullien, en particulier, ont entendu cemot «pécheresse» d’une femme de mauvaise vie. Tel estaussi le sens donné à ce mot, dit-il, par la presque unanimité des commentateurs. Cette thèse n'était pas d’ailleurs difficile à défendre: l'Église honore sainte Marie Madeleine comme la «pécheresse» convertie. Voir Moreri, Dictionnaire, Paris, 1759, IIe partie, t. i, p. 132; Migne, Dictionnaire de bibliographie, Paris, 1859, t. 1, col. 225, 282, 333.

O. Rey.

ANSALDI Gasto Innocente, né à Plaisance, le 7 mai1710, mort en 1779. Il entra dans l’ordre de Saint-Dominique à Parme, le 6 septembre 1720, passa la plus grande partie de sa vie à enseigner les sciences sacrées soit dans les couvents de son ordre, soit dans les universités de Naples, de Ferrare et de Turin. À Brescia, il enseigna l’Écriture Sainte et l’hébreu. Parmi les nombreux ouvrages qu’il a laissés et dont on trouve le détail dans le mémoire rédigé par le P. G. Fabricy, du même ordre, théologien de Casanate, pour la Bibliothèque sacrée des P. P. Richard et Giraud, nous signalerons seulement ici les dissertationsqui intéressent à divers titres l’archéologie et la critique bibliques: 1° Patriarchæ Josephi, Ægypti olim pro-regis, religio a criminationibus Basnagii vindicata, in-8o, Naples, 1738; la discussion amène l’auteur à utiliser toutes les données que l’on pouvait avoir en ce temps sur la religion des Égyptiens. 2° De forensi Judæorum buccina commentarius, in-4o, Brescia, 1715. 3° Herodiani infanticidii viadiciæ, in-4o, Brescia, 1710: importantedissertation où, pour montrer que le silence de Josèphene prouve rien contre le massacre des Innocents, il ouvre à l’apologétique une voie nouvelle; à l’encontre des traditions populaires, il montre que, vu la minime importance de Bethléhem, le massacre, sans être pour cela moins odieux, se réduit au meurtre d’un très petit nombre de victimes inconnues, intéressant peu l’histoire générale, ce qui explique le silence de Josèphe. 4° Dissertatio de loco Johannis aliter atgue habet Vulgata a nonnullis Patribus lecto, Brescia, 1740. Il s’agit de 1 Joa., i, 13.Saint Irénée trad. lat.), Tertullien et quelques autreslisent: sedex Deo natus est, au lieu de natisun. Dans cet opuscule, Ansaldi nous parle des tentatives qui se faisaient alors en Italie, et spécialement dans son ordre, pour donner une plus large place aux études d'érudition, scripturaires ou historiques. Il déplore la décadence où ces études étaient tombées au cours des deux derniers siècles, et assigne comme cause un zèle trop servile et trop exclusif à imiter les docteurs scolastiques. 5° Une attaque dont cette dissertation fut l’objet donna occasion à Ansaldi de traiter dans un autre travail l’importante question: De authenticis Sacrarum Scripturarum apud sanctos Patres lectionibus libri II, in-4o, Vérone, 1747. 6° De futuro seculo ab Hebræis ante captivitatem cognito adversus J. Clerici cogitata commentarius, in-8°, Milan, 1748. 7° De baptismate in Spiritu sancto et igne commentarius sacer philologico-criticus, in-4°, Milan, 1752.8° De theurgia deque theurgicis ethnicorum mysteriis a Divo Paulo memoratis commentarius, in-8o, Milan, 1761. Il essaye d’expliquer, par des allusions à certains mystères du paganisme, quelques passages très obscurs de l'Épître aux Colossiens, ii, 4, 8, 16, 18. — Mentionnons aussi l’ouvrage: De diis multarum gentium Romam evocatis, in-8°, Brescia, 1743, et Venise, 1753, 1761. Il y étudie la singulière cérémonie de l’evocatio, dans laquelle on s’adressait aux dieux tutélaires d’une ville assiégée pour les conjurer d’en sortir. Ce travail forme un chapitre curieux de l’histoire des religions, et rappelle certaines croyances auxquelles l'Écriture fait allusion.

J. Thomas.

ANSART André-Joseph (1723-1790?), originaire dudiocèse d’Arras, passa vers 1774 de la Congrégation deSaint-Maur à l’Ordre de Malte, et devint prieur-curé deVilleconin, près d'Étampes. Un ouvrage où le Cantiquedes cantiques était «grossièrement parodié», ainsi qu’il le dit dans sa préface, lui donna occasion d’entreprendre l’explication du Cantique de Salomon: Expositio in Canticum canticorum Salomonis, in-16, Paris, 1771. L’auteur suit verset par verset le texte de la Vulgate. Selon lui, le Cantique n’est autre chose qu’un dialogue entre le Christ et l'âme fidèle; et les formes de langage employées par l'écrivain sacré expriment uniquement l’amour de Dieu pour les hommes. Dans son Commentaire, Ansart fait appel à l'Écriture; il cite saint Augustin, et s’inspire aussi, mais sans les nommer le plus souvent, d’Origène, de saint Jérôme et de saint Bernard. L’ouvrage n’est pas d’une grande valeur.

J. Parisot.

ANSBERT. Voir Altpert.


ANSCHEL Ascher ben Josef, rabbin juif du xvie siècle, né à Posen, en Pologne. Il enseigna à Cracovie et à Prague. Il est l’auteur d’un dictionnaire hébreu, intitulé Mirkébéṭ hammišnéh, Le second char. Gen., xli, 43. Ce dictionnaire suit, non pas l’ordre des racines, mais l’ordre alphabétique des mots et même des formes qu’ils adoptent. Le sens des mots est donné dans le dialecte judéo-allemand. L’ouvrage est suivi d’une concordance verbale. Il a été imprimé plusieurs fois à Cracovie, in-4° 1534; in-f j, 1552; in-4o, 1584.

E. Levesque.

1. ANSELME (Saint), archevêque de Cantorbéry, néà Aoste, en Piémont, en 1033, mort à Cantorbéry, le21 avril 1109. Il fit profession de la vie religieuse, en 1060, à l’abbaye du Bec en Normandie, dont Lanfranc était alors prieur. Quand Lanfranc fut devenu abbé de l’abbaye de Saint-Etienne de Cæn, Anselme lui succéda comme prieur, en 1063; il fut élu abbé du Bec en 1078. Quelques années plus tard, Guillaume le Roux, roi d’Angleterre, le nomma archevêque de Cantorbéry; il lut sacré le 4 décembre 1093. Pendant tout son épiscopat, il eut avec les rois d’Angleterre des démêlés qui l’obligèrent presque constamment à vivre en Italie et en France.

Saint Anselme doit surtout sa célébrité à ses œuvresthéologiques et philosophiques. Il est considéré commele père de la scolastique. Ce n’est pas un commentateurde l'Écriture dans le sens ordinaire du mot, mais il aappris à ses contemporains à étudier l'Écriture d’unemanière nouvelle, en y cherchant la doctrine qu’elle renferme pour montrer combien elle s’accorde avec la raison la plus haute. Par une méthode peu commune de sontemps, il établit dans ses écrits, par la force du raisonnement, les vérités révélées qu’enseignent les Livres Saints: Fides quærens intellectum, selon le titre qu’il avait d’abord donné à l’un de ses opuscules, celui qu’il appela ensuite le Proslogion (t. clviii, col. 223), ou, comme il le dit encore: Neque enim qusero intelligere, ut credam; sed credo ut intelligam. Proslog., i, t. clviii, col. 227. À l’abbaye du Bec, où l'étude des Écritures était en grand honneur, il aimait à montrer aux moines comment les vérité élevées que son esprit pénétrant lui faisait apercevoir comme par intuition étaient contenues dans les livres inspirés et comment on pouvait les y découvrir; mais il fallait toute la force de son talent pour les saisir comme lui d"un coup d’œil. Les principes fondamentaux qui le guident sont déjà dans les écrits de saint Athanase, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Jean Chrysostome, de saint Cyrille d’Alexandrie et des autres Pères de l’Église; mais dans ses ouvrages, et en particulier dans le Cur Deus hom*o, il a réuni en un tout systématique un corps de doctrine qu’on n’avait pas encore ainsi coordonné avant lui, et par l’étendue, la profondeur et la vigueur de sonesprit, il a fondé cette science scolastique qui a rendutant de services à l’Église.

La meilleure édition des œuvres de saint Anselme estcelle de Venise: Opera omnia necnon Eadmeri monachi Cantuariensis historia, 2 in-f°, Venise, 1744. Ellesont été réimprimées dans la Patrologie latine de Migne, t. clviii-clix. Voir Möhler, Anselm’s Leben und Schriften, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, années 1827 et 1828; G. B. Veder, De Anselmo Cantuariensi disputatio, 1832; G. F. Franck, Anselm von Canterbury, in-8°, Tubingue, 1842; F. R. Hasse, I. Das Leben Anselm’s; II. Die Lehre Anselm’s, 2 in-8°, Leipzig, 1843-1852; C. de Rémusat, Anselme de Cantorbéry, in-8°, Paris, 1852; Ragey, Histoire de saint Anselme, 2 in-8°, Paris, 1890.

2. ANSELME DE LAON, Anselmus Laudinensis, ainsinommé du lieu de sa naissance, mort le 15 juillet 1117. Il fut élève de saint Anselme de Cantorbéry à l’abbaye du Bec, et se rendit célèbre par son enseignement. Il professa d’abord à Paris, à partir de 1070, et contribua beaucoup à la réputation de l’université de cette ville. À la fin du XIe siècle, il retourna à Laon, où il fut archidiacre et scolastique, et en cette dernière qualité placé à la tête de l’école théologique, où sa célébrité attira un grand nombre d’auditeurs, parmi lesquels on compta Abélard, qui, du reste, ne goûta pas son enseignement. Voir Abélard, Histor. calamit. sitar., 3, t. clxxviii, col. 123. Anselmerefusa plusieurs fois l’épiscopat, pour ne pas abandonner ses fonctions de professeur. Le pape Eugène III l’a qualifié de restaurateur des études théologiques en France, et on l’a surnommé le Doctor scholasticus. — Anselme de Laon a commenté toute la Bible dans sa Glossa interlinearis, ainsi appelée parce qu’elle annote la Vulgate «entre les lignes» du texte sacré. Les annotations sont pour la plupart des extraits des Pères de l’Église. La Glossa interlinearis a été imprimée in-f°, à Bâle, 1502; avec les notes de Nicolas de Lyre, Bâle, 1498, 1501, 1509; Paris, 1520; Lyon, 1529; Venise, 1588; Lyon et Paris, 1590, 6 in-f°; Douai, 1617; Anvers, 1634 (c’est la meilleure édition); dans la Biblia magna de J. de la Haye, Paris, 1660. Elle a été pendant longtemps, avec la Glossa ordinaria de Walafrid Strabon, le commentaire le plus lu des Saintes Écritures. — Anselme de Laon est aussi l’auteur des commentaires sur le Cantique des cantiques et sur l’Apocalypse imprimés sous le nom de saint Anselme de Cantorbéry. Patr. lat., t. CLxii. Les autres commentaires qu’on lui attribue ne sont pas de lui. Voir Babion; Hervéde Bourg-Dieu. Cf. Hist. littér. de la France, t. X, p. 182; Ceillier, Hist. des auteurs ecclésiastiques, édit. Bauzon, t. xiv, p. 183.


ANSSE (D’) DE VILLOISON ou DANSSE JeanBaptiste Gaspard, helléniste français, né à Corbeil, le5 mars 1750, mort à Paris, le 26 avril 1805. Élevé à Paris dans les collèges de Lisieux, du Plessis, des Grassins et d’Harcourt, il manifesta dès sa jeunesse un amour passionné pour la littérature et surtout pour la langue grecque, et ne tarda pas à se distinguer comme helléniste. Il fit avant la Révolution divers voyages scientifiques et diverses publications. Après la Terreur, il ouvrit un cours libre de grec à Paris, et quelque temps après le gouvernement créa pour lui, à l’École des langues orientales vivantes, une chaire provisoire de grec moderne qui fut transférée plus tard au Collège de France sous le titre de Chaire de langue grecque ancienne et moderne. D’Ansse de Villoison avait obtenu, en 1781, une mission aux frais du roi, à Venise, pour étudier les manuscrits grecs de la bibliothèque de Saint-Marc de cette ville. Il y découvrit, entre autres choses, une version grecque de la Bible, différente des Septante, et datant du xive ou xve siècle. Elle est maintenant connue sous le nom de Versio Veneta ou Græcus Venetus. Il en publia plusieurs livres à Strasbourg, en 1784, avec une préface savante. Il envoya la copie du Pentateuque à un helléniste allemand, Chr. Frd. von Ammon, qui la publia en 3 volumes in-8°, 1790. Cf. Ammon 5, col. 493, et Græcus Venetus. Voir E. Quatremère, dans Hœfer, Nouvelle biographie générale, t. xiii, col. 1-18.


ANTÉCHRIST (Ἀντίχριστος). Ce mot a probablement été formé par saint Jean, le seul écrivain du Nouveau Testament qui en fasse usage. Il dit dans ses Épîtres: «Comme vous avez entendu dire que l’Antéchrist viendra, il y a maintenant beaucoup d’Antéchrists.» I Joa., ir, 18. «Celui-là est un Antéchrist qui nie le Père et le Fils.» Ibid., 22. «Tout esprit qui détruit Jésus n’est pas de Dieu; et celui-là est Antéchrist dont vous avez entendu dire qu’il doit venir, et déjà il est dans le monde.» lbid., iv, 3. «Beaucoup d’imposteurs ont paru dans le monde, qui ne confessent pas que Jésus-Christ est venu dans la chair; ce sont des imposteurs et des Antéchrists.» II Joa., 7. Deux autres écrivains inspirés parlent bien d’un personnage qui fera la guerre à l’Église du Christ; mais saint Jean seul, dans les passages que nous venons de rapporter, donne à ce personnage le nom qui lui a été conservé: «adversaire du Christ,» Antéchrist. Dans ces textes, saint Jean laisse entendre qu’à la fin du monde quelqu’un s’élèvera qui sera l’adversaire acharné de Notre-Seigneur; néanmoins il ne s’occupe que des hommes pervers qui, animés de l’esprit de l’Antéchrist, peuvent être considérés comme ses précurseurs et méritent d’enporter le nom. On est vraiment l’adversaire du Christ dès lors qu’on rejette l’Incarnation, voilà ce que dit l’Apôtre. Mais que sera cet impie mystérieux dont les hérétiques ne sont que les pâles images? Saint Jean ne nous donne sur ce point aucun renseignement dans ses Épîtres.

Dans son Apocalypse, au chapitre xiii, il décrit une bête mystérieuse qui vomit des blasphèmes contre Dieu. Quelques interprètes ont cru y reconnaître l’Antéchrist, mais leur opinion n’est pas généralement acceptée. Les Pères et les commentateurs reconnaissent, au contraire, l’Antéchrist sous les traits de Satan séduisant les nations et les lançant contre la cité sainte, comme il nous est représenté, Apoc. xx, 7 et suiv. Toutefois, dans ce tableau, la pensée du prophète est enveloppée sous les voiles d’une allégorie qui nous empêche d’en saisir les détails. Nous pouvons conclure, de ce que dit saint Jean, que Satan sera l’auteur principal de la révolte. Est-ce à dire qu’il sera lui-même l’Antéchrist? Non; saint Paul va nous apprendre que ce personnage sera un homme, et que par conséquent Satan sera le conseiller et l’inspirateur invisible de l’Antéchrist; il ne sera pas l’Antéchrist lui-même.

Saint Paul nous fournit des renseignements plus précissur la personne et le caractère de l’Antéchrist. Nous lisons dans la deuxième Épître aux Thessaloniciens, ii, 3-7: «[Le jour du Seigneur ne viendra que] lorsque sera venue d’abord l’apostasie et se sera montré l’homme de péché, le fils de la perdition, qui combat et s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu… Vous savez ce qui le retient maintenant pour qu’il se montre en son temps. Car déjà s’opère le mystère d’iniquité: il faut seulement que celui qui le retient encore ait disparu. Et alors paraîtra l’impie que le Seigneur Jésus détruira par le souffle de sa bouche et qu’il anéantira par l’éclat de son avènement.» Cetimpie est l’Antéchrist; le jour du Seigneur est le dernier jugement qui aura lieu a la fin du monde. Quelques rarescatholiques, parmi lesquels Bergier, ont cru pouvoir lenier ou du moins le contester. À leur avis, saint Paulentendait parler de la chute de Jérusalem ou de tout autre événement historique, mais nullement de la fin du monde.Cette opinion a contre elle toute la tradition, et elle est en opposition formelle avec le contexte. Le «jour du Seigneur» dont saint Paul décrit aux Thessaloniciens les signes avant-coureurs est le même que celui dont il leur avait parlé dans sa première lettre, I Thess., iv-v, et dans cette lettre il parlait évidemment de la résurrection finale et du jugement général. Notre texte a donc bien pour objet l’Antéchrist.

Que nous apprend-il sur le personnage? D’abord il nousdit que ce sera un homme, hom*o peccati, par conséquent, ni un démon ni une collection d’hommes. Sansdoute cet être recevra les inspirations de Satan et seracomme son instrument; sans doute encore il aura sousses ordres une troupe nombreuse d’agents dont il sera lemaître; mais enfin Satan aura un instrument, la troupedes impies aura un chef, l’Antéchrist sera un homme.Nous lisons encore que cet homme fera la guerre à Dieu, et par conséquent à la société qui représente Dieu surcette terre, à l'Église.

Mais quelle sera l'époque de sa venue? Le verset 6 seborne à dire «quid detineat, scitis», τὸ κατέχον, οἴδατε. Vous savez ce qui le retient, l’obstacle qui l’empêche de paraître. Le verset 7 revient sur ce point: μόνον ὁ κατέχων ἄρτί εὥς ἐκ μέσου γένηται. Il faut seulement que celui qui arrête l’Antéchrist soit retranché. — Ainsi donc, d’après ces textes, il y a un obstacle qui se dresse devant l’Antéchrist et l’empêche de faire son apparition. Resterait à savoir quel est cet obstacle et quelle est sa nature. Malheureusem*nt c’est là un problème encore insoluble. Déjà, au IVe siècle, saint Augustin disait dans sa Cité de Dieu, xx, 19, t. xli, col. 686: «J’avoue que j’ignore complètement ce qu’a voulu dire l’Apôtre.» Et depuis ce temps, ajoute van Steenkiste, la question n’a guère avancé. Les Pères aimaient à voir cet obstacle dans l’empire romain.Cette opinion avait sa source dans les sentiments patriotiques qui leur faisaient rêver pour cet empire des destinées immortelles, ou, comme dit Bossuet (Apocalypse, préface, § 22), «dans cette innocente erreur qui leur faisait présumer que sa chute n’arriverait qu’avec celle de l’univers.» Une interprétation basée sur le patriotisme, si respectable qu’elle soit, n’a, il faut en convenir, aucun caractère doctrinal. Du reste, les Pères ne se sont jamaisprononcés avec assurance: ils souhaitaient que l’empireromain fut le rempart qui arrêtât l’Antéchrist, parce qu'à leurs yeux l’empire était l’unique soutien de l’ordre social, voilà tout. Aussi saint Augustin, ibid., qui partage l’opinion de son temps, ne la donne que comme une «conjecture».Il est donc permis, à la suite de saint Thomas, In Epist. 2 ad Thessal. Expositio, cap. ii, lectio i, d’entendre les paroles de l’Apôtre dans le sens spirituel, et de l’esprit chrétiendont la présence au sein des sociétés arrête l’Antéchrist, et dont la disparition permettra à ce fléau d’exercer ses ravages. Cette opinion peut s’autoriser de plusieurs autres passages du Nouveau Testament, Act., xxi, 21; I Tim., IV, 1, où nous rencontrons le mot ἀποστασία avec le sensde «défection religieuse». D’ailleurs, est-il encore possible de conserver l’interprétation des Pères, lorsque depuis quinze siècles la Rome des empereurs est tombée? Cornélius a Lapide et D. Calmet ont essayé de le faire, mais à quel prix! Aux yeux de ces commentateurs, l’empire romain s’est survécu à lui-même dans l’empire de Charlemagne et dans l’empire d’Allemagne, qui ont pris, pour ainsi dire, la succession des Césars de Rome. Lorsqu’une opinion a besoin de recourir à de pareilles subtilités, elle est singulièrement compromise. Disons donc que saint Paul annonce tout simplement une diminution de la foi comme devant se produire à la fin des temps. et qui permettra à l’adversaire de Jésus-Christ d’exercer sa puissance funeste.

En somme, si l’existence future de l’Antéchrist est certaine, les circonstances dans lesquelles il fera son apparition nous échappent. Beaucoup de Pères ont pensé qu’il viendrait au bout de six mille ans, et qu’il sortirait de la tribu de Dan; mais, comme dit Bossuet, c’est ici une affaire non de dogme ni d’autorité, mais de conjecture Apocalypse, préface, § 13. Ajoutons que ces conjectures ne reposent sur aucun fondement solide. Ce qui a fait penser que l’Antéchrist sortirait de la tribu de Dan, c’est un texte de la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 17, et le silence que garde sur Dan l’apôtre saint Jean, dans l'énumération qu’il fait des tribus au chapitre vu de l’Apocalypse. — La prophétie de Jacob s’applique à Samson et non à l’Antéchrist; quant au silence de saint Jean, s’il est réel, il ne prouve rien, attendu que dans la plupart des énumérations il y a toujours quelque tribu omise. Ici c’est Lévi, Num., xiii; là c’est Siméon, Deut., xxxm. Du reste, il n’est pas certain que le silence soit réel, et on peut penser avec D. Calmet que saint Jean a nommé Dan à la place de Manassé, dont la présence ici n’a pas de raison d'être, puisque cette tribu n’est qu’une division de la tribu de Joseph, dont le nom est mentionné en cet endroit. Un copiste trompé par la similitude du À et du M aura lu Mαν au lieu de Δαν et aura écrit Mανασσῆ. Apoc, vii, 6.— Quant au chiffre de six mille ans, il a été inspiré par le désir de donner à la durée du monde autant de milliers d’années que sa création avait demandé de jours. Pour s'être autorisée du texte du psaume qui déclare que mille ans sont comme un jour aux regards de Dieu, cette supputation de la durée du monde n’en est pas moins fort arbitraire. Aussi on peut la mettre au rang de ces opinions qu’on appelle en théologie antiquatæ.

Est-ce à dire que les prophéties de l'Écriture se bornent à nous annoncer l’Antéchrist sans nous fournir sur son compte aucun autre renseignement? Non, certes. Mais les renseignements que donne saint Paul, comme ceux qui sont contenus dans l’Apocalypse, suffisants pour faire reconnaître l’Antéchrist lors de son arrivée, resteront jusque-là énigmatiques. Ceux-là seuls auront besoin de savoir à quels signes reconnaître l’Antéchrist qui vivront aux derniers jours du monde; pour les autres, le portrait de «l’homme d’iniquité» n’aurait qu’un intérêt de curiosité. Or, quand Dieu soulève un coin du voile qui nous couvre l’avenir, ce n’est pas pour satisfaire notre curiosité, c’est pour faciliter notre salut. Toutes les prophéties n’offrent avant leur accomplissem*nt qu'énigmes et obscurités; les obscurités s'éclaircissent, les difficultés s'évanouissent lorsque arrive l'événement qu’elles avaient annoncé. Saint Irénée, Contr. hæres., iv, 20, t. vii, col. 1052.Voir Adson (pseudo-Raban-Maur), De ortu, vita et moribus Antichristi, in-4o, 1505, dans Migne, Patr. lat., t. ci, col. 1289-1298; Malvenda, De Antichristo libri xi, in-f°, Rome, 1604; Bible de Vence, édition de Drach, t. xxin; Bossuet, Commentaire sur l’Apocalypse, in-8°, Paris, 1089; Calmet, Dissertation sur l’Antéchrist, dans son Commentaire littéral, Saint Paul, t. ii, 1716, p. xxvi-lvii.

J. Turmel.

ANTÉDILUVIENNE (CIVILISATION). - Dieu créa le premier homme en état de se suffire à lui-même pour les besoins de la vie, même après sa chute. Adam et ses fils ne furent pas des «sauvages». L'état sauvage est un état de dégradation, non un état primitif. VoirF. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 171-190. Mais si les pères du genre humain ne furent pas des êtres barbares et incultes, ils ne furent pas cependant civilisés de la manière dont devaient l'être leurs descendants. Dieu ayant créé l’homme perfectible, non seulement comme individu, mais aussi comme société, lui a donné pour loi le progrés dans une mesure déterminée; il a voulu que le progrès des uns servit au bien-être des autres, et que les générations antérieures transmissent comme un héritage aux générations postérieures les trésors de connaissances qu’elles avaientaccumulés, afin que l’expérience des pères tournât au profit des enfants. La Genèse ne nous fait connaître que quelques traits de l’histoire de l’humanité primitive, dans les cinq premiers chapitres; mais ils suffisent pour marquer les progrès des premiers hommes, de la création au déluge, pendant une période dont il est impossible de marquer la durée exacte.

Dieu lui-même apprit à Adam et à Ève à se vêtir d’habits de peaux de bêtes. Gen., iii, 21. Ainsi commençal’industrie humaine. L’origine de l’agriculture et de l’artpastoral est aussi ancienne que Caïn et Abel. Gen., iv, 2. Il y avait donc dès lors des animaux domestiques, puisque Abel avait des troupeaux. Le culte religieux et le sacrifice offert au Seigneur est également aussi ancien. Gen., iv, 3-4, 26. Les arts et les métiers ne tardent pas non plus à paraître, et il est digne de remarque que c’est dans la famille de Caïn qu’ils se développent. Caïn lui-même «construisit» la première «ville». Gen., iv, 17. Elle ne fut probablement qu’un centre d’habitation pour lui et pour ses enfants, garanti par quelque défense artificielle contre les incursions des bêtes fauves, mais elle fut la première origine de l’architecture et le commencement des bourgades et des cités. La longévité des premiers hommes leur permit de tirer plus de profit de leur expérience personnelle pour le progrès des arts et de l’industrie. Voir Longévité des premiers hommes. — La métallurgie fit de si rapides progrès, que Tubalcaïn «forgeait le bronze (neḥôseṭ) et le fer (barzel)». Gen., iv, 22. Voir ces mots. — Les arts sont aussi cultivés par les enfants de Caïn. Jubal invente la musique. Gen., iv, 21. Lamech le Caïnite fait des vers, Gen., iv, 23, et l’on peut le considérer comme le père de la poésie, quoique les vers rapportés par la Genèse aient du être modifiés et sans doute traduits par l’historien. — Les sciences ont également une origine antédiluvienne. Les premiers hommes avaient créé l’astronomie, puisque la distinction des mois et des années était connue, comme le prouvent les indications sur les âges des patriarches et sur les péripéties du déluge. Gen., v, 6-31; vii, 11; vra, 13. Adam avait déjà des connaissances zoologiques. Gen., ii, 19; et. vil, 2-4.— L'état social a existé dés le commencement. L’institution du mariage est divine. Gen., ii, 20-24. Les originesde la vie nomade sous la tente sont marquées, Gen., iv, 20. Le droit de propriété est supposé, Gen., iv, 4, 20. Le premier usage du feu n’est pas indiqué: il est probablement aussi ancien que l’homme. L’invention du tissage n’est pas non plus mentionnée. La fabrication des tentes ne l’implique pas, car les peaux de bêtes suffisent pour les construire. Du temps de Noé, il est question d’un manteau (ṡimtâh). Gen., ix, 23. L’art du charpentier avait aussi fait dès lors de grands progrès, puisque Noé put construire l’arche. Gen., vi, 1M6, 22. Nous n’avons aucun détail spécial sur le mode de gouvernement à l'époque antédiluvienne.

ANTHÈRE MARIE DE SAINT BONAVENTURE — (Micconus), né à Gènes, de l’ordre des Augustins déchaussés, de la province d’Italie, vécut au XVIIe siècle. Ilfut remarquable par sa doctrine, surtout par sa science desÉcritures, à laquelle il dut une certaine célébrité. Il n’alaissé qu’un commentaire des Psaumes, sous ce titre: Ponderationes in Psalmos, juxta multiplicem Divinarum Scripturarum sensum, 3 in-f°, Lyon, 1673. Hurter, Nomenclator litterarius, t. ii, p. 126, lui attribue aussi, sur l’autorité d’Ossinger, Acta Apostolorum juxta multiplices Divinæ Scripturæ sensus, priscorumque Patrum interpretationes, elucidata, in-f°, Gênes, 1684; mais Ossinger, dans sa Bibliotheca Augustiniana, ne lait aucune mention des Acta Apostolorum. — Quant à ses Ponderationes in Psalmos, Anthère se propose d’y élucider les sens multiples du livre sacré, en exposant la doctrine des Pères de l'Église, sans néanmoins se borner à en être seulement l'écho servile. Mais il est long, diffus, et manque d’ordre et de méthode. Son livre est cependant riche en matériaux utiles à l’ascète ou à l’orateur. Le style en est lourd, et les docteurs chargés d’approuver le livre l’ont jugé peut-être plus justement qu’ils ne pensaient en disant: «Has Ponderationes in Psalmos, ponderavimus nos infra scripti doctores, easque maximi ponderis invenimus.» — Voir Ossinger, Bibliotheca Augustiniana, in-f°, Ingoldstadt, 1768, p. 588-589; Ch. Focher, dans l’Universale Lexicon eruditorum, Leipzig, 1751; t. iii, col. 523; Historia de 200 Scriptoribus auqustinianis, Rome, 1704, p. 362.

O. Rey.

ANTHROPOMORPHISMES DE LA BIBLE. — On appelle ainsi certaines expressions figurées, dont l'Écriture fait usage pour exprimer les attributs de Dieu et nous faire comprendre ses rapports avec ses créatures. Les écrivains sacrés, parlant un langage populaire, s’adressant à des hommes et étant eux-mêmes des hommes, ont dû comparer Dieu aux hommes, le considérer comme s’il avait une «forme humaine» (ἄνθρωπος, μορφή) et se servir à son égard des locutions qui sont usitées parmi les hommes, afin de mettre à la portée de notre intelligence ce qu’ils avaient à nous apprendre de lui. C’est là une nécessité de notre condition. Aujourd’hui encore, malgré tous les progrès qu’ont faits les langues modernes dans l’expression des idées abstraites et théologiques, nous sommes obligés d’employer des «anthropomorphismes»: nous parlons du «roi» des cieux, de son «trône», des anges «ses ministres», etc. Ce n’est pas seulement l’art qui ne peut se passer de symboles sensibles, «qui anthropomorphise» Dieu, et représente, parexemple, le Père éternel sous la forme d’un vieillard: c’est la théologie elle-même qui, pour nous donner lanotion de Dieu, est obligée de comparer ses attributs auxqualités de l’homme, son immortalité à nos perpétuellesvicissitudes, son immensité aux bornes restreintes de notreêtre, etc.; bien plus, elle nous dit que Dieu nous «parle», qu’il nous «voit», qu’il nous «entend», etc.

Les anthropomorphismes de la Bible consistent: 1° àparler de Dieu comme s’il avait des sens semblables àceux de l’homme: une «face», Exod., xxxiii, 23, etc.; une «bouche», Deut., viii, 3; Jos., ix, 14; Is., i, 20, etc.; des «lèvres», Job, xi, 5; une «voix», Gen., iii, 8, 10; Exod., v, 2, etc.; des «yeux», I Reg., xv, 19; xxvi, 24; Il Reg., xv, 25; III Reg., xv, 5; IV Reg., xix, 16; II Par., xvi, 9, etc.; des «oreilles», I Reg., viii, 21; Ps. xvii (hébreu, {{rom|xviii), 7; lxxxv (lxxxvi), 1, etc.; des «bras», Deut., v, 15; Job, xl, 4; Ps. i.xx (lxxi), 18; Is., xliv, 12, etc.; des «mains», Exod., vu. 4; xiii, 3; Ps. viii, 7, etc.; des «doigts», Ps. viii, 4; Exod., xxxi, 18; Luc, xi, 20; des «pieds», I Par., xxviii, 2; Ps. cxxxi (cxxxii), 7, etc.; de sorte qu’il «parle», Gen., viii, 15; I Reg., iii, 9, etc.; «voit», Gen., i, 4, 31; xi, 5, etc.; «entend», Gen., xvi, 11; Ps. X (hébreu), 17, etc.; «agit de ses mains», Ps. viii, 4, 7; ci (en), 26, etc.; «écrit», Exod., xxxi, 18; Deut., ix, 10; «s’assied», Ps. xlvi (xlvii), 9, etc.; «se repose», Gen., ii, 2; «s'éveille comme celui qui vient de dormir», Ps. lxxvii (lxxviii), 65; xliii, 23 (xliv, 24), etc.; «marche», Gen., iii, 8; Lev., xxvi, 12, etc.; «rit», Ps. ii, 4, etc.

Toutes ces métaphores n’impliquent nullement que Dieune soit pas un pur esprit. On ne rencontre dans l'Écritureaucun passage où un corps, bâṡâr, «la chair,» soitattribuée à Dieu. Voir Joa., iv, 24. Ces figures sont simplement destinées à exprimer les perfections divines, ense servant des mots usités dans les langues humaines.

Cosi parlar conviensi al vostro ingegno
Perocchè solo da sensato apprende
Ciô, che fa poscia d’intelletto degno.
Per questo la Scrittura condescende
A vostra facultade, e piedi e mano
Attribuisce a Dio, ed altro intende.

<span class="romain" title="Nombre Dante, Paradiso, canto iv, 40-45. écrit en chiffres romains">Dante, Paradiso, canto iv, 40-45.3siècle «Les attributs de Dieu, dit Novatien, sont décrits aumoyen de métaphores empruntées à la forme humaine, quoiqu’il ne soit pas doué de qualités corporelles. Quandil est dit qu’il a des yeux, cela signifie qu’il voit (c’est-à-dire connaît) tout: s’il a des oreilles, c’est parce qu’il entend tout: le langage dénote la volonté; les mains, la création; les bras, la puissance; les pieds, l’immensité; car il n’a point de membres, et il ne fait aucun des mouvements ou des actes pour lesquels ils sont nécessaires, mais il exécute tout par le seul effet de sa volonté. Comment celui qui est la lumière même aurait-il besoin d’yeux? Comment celui qui est partout présent aurait-il besoin de pieds? Comment celui qui a tout créé aurait-il besoin de mains? Comment aurait-il besoin de langue, celui pour qui penser, c’est commander? Ces membressont nécessaires aux hommes, mais non pas à Dieu: lavolonté des hommes serait inefficace si Dieu ne leur donnait la force de mettre leurs membres en mouvement; mais les opérations de Dieu suivent sa volonté sans aucuneffort.» Novatien, De Trinit., 6, t. iii, col. 896.

2° Les écrivains sacrés donnent aussi à Dieu, par anthropomorphisme, les sentiments et même les passions del’homme: la «joie», Deut., xxviii, 63; II Esdr., viii, 10; Ps. cm (civ), 31, etc.; la «douleur», Gen., vi, 6; la «colère», Exod., xv, 7; xxxii, 12; Is., ix, 19; Joa., iii, 36; Rom., i, 18, etc.; le «regret et le repentir», Gen., vi, 6, 7; I Reg., xv, 35; Jer., xxvi, 13, etc.; la «vengeance», Exod., xxxii, 34; Deut., xxxii, 35, 41; Is., xxxiv, 8, etc.; la «jalousie», Exod., xxxiv, 14, etc. Cette attribution des passions humaines à Dieu s’appelle proprement «anthropopathisme», d’ἄνθρωπος et πάθος, «homme» et «passion».

Il faut bien remarquer d’ailleurs que l'Écriture n’attribue à Dieu que des passions nobles et jamais des sentiments bas, encore moins des vices. Il n’est jamais ditqu’il soit cruel, orgueilleux, envieux, etc. Aucun mot desLivres Saints ne lui suppose, même par métaphore, lespassions basses que la mythologie décrit dans ses fauxdieux. Si Jébovah s’irrite, c’est contre le pécheur quicommet l’iniquité; s’il se venge, c’est seulement de l’injustice et de l’iniquité; s’il se réjouit, c’est du bien; s’il s’attriste, c’est du mal; s’il est jaloux, c’est de l’amour et de la fidélité de son peuple, parce qu’il est souverainement juste, bon, fidèle. Quand il est écrit qu’il se repent, Gen., yi, 6, 7, ou ne se repent pas, Ps. cix, 4, cela signifie simplement, comme l’a remarqué saint Augustin, non qu’il a fait une chose dont il n’avait pas prévu les conséquences, non qu’il change réellement d’idée ou de disposition, mais que, à cause de la conduite des hommes, il se produit extérieurement un fait qui, étant inattendu pour les hommes, leur paraît être le résultat de ce qui serait en eux l’effet du regret ou du repentir. De même, quand Dieu interroge Caïn, Gen., iv, 9, et lui demande où est son frère Abel, ce n’est pas parce qu’il ignore le crime du fratricide, mais parce qu’il l’interroge comme juge qui veut lui faire avouer son péché.

3° Les expressions anthropomorphiques se trouvent danstous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais elles diminuent dans les parties les moins anciennesde l'Écriture. C’est dans le Pentateuque qu’elles sont leplus nombreuses. Dans les écrits des prophètes, la languethéologique devient en quelque sorte plus sévère; ons’habitue peu à peu à décrire les actions et les perfectionsdivines en termes moins figurés, jusqu'à ce qu’on arriveenfin dans les Évangiles et les Épîtres aux notions lesplus élevées et les plus sublimes, comme, par exemple, dans le prologue de l'Évangile de saint Jean. Néanmoins, comme l’esprit humain ne peut se passer d’images, noustrouvons Dieu représenté d’une manière sensible dansles prophètes mêmes, et de telle sorte que plusieurs deleurs descriptions, qui sont, à la vérité, des exceptions, sont plus anthropomorphiques que celles de Moïse, parexemple dans la magnifique vision d’Isaïe, vi, 1-2, où Adonaï nous apparaît «assis sur un trône haut et élevé», avec des vêtements (šûlàv) dont l’ampleur remplit l’hėkâl (palais ou temple), et entouré des Séraphins qui forment sa cour; de même dans la mystérieuse vision d'Ézéchiel, dans laquelle Dieu, ayant une apparence humaine, lui apparaît dans sa gloire, au milieu des Chérubins, Ezech., i, 4-28; iii, 23; x, 1-19; xliii, 3-4; de même encore dans une des visions symboliques de Daniel, où Dieu se montre à lui sous l’aspect de «l’Ancien des jours», vêtu de vêtements blancs comme la neige, avec des cheveux semblables à de la laine mondée, Dan., vii, 9, etc. Notre-Seigneur lui-même a dû se servir d’anthropomorphismes pour nous révéler sa divine doctrine, et c’est ainsi, par exemple, qu’il nous montre les anges, qui sont de purs esprits, «voyant dans le ciel la face du Père céleste.» Matth., xviii, 10.

La condition de notre nature nous oblige donc de nousservir souvent d’un langage impropre en parlant de Dieu.Nous ne pouvons nous représenter la Divinité que sousune forme plus ou moins sensible. Ces locutions figuréessont néanmoins justes et vraies, pourvu que nous évitionsles erreurs dans lesquelles sont tombés les hérétiquesappelés anthropomorphites ( voir Fremling, De Anthropomorphitis, Lund, 1787), et que nous ayons bien soin de ne pas appliquer à Dieu ce qui est matériel et imparfait.Quand nous disons que Dieu «sait» tout, nous employonsune expression parfaitement exacte, sans aucune figure; quand nous disons qu’il «voit» tout, nous nous exprimons d’une manière non moins exacte au fond, quoiquemétaphorique, «anthropomorphique;» car le sens estidentiquement le même, à la seule condition de ne pasprendre une figure pour la réalité. Voir S. Augustin, Epist. cxlviii ad Fortunatianum, t. xxxiii, col. 622; S. Eucher, Liber formularum spiritalis intelligentiæ, t. l, col. 727; Glassius, Philologia sacra, 1. v, c. vii, De ἄνθρωποπάθειᾷ, in-4°, Leipzig, 1743, p. 1530-1658; Klùgling, Ueber den Anthropomorphismus der Bibel, Danzig, 1806; Gelpe, Apologie der anthropomorphischenund anthropopathischen Darstellung Gottes, Leipzig, 1842.

F. Vigouroux.

ANTILEGOMENA (Ἀντιλεγομενα, «(écrits) controversés, discutés» ). Nom donné par Eusèbe, H. E., iii, 25, t. xx, col. 209, et d’autres écrivains ecclésiastiques, par opposition aux όμολoγούμενα, «admis» par tous, aux écrits du Nouveau Testament dont l’authenticité et l’origine apostolique avaient été quelque temps contestées, c’est-à-dire l'Épître aux Hébreux, la seconde Épître de saint Pierre, l'Épître de saint Jacques, l'Épître de saint Jude, la seconde et la troisième Épîtres de saint Jean et l’Apocalypse. Voir Canon du Nouveau Testament.


ANTILIBAN (Ἀντιλίϐανος), chaîne de montagnesparallèle au Liban, dont elle est séparée par la grandeplaine de Cœlésyrie (El-Béqâ'a). Elle n’est expressémentmentionnée que dans le texte grec de Judith, i, 7. Cependant, dans cinq passages où l’hébreu, à propos des frontières septentrionales de la Terre Sainte, porte simplement hallebânôn, «le Liban,» les Septante ont mis Ἀντιλίϐανος, Deut., i, 7; iii, 25; xi, 24; Jos., i, 4; ix, i. Quelques auteurs croient voir l’Anti-Liban désigné dans Jos., xiii, 5, par ces mots: hallebânôn mizrah liasèémés, «le Liban vers le soleil levant.» J. L. Porter, dans Smith'Dictionary of the Bible, Londres, 1863, au mot Lebanon, t. ii, p. 88; V. Guérin, La Terre Sainte, t. ii, p. 2. D’autres rejettent cette explication et prétendent que l’auteur sacré a voulu uniquement indiquer ici la partie du Liban qui s'étend à l’est de Gébal (Byblos) jusqu’au territoire d'Émath.C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 106; Clair, La SainteBible, Josué, Paris, 1877, p. 78.

Si l’Anti-Liban n’est pas plus nettement distingué del’ensemble des montagnes auxquelles il se rattache, il appartient néanmoins à la Bible par plusieurs de ses parties. Son prolongement méridional, qui renferme les cimesles plus élevées, est bien connu sous le nom de Grand Hermon, aujourd’hui Djebel ech-Cheikh. Voir Hermon.Un autre de ses sommets est mentionné dans le Cantiquedes cantiques, iv, 8; c’est l’Amana, probablement le Djebel Zebdâni. Voir Amana. De ses lianes sortent quatre fleuves importants, qui, par leurs coure opposés, forment, la croix: au nord, l’Oronte (Nahr el-Açi); au sud, le; Jourdain (Nahr ech-Chériat); à l’ouest, le Léontès (Nahr el-Leïtani); à l’est, l’Abana (Nahr Barada), auquel il convient de joindre le Pharphar (Nahr el-Aouadj). Voir Abana et Pharphar. Sur le versant oriental se trouve l’antique ville d’Abila (Souq-Ouadi-Barada), capitale de l’Abilène; et, à l’ouest, plus haut, s'étendent à ses pieds les merveilleuses ruines de Baalbek (Héliopolis). Voir Abila, Abiléne.

L’Anti-Liban est appelé aujourd’hui Djebel ech-Charqi, «montagne orientale,» pour indiquer sa position parrapport au Liban proprement dit. Il court du nord-estau sud-ouest, dans une longueur à peu prés égale à cellede la chaîne occidentale, c’est-à-dire cent cinquante oucent soixante kilomètres, si l’on y comprend le massif del’Hermon. Il commence, au nord, non loin de Riblah, àl’une des extrémités de la grande plaine de Homs ( Émèse), et aboutit, au sud, à Banias (Panéas ou Césarée de Philippe), qu’il domine de toute la masse imposante du Djebel ech-Cheikh. D’une remarquable analogie avec le Liban, il est composé des mêmes roches calcaires, revêtu de la même terre rouge, aride et nue au nord, plus fertile versle midi. Percé d’innombrables fissures sur le versant occidental, qui descend, d’une façon plus abrupte, vers laplaine de Cœlésyrie, il s’incline à l’est par une longuecontre-pente ou des gradins parallèles vers le désert deSyrie. Le point culminant consiste dans les trois cimes del’Hermon, dont la plus haute atteint deux mille huit centsoixante mètres au-dessus de la Méditerranée. Le plushaut sommet ensuite, Talaat Mousa, s'élève à deux millesix cent soixante mètres; et l’altitude du Djebel ech-Chouqif, au nord-est de Bloudan, n’est plus que de deux mille soixante-quinze mètres.

Inférieur à la chaîne principale de trois cents à quatrecents mètres en moyenne, l’Anti-Liban se distingue pardes formes plus pittoresques, des cimes plus fières, desravins plus sauvages, des teintes plus vives. Les pentesméridionales sont couvertes de bois, qui, un peu clairsemés, ont néanmoins çà et là l’aspect de forêts. Les sommets perdent ordinairement, dès le commencement de l'été, la neige qui les re-ouvre en hiver; mais le Djebel ech-Cheikh garde beaucoup plus longtemps cette couronneéclatante, qui ne le quitte guère que pendant deux outrois mois de l’année, et lui a valu, de la part des Arabes, le surnom de Djebel eth-Theldj, «la montagne neigeuse.» Moins peuplé et moins cultivé que le Liban, il sert derefuge à diverses espèces de bêtes fauves, telles que lesanglier, la panthère et l’ours; mais le lion et le léopard, qui l’habitaient jadis également, Cant., IV, 8, semblent en avoir disparu. Des bandes de gazelles errent dans les vastes steppes qui s'étendent au pied des pentes orientales. Voir Liban.

A. Legendre.

ANTILOGIE est une contradiction réelle ou apparente, constatée ou supposée, entre plusieurs passagesd’un ouvrage ou d’ouvrages différents. De tous temps, lesadversaires du christianisme ont signalé dans les LivresSaints des contradictions qui leur semblaient inconciliables avec l’origine divine et la véridicité de la Bible, mais que les apologistes et les commentateurs chrétiensexpliquaient facilement. Elles ne sont qu’apparentes etconsistent en de simples divergences de récits.

I. Histoire. — Les Gnostiques opposaient le NouveauTestament à l’Ancien, et concevaient le christianismecomme la condamnation et la contre-partie du judaïsme.

Pour les réfuter, les Pères de l'Église démontrèrent l’accord des deux Testaments. S. Irénée, Adversus hæreses, III, xii, 11, t. vii, col. 905; IV, ix, xii et xxxiv, col. 996-999, 1001-1006, 1083-1086; Tertullien, Adversus Praxeam, 24, t. ii, col. 186; Adversus Hermogenem, 20, t. ii, col. 216; Clément d’Alexandrie, Pædagogus, i, 7, t. viii, col. 264; Origène, In Joa., i, 3, 15, t. xiv, col. 33-36 et 48; De principiis, ii, 4, t. xi, col. 198-203. Dans son livre des Antithèses, Marcion mettait la Loi en opposition avec l’Évangile; Tertullien, qui nous l’apprend, Adversus Marcionem, i, 19, t. ii, col. 267; iv, 1, ibid., col. 361-363, écrivit contre lui. Tatien et Théophile d’Antioche composèrent des Atà c£<j<7stpMv dans le but d’harmoniser les récits des quatre Évangiles. Porphyre et Celse (Origène, Contra Celsura, v, 52, t. xi, col. 261) notaient dans les narrations évangéliques des détails contradictoires; Hiéroclès, dans ses deux Discours véridiques aux chrétiens, taxait de fausseté l'Écriture, la montrait toute remplie decontradictions, et signalait les chapitres qui paraissent endésaccord. Lactance, Divin. institut., v, 2 et 3, t. vi, col. 555-557. Julien l’Apostat avait consacré tout un livre de son Discours contre les chrétiens à l’exposition des antilogies de l'Évangile (S. Cyrille d’Alexandrie, Contra Julianum, viii, t. lxxvi, col. 833). Origène répondit à Celse, saint Méthode à Porphyre, Lactance, saint Jérôme etEusèbe de Césarée à Hiéroclès, saint Cyrille d’Alexandrie à Julien. Les écrivains ecclésiastiques expliquent àl’occasion quelques dissonances des Évangiles. Origène, In Joa., x, 2, 3, 15, t. xiv, col. 309, 312 et 345: S. Ambroise, In Lucam, iii, 1, t. xv, col. 1589; x, 22; ibid., col. 1809-1810; S. Jérôme, In Matth., i, t. xxvi, col. 21; S. Chrysostome, In Matth., Rom. xxviii, 1-2, t. lvii, col. 349-352; In Joa., Boni, xxiii, 2, t. lix, col. Và'd; Hom. xlii, ibid., col. 240; De cruce et latrone, Hom. ii, 2, t. xlix, col. ill; In paralyticum, 4, t. ii, col. 54; S. Augustin, In Joa., XVIII, v, 7, t. xxxv, col. 1546; Sermo ii, 4 et 5, t. xxxviii, col. 336; In psal. lxiii, 5, t. xxxvi, col. 763. Ce Père a écrit un traité De consensu evangelistarum, i. xxxiv. Quand les Manichéens eurent renouvelé les erreurs gnostiques, les docteurs catholiques démontrèrent de nouveau l’accord des deux Testaments. S. Augustin, Contra Faustum, t. xlii, col. 207-602; S. Grégoire le Grand, Moralia in Job, IV, prsef., t. lxxxv, col. 633-637; Concordia quorumdam testimoniorum S. Scripturæ, t. lxxix, col. 659678; Cosmas Indicopleuste, Topographia christiana, proleg. ii et l. V, t. lxxxviii, col. 56-57, 281, 284 et 289; Julien de Tolède, Antikeimenon libri duo, t. xcvi. Raban Maur, Paschase Radbert, Bède le Vénérable et les autres commentateurs du moyen âge répètent les réfutations des anciens; plus tard, Hugues de Saint-Victor expose encore les principes de solution, Erudit. didascal., vi, 11, t. clxxvi, col. 808-809.

Les modernes adversaires de la révélation ont rajustéles vieilles armes des premiers hérétiques. Lord Bolingbroke, Essay the fourth, § vii; Works, t.iii, p. 307, mettait la prédication de Jésus-Christ en contradiction avec celle de saint Paul. Le système du prétendu conflit qui se serait produit entre saint Pierre et saint Paul repose en partie sur les antinomies de doctrine que l'école de Tubingue remarque dans les livres du Nouveau Testament. Les critiques rationalistes actuels, qui bouleversent toute l’histoire littéraire de l’Ancien Testament, et attribuent toute la littérature juive à des travaux de retouche, s’appuient sur les contradictions qui semblent exister entre les différents récits d’un même fait, sur les diverses rédactions des mêmes lois, et sur l’opposition des idées qu’ils croient apercevoir. Ils rejettent le témoignage des Évangiles, parce que, d’après eux, les Synoptiques comparés les uns aux autres présentent des divergences inconciliables, et que le quatrième Évangile contredit manifestement les trois autres. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5 in-12, 3e édit, Paris, 1890-1891, passim.

II. Nature et importance. — Les prétendues antilogies de la Bible sont de plus d’une sorte. Les plus nombreusessont relatives à des points d’histoire, de géographie et dechronologie, et ne portent d’ordinaire que sur des détailsde minime importance. De réelles contradictions de cettenature, dûment constatées dans les œuvres d'écrivainsprofanes, ne nuiraient pas à leur véracité, et seraientnégligées comme de simples fautes échappées à l’imperfection humaine. C’est un principe de critique historiqueque, plusieurs auteurs compétents étant d’accord quant àla substance du fait, tout en différant sur quelques détailsaccessoires, le fond commun de leur récit est tenu pourvrai, et l’historien s’efforce d’accorder les points divergents. Les divergences absolument inconciliables sont attribuées à une inexactitude des sources consultées, à un défaut de mémoire ou à toute autre cause, et il ne serait pas légitime de mettre en suspicion à cause d’elles tout lecontenu des livres dans lesquels elles se rencontrent.

Mais un livre divin est vrai dans toutes ses parties; toute parole des écrivains inspirés est la parole infaillible de Dieu; elle doit donc, jusque dans les plus petit* détails, être conforme à la vérité. Or deux propositions contradictoires ne pouvant être vraies à la fois, et l’Esprit-Saint ne pouvant se contredire, S. Augustin, Dialogus adversus Pelagium, i, 14, t. xxxiii, col. 506, la Bible, qui est d’origine divine et l'œuvre du Saint-Esprit, ne doit contenir aucune contradiction. De réelles antilogies constatées dansles Livres Saints ne leur enlèveraient point toute valeur historique ou philosophique, mais détruiraient certainementleur autorité divine. Aussi les chrétiens, qui professent que l’erreur est incompatible avec l’inspiration de la Bible, nient-ils énergiquement l’existence d’une contradiction réelle quelconque dans la Sainte Écriture, et démontrent-ils que les antilogies scripturaires, relevées par leurs adversaires, ne sont qu’apparentes, et qu’une sage critique et une saine exégèse savent concilier et harmonisertoutes les divergences. Il n’est pas possible, dans leslimites d’un article, d'élucider la série des prétenduescontradictions de la Bible; plusieurs recevront leur solution dans ce Dictionnaire; nous nous bornerons à indiquer ici quelques règles générales de conciliation.

III. Principes de solution. — Plusieurs passages del'Écriture paraissent-ils se contredire, l’exégète doit avant tout fixer la véritable leçon des textes qu’il doit expliquer, et rechercher si l’un ou l’autre de ces passages n’est pas fautif. La rouille des siècles a déposé son empreinte sur les pages de nos livres sacrés. En passant sous la plume de milliers de copistes, des noms propres ont été défigurés, des chiffres brouillés, quelques endroits légèrement altérés; l’histoire du texte en fournit d’irrécusables preuves. Si la contradiction naît de ces erreurs de transcription, elle disparaîtra par la restitution du vrai texte, restitution obtenue par la critique verbale. Alors même que feraient défaut les moyens de corriger une faute évidente, la véracité divine serait hors de cause, et la constatation de l’erreur suffit pour résoudre la contradiction réelle.

Cependant certains textes parfaitement authentiquessemblent inconciliables. L’apparente contradiction provient alors de l’ignorance où nous sommes de leur vrai sens; le plus souvent, une étude approfondie la résoudra. Faut-il harmoniser les narrations divergentes d’un fait, la nature du langage employé et la forme du récit seront à considérer. Chaque écrivain ayant son style propre et sa manière de s’exprimer, deux récits de forme différente peuvent être identiques pour le fond. Les auteurs ne s’attachent pas généralement à énumérer minutieusem*nt toutes les circonstances des faits qu’ils racontent, ils notentseulement les traits qui vont mieux à leur but. Ceux quiomettent quelques détails ne doivent pas être par là mêmetaxés d’inexactitude, ni mis en opposition avec le narrateur plus complet et plus précis. Ils ne seraient en contradiction que s’ils affirmaient sur la même personne, lemême objet ou le même événement, le contraire les unsdes autres.

La divergence porte-t-elle sur des passages doctrinaux, il faut examiner s’il n’y a pas progrès de l’idée, développement du dogme, plutôt que contradiction. Souvent, en effet, ces passages bien compris, loin de se combattre, se complètent. Les endroits obscurs doivent être expliquéspar ceux qui sont clairs, ceux dans lesquels la doctrinen’est exposée qu’en passant par ceux où elle est traitéeex professo et en détail. Pour concilier les lois divergentes, il faut tenir compte de leurs transformations et de l’ordre de leur succession. Quelques articles de la législation mosaïque ont subi de réelles modifications pour s’adapter à des situations nouvelles. Des lois supplémentaires ont abrogé, changé et remplacé les lois antérieures. L'écrivain qui les rapporte fidèlement est donc exact. Aussi l'étude chronologique du code mosaïque présentera, au lieu des contradictions choquantes qu’on veut y voir, des lois successives ou substituées l’une à l’autre.

Toutefois il pourrait se faire que l’application de cesrègles critiques et exégétiques ne suffise pas à résoudretoutes les apparentes contradictions de la Bible, car lesdocuments contemporains capables de fournir un contrôlefont défaut, et nous ignorons les circonstances au milieudesquelles les événements racontés se sont produits. Lesexégètes et les apologistes chrétiens devraient alors avouerfranchement leur impuissance de donner une solution satisfaisante; c’est la pensée de saint Justin, Exhortatio ad Græcos, c. 65, t. vi, col. 625. Ils pourraient garder l’espoir que des recherches nouvelles aboutiront un jour à de meilleurs résultats, et que des esprits plus perspicaces apercevront et dénoueront le nœud aujourd’hui invisible et insoluble. Quoi qu’il en soit, l’accord parfait des Écritures découle si nécessairement de leur origine divine, que les antilogies non résolues ne diminuent pas la foi du chrétien à la vérité totale de la Bible. Cf. Jahn, Enchiridion hermeneuticæ generalis, Vienne, 1812, § 51 - 53 J. Danko, De Sacra Scriptura, Vienne, 1867, n° 135; F. X. Patrizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, 2e édit, Rome, 1876, p. 119-122; U. Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam, Rome, 1881, t. iii, p. 218-256.

IV. Ouvrages modernes dans lesquels sont résolues les contradictions de l'Écriture. — André Althamer, Conciliationes locorum Scripturæ, qui specie tenus inter se pugnare videntur, centuriæ duæ, Nuremberg, 1532; Séraphin Cumiran, Conciliatio locorum communium totius Sanctæ Scripturæ, qui inter se pugnare videntur, Paris, 1556; Marc de la Camara, Quæstionarium conciliationis locorum difficilium Sacræ Scripturæ, Alcala, 1587-1588; * J. Thaddæus, Conciliatorium biblicum, Amsterdam, 1648; H. Mayer, Manuale biblicum in quo Sacræ Scripturæ certa quædam testimonia, quæ sibimet contradicere videntur, omnino concordare docentur, Fribourg-en-Brisgau, 1654; Dominique Macri, Antilogiæ seu contradictiones apparentes Sacræ Scripturæ, Venise, 1645; nouvelle édition complétée par Le Fèvre d'Étaples, Paris, 1685; Emmanuel Fernandez de Santa-Cruz, Conciliatio Genesis et Exodi locorum qui apparentem continent antinomiam, Ségovie, 1671; Conciliatio Levitici, Numerorum et Deuteronomii…, 1677; Conciliatio Josue, Judicum, primi et secundi librorum Regum…, 1689; Jean Pontas, Sacra Scriptura ubique sibi constans, etc., Paris, 1698; Martin Humbelot, Sacrorum Bibliorum notio generalis, Paris, 1700, 1. v, De antilogiis Sacræ Scripturæ; Tirin a réuni dans sa quatrième table générale environ 1 450 antilogies, qu’il avait expliquées dans ses Commentaria in Vetus et Novum Test., Anvers, 1632; Claude Frassen, Conciliatorium biblicum, publié par Migne, Sacræ Scripturæ cursus completus, t. ii, col. 947-1054; J. Brunet, Manuductio ad Sacram Scripturam, Paris, 1701, t. ii; Chérubin de Saint -Joseph, Summa criticæ sacræ, Bordeaux, 1715, t. vi et vii; Vincent de Saint-Dominique, Explicationes antilogiarum tum Veteris tum Novi Testamenti; Antoine de Silveira, Discordia concordis, Lisbonne, 1738; Joseph-Charlemagne de Saint-Michel, Conciliation des passages et des faits historiques de l’Écriture Sainte qui paraissent opposés les uns aux autres; F.X.Widenhofer, Sacræ Scripturæ dogmatice et polemice explicatæ pars ia sive Veteris Testamenti in quo et apparentes antilogiæ explicantur, Wurzbourg, 1749; Gabriel Schenk, Analysis selectarum Scripturæ quæstionum et antilogiarum, 1750; Arsène de Saint-Robert, Antilogias sive contradictiones apparentes Sacræ Scripturæ, etc., Louvain, 1751; Pierre Juvet, Antilogiæ seu contradictiones Evangelistarum, etc., Gand, 1760; IgnaceSchunk, Notio dogmatica Sacræ Scripturæ, Landshut, 1772, sect. vi; J.-B. Jaugey, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, Paris, 1889, Antilogies du Nouveau Testament, p.162-187.

E. Mangenot.

ANTILOPE, du grec ἀνθάλοψ ou ἀνθόλοψ (ὦψ, «fleur, beauté,» et ἄνθος, «œil, regard,») épithète appliquée par les anciens à la gazelle, à cause de la beautéproverbiale de ses yeux. Ce mot désigne aujourd’hui ungenre de mammifères ruminants à cornes creuses, noncaduques, caractérisé par un nez pointu et des corneseffilées en forme de lyre. Ces cornes sont généralementrondes, annelées, marquées de stries, et diversem*nt
162. — Antilope addax.
infléchies. L’antilope forme la transition entre les cerfsd’une part, les chèvres, les moutons et les bœufs del’autre. Elle a du cerf la légèreté de la taille, la vitesse dela course, la forme gracieuse. Son caractère est timide, paisible, sociable, mais, en face du danger, plein d’audace et de vigueur. Cet animal est remarquable par lafinesse de la vue, de l’ouïe et de l’odorat. Voir Henglin, Antilope Nordost-Afrika’s, Iéna, 1864.

On admet communément aujourd’hui que l’Écriturementionne quatre espèces d’antilopes, appelées dans letexte original: 1o dîšôn (Septante: πύραργος; Vulgate: pygargus), Deut., xiv, 5; 2o ṣebî (Septante: δορκάς; Vulgate: caprea), Deut., xii, 15, etc.; 3o ṭe’ô (Septante: ὄρυξ; Vulgate: oryx), Deut., xiv, 5; Is., li, 20; 4o yaḥmûr (Septante: δορκάς; Vulgate: caprea), Deut., xiv, 5. D’après la plupart des naturalistes qui se sont occupés de la faunebiblique dans ces derniers temps, le dîšôn est l’antilope addax ou pygargue (fig. 162); le ṣebî, l’antilope dorcas ou gazelle; le ṭe’ô, l’antilope oryx, «l’oryx;» et leyaḥmûr, l’antilope bubalis, le bubale. Cette dernièreidentification est la plus controversée. Les quatre espècesd’antilopes que nous venons d’énumérer se trouvent enPalestine. Voir H.B.Tristram, The Natural History of the Bible, 8e édit., 1889, p.127. Pour dîšôn, voir Pygargue; pour ṣebî, voir Gazelle; pour ṭe’ô, voir Oryx; pouryaḥmûr, voir Bubale.

F. Vigouroux.


ANTIMOINE. C’est par le nom grec et latin de ce métal, στίμμι, stibium, que les Septante et la Vulgate ont rendu le mot hébreu pûk. L’antimoine est un métal blanc bleuâtre, très brillant, cristallisé en larges lames, qui dégage par le frottement une odeur alliacée. On a prétendu que son nom signifie «contraire aux moines», et qu’il provenait de ce qu’il avait causé des accidents mortels chezles moines qui en firent usage les premiers, sur les indications de Basile Valentin, religieux du xvesiècle, à quil’on attribue la découverte d’un procédé pour extrairel’antimoine métallique de son sulfure. En réalité, l’antimoine était connu dans l’antiquité, en Orient et en Occident; mais l’origine du nom qui le désigne en françaisest douteuse. L’étymologie vulgaire «ne se fonde absolument sur rien, dit Littré, aucune anecdote de quelque authenticité ne nous apprenant comment un pareil sobriquet aurait pu être donné à ce métal. Quelques-uns le font venir de ἀντί et de μόνος, parce que ce métal ne se trouve jamais seul; certains, d’ἀντιμένειν, parce qu’il fortifie les corps. Antimonium se trouve dans les écrits de Constantin l’Africain, De gradibus, p.381, médecin salernitain qui vivait à la fin du xiesiècle. D’autres, avec raison, ce semble, tirent ce mot de l’arabe athmoud ou ithmid. Athmoud est devenu facilement, dans le latin barbare, antimonium. D’un autre côté, la forme propre de l’arabe est ithmid, et vient sans aucun doute du grecστίμμι, qui est dans stibié; de sorte que, par un jeu singulier de l’altération des langues, antimoine et stibié seraient un mot identique.» Dictionnaire de la langue française, t. i, p.156; cf. M.Devic, Ibid., Supplément, Dictionnaire étymologique de tous les mots d’origine orientale, p.10. Στίμμι, στίβι, stibium, viennent eux-mêmes, comme l’avait remarqué Eustathe, In Odyss. (Littré, ibid., t. iv, p.2046), de l’égyptien, 𓆄𓂧𓅓𓁻, sdem, sṭem, ce qui nous ramène au pays même où l’onfaisait usage de l’antimoine comme cosmétique. Notremot français dérive donc de l’égyptien sṭem, en passantpar le grec στίβι, στίμμι, qui est devenu chez les Arabes ithmid, d’où les alchimistes l’ont transporté chez nous sous la forme antimoine.

Quoi qu’il en soit, du reste, de l’étymologie, l’antimoineexiste dans la nature à l’état natif ou métallique, mais entrès petite quantité; son véritable minerai est le sulfured’antimoine, qu’on rencontre en masses fibreuses ou grenues, de couleur grise, en France et en beaucoup d’autres pays. Les Grecs et les Latins confondaient, sous la mêmedénomination de στίμμι et de stibium, l’antimoine natif et son sulfure. Dans nos traductions de la Bible (cf. S. Jérôme, Epist., liv, 7, et cviii, 15, t. xxii, col. 553 et 891), lemot «antimoine» désigne la poudre de sulfure d’antimoine, dont les femmes ont fait usage en Orient dès l’antiquité pour peindre le tour des yeux et les faire paraîtreainsi plus grands. La même coutume existait aussi chezles Grecs et les Romains, et dans le même but (Juvénal, Satir., ii, 93; Pline, Ep., vi, 2), ce qui avait fait donner à la poudre d’antimoine ou à une poudre analogue, outre le nom de στίμμι ou de στίβι, celui de πλατυόφθαλμον, «qui rend les yeux larges.»

La coutume de peindre ainsi les yeux existe toujoursen Orient, et les Arabes appellent kohl la poudre qui leur sert à cet usage. Cependant l’antimoine n’entre pas ordinairement aujourd’hui en Égypte dans la composition dukohl. Voici la description que donne de ce cosmétiqueun observateur exact, Lane: «Les yeux sont généralementgrands et noirs… L’effet qu’ils produisent est encore augmenté par une pratique universellement en usage parmiles femmes des hautes classes et des classes moyennes et très commune même parmi celles de basse condition: elle consiste à noircir le bord des paupières, au-dessus et au-dessous des yeux, avec une poudre noire appeléekohl (fig. 163). C’est un collyre, composé ordinairementdu noir de fumée produit parla combustion d’une résinearomatique appelée libam, espèce d’encens, employée, dit-on, de préférence à un encens de qualité supérieure, parce qu’elle est moins chère et également bonne.

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163. — Œil peint avec le kohl.
Lane, Modern Egyptians, t. i, p. 41.

On prépare aussi le kohl avec du noir de fumée produit en brûlant des coques d’amandes. Ces deux sortes de kohl ne sont employées que pour l’ornement des yeux, quoiqu’on croie qu’elles sont salutaires pour ces organes; mais il en existe aussi plusieurs espèces dont on se sert à cause de leurs propriétés médicales réelles ou supposées; en particulier de la poudre de divers minerais de plomb, auxquels on ajoute souvent du sarcocolle, du poivre long, du sucre candi, de la poudre fine d’un sequin vénitien et quelquefois des perles pulvérisées… On applique le kohl avec une petite baguette de bois, d’ivoire ou d’argent amincie vers le bout, mais à pointe émoussée; on l’humecte avec un liquide, quelquefois avec de l’eau de rose; on le plonge ensuite dans la poudre, et on le fait passer sur le bord des paupières; on l’appelle mirwed; le vase en verre dans lequel est conservé le kohl se nomme mukholah.» Lane, Modern Egyptians, in-12, Londres, 1836, t. i, p. 41-43.

En Arabie, en Perse, en Syrie (fig. 164), on se sertencore aujourd’hui de l’antimoine comme kohl. On admetcommunément que dans l’antiquité on se servait aussi enEgypte et en Palestine de cette substance, comme l’onttraduit les anciennes versions, pour peindre les yeux ennoir.

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161. — femme syrienne dont les jeux sont peints avec l’antimoine.

Le nom même de l’antimoine en égyptien et le déterminatif (voir col. 403) de l’œil qui l’accompagne confirment cette croyance, de même que le mot Modèle:Égyptien mesdem, «collyre pour les yeux,» qui est dérivé de sdem, «antimoine.» Il est, en tout cas, certain que l’usage de se peindre les yeux était commun en Egypte: c’est ce qu’attestent les sculptures et les peintures des temples et des tombeaux, ainsi que les boîtes à poudre qu’on enterrait avec les momies, et dont un grand nombre ont été retrouvées dans les cercueils: quelques-unes contiennent encore des restes de cette poudre noire de toilette, avec la baguette qui servait à l’appliquer sur les yeux, comme celle qui est représentée figure 165 (dans la partie supérieure, la dernière à gauche).

Ces boîtes à poudre étaient de matières diverses; le plussouvent en pierre, en bois ou en terre cuite. Leur formeétait aussi variée: les unes étaient un simple tube rondou un vase sans ornements; d’autres se composaient dedeux, trois ou quatre compartiments, renfermant apparemment des poudres de qualités différentes, et étaientornées de mille manières: celles-ci étaient placées entre les mains d’un singe ou d’un monstre qui était censé les supporter, pendant que l’Égyptienne y plongeait son instrument de toilette; celles-là imitaient des colonnes, etc. (fig. 165).

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165. — Boites antiques à cosmétique. D’après Wilkinson.


Voir Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, t. iii, p. 382. La Sainte Écriture contient une allusion à ces boîtes à poudre, mais seulementdans un nom propre: la troisième fille que Dieu donnaà Job, après son épreuve, reçut le nom de Kérén happûk(Vulgate: Cornustibii), littéralement: «Corne à pûk,» vase (primitivement corne creuse) dans lequel on mettait le pûk qui servait à peindre les yeux (Les Septante n’ont pas traduit littéralement le nom hébreu de lafille de Job; ils portent: Ἀμαλθαίας κέρας, «corned’abondance.» Jqb, xiii, 14).

Chez les Égyptiens, les hommes paraissent s’être peintsles yeux comme les femmes, si l’on en juge d’après certainespeintures de Thèbes (Wilkinson, ouvr. cit., t. iii, p. 382). Chez les Hébreux, cet usage ne semble pas avoir été si général; nous ne voyons pas qu’il ait existé chez les hommes, et beaucoup croient qu’il n’était pas non plus commun chez les femmes. Cette dernière affirmation est néanmoins peu d’accord avec les habitudes de l’Orient, où cette espèce d’ornement a toujours été à la mode, depuis l’Egypte jusqu’en Assyrie. A. Layard, Nineveh and its Remains, t. ii, p. 328. Quoi qu’il en soit, du reste, il est raconté expressément dans le quatrième livre des I Rois, IX, 30, que la reine Jézabel, ayant appris l’arrivée de Jéhu, le destructeur de sa famille, «se plaça du pûk sur les yeux.» Ézéchiel, xxiii, 40, fait allusion à la «peinture des yeux», en employant le verbe même dont les Arabes ont tiré leur nom ûe kohl: kâhalt 'ênayik, «fuas peint tes yeux en noir,» dit le prophète à Ooliba-Jérusalem ( Les Septante et la Vulgate ont bien traduit le sens: Ἐστιϐίζου τοὺς ὀφθαλμούς σου: Circumlinisti stibio oculos tuos). Jérémie décrit la même opération, iv, 30, en se servant du verbe qârʿa, «déchirer, fendre.» S’adressant à Jérusalem, il lui dit: «Alors même que tu te fendrais les yeux avec du pûk, etc.,» sans doute parce que les yeux peints paraissent plus largement fendus, comme on le voit sur les monuments égyptiens (fig. 106). Cette interprétation est plus naturelle que celle qui est donnée par d’autres commentateurs, suivant lesquels Jérémie indiquerait, non le résultat produit, mais la manière de le produire, d’après le procédé ainsi décrit par un voyageur anglais, Chandler: «Une jeune fille, fermant un de ses yeux, prit les cils supérieurs et inférieurs entre le pouceet l’index de la main gauche et les tira en avant; elle mit ensuite dans le coin extérieur de l’œil un poinçonqu’elle avait plongé dans la poudre noire et le retirade telle sorte que les particules de poudre qui yétaient adhérentes restèrent dans l’œil et se rangèrent autour de l’organe.» Travels, t. ii, p. 140.


166. — Œil peint, d’après lesmonuments égyptiens antiques. Lane, Modern Egyptians, p. 43.


Elle se fendit ainsi l'œil, en quelque façon, et le déchira pour l’ouvrir et le peindre. Il est possible que les femmes juives se peignissent les yeuxde cette manière, mais il est probable que Jérémie avoulu exprimer l’agrandissem*nt factice qu’elles se proposaient de donner à l'œil pour en augmenter l’expression et l'éclat. Il n’est pas douteux, en effet, que l’emploi de ce cosmétique n’eût pour but de rehausser la beauté de celles qui en faisaient usage. Aussi quelques interprètes ont-ils vu une allusion à la peinture des yeux dans la description que fait le Sage de la femme de mauvaise vie, pour prévenir contre ses séductions: «Ne désire point sa beauté dans ton cœur; ne te laisse pas prendre par ses paupières, beʿafʿappéhâ.» (Vulgate: nutibus illius, «par ses clignements d’yeux.» ) Prov., vi, 25.

En dehors des passages de l'Écriture que nous avons rapportés, IV Reg., ix, 30; Jer., iv, 30, le mot pûk se lit encore, Is., liv, 11, et I Par., xxix, 2. Dans Isaïe, la signification de ce terme n’est pas claire. Le prophète, prédisant la restauration de Jérusalem, dit qu’il en posera les assises de pierres «avec du pûk», soit qu’il veuille indiquer par là que les pierres seront comme encadrées d’une bordure noire et brillante, telle que celle que produit le pûk sur les yeux, soit qu’il entende désigner une sorte de mortier semblable au pûk, qui sera employé pour cimenter les pierres destinées à la reconstruction de la ville sainte. En tout cas, il y a dans ces paroles d’Isaïe une allusion au cosmétique des yeux (La Vulgate a traduit: per ordinem, «avec ordre.» ) — Dans le premier livre des Paralipomènes, xxix, 2, le pûk est expressément qualifié de «pierre», ʾében, et placé dans l'énumération des pierres précieuses rassemblées par David pour l’ornementation du temple que son fils Salomon devait construire à Jérusalem. Il n’est pas aisé d’en déterminer la nature avec certitude. Les uns y voient une pierre brillante, de couleur noire comme la poudre de pûk; d’autres, de couleur rouge dans le genre du rubis. Voir Pùk. La Vulgate a traduit lapides… quasi stibinos, «des pierres semblables à l’antimoine.»

On voit, par tout ce qui précède, qu’il ne faut pasconfondre le pûk avec le «fard» ou la couleur rougeen usage pour peindre les joues. Cette couleur rouge s’appelle en grec φῦκος, en latin fucus, Sap., xiii, 14, mais la ressemblance de son qui existe entre pûk et φῦκος est tout à fait fortuite; le φῦκος est ainsi appelé parce que ce cosmétique était tiré d’une algue marine, nommée en grec φῦκος. Voir Fard. Il ne faut pas confondre non plus le pûkavec le henné, tiré de la plante connue sous le nom deLawsonia alba, et qui sert en Orient à se peindre en rouge les ongles et les extrémités des doigts des mains et des pieds. Voir Henné, Toilette. Cf. Hille, Ueber Gebrauch und Zusammensetzung der orientalischen Augenschminke, dans la Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft, année 1851, p. 236.

ANTINE (Maur François d'), né le 1° avril 1688, à Gonrieux, dans le diocèse de Liège (aujourd’hui deNamur), mourut à Paris, au monastère des Blancs-Manteaux, le 3 novembre 1746. Après avoir fait ses études à l’université de Douai, il entra au monastère de Saint-Lucien de Beauvais, où il fit profession à l'âge de vingt-quatre ans (14 août 1712). Chargé d’abord de l’enseignement de la philosophie à Saint-Nicaise de Reims, il fut envoyé peu après à Saint-Germain-des-Prés, pour travailler à la collection des Lettres des Papes, puis, de concert avec dom Pierre Carpentier, à la réédition du Glossaire de Ducange. Mais son attachement au jansénisme le fit reléguer, en 1734, à Pontoise, où il s’adonna exclusivement à l'étude des Saintes Écritures, et spécialement du Psautier, qu’il entreprit de traduire sur le texte original. Rappelé à Paris, en 1737, il publia sa traduction sous ce titre: Les Pseaumes traduits sur l’Hébreu avec des notes, par un Religieux Bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, in-8°, Paris, 1739. En même temps il s’appliquait à l'étude de la chronologie, préparant par ses travaux particuliers l’inestimable ouvrage de L’Art de vérifier les dates, publié seulement après sa mort, mais dont il doit être regardé comme le premier auteur.

Quant à la traduction des Psaumes, qui doit seule nousoccuper ici, trois éditions successives, données en 1738 (?), 1739, in-8°, et 1740, in-12, disent assez quel en fut le succès. La troisième édition comprend, outre le Psautier, les Cantiques du bréviaire, la distribution des Psaumes selon l’ordre de l’office, les hymnes de l'Église, l'éloge des Psaumes par saint Ambroise (Enarr. in Ps. i), les oraisons du propre du temps et diverses prières. La traduction française de dom Maur d’Antine donne généralement le sens exact du texte hébreu, sans le suivre servilement. Des notes choisies dans l'Écriture et les Pères, que l’auteur s'était rendus familiers par une lecture assidue, facilitent l’intelligence du texte dans les passages difficiles. Enfin la préface est pleine de vues excellentes sur le sens et le but des psaumes. La mort ne permit pas à dom d’Antine de publier une quatrième édition qu’il avait préparée sur un nouveau plan. Voir Jean deBar.

J. Parisot.

1. ANTIOCHE DE PISIDIE, ou mieux voisine dela Pisidie (Ἀντιόχεια ἡ πρὸς τῇ Πισιδιᾴ ou τῇς Πισιδίας), car elle appartenait en réalité à la Phrygie Parorée, Strabon, xii, 8, 14, était située sur le versant méridional des montagnes qui séparent la Phrygie de la Pisidie.


167. — Monnaie d’Antioche de Pisidie.
Tête laurée d’Antonin le Pieux. ANTON[INVS] PICS PMTPPCOS lin. — 3. MENSIS COL CAES ANTIOCH. Le dieu Mén(Mensis, «mois» ), tenant une lance de la main droite et une statuette de la Victoire de la main gauche.

Une colonie venue de Magnésie, près du Méandre, l’avait peuplée; mais c’est Séleucus Nicator qui l’avait réellement fondée (300 avant J.-C). Les rois de Syrie en furent lesmaîtres jusqu'à la défaite d’Antiochus III par les Romains (190 avant J.-C). Ceux-ci la donnèrent à Eumène II, roi de Pergame. Ils en firent plus tard une colonie romaine, avec le surnom de Cæsarea (fig. 167). Pline, v, 4. Elle était exempte d’impôts publics et se gouvernait elle-même. C'était un des centres asiatiques où les Juifs se trouvaient en grand nombre. Le livre des Actes nous apprend qu’ils y avaient même fait du prosélytisme avec succès, et quebeaucoup de païens étaient passés au culte du vrai Dieu.Act., xiii, 16, 43, 49. Paul et Barnabé visitèrent cette cité considérable dans leur première tournée apostolique. Act., xiii, 14. Paul y prononça dans la synagogue un important discours, qui devait être le prélude d’autres prédications publiques, mais la jalousie des Juifs empêcha la conférenceannoncée pour le samedi suivant. Paul et Barnabé s'écrièrent alors: «Vous vous jugez indignes de la vie éternelle, nous nous retournons vers les Gentils.»
168. — Ruines d' Antioche de Pisidie.

Parole encourageante pour ceux-ci, qui, en effet, accueillirent avec empressem*nt la bonne nouvelle. Les Juifs, au contraire, ne contenant plus leur haine contre les prédicateurs, fomentèrent une terrible cabale contre eux. Bon nombre de femmes pieuses et de personnages notables subirent leur influence et prirent partie contre Paul et Barnabé, qu’on expulsa du territoire d’Antioche. Ceux-ci, indignés, partirent en secouant la poussière de leurs pieds contre les Juifs auteurs de cette odieuse mesure. Act., xiii, 46-51. Ils repassèrent néanmoins à Antioche quelque temps après pour y consolider le bien qu’ils y avaient commencé, Act., xiv, 20-22, et y organiser une communauté chrétienne sous la direction d’anciens qu’ils désignèrent. Antioche est mentionnée par saint Paul, IITim., iii, 11, comme une des villes où il avait souffert pour Jésus-Christ.

Strabon indique à peu près la place de cette cité en disant qu’elle était au midi de l’arête montagneuse traversant la Phrygie Parorée et bâtie sur une petite colline. Arundell, il y a soixante ans, crut en découvrir les ruines près d’Yalobatch, petit village au pied du Sultan Dagh. Hamilton, visitant ce site douze ans après, y releva plusieurs inscriptions latines. L’une d’elles donne raison à l’hypothèse d’Arundell. Le nom d’Antiochæa Cæsarea s’y lit tout au long. Des fragments d’aqueduc encore debout sur un monticule (fig. 168), près du petit plateau où fut Antioche, un vaste édifice, construit en pierres de bel appareil, et se terminant en abside, peut-être jadis une église: voilà tout ce qui reste de l’antique cité. Des débris d’une enceinte beaucoup moins importante marquent-ils la place où fut le temple du dieu Mois (Mèn, Lunus ou Mensis), auquel la ville était consacrée, et dont on retrouve l’image sur des médailles avec l’inscription: Mensis Coloniæ Cæsareæ Antiochiæ (fig. 167)? C’est possible. Des fouilles autour du monticule donneraient de plus sérieuses indications. Voir Arundell, Discoveries in Asia Minor, 1834; Hamilton, Researches in Asia Minor, etc., 1842. Les indications des anciens sont dans Strabon, xii, 8; Pline, H. N., v, 24; Ptolémée, V, v, 4.

E. Le Camus.

2. ANTIOCHE DE SYRIE (Ἀντιοχεία) fut la capitaledes rois Séleucides (I Mach., iii, 37; iv, 35; vi, 63; x, 68; xi, 13, 44, 56; II Mach., v, 21; viii, 35; xiii, 23, 26; xiv, 27), comme Alexandrie l'était des Ptolémées (fig. 169). C’estSéleucus qui, après la victoire d’Ipsus (301 avant J.-C), la bâtit non loin d’Antigonie, dans le vallon fertile arrosé par l’Oronte, entre les dernières ramifications de l’Amanus au nord et les embranchements du Casius au midi. Rien de plus pittoresque que le site de cette superbe ville (fig. 170), cinquante fois détruite par des tremblements de terre et cinquante fois rebâtie, jusqu'à ce que la barbarie musulmane, plus inexorable que tous les bouleversem*nts du sol, lui a définitivement interdit de redevenir une cité digne de ses vieilles gloires. Susceptible cependant de recevoir aujourd’hui comme autrefois par l’Oronte canalisé et le port de Séleucie, qu’il serait facile de recreuser ou de reconstruire, les produits de l’Occident, aisément abordable aux caravanes qui viennent de l’Arabie ou de la Mésopotamie, située au milieu de terres admirablement fertiles, près d’un grand fleuve, sous un climat délicieux, qu’assainissent les brises fraîches des montagnes, il n’est pas interdit de rêver pour elle une heureuse résurrection.

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169. — Monnaie d’Antioche de Syrie.
Tête de Jupiter.- S). ANTIOXEΩN EΠΙ OYAPOY «[Monnaie des Antiochiens], sous [le légat Quinctilius] Varus. EK [l’an] 25 [de l'ère d’Actium, an 6 avant notre ère]. Femme représentant la ville d’Antioche, tête voilée et tourrelée, assise sur un rocher, et tenant dans la main droite une branche de palmier. Au-dessous, le neuve de l’Oronte.

Si une voie ferrée est jamais construite de Souédyéh à l’Euphrate, par la force des choses cette résurrection aura lieu.

Quand Séleucus la fonda, il l'établit en partie sur lemont Silpius et en partie sur la rive du fleuve, la ville haute ou acropole devant protéger la ville basse, qui devint la ville du commerce, des monuments publics et des palais royaux. Deux torrents, descendant des rochers abrupts de la montagne, le Phyrminus ou Onopniétès au levant, et le Zoïba au couchant, achevaient de former autour d’elle un quadrilatère de fortifications naturelles, puisque l’Oronte et le Silpius la limitaient au nord et au midi. La population d’Antigonie, transplantée par Séleucus dans la ville neuve, en remplit bientôt l’enceinte.

Callinicus, un des successeurs de ce roi, dut peu aprèsse préoccuper de l’agrandir. La montagne sur laquelleétait Iopolis ou l’acropole se rapprochant, vers l’est, des bords de l’Oronte, il jugea qu’au lieu d’arrêter la muraille fortifiée aux Portes de Fer, comme on l’avait fait d’abord, il était plus naturel d’enfermer le sombre ravin lui-même dans l’enceinte de la ville. Par une œuvre d’art très remarquable, on infléchit et on releva, à travers la gorge abrupte, le mur en crémaillère, pour le faire courir ensuite, avec ses tours rondes ou carrées, sur la montagne voisine, plus tard nommée Stauris, jusqu’au point propice d’où il devaitdescendre en ligne droite vers l’Oronte. Dans ce quartier nouveau s'établirent surtout des Juifs, dont la nombreuse colonie devenait aussi puissante à Antioche qu'à Alexandrie.

Quelque temps après, l’espace venant encore à manquer, Antiochus III le Grand, ou Antiochus IV Épiphane(on ne sait pas exactement lequel des deux), créa une quatrième cité dans une île formée par l’Oronte et le lit d’un torrent voisin, qu’il canalisa en y jetant les eaux du fleuve.

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170. — Vue d’Antioche de Syrie, d’après une photographie de M. Potton, vice-consul de France.

Ainsi s’explique le nom de Tétrapole donné par les anciens à Antioche. On y voyait réellement quatre villes distinctes, séparées par des remparts qu’on n’avait pas trouvé à propos de détruire, mais ne formant au fond qu’une grande et i magnifique cité dans une enceinte générale de murs larges de cinq mètres et hauts de vingt-cinq, qui couvraient toute la crête du Silpius, de l’Orocassiadès au Stauris, et descendaient dans la plaine pour terminer, le long de l’Oronte, leur pittoresque pourtour de quinze kilomètres (fig. 171). Les ruines de ces vieux remparts et des toursqui les dominaient offrent aujourd’hui encore sur les hauteurs le plus grandiose spectacle. De la ville ancienne, ou même d’Antioche des croisades, en dehors de ce fantastique ruban de pierres amoncelées, il ne reste rien de visible. Tout est sous terre, mais la pioche des chercheurs aurait peu à faire pour l’en retirer. Nous l’avons constaté récemment. Voir Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, l. iii, p. 34 s.

On sait, d’après Josèphe (Bell, jud., i, xxi, ii; Ant. jud., XVI, v, 3), qu’une large rue ornée de portiques, comme à Palmyre, traversait la ville dans toute sa longueur (4 kil.), de l’occident à l’orient, et qu’Hérode le Grand la fit en partie paver de marbre ou de pierres blanches, pour y supprimer la boue et la poussière qui la rendaient impraticable vers le levant, au quartier des Juifs. Les traces de cette voie royale sont aisément reconnaissables depuis la porte de Saint-Paul jusqu’à l’entrée d’Antakiéh, la petite ville actuelle. Là elles disparaissent sous des constructions élevées sans ordre le long de rues tortueuses, qu’un large ruisseau ou canal profond, destiné à recevoir les pluies d’orage, divise invariablement en un doubletrottoir.

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171. — Plan d’Antioche de Syrie, D’après M. Le Camus.

Les piétons passent à droite et à gauche, les eauxau milieu. Il est évident que les voitures ne sauraient y pénétrer. On sait que cette rue des Portiques aboutissait à la porte de Daphné, et, en effet, quelques restes de dallages en porphyre, visibles près de la caserne turque actuelle, en précisent les derniers développements.

Plus près de la montagne, et probablement parallèleà cette grande voie, fut la rue de Tibère. Elle allait de la porte des Chérubins au faubourg d’Agrippa. Ces deux artères longitudinales étaient, ici comme à Alexandrie (les bâtisseurs de villes à cette époque suivaient à peu près les mêmes inspirations), coupées perpendiculairement par une large rue, descendant du pied de l’acropole vers le quai de l’Oronte, depuis le temple de Mars jusqu’au Nymphéum. Cette rue, ornée d’arcs de triomphe tels que celui de la Porte du Milieu, rencontrait, à chacune des deux grandes voies parallèles qu’elle traversait, des tétrapyles décorés de statues magnifiques. Après avoir laissé à gauche le théâtre et le temple de Bacchus, à droite l’amphithéâtre et le Cæsareum, elle abordait l’agora pour le traverser du sud au nord, et côtoyer ensuite vers l’Oronte le muséum, les écoles publiques, quelques temples et d’autres édifices, dont les Turcs ne consentent à exhumer les ruines que pour les enfouir aussitôt dans les constructions qu’ils veulent édifier. Dans l’île fut le palais royal, auquel aboutissaient de superbes portiques. Il est aujourd’hui enterré sous le limon qu’amassent périodiquement les crues de l’Oronte et les eaux de l’Onopniétès. De riches moissons de blé, d’orge et de réglisse poussent sur la vieille demeure des Séleucides. Une vaste couche de marbres, incroyablement fragmentés, n’empêche pas la végétation de s’y épanouir verte et luxuriante. Non loin de là, l’hippodrome et des bains publics sillonnent encore le sol de leurs charpentes vigoureuses.

Au bas d’Iopolis, et adossés à ses roches gigantesques, furent des temples nombreux, comme on en voyait autourde l’acropole d’Athènes. Une tête colossale de Charon, le nautonnier des enfers, avait été sculptée, comme préservatif de la peste, dans un des pics abruptes qui dominent la ville. Sur la partie la plus élevée de l’Orocassiadès, était le sanctuaire de Jupiter Céraunus. Les monnaies des Séleucides portent d’ordinaire l’oiseau de Jupiter armé de la foudre. On disait qu’un aigle, enlevant tout à coup les chairs de la victime offerte au roi de l’Olympe, avait marqué lui - même la place où devait être bâtie Antioche. Toutefois le dieu le plus en honneur dans la cité était Apollon de Daphné, dont le temple fut célèbre dans le monde entier. Cf. II Mach., iv, 33. Voir Onias m. C’est là, à huit kilomètres au couchant de la ville, que les théories sacrées, à travers des bois de lauriers et de myrtes, par des chemins bordés de rosiers et de jasmins, allaient vénérer, dans son temple à double portique, la statue du dieu. Elle était de proportions colossaleset atteignait presque le haut de la cella où elleétait enfermée. C’est Bryaxès d’Athènes qui en était l’auteur. Une imprudence du philosophe Asclépiade amenal’incendie du temple et la porte de la statue. Rien n’était plus suivi que les fêtes d’Apollon à Daphné, et c’est là que plus tard, mais avec une insistance bien inutile, Julien l’Apostat essaya de ressusciter le paganisme frappé à mort.

Sous un climat qui porte à la mollesse, et dans un milieu riche et corrompu, les populations syriennes, de mœurs beaucoup trop faciles, aimaient surtout ces démonstrations religieuses, où, à travers les bosquets odoriférants, dirigeant au bruit des instruments sacrés des danses lascives, chacun croyait honorer les dieux par d’immorales pratiques, lorsque en réalité on sacrifiait la vertu aux plus honteuses passions. Satisfaire à la fois l’instinct de la religiosité et l’amour effréné du plaisir qui se trouvent au fond de tout homme de l’Orient, était pour Apollon une bonne fortune. Antioche fut souvent désignée sous le qualificatif d'Épidaphné.

Les Juifs vivaient pourtant tranquilles dans cette villeturbulente et immorale, grâce aux privilèges dont lesprinces macédoniens les avaient comblés. Suivant les inspirations d’une sage politique, les Séleucides, en les attirant vers la Syrie au détriment de l’Egypte, cherchaient à faire échec à leurs adversaires les Ptolémées. Plus d’une fois, en effet, ces Juifs leur furent d’un grand secours, même au point de vue militaire. Le premier livre des Machabées, xi, 42-51, raconte comment, les habitants d’Antioche s'étant révoltés contre leur roi Démétrius II Nicator, ce prince put réprimer la sédition, grâce à la bravoure de trois mille Juifs que lui avait envoyés Jonathas Machabée. Toutefois et par un cruel caprice, quelques-uns des Séleucides maltraitèrent à Jérusalem ceux qu’ils favorisaient à Antioche. Épiphane et ses générauxfirent régner en Palestine la plus terrible des persécutions qui ait affligé Israël. On sait avec quel patriotisme les Machabées opposèrent à ses entreprises criminelles la plus glorieuse résistance. I Mach., iii, 37; xi, 20; II Mach., v, 27; vi-ix. Le quatrième livre des Machabées, dont l’origine est incertaine, mais qui est attribué par quelques critiques à Josèphe (De Machabœis, nos 4 et 5), fait de Jérusalem le théâtre du martyre d"Éléazar, des sept frères Machabées et de leur mère, II Mach., vi, 18- vii, 41; mais plusieurs croient que l’héroïque scène se passa à Antioche, et l’on montrait dans cette ville, au temps de saint Jérôme et de saint Augustin, le tombeau et l'église des glorieux observateurs de la loi. Voir saint Jérôme, Liber de situ et nom. loc. au mot Modin, t. xxiii, col. 911, et saint Augustin, Sermo 1 de Machab., 300, t. xxxviii, col. 1379.

À partir de Pompée, l’intervention des Romains dansles affaires de Syrie ne fit qu’accroître la prospérité de la colonie israélite. Celle-ci commença même à faire des prosélytes religieux dans cette immense cité de 500 000 âmes, si étrangement mêlée de Syriens et de Grecs, de Chaldéens et de Romains, de marchands et de rhéteurs, de charlatans et de philosophes, de science et d’ignorance, de hautes et de basses aspirations, de bien et de mal. Ainsi nous lisons, Act., vi, 5, qu’un des sept premiers diacres, Nicolas, fut un prosélyte d' Antioche. Maisc'était à l'Évangile que devait revenir l’honneur d’y faire la véritable trouée dans le monde païen, en y fondant la première Église chrétienne sortie de la gentilité.

À la suite de la persécution qui sévit à Jérusalem, lorsdu martyre d’Etienne, plusieurs disciples étaient allés annoncer l'Évangile à Antioche, certains d’y trouver une.grande communauté juive peut-être curieuse de les entendre, et, en tout cas, un pouvoir public assez indifférent pour les laisser parler. Act., xi, 49. C’est là qu’après le baptême du centurion Corneille, et en apprenant le discours tenu par Pierre devant ceux de Jérusalem, des disciples commencèrent à mettre en pratique les vues nouvelles du chef des Apôtres, et à prêcher l'Évangile aux païens eux-mêmes. Là Barnabé vint voir de près, approuver et poursuivre, de concert avec Paul, qu’il était allé chercher à Tarse, une si décisive innovation. C’est à Antioche que, cessant d'être confondus avec les Juifs, les disciples de l'Évangile, issus de toute nation et de toute langue, furent appelés chrétiens, soit par malicieux sobriquet, soit par mesure de police, soit par une inspiration plus haute, en raison de leur union intime et absolue avec celui qui était l’objet de leur culte. Act., xi, 21, 22, 26. Dans cette cité à jamais célèbre, fut donc baptisée, qualifiée pour la première fois et officiellement reconnue l'Église chrétienne.

Mais la nouvelle communauté, tout en ayant pleineconscience de sa vie personnelle et de son avenir, n’envoulut pas moins rester finalement unie, par des liensde charité et de déférence, à l'Église-mère de Jérusalem. Elle avait reçu d’elle tantôt des évangélistes, tantôt même des prophètes; elle lui envoya des secours d’argent pour se défendre contre la famine. Act., xi, 30; xii, 25. D’Autioche, comme du centre religieux le plus fortement organisé et le plus ouvert aux idées universalistes, partirent les premiers missionnaires Paul et Barnabé, pour aller à la conquête du monde païen, Act., xiii, 1-3, et c’est là qu’ils revinrent pour se retremper, comme au centre primordial de l’activité apostolique. Act., xiv, 26. Paul, du moins, resta fidèle à cette pratique dans les diversvoyages qu’il entreprit. Act., xv, 36, et xviii, 22; xviii, 23.C’est à propos de l'Église d’Antioche que le concile deJérusalem rendit son décret sur les observances légales.Act., xv, 23. Cf. Gal., ii, 11-14.

Antioche a donc été le berceau véritable de l'Évangilelibre et de l'Église chrétienne dégagée de tous liens avec le judaïsme. C’est une gloire que nulle autre métropole ne saurait lui disputer. D’après la tradition, Pierre y séjourna quelque temps et en dirigea la florissante communauté (S. Jérôme, In Gal., 1. l, c. ii, t. xxvi, col. 341; Origène, In Luc, hom. vi, t. xiii, col. 1815; Eusèbe, H. E., iii, 36, t. xx, col. 288); mais ce ne fut qu’en passant, après le concile de Jérusalem et avant son apostolat enAsie, aux bords de l’Euphrate, dans les provinces du Pont, de Bithynie et de Cappadoce. De grands évêques devaient, par leur martyre, leurs vertus et leur science, illustrer après lui ce siège incomparable.

De tout cela, il ne reste plus aujourd’hui que le souvenir. Nous n’avons trouvé en 1888, à Antioche, que cent quinze chrétiens catholiques et deux cents schismatiques environ. Comme reliques du passé, nous avons vénéré deux grottes au pied du Stauris. À l’une, celle du cimetière latin, se rattache le souvenir de saint Pierre. À l’autre, celle du monastère Saint-Paul, s’applique ce qui est raconté dans Théodoret (H. E., iv, 22, t. lxxxii, col. 1184; Vit.Pair., ii, t. lxxxii, col. 1 188, 1317) des réunions solennelles tenues au temps de la persécution de Valens par les chrétiens catholiques. C’est près de ces roches creusées en voûte où avait vécu jadis l’apôtre Paul que, sous la présidence de Flavien et de Diodore, ils allaient chanter les louanges de Dieu. Peut-être la Tekkéh, dans la ville moderne, répond-elle à l'église ancienne (παλαία) bâtiedans la rue du Singon, où Paul avait donné ses conférences publiques (Malala, liv. x, t. xcvii, col. 372). La mosquée Abib el-Nadjar est-elle le vieux temple de la Fortune d’Antioche, où furent solennellement déposés les restes d’Ignace martyr? Ce n’est pas impossible. Comme construction, elle remonte à une date très ancienne. Le dôme en était formé avec des poteries creuses, comme dans certains édifices des premiers siècles, au monument de sainte Hélène, par exemple, dans la campagne romaine. Il y a dans la mosquée d’Abîb el-Nadjar une crypte avec des tombeaux qu’il ne nous a pas été permis de visiter et auxquels la tradition arabe attribue la plus grande importance.

Ottfried Müller a recueilli dans ses Antiquitates Antiochenæ, in-4o, Gœttingue, 1839, à peu près tout ce que les anciens, Strabon, Libanius, Julien, Ammien Marcellin, saint Jean Chrysostome et surtout Malala ont écrit sur Antioche. Il ne lui a manqué que d’avoir vu pour mieux utiliser ses patientes recherches. Voir Notre voyage aux pays bibliques, t. iii, p. 30-80, et L'Œuvre des Apôtres, 1. 1, p. 236-272 et 348.

E. Le Camus.

3. ANTIOCHE (ÉCOLE EXÉGÉTIQUE D'). — L'école exégétique d’Antioche de Syrie est moins ancienne quecelle d’Alexandrie d’Egypte; de plus, elle ne forma même pas d’abord une école proprement dite, donnant un enseignement régulier, comme le Didascalée de la capitale égyptienne (voir Alexandrie 2); mais elle mérita néanmoins ce nom, avant même d’avoir des professeurs et des élèves, par un ensemble de doctrines et une méthode d'études et d’exposition que les docteurs formés dans cette ville se transmirent les uns aux autres. Elle doit sa gloire aux écrivains ecclésiastiques sortis de son sein, lesquels se sont surtout distingués par l’explication des Saintes Écritures. Leur trait caractéristique, c’est, paropposition aux tendances allégoriques de l'école d’Alexandrie, la recherche du sens littéral, dont ils font leur objet principal. Ils étudient la révélation divine à l’aide de l’histoire et de la grammaire, et ils s’efforcent de rendre cette étude tout à fait pratique. L’historien Socrate peint par ces mots l'école d’Antioche, en la personne d’un de ses principaux maîtres: ψιλῷ τῷ γράμματι τῶν θείων προσέχων Γραφῶν, τὸς θεωρίας αὐτῶν εκτρεπόμενος, «il s’attache au sens simple et littéral des divines Écritures, laissant de côté le sens allégorique.» H. E., vi, 3, t. lxvii, col. 668.Cf. Sozomène, H. E., viii, 2, t. lxvii, col. 1516; Photius, Bïbl., Codex 38, t. ciii, col. 72.

L’histoire de l'école exégétique d’Antioche peut se diviser en trois périodes: 1° période de formation, depuis saint Lucien jusqu'à Diodore de Tarse (290-370); 2° période de maturité et d'éclat, depuis Diodore de Tarse jusqu'à Nestorius (370-430); 3° période de décadence, depuis les commencements de l’hérésie nestorienne, vers 430, jusqu'à sa ruine complète.

I. Période de formation de l'école exégétique d’Antioche (290-370). — Ses origines remontent au prêtre Dorothée et au prêtre Lucien. Dorothée était très versé dans la science des Écritures, au témoignage d’Eusèbe, qui les lui avait entendu expliquer, et qui nous apprend de plus que ce docteur avait étudié avec soin la langue hébraïque, pour mieux comprendre la parole de Dieu. Eusèbe, H. E., vii, 32, t. xx, col. 721. Quant au prêtre Lucien, qui, comme Dorothée, scella sa foi de son sang en souffrant le martyre à Nicomédie, en 3Il ou 312, il se distingua aussi par sa science des Écritures. Eusèbe, H. E., IX, 6, t. xx, col. 809. Lucien, originaire de Samosate, avait été élevé à Édesse, où il avait eu pour maître un habile exégète appelé Macaire; il avait aussi fréquenté l'école de Césarée de Palestine, fondée par Origène. Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, t. ii, col. 607. Quandil alla à Antioche, il y suivit peut-être aussi les leçons de Malchion, qui y tenait une école (παιδευτήριον, Eusèbe, H. E., vii, 29, t. xx, col. 708), et qui est considéré par quelques - uns comme le véritable fondateur de l'écoled’Antioche. W. Smith, Dictionary of Christian Biography, t. iii, p. 748. Quoi qu’il en soit de ce point, Lucien, s’il n’en fut pas le fondateur, fut du moins le maître qui forma le plus de disciples, dont quelques-uns malheureusem*nt acquirent une triste célébrité: Eusèbe de Nicomédie, Maris de Chalcédoine, Léonce d’Antioche, Eudoxe, Théognide de Nicée, Astérius et Arius, le père de l’hérésie arienne. À cause de leur maître, ils se donnaient le nom de «Collucianistes». (Théodoret, H. E., i, 4, t. lxxxii, col. 392; A. de Broglie, L'Église et l’empire romain au ive siècle, 2e édit., 1857, t. i, p. 375.) De tels élèves ne firent pas honneur à leur maître, et montrèrent alors, comme plus tard Théodore de Mopsueste, que l’interprétation littérale peut dégénérer en rationalisme, si elle n’est pas maintenue dans de justes bornes. Saint Lucien évita lui-même ces excès. Il se rendit célèbre dans tout l’Orient par son édition critique des Septante, qui rendit de grands services à l'Église grecque. S. Jérôme, De vir. illust., lxxvii, t. xxiii, col. 685. Son esprit et sa méthode lui survécurent et s’implantèrent solidement dans l’ancienne capitale de la Syrie.

II. Période de maturité et d'éclat de l'école exégétique d’Antioche (370-430). — Flavien, prêtre et évêque d’Antioche (381-404), continua l'œuvre de saint Lucien en s’appliquant à l’instruction et à l’enseignement; mais ce fut surtout son ami Diodore, connu sous le nom deDiodore de Tarse († 394), parce qu’il devint évêque decette ville vers 379, qui porta au plus haut point la gloire de l'école d’Antioche. Avec lui commence la seconde période historique de cette école. Diodore, comme Flavien, était originaire d’Antioche. (Théodoret, H. E., iv, 22, t. lxxxii, col. 1184.) Il avait étudié la philosophie à Athènes. ( Julien l’Apostat, dans Facundus, Pro defens. trium capitul., iv, 2, t. lxvii, col. 621.) Il avait eu aussi pour maître Silvain, évêque de Tarse, soit à Tarse même, soit à Antioche. S. Basile, Epist. ccxliv, 3, t. xxxii, col. 910. Il mena dans cette dernière ville la vie monastique, et avec son ami Cartérius fut à la tête d’une école proprement dite, dans laquelle il créa un véritable enseignement, avec une sorte de cours régulier d'études, dont l'Écriture Sainte faisait le fonds. Les monastères d’Antioche et des environs devinrent alors autant de centres d'étude. L’historien Socrate atteste, H. E., vi, 3, t. lxvii, col. 665, que Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste et Maxime, depuis évêque de Séleucie, fréquentaient les écoles monastiques (ἀσχητήριον) des deux archimandrites Diodore et Cartérius, dans l’ancienne capitale de la Syrie. Saint Jean Chrysostome lui-même nous apprend que les monastères servaient alors d'école aux jeunes chrétiens. Adv. oppugnat. vitae monast., iii, 18, t. xlvii, col. 380.

L’enseignement de Diodore de Tarse fut, pour les principes et la méthode, celui de saint Lucien. On lui reproche à lui-même des tendances rationalistes, mais cette accusation n’est pas établie rigoureusem*nt. Quoique son langage ait pu manquer plus d’une fois d’exactitude, il est certain qu’il ne fut pas au moins formellement hérétique.L’orthodoxie de son illustre élève saint Jean Chrysostome peut être regardée comme sa justification, et rien n’autorise à lui attribuer les hardiesses de son autre disciple, Théodore de Mopsueste († 428), et moins encore les erreurs de Nestorius, élève de Théodore. On l’accuse avec plus de raison, d’après les fragments de ses commentaires qui se sont conservés dans les Chaînes, de n’avoir pas épargné les injures aux allégoristes de l'école d’Alexandrie (Dandiran, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. i, p. 374. Voir les rares débris qui nous sont restés de ses commentaires dans Migne, Patr. gr., t. xxxiii, col. 1561-1628). Nous ne connaissons que par le titre son ouvrage Sur la différence entre le sens typique et le sens allégorique, Τίς διαφορά θεωρίας καὶ ἀλληγορίας, mais il n’est pas douteux qu’il n’y préconisât l’exégèse littérale et n’y combattît l’interprétation allégorique. (Voir Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, t. i, col. 1379; H. Kihn, Ueber θεωρία und ἀλληγορία nach den verlorenen hermeneutischen Schriften der Antiochener, dans la Tübinger Quartalschift, 1880, p. 531-582.)

Diodore eut pour auxiliaire le prêtre Évagre, qui futaussi l’ami de saint Jérôme. De vir. illust., cxxv, t. xxiii, col. 711. Parmi les élèves du chef de l'école d’Antioche, saint Jean Chrysostome, né dans cette ville en 31, le plus grand peut-être des exégètes chrétiens, occupe la première place. Théodore de Mopsueste, condisciple de Jean, fut non moins célèbre par ses erreurs que par sonéloquence et par sa science des Écritures, qu’il expliqua toujours dans le sens littéral, en l’outrant parfois et en préparant ainsi les voies au nestorianisme. Son frère Polychronius, évêque d’Apamée sur l’Oronte, de 410 à 430, et Théodoret, évêque de Cyr (vers 386-458), son élève, l’un et l’autre exégètes remarquables, eurent comme Théodore une grande connaissance des Livres Saints, mais surent éviter ses écarts. Isidore de Péluse, mort en 434, continua dans ses écrits les traditions de l’école d’Antioche; toutefois il ne fut guère qu’un compilateur et un abréviateur de saint Jean Chrysostome, et son œuvre est l’annonce de la décadence.

III. Période de décadence de l’école exégétique d’Antioche, à partir de 430. — Les erreurs de Nestorius, nommé en 428 archevêque de Constantinople, mort en 440, furent fatales à l’école d’Antioche. Cet hérésiarque avait été disciple de Théodore de Mopsueste. Ses sectateurs adoptèrent ses principes d’exégèse. Obligés de quitter l’empire, ils se réfugièrent dans le royaume de Perse, où ils furent protégés pour des raisons politiques, et, à partir de 431, date de la condamnation du nestorianisme par le concile d’Éphèse, ils furent les maîtres de l’école d’Édesse en Mésopotamie, destinée à former le clergé perse. Quand cette école, après des péripéties diverses, fut détruite par l’empereur Zenon en 489, les professeurs hérétiques la transportèrent à Nisibe, où elle se perpétua jusque fort avant dans le moyen âge. Voir H. Kihn, Theodor vom Mopsuestia, p. 198-212. À Édesse et à Nisibe, ils avaient écrit en syriaque. Ibas, Cumas et Probus avaient déjà traduit en langue syriaque, dans cette première ville, les écrits de Diodore de Tarse et de Théodore de Mopsueste.

Tandis que les Nestoriens continuaient en Perse l’enseignement de leur chef, d’après la méthode de Théodore de Mopsueste, l’école exégétique d’Antioche déclinait dans cette ville au milieu des luttes des hérétiques. Les écrivains orthodoxes qui fleurissent alors sont inférieurs à ceux qui les avaient précédés par l’originalité, la profondeur et l’activité. Tels sont les disciples de saint Jean Chrysostome: l’abbé Marc, moine égyptien (f vers 410); saintNil, moine dumont Sinaï († vers 450); Victor d’Antioche, auteur d’un commentaire de l’Évangile de saint Marc; Cassien († 431), qui fonda le monastère de Saint -Victor à Marseille; saint Proclus, patriarche de Constantinople († 447), etc. Tous ces auteurs, à part Cassien, dont les ouvrages sont en latin, écrivirent en grec; ils ignorèrent ou connurent fort peu l’hébreu et le syriaque, et ne se servirent des Hexaples d’Origène que dans un but exégétique, non comme d’un instrument de critique, comme l’avait fait Diodore de Tarse. Voir Diodore, In Gen. xxiv, 2, t. xxxiii, col. 1575, etc.

Sur les autres écrivains qui se rattachent à l’école d’Antioche, voir J. S. Assemani, 'Bibliotheca orientalis, Rome, 1735, t. iii, part, i, p. 37 et suiv.

IV. Influence de l’école exégétique d’Antioche en Occident. — On a vu une attaque contre l’école d’Antioche dans les paroles de saint Jérôme condamnant ceux qui suivent la honte de la lettre et ne savent pas s’élever plus haut: «Si turpitudinem litteræ sequatur et non ascendat ad decorem inlelligentise spiritalis.» In Amos, ii, 1, t. xxv, col. 1003. Si l’illustre docteur a jugé, non sans raison, que les exégètes qu’il combat poussaient quelquefois trop loin les conséquences de leurs principes, il n’en a pas moins reconnu leur mérite, et il a contribué plus que personne à répandre leurs idées en Occident. L’influence de l’école d’Antioche ne fut pas ainsi bornée à l’Orient seul. Les règles qu’elle avait suivies firent leurchemin dans les monastères latins. Voir Junilius Africanus, Instituta reqularia divinæ legis, édit. Kihn, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880. Si les écrits de Diodore, de Théodore de Mopsueste, de Polychronius et même de Théodoret, trouvèrent peu de lecteurs dans l’Église occidentale, les homélies de saint Jean Chrysostome eurent toujours des admirateurs et contribuèrent à répandre le goût de sa manière d’interpréter la Sainte Écriture.

V. Jugement critique sur l’école exégétique d’Antioche. — Cette école, nous l’avons vii, n’a pas été sans tache. Née en partie d’une réaction naturelle et justifiée contre les excès de l’interprétation allégorique d’Origène, elle nesut pas toujours s’arrêter à temps en marchant dans lavoie opposée, et éviter tous les précipices qui bordaient sa route. L’école d’Alexandrie faisait fortement ressortir l’élément surnaturel, mystérieux des Écritures; mais elle donnait trop quelquefois à l’imagination. Celle d’Antioche insistait davantage sur le côté rationnel des dogmes chrétiens, et s’efforçait de prouver que le christianisme est en parfait accord avec les exigences légitimes de la raison; mais si ses docteurs les plus éminents surent éviter l’écueildu rationalisme et ne prétendirent nullement contesterle caractère surnaturel des mystères de notre foi, leserreurs graves dans lesquelles tombèrent quelques-unsde ses membres ternirent sa gloire; elles lui devinrentfunestes et finirent par amener sa ruine complète.

Cependant, quels que soient les reproches qu’on esten droit d’adresser à l’école d’Antioche, on ne doit pasméconnaître les grands services qu’elle a rendus à lathéologie et aux Livres Saints. Non seulement elle a fait toucher du doigt ce qu’il y avait d’arbitraire et de faux dans l’allégorisme outré d’Origène, mais elle a posé les principes d’une saine exégèse, qui demeurent toujours vrais, et qui, appliqués avec sagesse, doivent être les guides du théologien. Les maîtres de cette école ont établi l’herméneutique sacrée sur une base solide, et ils en ont fait une véritable science, en montrant, en théorie, quelles sont les véritables règles de l’interprétation littérale, c’est-à-dire de l’interprétation historique et grammaticale; et en indiquant en pratique, par leur exemple, comment il fautles appliquer.

Origène, par ses Hexaples et ses Commentaires, avaitposé, il est vrai, les fondements d’une exégèse scientifique; mais il n’avait pas su achever l’édifice qu’il avait commencé, parce que sa méthode était défectueuse. Les Antiochiens, sans avoir son génie, furent plus heureux que ce grand docteur. En mettant à profit, avec une méthode sûre, les travaux de ceux qui les avaient précédés, ils expliquèrent les Écritures avec le plus grand succès; l’exégèse de saint Jean Chrysostome est encore aujourd’hui un modèle.

Les deux écoles se complétèrent, du reste, à bien deségards, en suivant chacune une direction particulière.Les Alexandrins suivaient une tendance spéculative etmystique; les docteurs d’Antioche se distinguaient surtout par la réflexion, la logique et la sobriété des idées. Tandis que les premiers s’attachaient de préférence à la philosophie de Platon, surtout dans la forme que lui avait donnée Philon, les seconds étaient éclectiques, prenant quelque chose au stoïcisme et beaucoup à Aristote, dont la dialectique convenait à leur genre d’esprit. Toutefois il n’y avait pas une opposition absolue entre les uns et les autres. Clément et Origène donnaient une place beaucoup plus grande à l’allégorisme; Diodore de Tarse et ses élèves, à l’interprétation littérale et historique; mais ceux-ci ne rejetaient point entièrement le sens mystique, ni surtout les figures typiques de l’Ancien Testament, et ceux-là, s’ils sacrifiaient trop souvent le sens littéral et le déclaraient insuffisant, reconnaissaient néanmoins son existence et son utilité. Ils admettaient tous aussi l’inspiration des Écritures, et retendaient à toutes les parties de l’Ancien et du Nouveau Testament; seulement à Alexandrie on croyait souvent découvrir dans une expression isolée une pensée profonde que le Saint-Esprit aurait eue en vue, au lieu qu’à Antioche on faisait ressortir davantage dans les livres sacrés la part de l’homme, dont Dieu s’était servi pour nous communiquer la vérité révélée. La foi était doncla même, quoique dans l’interprétation de la parole deDieu on donnât d’un côté davantage au sentiment, et del’autre à la raison.

Les deux tendances subsistent toujours: quelques esprits, aujourd’hui encore, sont portés vers les spéculations mystiques des Alexandrins; cependant le plus grand nombre des commentateurs, habitués à une méthode scientifique rigoureuse, ne veulent rien admettre sans preuves positives, et s’appliquent à établir les vérités chrétiennes sur l’interprétation littérale des Écritures, appuyée sur la tradition. VI. Bibliographie. — Voir Frd. Chr. Münter, Commentatio de schola Antiochena, Copenhague, 1811; Id, Ueber die Antiochenische Schule, dans l’Archiv fur alte und neue Kirchengeschichte von Stäudlin und Tzschirner, t. i, 1813 (Münter a eu le premier le mérite de faire ressortir l’importance de l’école d’Antioche); Dubois, Études sur les principaux travaux de l’école d’Antioche, Genève, 1858; li. Hornung, Schola Antiochena de Scripturæ interpretatione quonam modo sit merita, Neustadt am Saal, 1864; Kuhn, Die antiochenische Schule, Ingolstadt, 1866; Ph. Hergenröther, Die antiochenische Schule und ihre Bedeutung auf exegetischen Gebiete, in-8°, Wurzbourg, 1866; celui qui a le mieux et le plus complètement étudié l’école d’Antioche est H. Kihn, Die Bedeutung der antiochenischen Schule auf dem exegetischen Gebiete, Weissenburg, 1867; Id., Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880; F. A. Specht, Der exegetische Standpunkt des Theodor von Mopsuestia und Theodoret von Kyros, Munich, 1871; L. Diestel, Geschichte des Alten Testaments in der christlichen Kirche, in-8°, Iéna, 1869, p. 126-141; cardinal Hergenröther, Histoire de l’Église, trad. Belet, t. ii, 1880, p. 131-140.

F. Vigouroux.

ANTIOCHIDE (Ἀντιοχίς, forme féminine du nomd’Ἀντιοχος), femme illégitime d’Antiochus IV Épiphane.C’était la coutume des rois d’Orient de donner aux reines pour leur entretien des villes ou même des provinces dont elles percevaient les revenus. Cf. Cicéron, In Verrem, act. ii, 1. iii, 33. Antiochus Épiphane donna pour ce motif à Antiochide les villes de Tarse et de Mallo, en Cilicie.Les habitants de ces deux cités, soit qu’ils fussent indignés de devenir ainsi les tributaires d’une concubine, soit qu’ils craignissent d’être trop pressurés par elle, se révoltèrent, et le roi fut obligé de marcher contre eux, en personne, pour les remettre sous son obéissance (171 avant J.-C). II Mach., iv, 30.

ANTIOCHUS.Ἀντιοχος, «adversaire.» Nom de plusieurs rois séleucides et de quelques autres personnages. Pour l’histoire générale des rois grécomacédoniens de Syrie, voir Séleucides.

1. ANTIOCHUS II THÉOS, troisième roi de Syrie (261246 avant J.-C.; de l’ère des Séleucides, 51-66). Il succéda à son père, Antiochus Ier Sôter, et reçut des Milésiens le surnom de Théos ou «dieu», parce qu’il les délivra de leur tyran Timarque. Appien, Syr., 65 (fig. 172).

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172. — Antiochus II Théos.
Tête diadémée d’Antiochus II. - ɧ. BASIΛEΩΣ ANTIOXOΥ.Pallas, casquée, debout, tenant une Victoire de la main droite et une palme de la main gauche. À ses pieds, un bouclier.


Il n’est pas nommé par son nom dans l’Écriture, mais il est question de lui dans les prophéties de Daniel. Son père, Antiochus Ier Soter (281-261 avant J.-C), fils de Séleucus Ier Nicator (312-280), fondateur du royaume de Syrie, était en guerre au moment de sa mort, en 261, avec Ptolémée II Philadelphe, roi d’Egypte. Antiochus II continua la lutte. Après huit ans de combats, comme une grande partie de ses possessions d’Asie Mineure étaient tombées au pouvoir des Égyptiens, le roi d’Antioche, pour acheter la paix, consentit, en 249, à répudier sa femme Laodice, afin d’épouserBérénice, fille de son vainqueur, et s’engagea à laisserle trône, non aux fils de sa première femme, mais auxdescendants de Bérénice (Polybe, dans Athénée, Deipnos., n, 45). Antiochus avait fait ce mariage par pure politique et contrairement à ses inclinations, aussi Ptolémée II Philadelphe étant mort deux ans plus tard (247), le roi de Syrie rappela-t-il sa première femme Laodice. Cependant celle-ci ne put lui pardonner l’affront quelle avait subi; elle empoisonna son mari, et fit mettre à mort, à Daphné, sa rivale Bérénice et son fils. C’est ainsi qu’Antiochus II périt, à l’âge de quarante ans (Porphyre, dans Eusébe, Chron. arm., i, t. xix, col. 259). Le frère deBérénice, Ptolémée III Évergète, qui avait succédé à sonpère Philadelphe sur le trône d’Egypte, marcha avec unearmée au secours de sa sœur; mais il arriva trop tard, et il ne put que venger sa mort par le supplice de Laodice et le pillage de la Syrie. Appien, Syr., 65; Valère Maxime, ix, 14, 1; Justin, xxvii, 1; S. Jérôme, In Dan., xi, 6, t. xxv, col. 560.

Daniel avait prophétisé les événements tragiques quidevaient résulter du mariage de Bérénice avec AntiochusIL «À la fin de plusieurs années [de guerre], ils[le roi d’Egypte et le roi de Syrie] feront alliance, et [Bérénice ] la fille du roi du midi [Ptolémée II Philadelphe, roi d’Egypte] viendra auprès du roi du nord [Antiochus II Théos, roi de Syrie] pour faire l’union [entre les deux rois par son mariage ]; mais elle n’obtiendra pas la force du bras [Laodice l’emportera sur elle après la mort de Ptolémée II Philadelphe], et elle ne subsistera pas elle et sa race [son fils périra avec elle], et elle sera livrée [à ses ennemis] et ceux qui sont venus avec elle [d’Egypte en Syrie] et son enfant et celui qui la soutenait en ces temps. Mais il s’élèvera un rejeton de ses racines [Ptolémée III Évergète, frère de Bérénice] et il viendra avec une armée et il entrera dans les places fortes du roi dunord [en Syrie], et il les prendra et s’en rendra maître.Et leurs dieux, avec leurs statues, avec leurs vases précieux d’argent et d’or, il les emmènera captifs en Egypte [il emportera dans son royaume les richesses du royaume de Syrie après l’avoir pillé] et pendant des années il prévaudra contre le roi du nord [Lorsque Ptolémée III Évergète eut fait périr Laodice, meurtrière de sa sœur, le fils de Laodice, Séleucus II Callinicus, fut écarté quelque temps du trône d’Antioche; les hostilités se prolongèrent entre les Syriens et les Égyptiens, à l’avantage de ces derniers, et ce ne fut qu’après la mort de Séleucus II que ses fils menacèrent sérieusem*nt l’Egypte].» Dan., xi, 6-9. Pour la suite de l’histoire de la guerre entre l’Egypteet la Syrie, voir Séleucus II Callinicus, Séleucus III Céraunus, Antiochus III le Grand. Antiochus II avait été bienveillant pour les Juifs, et il paraît leur avoir conféré le droit de cité à Éphèse. Josèphe, Ant. jud., XII, m, 2. Cf. E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, 2e édit., 1. 1, part, ii, 1890, p. 745.

F. Vigouroux.


2. ANTIOCHUS III LE GRAND, sixième roi de Syrie(223-187 avant J.-C; de l’ère des Séleucides, 90-126).Antiochus III, fils de Séleucus II Callinicus, succéda à son frère Séleucus III Céraunus sur le trône d’Antioche (fig. 173). Il régna trente-six ans (Eusèbe, Chron. arm., ii, 35, t. xix, col. 261), et son règne fut une suite presque ininterrompue de guerres entreprises au sud, au nord, à l’est et à l’ouest de ses États. Le premier livre des Machabées, i, 10 (Vulgate, 11); viii, 6-8, nomme ce prince et fait allusion à ses armées d’éléphants, ainsi qu’à l’échec que lui infligèrent les Romains. Daniel, sans le nommer, prophétise ses exploits et sa défaite finale. Dan., xi, 10-19.

Héritier des haines de sa famille contre les Lagides, ilfit surtout la guerre a l’Egypte. Irrité de ce que Ptolémée 111 Évergète avait arraché la Cœlésyrie, la Phénicie et la Palestine à ses prédécesseurs, il chercha, après la mort de ce roi, sous le gouvernement de son faible successeur Ptolémée IV Philopator, à reprendre possession de ces provinces. Après de longs préparatifs, il commença, en 218, la lutte contre l’Égypte. Polybe, v, 1, 5; 67, 68.b Cf. Dan., XI, 10. Ses armes lurent d’abord victorieuses. Il s’empara de Séleucie sur l’Oronte, prit par trahison Tyr et Ptolémaïde et s’avança jusqu'à Dor, au sud du Carmel, sur la Méditerranée.


173. — Antiochus III le Grand.
Tête diadémée d’Antiochus III. — R. BAΣIΛEΩΣ ANTIOXOY. Un éléphant.

Ptolémée IV lui fit alors demander une trêve et elle fut conclue pour quatre mois, pendant lesquels les troupes syriennes prirent leurs quartiers d’hiver. Polybe, v, 51-66. La campagne suivante ne fut pas favorable à Antiochus. Philopator avait profité de l’armistice pour se préparer à la résistance; ses troupes battirent complètement le roi de Syrie, à Raphia, près de Gaza (217); toutes les conquêtes précédentes d’Antiochus furent perdues, et il dut s’estimer heureux que son vainqueur ne le poursuivît point jusqu'à Antioche. Polybe, v, 51-87; Strabon, xvi, p. 759; Justin, xxx, 1.

Le prophète Daniel avait annoncé les premiers succès d’Antiochus III et prédit qu’ils seraient sans résultat: «L’un [des fils de Séleucus II, Antiochus III] viendra en hâte et se répandra partout [première campagne], et il reviendra [une seconde fois] et il s’animera et il attaquera ses places fortes. Et le roi du midi [Ptolémée IV Philopator] sera irrité, et il sortira, et il combattra contrele roi du nord [Antiochus III], et il lui opposera une nombreuse multitude [de soldats] et la multitude [des Syriens] sera livrée dans ses mains. Et il ruinera la multitude et son cœur s'élèvera, et il fera tomber un très grand nombre [de Syriens].» Dan., xi, 10-12.

Pendant les treize années suivantes, Antiochus III, vaincu, laissa l’Egypte en paix, mais ne resta pas inactif. Il fut continuellement en guerre en Asie Mineure et les succès qu’il remporta alors lui valurent le surnom de «Grand». Il soumit d’abord Achæus, gouverneur d’Asie Mineure, qui s'était révolté. Polybe, v, 107; vii, 15, 17-23. Il tourna ensuite ses armes à l’est contre les Partheset les Bactriens, qui, vers l’an 250, s'étaient affranchis de la domination des Séleucides. Il ne réussit pas à lesremettre sous le joug, mais sa campagne ne fut pas sans résultat: s’il ne parvint pas à détruire le royaume des Parthes, il en réduisit au moins les frontières, qui avaient été étendues par les conquêtes du roi Arsace, à la Parthie et à l’Hyrcanie (Polybe, x, 27-31; Justin, xli, 5), et il fit alliance avec ie roi de la Bactriane. Polybe, x, 49; xi, 31. Il pénétra dans l’Inde septentrionale, et par ses expéditions dans ces contrées lointaines, acquit un grandrenom aux Syriens, tout en aguerrissant ses soldats; il ramena aussi de l’Inde cent cinquante éléphants qui devaient rendre son armée terrible aux habitants de l’Asieantérieure et de l’ gypte.

Antiochus III avait gardé au fond de son cœur un profond ressentiment de l'échec que lui avait infligé Ptolémée IV Philopator; mais, ne voulant pas s’exposer à unenouvelle défaite, il attendait avec patience le moment propice de se venger. Les circonstances le lui fournirent, àson retour de l’Inde. La mort frappa son ennemi, en 201, et il eut pour successeur un enfant de quatre à cinq ans, Ptolémée V Épiphane. Cf. Justin, xxx, 2. Le roi de Syrie, eu apprenant cette nouvelle, ne perdit pas de temps. Afin de pouvoir abattre plus sûrement la puissance égyptienne et reconquérir les provinces des bords de la Méditerranée, il s’allia avec Philippe de Macédoine contre les Lagides. Polybe, iii, 2; xv, 20; Tite Live, xxxi, 14. Il eut bientôtrepris la Cœlésyrie, la Phénicie et la Palestine. Mais une guerre avec Attale, roi de Pergame, l’obligea de porter alors ses armes en Asie Mineure; et en son absence, Ptolémée, aidé par Scopas, redevint maître de Jérusalem (Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3), et recouvra le territoire qu’il avait perdu. S. Jérôme, In Dan., xi, 14, t. xxv, col. 563. Ce fut pour peu de temps. Antiochus, ayant conclu la paix avec Attale, se hâta de marcher par laCœlésyrie à la rencontre de l’armée que les Égyptiens avaient levée contre lui. Il la tailla en pièces à Panéas, au pied de l’Hormon, en 198, et toute la Palestine retomba ainsi en son pouvoir. Polybe, xv, 20; Appien, Syr., 1; Tite Live, xxxiii, 19; Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3.

Tous ces événements avaient été prophétisés par Daniel: «Le roi du nord [Antiochus III] reviendra, et il armera une multitude plus nombreuse que la première, et à la fin des temps et des années [après quelquesannées], il viendra avec une grande armée et des forces nombreuses. Et dans ce temps-là beaucoup [les Macédoniens de Philippe V avec les Syriens] s’armeront contrele roi du midi [Ptolémée Épiphane] et les fils des prévaricateurs de ton peuple [une partie des Juifs] se lèveront [contre le roi d’Égypte] pour accomplir la vision, etils tomberont. Et le roi du nord [Antiochus III] viendra, et il formera un rempart et il prendra des villes fortifiées, et les bras du midi [des Égyptiens] ne pourront pas résister [ à l’attaque des Syriens après le retour d’Antiochus III, vainqueur à Panéas], et ses hommes d'élite seront sans force. Et il fera en venant contre lui selon son plaisir, et personne ne lui résistera, et il s’arrêtera dans la terre glorieuse [la Judée], qui devait être détruite par sesmains.» Dan., xi, 13-16. Antiochus III reprit Jérusalem et s’empara de Scopas et de ses troupes, qui s'étaientréfugiées sur le mont Sion. Les Juifs, qui avaient beaucoup souffert pendant tous ces combats, Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3, heureux de voir la guerre finie, accueillirent le roi de Syrie comme un libérateur.

Antiochus le Grand ne put cependant, malgré tous ses succès, réaliser ses projets contre l’Égypte. Les Romains avaient déjà empêché Philippe V de Macédoine de luifournir une aide efficace; ils l’arrêtèrent lui-même au milieu de ses victoires. La guerre se termina par le mariage de Ptolémée V Épiphane avec une fille d’Antiochus III, appelée Cléopâtre; mais ce mariage, que le roide Syrie avait cru très avantageux pour sa politique, lui fut plutôt nuisible: la nouvelle reine d’Égypte préféra lesintérêts de son époux à ceux de son père. «Le roi du nord [Antiochus], dit Daniel, se disposera à venir pour s’emparer de tout son royaume [de Ptolémée]; mais ils’entendra avec lui, et il lui donnera une fille de ses femmes [sa fille Cléopâtre] afin de le perdre; mais il neréussira pas, et elle ne sera pas pour lui [et elle soutiendra les intérêts de Ptolémée].» Dan., xi, 17. Cléopâtre avait reçu en dot les provinces enlevées par son père à l’Égypte, entre autres, la Palestine (198 avant J.-C). TiteLive, xxxv, 13; Appien, Syr., 5; Polybe, xxviii, 17; Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 1; S. Jérôme, In Dan., xi, 17, t. xxv, col. 564.

L’année suivante (197), Antiochus le Grand entreprit par terre et par mer une campagne contre l’Asie Mineure. Tite Live, xxxiii, 19. Il soumit la plus grande partie de cette contrée, et en 196, il franchit même l’Hellespont et pénétra en Europe. Tite Live, xxxiii, 38. Il marchait à sa perte. Poussé par les conseils d’Annibal, qui s'était réfugié à sa cour, il entra en guerre avec les Romains. Ceux-ci avaient battu, en 197, à la bataille de Cynocéphale, le roi de Macédoine, Philippe V, l’allié d’Antiochus; ils n’avaient plus aucune raison de ménager désormais, comme ils l’avaient fait jusqu’alors, le roi de Syrie. j II y eut rupture ouverte entre les Romains et Antiochus, en 192. Tite Live, xxxv, 13; Justin, xxxi, 1. Après avoir essuyé plusieurs revers, le roi de Syrie fut enfin complètement battu par Scipion l’Asiatique à la bataille de Magnésie du Sipyle, en Lydie (190). Il dut accepter un traité tort onéreux (189), qui nous fournit l’explication de plusieurs événements historiques, racontés dans les Machabées, et qui eurent lieu sous ses successeurs Séleucus IV Philopatoret Antiochus IV Épiphane, sans parler de sa propre mort, qui en fut indirectement la conséquence. Cf. Appien, Syr., 33-39; Polybe, xxi, 14; Tite Live, xxxvii, 40, 43, 45, 55; Justin, xxxi, 8; Diodore, Fragm., xxvi, 46.

Daniel avait prophétisé cette fin honteuse d’un règne, auparavant glorieux: «Et [le roi du nord, Antiochus III] tournera sa force vers les Îles [il pénètrera en Europe], et il en prendra beaucoup; mais un chef [le consul Lucius Scipion] fera cesser sa hauteur, et sa hauteur retombera sur lui.» Dan., xi, 18. Le premier livre des Machabées, viii, 6-8, rappelle quelques-unes des conditions humiliantes qui furent imposées par les vainqueurs à Antiochus. Ce fut d’abord «un grand tribut», consistant en la somme énorme de quinze mille talents euboïques, c’est-à-dire plusde quatre-vingt-trois millions: cinq cents talents devaient être payés à la conclusion des négociations, deux mille cinq cents à la ratification de la paix, et les douze millerestant pendant les douze années suivantes (Appien, Syr., 38); mais le roi de Syrie fut incapable de payer régulièrement ce qu’il avait été obligé de promettre, de sorte qu’Antiochus IV Épiphane, second successeur d’Antiochus III, avait encore à payer les arrérages, en 173. Deplus, le malheureux vaincu de Magnésie dut donner aux Romains «des otages», I Mach., viii, 7, afin de garantir ainsi l’exécution des conditions de la paix. Parmi ces otages se trouvait son second fils, celui qui devait devenirAntiochus IV Épiphane. I Mach., i, 11. On le força aussi de céder à Eumène II, roi de Pergame, fils et successeur d’Attale Ier, «la région des Indiens [il faut lire probablement Ioniens], et les Mèdes [à lire sans doute Mysiens] et les Lydiens,» I Mach., viii, 8, c’est-à-dire ses possessions à l’ouest du Taunus, la Mysie, la Lydie et la Phrygie.Ce fut la récompense du service qu’Eumène avait rendu aux Romains en combattant en personne, avec son contingent de troupes, contre les Syriens, à la bataille de Magnésie. L’auteur du premier livre des Machabées, viii, 7, nous apprend aussi comment Antiochus III avait été contraint de subir un traité si dur: c’est qu’il avait été «pris vivant» dans le combat. L’auteur sacré est le seul qui nous fasse connaître ce détail important de la lutte de l’Orient grec contre Rome.

Antiochus III ne survécut que deux ans à ce désastre. L’impossibilité de se procurer, par des levées ordinaires d’impôts, l’argent qui lui était nécessaire pour payer les sommes qu’il avait promises à ses impitoyables vainqueurs, le fit recourir à la rapine: il tenta de piller le trésor d’un temple d'Élymaïde; mais le peuple, irrité, se révolta et massacra le sacrilège avec sa suite (187 avant J.-C). Strabon, xvi, 744; Justin, xxxii, 2; Diodore, Fragm., xxvi, 39, 40; Porphyre, dans Eusèbe, Chron. arm., i, t. xix, col. '261; S. Jérôme, In Dan., xi, 19, t. xxv, col. 573. Le prophète Daniel avait annoncé ces derniers événements en ces termes: «Il [Antiochus III] tournera sa face vers les places fortes de sa terre, et il se heurtera, et il tombera, et on ne le trouvera plus.» Dan., xi, 19.

Le premier livre des Machabées, qui n’a rappelé sadéfaite à Magnésie que par voie d’allusion, en décrivant la puissance des Romains, I Mach., viii, 6-8, ne dit rien de sa mort; mais le second livre des Machabées, i, 13-16, d’après plusieurs interprètes, et avec raison, croyons-nous, raconte la fin d’Antiochus le Grand. Comme, d’une part, l’Antiochus dont parle l’auteur sacré n’est pas désigné dans son récit, comme nous le faisons aujourd’hui, par un nombre ordinal ou par une épithète; comme, d’autre part, l’auteur du premier livre des Machabées, vi, 1-16, et aussi l’auteur du second, II Mach., ix, 1-28, nous apprennent qu’Antiochus IV Épiphane mourut dans des circonstances qui ont une certaine ressemblance avec celles qui sont rapportées dans la lettre insérée II Mach., i, 13-16, la plupart des commentateurs pensent que l’Antiochus indéterminé de II Mach., i, 13-16, est I’Antiochus de I Mach., vi, 1-16 et II Mach., ix, 1-28, lequel est incontestablementÉpiphane. Cette identification nous semble fausse, parce que les détails contenus dans les deux récits, malgré quelques traits analogues, sont si différents qu’ils ne peuvent s’appliquer au même personnage. En effet, l’Antiochus dont parle la lettre des Juifs, voulant piller le temple de Nanée, y fut introduit par les prêtres, avec unpetit nombre de compagnons, et y fut tué, II Mach., i, 14-16, tandis que I’Antiochus dont I Mach., vi, 1-16, et II Mach., ix, 2-28, racontent la mort, fut repoussé dutemple qu’il avait entrepris de piller, et ne périt pas de mort violente dans le temple, mais de maladie, en chemin, à son retour en Syrie. À cause de ces différences, quelques exégètes ont imaginé que l’Antiochus de II Mach., I, 13-16, est Antiochus VII Sidètes; mais cette opinionn’est pas fondée. Voir Ahtiochus VII. Tout indique que cet Antiochus est le père d'Épiphane.

On ne voit point d’abord comment on pourrait soutenir que l’Antiochus qui est massacré dans le temple de Nanée, II Mach., i, 15-16, est le même que celui qui n’est que repoussé d’un temple et succombe en route au milieu des montagnes, non à ses blessures, mais à une maladie. II Mach., ix, 1, 5, 21, 28. Dès lors que la lettre des Juifs ne dit nullement que le roi, dont elle rappelle la mort, soit Antiochus IV Épiphane, et puisque celui dont elle parle a péri d’une autre manière que ce célèbre persécuteur des Juifs, la conclusion naturelle est qu’il s’agit d’unautre Antiochus. Comment admettre, en effet, qu’un écrivain, alors même qu’il ne serait pas inspiré, se serait contredit si formellement à quelques pages de distance? C’est contraire à toutes les vraisemblances. Quand même nous n’aurions aucun moyen d’expliquer ces récits différents par des témoignages extrinsèques, à cause de lapénurie des renseignements parvenus jusqu'à nous sur ces époques reculées, la critique nous prescrirait de tirer cette conclusion: le roi que l’auteur du second livre des Machabées fait mourir, au commencement de son ouvrage, de mort violente, dans le temple de Nanée, qu’il est en trainde piller, n’est pas le même que le roi dont il décrit la fin un peu plus loin, dans des circonstances tout à fait diverses. Tous les deux s’appellent Antiochus, mais il y a eu treize rois de Syrie qui ont porté ce nom; tous les deux ont voulu piller un temple, mais ce n'était pas choserare dans l’antiquité. Voir Strabon, xvi, 1, 4, édit. Didot, p. 634; Diodore de Sicile, xxviii, 3, t; ii, p. 473. Il est d’ailleurs certain, par les témoignages profanes, rapportés plus haut, qu’Antiochus le Grand trouva la mort dans une tentative de ce genre; il est certain aussi que son fils, Antiochus Épiphane, tenta une entreprise semblable, mais échappa à la mort et ne périt qu'à son retour, à Tabès, en Perse. Voir Antiochus IV. Pour plus de détails et pour la réponse aux autres objections qu’on peut faire à cette solution, cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 628-641.

Antiochus le Grand ne persécuta pas les Juifs, comme devait le faire son second successeur, son fils Antiochus Épiphane; mais ils eurent néanmoins beaucoup à souffrir, surtout pendant la première partie de son règne. «Pendant que ce prince, dit Josèphe, faisait la guerre contre Ptolémée Philopator et contre son fils surnommé Épiphane, les Juifs avaient à souffrir si Antiochus était vainqueur, et ils avaient à souffrir de même s’il était vaincu, de sorte qu’ils ressemblaient à un navire qui, au milieu d’une tempête, est battu de tous côtés par les îlots, parce qu’ils se trouvaient au milieu des combattants.» Ant. jud., XII, iii, 3. C’est ce qui nous explique pourquoi Daniel parle longuement du règne d’Antiochus III. Et parce que c’est lui qui attaque l’Égypte, la responsabilité des souffrances qu’endurent les Juifs lui est imputable, etle prophète s’élève, Dan., XI, 14, contre ceux qui prennent parti pour lui contre le roi d’Égypte, de même quela lettre conservée dans II Mach., i, 13-16, adressée à des Juifs habitant l’Egypte, et bien disposés par suite en faveur des Ptolémées, leur dit que la mort d’Antiochus III les a tous délivrés d’un grand péril, parce que, si ce princeavait réussi à s’emparer du trésor du temple de Nanée, ilaurait sans doute entrepris de se venger sur l’Égypte detous les affronts qu’il avait reçus. Le texte grec de II Mach., i, 12, qui est le texte original (rendu avec une nuanceinexacte dans la Vulgate), parle d’une guerre qui était «préparée» contre les Juifs. Quoi qu’il en soit, du reste, decette guerre, et quoique Antiochus III, qui avait eu jusque-là tout intérêt à ménager les Juifs, afin de les gagner à son parti dans sa lutte contre l’Egypte, les eût, eneffet, bien traités, au témoignage de Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3, 4, le roi de Syrie aurait difficilement résisté à la tentation de les pressurer, pour être en état de payer aux Romains les sommes dont il leur était redevable, desorte que la mort de ce prince fut pour les Juifs, commepour les Égyptiens, une délivrance. Voir Flathe, Geschichte Macedoniens, t. ii, p. 225 et suiv.; Clinton, Fasti hellenici, t. iii, p. 314 et suiv.

F. Vigouroux.

3. ANTIOCHUS IV ÉPIPHANE, huitième roi de Syrie( 175-164 avant J.-C; de l’ère des Séleucides, 137-149); fils et second successeur d’Antiochus III le Grand (fig. 174).I Mach., i, 11; Appien, Syr., 45.


174. — Antiochus IV Épiphane.
Tête barbue et laurée du roi Antiochus 17. — ʀ. BAΣIΛEΩΣ ANTIOXOY ΘEOY NIKHΦΟΡΟ[Υ].Jupiter, assis sur son trône, tient dans la main droite une Victoire, et s’appuie de la gauche sur son sceptre.

C’est de tous les rois séleucides celui dont les Livres Saints parlent le plus longuement, Dan., xi, 21-45; I Mach., 1, 11-67; ii-iii; vi, l-16; II Mach., iv, 7-ix, 29, celui dont la mémoire est restée la plus odieuse aux Juifs à cause de la persécution qu’il fit subir aux serviteurs fidèles du vrai Dieu. Il s’empara du trône, à la mort de son frère Séleucus IV Philopator, au détriment de son neveu, qui régna plus tard sous le nom de Démétrius Ier Soter. Il est connu dans l’histoire sous le surnom d’Épiphane, Ἐπιφανής, «illustre,» sous lequel il est désigné I Mach., i, 11 (grec, 10); II Mach., IV, 7; x, 9, 13; mais son caractère extravagant lui fit donner, par allusion à ce titre, le sobriquet d’Épimane, Ἐπιμανής, «fou.» Athénée, x, 438. Sur ses monnaies, comme pour justifier le reproche d’orgueil que lui font les Écritures, Dan., xi, 36; II Mach., v, 21; IX, 21, non content du titre d’Épiphane, il prend aussi celui de Θεός, «dieu,» et de Nικηφόρος, «victorieux,» qui était celui de Jupiter Olympien. Son père Antiochus III avait été obligé de le donner comme otage aux Romains (188 ans avant J.-C), pour exécuter une des conditions du traité de Magnésie. I Mach., i, 11 (10); Appien, Syr., 45. Il demeura à Rome jusqu’en 175, où son frère Séleucus IV, peu de temps avant sa mort, lui fit rendre la liberté, en substituant à sa place son propre fils Démétrius. Antiochus n’était pas encore de retour dans sa patrie et se trouvait à Athènes, lorsque Séleucus IV lut empoisonné par Héliodore. Voir Héliodore. Ce dernier s’empara du trône; mais Antiochus, aidé par Eumène et Attale, le chassa facilement, et profitant de l’éloignement de son neveu Démétrius, héritier légitime de la couronne, qui l’avait remplacé comme otage à Rome, il le supplanta «et obtint le royaume par la fraude». Dan., xi, 21; cf. Tite Live, xli, 20; Jean d’Antioche, fragm. 58, dans Müller, Histor. græc. fragm., t. iv, p. 558.

Le caractère du nouveau roi de Syrie nous a été dépeint par Polybe, son contemporain, dans les termes suivants: «Il aimait à s’échapper de son palais, loin de ses courtisans, et d’aller errer çà et là dans la ville, accompagnéseulement d’un ou deux serviteurs. On le rencontrait surtoutdans les boutiques des orfèvres qui travaillaient l’argentet l’or, s’entretenant sans fin avec les ciseleurs et lesautres ouvriers, et leur témoignant un grand amour pourleur art. Il se plaisait aussi à se mêler familièrementaux gens du peuple, et même à manger et à boire avecles hôtes qui se trouvaient chez eux. Lorsqu’il apprenaitque des jeunes gens se réunissaient quelque part pour serégaler, il s’y rendait sans s’être fait annoncer, accompagnéd’une trompette et d’une cornemuse, de sorte que la plupart s’enfuyaient, effrayés par son arrivée imprévue.Souvent il se dépouillait de ses habits royaux, se revêtaitd’une toge, et allait briguer une charge sur la placepublique; il prenait alors les uns par la main, il embrassaitles autres et les priait de lui donner leur voix, tantôtpour les fonctions d’édile, tantôt pour celles de démarque.Quand il avait obtenu la dignité sollicitée, il s’asseyait àla manière romaine sur un siège d’ivoire, il écoutait attentivement les affaires qui se traitaient sur l’agora, et il rendait ses sentences avec beaucoup de zèle et de soin. Detout cela il résultait que les gens sensés ne savaient quepenser sur son compte: les uns croyaient que c’était unhomme simple, les autres que c’était un fou. Dans la distribution de ses présents, il se conduisait d’une manièreanalogue: à ceux-ci il donnait des osselets, à ceux-là desdattes, à d’autres de l’or. S’il rencontrait par hasard despersonnes qu’il n’avait jamais vues, il leur faisait aussides dons auxquels elles ne s’attendaient en aucune façon.Dans les sacrifices qu’il offrait dans les villes et dans leshonneurs qu’il rendait aux dieux, il surpassait tous lesautres rois. La preuve en est dans le temple de JupiterOlympien à Athènes, et dans les statues élevées autour del’autel de Délos. Il avait coutume de se baigner dans lesbains publics, lorsqu’ils étaient tout remplis de gens dupeuple, etc.» Polybe, xxvi, 10. Cet écrivain, commeplusieurs autres historiens de l’antiquité, rapporte de luibeaucoup d’autres traits semblables. Ils s’accordent tousà montrer en lui un prince prodigue, Dan., xi, 24 (voir Antiochide), vaniteux, ami du faste, de l’ostentation, des constructions somptueuses, des spectacles pompeux, se mêlant aux danseurs et luttant d’adresse avec eux, fréquentant la populace, plein de mépris et de dédain pourles grands. Cf. Polybe, xxviii, 18, 3; xxix, 9, 13; xxxi, 3 et suiv.; Diodore, xxix, 32; xxxi, 16; Tite Live, xli, 20; Ptolémée VII Évergète II, 1, et Héliodore, 6, dans Müller, Histor. græc. fragm., t. iii, p. 186; t. iv, p. 425. En tout il se portait aux extrêmes et aux excès, et ce sont ses extravagances qui lui firent donner par Polybe, xxvi, 10, le surnom d’Épimane, au lieu de celui d’Épiphane. Par beaucoup de traits de son caractère, il présageait Néron.

Tel était le roi sous la domination duquel tombèrent lesJuifs après la mort de Séleucus IV Philopator. À toutesses autres manies, le nouveau souverain joignait celle dese poser en réformateur religieux, et d’aimer à intervenirdans les questions liturgiques et théologiques. Ses prédécesseurs avaient laissé à leurs sujets de Palestine pleine et entière liberté dans l’exercice de leur culte, mais il n’allait plus en être de même sous son gouvernement.

Les relations des enfants d’Abraham avec leurs maîtres égyptiens et syriens avaient peu à peu altéré la foi et lesmœurs d’un certain nombre de Juifs, et il s’était forméinsensiblement un parti helléniste, caractérisé par sonpenchant pour les idées et les coutumes grecques, etdont le centre principal était à Jérusalem. Il se composaitnaturellement des plus remuants et des plus ambitieux, et comptait dans son sein beaucoup déjeunes gens entreprenantset hardis. L’avènement d’Antiochus IV au trône de Syrie leur parut une occasion favorable pour s’emparer du pouvoir dans la Judée, et ce furent ces Hellénisants qui fournirent occasion au nouveau roi de s’immiscer dans leurs affaires intérieures et religieuses. Ils lui envoyèrent à Antioche des députés chargés de lui exposer leurs projets et d’obtenir de lui l’autorisation de les mettre à exécution.Rien ne pouvait lui être plus agréable; il accordatout ce qu’on voulait, et l’on vit bientôt s’élever dans lacité sainte un gymnase païen, et des enfants de Jacob vivreà la façon des Grecs. I Mach., i, 12-16. C’est ainsi que commença l’œuvre de perversion, en attendant que lapersécution lui vint en aide pour travailler à déracinerle mosaïsme.

Encouragés par ces premiers succès, quelques hommes, mus par les mobiles les plus intéressés et les plus vils, recoururent à Antiochus afin de satisfaire leur ambition. Jason, frère du grand prêtre Onias III, entreprit de le dépouiller; il brigua pour lui-même le souverain pontificat, et l’obtint ou plutôt l’acheta d’Antiochus IV. Il gagna ce prince en le prenant par ses deux côtés faibles. Comme Épiphane, à cause de ses prodigalités et du lourd tribut qu’il avait à payer aux Romains, était toujours à court d’argent, le prêtre infidèle lui offrit des sommes considérables, II Mach., iv, 8-9; de plus, comme il savait que le prince était un ardent propagateur des mœurs helléniques, il changea son nom hébreu de Jésus (Josèphe, Ant. jud., XII, v, 1) pour prendre le nom grec de Jason, et sollicita comme une faveur la permission d’ «helléniser» ses compatriotes de Judée, et spécialement de Jérusalem. II Mach., iv, 9-20 (174 ans avant J.-C). Onias III fut obligé de se retirer à Antioche, où un officier d’Antiochus le fit périr plus tard traîtreusem*nt, pendant que le roi faisait une guerre en Cilicie. Ce prince vengea sa mort à son retour, pour donner satisfaction à l’opinion publique. II Mach., iv, 30-38.

Jason, en achetant ainsi le souverain sacerdoce, avaitappris à Antiochus IV qu’il pourrait trouver en Palestinedes ressources abondantes pour satisfaire ses goûts dedépenses; aussi ce prince ne manqua-t-il aucune occasiond’arracher de l’argent aux Juifs. Daniel avait prédit lesconquêtes d’Épiphane en Egypte. Dan., xi, 25. Ce paysavait toujours excité la cupidité des Séleucides, ils tenaientsurtout à avoir en leur possession les provinces de Cœlésyrie, de Phénicie et de Palestine, et les Ptolémées les désiraient avec non moins d’ardeur. Elles avaient été données en dot par Antiochus III le Grand à sa fille Cléopâtre, lorsqu’elle épousa Ptolémée V Épiphane; mais depuis la mort de cette princesse les rois de Syrie n’avaient cessé de les réclamer. Elles étaient au pouvoir d’Antiochus IV dès le commencement de son règne, comme le prouve l’histoire de Jason, I Mach., i, M, 14, et les honneurs avec lesquels ce roi fut reçu à Jérusalem, quelque temps après son avènement au trône, vers 173. II Mach., iv, 22. Mais pour assurer de plus en plus ces possessions, et dans le but de s’emparer de l’Egypte elle-même, I Mach., i, 17, Épiphane fit quatre campagnes contre ce dernier pays: la première en 171, la seconde en 170, II Mach., v, 1; I Mach., i, 17-21, la troisième en 169 et la quatrième en 168. Dans toutes ces expéditions, il eut à traverser la Palestine, et ce pays eut souvent à en souffrir.

Jason, après avoir acheté le souverain pontificat, enétait resté paisible possesseur pendant trois ans, de 174à 171. Il n’avait rien négligé pour s’assurer les bonnesgrâces de son protecteur Antiochus; il avait même poussél’infamie, lui grand prêtre du vrai Dieu, jusqu’à envoyerau roi de Syrie, qui assistait à Tyr aux jeux quinquennaux, trois cents drachmes d’argent destinées à célébrer un sacrifice en l’honneur d’Hercule. II Mach., iv, 18-19.Voir Jason. Il reçut aussi Antiochus avec les plus grands honneurs à Jérusalem. II Mach., iv, 22. Cependant tant de servilité et de bassesse furent impuissants à le maintenir dans sa charge. Un compétiteur non moins ambitieux que lui, appelé Ménélas, employa pour le supplanter le moyen dont il s’était servi lui-même pour usurper lesfonctions d’Onias III; il offrit à Antiochus IV trois centstalents d’argent de plus; ses propositions furent acceptées, et Jason obligé de chercher un refuge chez les Ammonites(Josèphe commet une erreur, Ant. jud., XII, v, 1; cf. XV, iii, 1; XIX, vi, 2, quand il dit que Ménélas étaittrère de Jason). Le grand prêtre évincé ne put se consolerde sa disgrâce, et il guetta une occasion favorable pourse venger. Il crut l’avoir trouvée, pendant qu’Épiphaneétait occupé en Egypte par sa seconde campagne contrePtolémée Philométor (170). Une fausse rumeur s’étantrépandue que le roi de Syrie était mort, Jason, à la têtede mille hommes, s’empara par un coup de main de Jérusalem, et son rival Ménélas fut contraint de se réfugierdans la citadelle.

Malheureusem*nt pour Jason, Antiochus IV était toujoursvivant, et de plus vainqueur. Il avait remporté lesplus grands succès; à la tête d’une armée formidable, 1 Mach., i, 18, il était entré «dans des villes riches et opulentes», et fait «ce que n’avaient pas fait ses pères et les pères de ses pères», Dan., xi, 24, il s’était emparé d’une grande partie de l’Egypte, et Ptolémée Philométor lui-même était tombé entre ses mains. I Mach., i, 20 (170 avant J.-C). La nouvelle de ce qui s’était passé à Jérusalem irrita profondément Épiphane. Au retour de son expédition, il marcha contre la cité sainte à la tête de son armée victorieuse, y fit un grand massacre, pilla la ville et le temple, et en emporta les vases sacrés et tout ce qu’il renfermait de précieux, I Mach., i, 20-29; II Mach., v, 11-21; Josèphe, Ant. jud., XII, v, 3; Cont. Apion., ii, 7. Ménélaslui-même, altéré de vengeance, dirigea le roi dans le pillagede la maison de Dieu. II Mach., v, 15. Les profanations sacrilèges d’Antiochus furent plus douloureuses au cœur des Juifs fidèles que ses rapines. Il Mach., v, 15-17. Ce n’étaient là cependant que les premiers présages de la persécution qui devait éclater plus tard avec tant de violence, mais l’horreur qu’inspira la conduite du roi souillant la demeure de Dieu fut le germe de la réaction qui devait amener la glorieuse révolte des Machabées contre le joug impie des étrangers.

La troisième expédition du roi de Syrie contre l’Egypten’eut aucune conséquence particulière pour la Judée, mais la quatrième devait lui être fatale. L’orgueil d’Épiphanefut cruellement humilié dans cette dernière campagne. Cette expédition ne fut pas «semblable à la première». Dan., xi, 29. L’Égypte fut d’abord réduite aux abois. Le Syrien se voyait à la veille de réaliser ses rêvesles plus ambitieux, lorsque les Romains intervinrent. Legénéral Popilius Lœna lui signifia un ordre du sénat luienjoignant de renoncer à ses projets sur le royaume desPtolémées, s’il ne voulait pas être l’ennemi des Romains.Antiochus voulut gagner du temps et lui demanda àréfléchir. Popilius traça un cercle avec un bâton autourdu roi et le somma de se prononcer avant d’en sortir. Ἐνταῦθα βουλεύου, «Délibère là,» lui dit le fier général. Le vainqueur des Ptolémées, qui avait vécu plusieurs années à Rome, en connaissait la puissance; il savait qu’il ne pouvait y résister; il se soumit (168 avant J.-C). Dan., xi, 29-30; Polybe, xxix, 11; Diodore de Sicile, xxxi, 2; Tite Live, xlv, 12; Appien, Syr., 66; Justin, xxxiv, 3. Mais son amour-propre avait été cruellement blessé. Il s’en vengea sur les Juifs. «Les vaisseaux de Kittim [les Romains] viendront contre lui, avait prédit Daniel, et il sera frappé, et il s’en retournera, et il s’irritera contre l’alliance sainte, et il fera [du mal],» Dan., xi, 30. Comme nous l’avons vii, Antiochus IV était très dévouéau culte de ses dieux; il poussait pour eux le zèle jusqu’aufanatisme; il se croyait même personnellement un dieu, et il s’en attribuait le titre sur ses monnaies (fig. 174).Obligé de renoncer à tous ses projets de conquête enÉgypte, il voulut du moins rendre païenne cette petiteterre de Judée qu’il croyait incapable de lui résister, etd’où il résolut d’extirper la religion véritable. En l’an 168ou 167 avant J.-C, il y envoya à la tête d’une armée uncollecteur des impôts, I Mach., i, 30 (grec, 29), nommé Apollonius, II Mach., v, 14, avec la mission d' «helléniser» complètement Jérusalem. Afin d’y réussir, l’officier syrien devait anéantir une grande partie de la population juive, et la remplacer par des Hellènes ou des Hellénisants.Cf. I Mach., i, 38-40; II Mach., v, 24. Il arriva à Jérusalem en affectant des intentions pacifiques; mais au jour du sabbat, lorsque les Juifs ne se croyaient même pas le droit de se défendre, de peur de violer le repos du jour du Seigneur, les soldats syriens se précipitèrent sur eux, massacrèrent tous les hommes qu’ils rencontrèrent, s’emparèrent des femmes et des enfants et les vendirent commeesclaves. I Mach., i, 30-34; II Mach., v, 24-26. Aucune précaution ne fut négligée pour assurer au roi de Syrie la tranquille possession de la capitale de la Judée, et rendre ainsi facile la perversion de ses habitants et le triomphe de l’hellénisme: les murs de la ville furent renversés, afin que le peuple fut sans défense; mais la cité de David, où s'établirent les soldats d’Apollonius, fut fortifiée avec le plus grand soin, entourée d’une muraille solide, flanquée de fortes tours, et transformée en une citadelle inexpugnable, I Mach., i, 35, où la garnison syrienne vécut en sécurité. Sa position était si forte, qu’elle y maintint la domination des Séleucides même pendant les succès des Machabées, et ce ne fut que vingt-six ans plus tard (142-141 avant J.-C.) que Simon réussit à s’emparer decette acropole et à briser ainsi complètement le joug desoppresseurs de son peuple.

Une fois que le lieutenant d’Antiochus Épiphane eutainsi assuré sa position à Jérusalem, la persécution ouvertecontre la religion judaïque commença. Le roi ordonna parécrit de pratiquer sa propre religion. I Mach., i, 43, 46, 53. L’observation de la loi mosaïque fut interdite, le culte légal aboli, la sanctification du sabbat et la circoncision défendues sous peine de mort. I Mach., i, 46-53. Dans toutes les villes de Juda, on dut offrir des sacrifices aux dieux païens. I Mach., i, 54. Le 15 casleu de l’an 145 de l'ère des Séleucides, c’est-à-dire en décembre 168, un autel païen fut construit sur l’autel juif des holocaustes, dans le temple même de Jérusalem, et dix jours après, le 25 casleu, on y immola pour la première fois des victimes. I Mach., I, 54 (texte grec). Antiochus IV Épiphane avait voué un culte particulier à Jupiter Olympien; il prenait ses titres sur ses monnaies (voir plus haut, col. 693), et se faisait représenter avec ses attributs: c’est à cette divinité qu’il consacra le temple du vrai Dieu. Il Mach., vi, 2. Il ordonna aussi qu’on célébrât tous les mois le jour où il était né selon les rites païens, avec des couronnes de lierre en l’honneur de Bacchus. II Mach., vi, 7. Voir Anniversaire, col. 648-649.

Pour assurer l’exécution de ces édits, des émissaires, envoyés par le roi, les publièrent dans toutes les villes deJudée. I Mach., i, 46. Des inspecteurs eurent la charge de les faire observer. [ Mach., i, 53. Tous les mois, on faisait les perquisitions régulières. I Mach., i, 61. Quiconque était trouvé possesseur des Écritures Saintes, ou avait gardé les observances de la loi, était impitoyablement mis à mort. I Mach., i, 60. Les femmes mêmes qui avaient fait circoncire leurs enfants étaient massacrées avec le fruit de leurs entrailles et avec ceux qui les avaient circoncis, d’après les ordres exprès du roi Antiochus. I Mach., i, 63-64; Il Mach., vi, 10. Partout la Terre Sainte était souillée par des sacrifices idolâtriques. I Mach., i, 49 - 50, 57-58. Un certain nombre de Juifs courbèrent la tête sous la violence de la tempête, ils eurent la faiblesse de se soumettre au persécuteur et de pratiquer les rites païens.I Mach., i, 45. Mais d’autres plus généreux préférèrent la mort à l’apostasie. I Mach., i, 65; cf. Il Mach., vi, 18-31; vii, 1-41. Ceux qui le purent échappèrent à la violence en se cachant au fond des cavernes ou en s’enfuyant dans le désert. I Mach., i, 56; II Mach., v, 27; vi, 11. Etenfin Mathathias et ses fils se levèrent, et l’orgueil et lapuissance d’Antiochus Épiphane vinrent se briser contrela foi et l’héroïsme des Machabées.

Les envoyés d’Antiochus IV arrivèrent un jour à Modin, pour obliger les Juifs qui y habitaient à immoler auxidoles. Le vieux prêtre Mathathias exhorta ses frères à êtrej fidèles à leur Dieu, mais l’un d’eux s’avança aux yeux detous pour sacrifier selon l’ordre du tyran. Le saint vieillard, à ce spectacle, ne put maîtriser son indignation; il s'élança contre le coupable et le frappa mortellement; il fît subir le même sort à l'émissaire d'Épiphane, et renversa avec horreur l’autel sacrilège. Après cet éclat, il se retira dans le désert avec les siens. Un grand nombre de Juifs fidèles ne tardèrent pas à le rejoindre, et ainsi se forma le noyau de l’armée qui devait délivrer Israël. Mathathias, chargé d’ans, ne tarda pas à rendre à Dieu son âme généreuse; mais il laissa après lui de dignes héritiers, ses cinq fils, cinq héros, et parmi eux Judas Machabée, «le lion» de Dieu. I Mach., ii, 7-70; iii, 4.

Apollonius ne tarda pas à s’apercevoir que la résistanceétait sérieuse. Il marcha contre les Juifs à la tête d’uneforte armée. Judas s’empressa d’aller à sa rencontre, lebattit, le tua et s’empara de ses dépouilles. I Mach., iii, 10-12. Quand il reçut ces nouvelles, Séron, général en chef des forces syriennes, prit la route de la Palestine; il fut battu à son tour près de Béthoron. I Mach., iii, 13-24. On s’imagine aisément quelle dut être la colère d’Antiochus Épiphane en apprenant ces désastres. 1 Mach., iii, 26-27. Il résolut d’exterminer les Juifs, et comme il devait faire lui-même une campagne contre les Parthes, I Mach., iii, 31; Tacite, Hist., v, 8, il chargea Lysias, à qui était confiée l'éducation du prince royal, d’envoyer une armée considérable avec des éléphants en Judée, pour détruire jusqu’au nom d’Israël et repeupler le pays avec des étrangers. I Mach., iii, 32-36. C'était l’an 147 de l'ère des Séleucides, 166-165 avant J.-C. Lysias envoya contre Judas trois généraux, Ptolémée, Nicanor et Gorgias. Ce dernier, avec ses troupes d'élite, fut complètement battu près d’Emmaüs. I Mach., iv, 1-22. Une armée nouvelle, conduite l’année suivante par Lysias en personne, essuya également une sanglante défaite. I Mach., iv, 28-35.

L’expédition d’Antiochus Épiphane contre les Parthesne fut pas plus heureuse. Le tyran allait expier tout le malqu’il avait fait au peuple de Dieu. Il avait toujours besoind’argent pour satisfaire à ses prodigalités et pour payeraux Romains les contributions qu’ils avaient imposées àson père Antiochus III, et qui n'étaient pas encore complètement acquittées. II Mach., viii, 10-11. Sa campagne à l’est de son royaume avait pour objet de remplir son trésor. I Mach., iii, 29-31; Josèphe, Ant. jud., XII, vii; Appien, Syr., 45; Tacite, Hist., v, 8. Non seulement il nedevait pas atteindre son but, mais il devait y perdre la vie.Les richesses du temple de Nanée, la Diane et la Vénusélyméenne, tentèrent sa cupidité; il voulut piller son sanctuaire, mais il échoua dans son dessein; les adorateurs de la déesse se soulevèrent et l’obligèrent à s’enfuir. I Mach., vi, 1-4; II Mach., ix, 2; Josèphe, Ant. jud., XII, IX, 1; Polybe, xxxi, 11; Appien, Syr., 66; S. Jérôme, In Dan., xi, 44, 45, t. xxv, col. 573. Voir Nakée, Élymaïde, Persépolis.

Il venait de subir cet échec humiliant quand à son retour, aux environs d’Ecbatane, lui arrivèrent les nouvelles dudésastre de ses troupes en Judée. I Mach., vi, 5-7; II Mach., ix, 3. Ce message porta son irritation à son comble. Il voulut précipiter son voyage, mais il ne devait plus revoirAntioche: il fut pris de violentes douleurs d’entrailles II Mach., IX, 5; un accident de voiture aggrava son état; il se blessa dans sa chute, les vers et la gangrène se mirent à ses plaies. II Mach., ix, 5, 7. Il reconnut alors, mais trop tard, la main du Dieu qui le frappait; il le pria et implora sa miséricorde, I Mach., vi, 10-12; II Mach., IX, 12-13; il promit d’adorer le vrai Dieu, de réparer le mal qu’il avait fait aux Juifs et de les rendre égaux aux Athéniens, dont il avait embelli et enrichi les temples. II Mach., IX, 14-17. Cette conversion était sans doute trop intéressée pour être sincère; il sentit bientôt que tout était fini pour lui, et il chercha à assurer du moins son trône à son fils. La crainte qu’il ne pût lui succéder augmenta encore les angoisses de ses derniers moments. Son fils n'était encore qu’un enfant en bas âge, incapable de placer lui-même la couronne sur sa tête. De plus, il n’y avait point droit: elle appartenait légitimement à son cousin Démétrius, sur qui son père l’avait usurpée. Épiphane ne pouvait se dissimuler que son neveu mettrait sa mort à profit pour essayer de saisir le pouvoir qui lui avait été injustement ravi; il s’efforça donc d’assurer des partisans au jeune Antiochus, et à cette heure suprême, rendant comme malgré lui hommage à la fidélité des Juifs, dontses prédécesseurs avaient eu plus d’une fois l’occasiond’avoir des preuves, ce roi qui les avait si cruellementpersécutés leur écrivit une lettre pour leur recommanderson fils. II Mach, ix, 18-27. Peu après il expirait «dans les montagnes», dit l’auteur sacré, II Mach., ix, 28; à Tabès, en Perse, comme nous l’apprennent d’une manière plus précise Polybe, xxxi, 11, et Porphyre, dans S. Jérôme, In Van., xi, 44; t. xxv, col. 573. C'était l’an 149 de l'ère des Séleucides, 164-163 avant J.-C. I Mach., vi, 16.

Antiochus IV, en mourant, avait nommé l’un des généraux qui l’avaient accompagné, Philippe le Phrygien, sonami d’enfance, régent du royaume et tuteur de son filsAntiochus V Eupator; mais Lysias, à qui il avait laissé lepouvoir à Antioche en partant pour la Perse, ne tint aucuncompte de ses dernières volontés: il garda la personnedu jeune roi pour régner réellement sous son nom, etPhilippe, qui était revenu en hâte, emportant avec lui lecorps du souverain défunt, fut obligé d’aller chercher unasile à la cour du roi Ptolémée VI Philométor. I Mach., vi, 14-17; II Mach., ix, 29; Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 2. Voir Philippe et Lysias.

Les circonstances principales de la mort d’Antiochus IVÉpiphane, rapportées par les écrivains sacrés, sont confirmées, comme on l’a vii, par les historiens profanes. Mais on a prétendu que les auteurs des deux livres des Machabées n'étaient pas d’accord entre eux, I Mach., vi, 1-16; II Mach., IX, 2-28, et que celui du second livre se contredisait lui-même et rapportait cette mort de deux manières tout à fait différentes, II Mach., i, 13-16, et IX, 2-28. Des critiques catholiques mêmes ont admis que ces deux derniers récits, qui sont en effet inconciliables, étaient l’un et l’autre relatifs à la mort d'Épiphane, et ils prétendent qu’on doit considérer le premier, II Mach., i, 13-16, comme erroné, parce qu’il est contenu dans une lettre non inspirée, insérée simplement dans son livre par l’historien de la persécution d’Antiochus. Quelques-uns soutiennent, au contraire, que l’Antiochus de II Mach., i, 13-16, est Antiochus VII Sidètes; mais cette opinion ne saurait être acceptée. Voir Antiochi: s VII. Tout porte à croire que le roi dont la lettre des Juifs, II Mach., i, 13-16, raconte la fin violente est Antiochus III le Grand. Voir Antiochus III, col. 691-692. Il n’existe donc aucune contradiction entre les deux passages II Mach., i, 13-16, etîx, 2-28. Il n’en existe pas davantage entre I Mach., vi, 1-16, et II Mach., ix, 2-28.

On signale d’abord une contradiction sur le nom du lieu dont Antiochus IV voulait piller le temple: c'était Élymaïs, ville de Perse, d’après la leçon reçue et la traduction dela Vulgate de I Mach., vi, 1; c'était Persépolis, d’après II Mach., IX, 2; mais les deux textes sont faciles à éclaircir. La leçon: «Élymaïs, ville de Perse,» est fautive; les meilleurs manuscrits grecs portent: Ἐστὶν ἐν Ἐλυμαΐδι ἐν τῇ Περσίδι ἔνδοξος; «Il y a en Élymaïde, en Perse, une ville célèbre.» Cette lecture est la seule vraie, car on ne trouve aucune trace de l’existence d’une ville appelée Élymaïs. L’auteur sacré ne nomme donc pas la ville dont Épiphane voulut piller le temple; il dit seulement qu’elle était située dans la province de l'Élymaïde, dans le royaume de Perse, la désignant ainsi de la même manière que l’ont fait Polybe, xxxi, 11, édit. Didot, p. 72, et Appien, Syr., 66, édit. Didot, p. 208. Le second livre des Machabées, dans sa forme actuelle, nomme la ville où était le temple de Nanée «Persépolis». II Mach., ix, 2. Cet ouvrage a été composé en grec. On peut supposer avec vraisemblance que Persépolis signifie, dans ce passage, non pas la ville qu’on appelait de ce nom, mais, en traduisant le nom grec, «la ville ou la capitale des Perses,» c’est-à-dire probablement Suse, en Élymaïde, l’une des principales résidences royales des rois de Perse, et l’une des plus connues des Juifs à cause de l’histoire d’Esther et d’Assuérus.

Après sa tentative infructueuse du pillage du temple, Antiochus IV apprend le désastre que Judas Machabée afait subir à ses armes; il l’apprend «en Perse», dit I Mach., vi, 5; «près d’Ecbatane,» par conséquent en Médie, dit II Mach., ix, 3. — On a voulu découvrir là encore une contradiction, mais les deux textes disent la même chose entermes différents: le premier entend par la Perse toutel’Ariane, qui comprenait la Médie, puisque cette province faisait partie du royaume de Perse; le second est plus précis et indique nommément le lieu où lui parvinrent les nouvelles de Judée. Ce qu’il dit est confirmé indirectement par les historiens profanes, qui, comme on l’a vu, col. 699, nous apprennent qu'Épiphane mourut à Tabès, entre Ecbatane et Persépolis. — Voir J. Chr. C. Hoffmann, De bellis ab Antiocho Epiphane adversus Ptolemæos gestis, Erlangen, 1835; J. Frd. Hoffmann, Antiochus IV Epiphanes, König von Syrien, Leipzig, 1873; Grätz, Geschichte der Juden, t. II, 2 (1876), p. 436-443; Wiederholt, Antiochus IV Epiphanes nach der Weissagung Dan. xi, 21-xiri, 3, und der Geschichte, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, année 1874, p. 567-631.

F. Vigouroux.

4. ANTIOCHUS V EUPATOR, neuvième roi de Syrie(164-162 avant J.-C; de l'ère des Séleucides, 149-151), fils et successeur d’Antiochus IV Épiphane (fig. 175).Eupator signifie «qui a un noble père». Il n’avait queneuf ans lorsqu’il monta sur le trône, d’après Appien, Syr., 46, 66; douze ans, d’après Porphyre, dans Eusèbe, Chron. arm., i, 40, t. xix, col. 261. Son père avait désigné Philippe, un des généraux qui l’avaient accompagné en Perse, comme régent du royaume et tuteur dunouveau roi, I Mach., vi, 14-17; II Mach., ix, 29; mais Lysias, qui avait tenu la place d'Épiphane en Syrie, pendant son absence, n’eut garde d’abandonner le pouvoir qu’il avait entre les mains et de se dessaisir du jeune prince, dont il fit l’instrument de ses volontés. I Mach., vi, 14-15; II Mach., IX, 29. Après avoir été battu par Judas Machabée, il était retourné à Antioche. I Mach., iv, 34-35; II Mach., xi, 12. Il se préparait à venger son affront et à recommencer la campagne contre les Juifs, I Mach., iv, 35, lorsqu’il apprit la nouvelle de la mort d’Antiochus IV et ses dernières dispositions. Ces événements l’obligèrent de modifier sa politique envers les Juifs. Il fallait d’abord qu’il assurât la possession du trône à son pupille; il fallait aussi qu’il maintint lui-même son pouvoir contre Philippe.

Antiochus IV Épiphane, en mourant, avait tout lieu decraindre que sa couronne ne passât point sans difficultésur la tête de son jeune fils, parce qu’il l’avait usurpéelui-même sur son neveu Démétrius, et qu’il devait s’attendre à ce que ce dernier revendiquât ses droits à la première occasion favorable. Plusieurs historiens croient, d’après le récit de Porphyre, dans Eusèbe, Chron. arm., I, 40, t. xix, col. 261, qu’afin d’assurer sa succession à sonhéritier naturel, il l’avait associé au trône, en 166, avantde partir pour la Perse. Mais cette association ne pouvaitempêcher les revendications de Démétrius. Lysias put apprendre bientôt que le fils de Séleucus IV Philopator, détenu comme otage à Rome, réclamait, en effet, l’héritagede son père. Polybe, xxxi, 12; Appien, Syr., 46. La nécessité d'être prêt à toute éventualité exigeait qu’il demeurâtà Antioche et qu’il n’entreprît aucune guerre au dehors.Il devait être là, soit pour repousser Démétrius, soit aussipour résister à Philippe et sauver sa propre situation, si sonrival, comme cela ne pouvait manquer, venait, à la têtede l’armée qu’il ramenait de Perse, demander l’exécutiondes dernières volontés d'Épiphane. Son propre intérêt leporta donc à conclure un traité de paix avec les Juifs et àleur permettre le libre exercice de leur religion. II Mach., xi, 13-26. L’intervention des Romains ne fut pas non plusétrangère à la conclusion de la paix. II Mach., xi, 34-38.Lysias ne pouvait rien leur refuser; car il voulait leur faireretenir en Italie le jeune Démétrius, et l’empêcher ainside disputer le trône à sonpupille.

Cependant, au momentmême où Lysias accordait aux Juifs ce qu’ilsdemandaient, II Mach., xi, 16-21, et se faisaitadresser à lui-même, parle roi enfant, une lettrequi les autorisait à pratiquer le culte mosaïque, II Mach., xi, 22-26, ilfavorisait ouvertement lesapostats. Il écrivait, aunom d’Eupator, à la nation juive une lettre quilui concédait des privilèges commerciaux, maiscette concession était faitepour relever le prestige des adversaires de Judas Machabée, et sur la demande formelle, comme l’attestait ledocument royal, du chef du parti helléniste, du pontifeusurpateur Ménélas, qui était chargé en même temps deparler au peuple au nom du roi. II Mach., xi, 27-33. Cettepolitique double montre bien que, si la nécessité avaitimposé la paix à Lysias, il n’en conservait pas moinsl’espoir de venger un jour sa défaite et de reprendre lesprojets d’Antiochus IV, puisque, loin de décourager leparti opposé à Judas Machabée et aux Juifs fidèles, ilaccordait des grâces en son nom et s’efforçait de maintenir à Jérusalem l’influence de son chef. L'événementprouva bientôt, en effet, que le traité conclu avec Judasn’avait été pour Lysias qu’un moyen de gagner du temps.Les Syriens laissèrent les Juifs tranquilles pendant l’annéecourante (164), de sorte qu’ils purent cultiver leurs champset récolter leurs moissons. II Mach., xii, 1. Judas profitade l’occasion avec ses frères pour combattre les villes etles tribus voisines dont il avait à se plaindre. I Mach., v, 1-68; II Mach., xii, 2-36. Mais l’année suivante (163), I Mach., vi, 20; II Mach., xiii, 1, la guerre recommença plus terrible que jamais.

Les instigateurs de cette nouvelle campagne furent lesenfants apostats de Jacob qui composaient le parti helléniste. Ils n’hésitèrent pas, poussés par la cupidité et l’ambition, à trahir leur patrie et à appeler l'étranger. Judasavait tenté de s’emparer de la citadelle de Jérusalem, parce que la garnison syrienne qui l’occupait avait ferméles avenues des lieux saints, faisait subir toute sorte devexations aux vrais Israélites et soutenait ouvertementles païens; le chef Machabée avait de plus réparé lesfortifications de Bethsur. Ce furent les deux principauxgriefs que les émissaires du parti helléniste firent valoircontre lui, à Antioche, auprès d’Eupator et de Lysias. I Mach., vi, 18-27.



175. — Antiochus V Eupator.
Tête diadémée d’Antiochus V. — ℞ ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΝΤΙΟΧΟΥ ΕΥΠΑΓΟΡΟΣ. Jupiter, assis sur son trône, tient une Victoiredans la main droite, et s’appuie sur son sceptre de la main gauche.


Ce dernier ne demandait pas mieuxque de recommencer la guerre. Il croyait sans doute lepouvoir du nouveau roi suffisamment assis; il ne redoutait plus probablement ni Démérius ni Philippe, quin’étaient encore arrivés ni l’un ni l’autre. Il leva donc unearmée formidable de cent mille fantassins, de vingt millecavaliers et de trente-deux éléphants. I Mach., vi, 30(II Mach., xiii, 2, porte des nombres un peu différents, leschiffres ayant été altérés ici par les copistes, comme dansplusieurs autres passages de la Bible). Lysias et Eupatorenvahirent la Judée par le sud, en passant par l’Idumée.Le chef du parti hellénisant, Méiélas, n’eut pas honted’aller rejoindre les ennemis de sa patrie, dans l’espoirde recouvrer le souverain pontificæ; mais soit qu’il n’eûtpas été véritablement plus fidèle à Antiochus qu'à sonDieu, soit pour toute autre cause inconnue, il n’eutd’autre récompense de sa trahison que la mort, parceque Lysias le considéra comme la cause de tous les mauxqui s'étaient produits. II Mach., xii, 3-8.

Judas Machabée n’hésita pas à tenir tête à des forcessi redoutables. Il défenditd’dbord Bethsur contreles Syriens, qui ne purents’a emparer, et il ensotit ensuite pour allerdnsser son camp à Bethzahara, vis-à-vis de celuid’Antiochus Eupator. C’estlà que Lysias l’attaqua.Il était convaincu sansdate qu’avec tous sesfantassins, ses cavalierset ses terribles éléphants, qu’on avait eu soin d’enivrer, il écraserait la petitetroupe des Machabées; mais il se trompa et ilperdit six cents hommes.Mach., vi, 32-46 (d’aprèsla leçon actuelle de II Mach., iii, 15, quatre millehommes). Cependant, malgré le courage et la bravourede ses soldats, Judas comprit qu’il ne pouvait lutter contrede telles masses, et il se retira. Mach., vi, 47; II Mach., xiii, 16. Le roi porta alors son camp à Jérusalem et assiégea la ville. I Mach., vi, 48. L position devenait critique. La garnison juive de Bethsir fut obligée de capituler, réduite par la famine, parce que l’année sabbatiqueavait obligé de laisser cette année la terre sans culture.I Mach., vi, 49-50; II Mach., xiii 18-22. Jérusalem étaitmal approvisionnée pour la mène raison, et bientôt, serrée de très près par les ennenis, elle fut réduite à ladernière extrémité. I Mach., vi, 51-4. Tout semblait perdu, lorsque la Providence vint au seours de ses fidèles serviteurs. Une diversion inespérée es sauva.

Philippe le Phrygien, frère de lait d’Antiochus IV, à.qui ce prince mourant avait confié la tutelle de son fils etla régence, ne s'était pas sans doue immédiatement, aprèsson retour de Perse, senti de foce à arracher à Lysiasle gouvernement qu’il avait en min, et il s'était réfugiéen Egypte, à la cour de Ptolémée VI Philométor, II Mach., ix, 29, probablement dans le bu de s’assurer son concours et d'épier l’occasion favorable pour s’emparer dupouvoir. Il crut le moment propice venu, tandis queLysias était loin d’Antioche et occupé à combattre lesJuifs. Il s’empressa donc de retourner en Syrie et derallier l’armée de Perse et de Médie, qui lui était restéefidèle, et était revenue vraisemblablement à petites journées. I Mach., vi, 55-56. Il put aiisi devenir maître de lacapitale de la Syrie. II Mach., xiii 23; cf. I Mach., vi, 63.On conçoit sans peine de quelle inquiétude fut saisi Lysiasen apprenant ces nouvelles. Il se hâta aussitôt de fairevaloir au roi et aux généraux de l’armée la grande forcede la situation de Jérusalem et la pénurie de vivres dont on souffrait dans ce pays, qui n’avait pas été cultivé; sous ceprétexte il fit conclure la paix avec les Juifs, à qui l’onassura de nouveau le libre exercice de leur religion. LesSyriens n'étaient pas de bonne foi; ils le prouvèrent toutde suite après en détruisant les murs de la ville, contrairement au serment royal. Cependant la crainte quePhilippe ne réussît à s’emparer du pouvoir les obligea à jquitter précipitamment la Palestine, et Jérusalem fut ainsidélivrée. I Mach., vi, 57-63; II Mach., xiii, 23-26. La guerre entreprise par Mathathias et ses fils, pour la liberté religieuse, se termina de la sorte par un glorieux triomphe pour les Juifs. Le droit de pratiquer leur religion, reconnu à Israël par Antiochus V Eupator, ne leur fut plus contesté par aucun roi de Syrie. La folle entreprise d'Épiphane d' «helléniser» les serviteurs du vrai Dieu avait complètement échoué. Désormais les Juifs devaient avoir encoreà combattre contre les Séleucides, mais seulement pourleur indépendance politique et non plus pour leur indépendance religieuse. Les maux qu’ils avaient endurés leur étaient venus d’un usurpateur, du père d’Eupator, à qui le trône n’appartenait pas, et, par une conséquence imprévue, c'étaient les suites mêmes de cette usurpation qui, en introduisant pour longtemps la division dans la famille des Séleucides, devaient permettre aux Machabées, habiles à profiter de la rivalité des rois qui se disputaient la couronne, de recouvrer leur autonomie et de s’affranchir pleinement du joug étranger.

Lysias, de retour en Syrie, après avoir calmé à Ptolémaïde les citoyens de cette ville, qui s’indignaient d’avoir été soumis à Judas, II Mach., xiii, 24-26, ne paraît pas avoir eu de peine à écraser son rival Philippe et à garder ainsi en son pouvoir le jeune roi Antiochus V. I Mach., vi, 63; cf. II Mach., xiii, 23-26. D’après Josèphe, Ant. jud., XII, ix, 7, Philippe fut non seulement vaincu, mais mis à mort (163 avant J.-C).

Cependant Eupator et Lysias ne devaient pas rester longtemps paisibles possesseurs du pouvoir. Un ennemi plus redoutable que celui qu’ils venaient d’abattre surgit tout à coup, Démétrius, fils de Séleucus IV Philopator. Les Romains avaient servi les intérêts du tuteur d’Antiochus V en retenant Démétrius comme otage en Italie, et en l’empêchant de faire valoir ses droits à la couronne, parce qu’ils aimaient mieux voir le trône de Syrie occupé par un enfant; mais le fils de Séleucus IV parvint à tromper leur surveillance et à se rendre en Syrie. Les soldats mêmes de Lysias se rangèrent sous ses ordres. II Mach., xiv, 1; Eusèbe, Chron, arm., i, 40, t. xix, col. 261; Syncelle, édit. Dindorf, t. i, p. 150; Justin, xxxiv, 3. Eupator et Lysias furent livrés au nouveau roi par leurs propres troupes. «Ne me montrez point leur face,» dit Démétrius, qui voulait venger sur leur personne le mal que lui avait fait Antiochus Épiphane. Et l’armée les fit mourir aussitôt l’un et l’autre (162 avant J.-C). I Mach., vii, 2-4. Cf. II Mach., xiv, 2; Appien, Syr., 46. Antiochus V Eupator avait régné deux années pleines. Josèphe, Ant. jud., XII, x, 1; Polybe, xxxi, 19.

F. Vigouroux.

5. ANTIOCHUS VI DIONYSOS, roi de Syrie, en compétition avec Démétrius II Nicator (145-vers 142 avant J.-C; de l'ère des Séleucides, 167-170. Les dates 167-170 sontdonnées par les monnaies de ce prince). Il était filsd’Alexandre I er Balas et de Cléopâtre (fig. 176). Son père, ayant été vaincu par Ptolémée VI Philométor, s'était vuobligé de s’enfuir en Arabie et y avait péri assassiné.Antiochus n'était encore qu’un enfant, I Mach., xi, 54; Appien, Syr., 68; Tite Live, Epit. 50, et hors d'état dedisputer la couronne à Démétrius II Nicator, le rival deson père, qui se trouva ainsi quelque temps unique maîtredu royaume de Syrie. Mais Démétrius II se fit détester deses sujets par sa cruauté, et un des officiers d’Alexandre Ier Balas, Diodote, plus connu sous le nom de Tryphon, mettant à profit ces circonstances favorables, alla chercheren Arabie, où il était resté depuis la mort de son père, et où il était élevé par Ëmalchuel, le jeune Antiochus VI pour l’opposer à Nicator. I Mach., xi, 39-40, 54. Celui-ci ne put résister à ceux qui s'étaient soulevés contre lui, et Antiochus ceignit la couronne. I Mach., xii, 54-56. Cf. Justin, xxxvi, 1; Appien, Syr., 68; Diodore, dans Müller, Hist. grœc. frag., t. ii, p. xxvii, n. 21.


176. — Antiochus VI Dionysos.
Tête radiée d’Antiochus VI. —% BASIΛEΩΣ ANTIOXOY EΠIΦANOYS ΔIONYSOY. Les Dioscures à cheval et la lance en arrêt. Une étoile est au-dessus de leur tête. Datée ΘΞΡ, ou 169 de l'ère des Séleucides. À droite, au-dessus de la marque de fabrique, TPY, et au-dessous, ΣTA, probablement abréviations de Tryphon et de Staphilos (protecteur).

La guerre civile qui avait ainsi éclaté en Syrie permitaux Juifs de s’assurer de nouveaux avantages. QuandDémétrius II s'était vu menacé à Antioche par ses propressoldats qu’il avait licenciés, il avait promis à Jonathas Machabée de lui remettre la citadelle de Jérusalem et les autres places fortes de la Judée, à la condition de recevoirdes troupes auxiliaires. Ces troupes lui avaient été envoyées, et avaient sauvé le roi dans une sédition; mais, le dangerpassé, il n’avait pas tenu ses promesses. I Mach., xi, 38-53. Les Juifs n’avaient donc pas lieu d'être satisfaits, de lui. Tryphon, après avoir chassé Démétrius II, s’empressa de mettre à profit le mécontentement de Jonathaspour le gagner à la cause d’Antiochus VI. Le jeune roilui écrivit pour lui assurer la tranquille possession de toutce que Nicator lui avait accordé, et pour confier à Simon, son frère, le titre de général commandant depuis l'échellede Tyr jusqu'à la frontière d’Egypte. I Mach., xi, 57-59. Les Juifs se rangèrent d’autant plus volontiers du côtéd’Antiochus VI, qu’ils avaient conservé une vive reconnaissance pour son père Alexandre Ier Balas. I Mach., x, 47. Jonathas et Simon soumirent donc par la force aunouveau roi tous les pays environnants, I Mach., xi, 60-66, et repoussèrent même une attaque de Démétrius contrela Palestine. I Mach., xii, 24-30.

Cependant la fidélité de Jonathas inquiéta celui qu’elleaurait dû le plus réjouir, c’est-à-dire Tryphon. Cet ambitieux voulait s’emparer du trône, et il se servait d’Antiochus VI comme d’un instrument pour réaliser ses projets.Craignant que Jonathas ne devînt un obstacle à ses plans, il chercha à se défaire de sa personne, parvint à s’enemparer par stratagème, et le fit périr à Ptolémaïde (143 avant J.-C). I Mach., xii, 40-48. Il retourna alors en Syrie et couronna sa trahison en mettant à mort le malheureux jeune roi, I Mach., xiii, 31, à l’aide des médecins, d’après le récit de Tite Live, Epit. 55. Cf. Diodore, dans Müller, Histor. græc. fragm., t. ii, p. xix, n. 25; Appien, Syr., 68; Justin, xxxvi, 1; Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 1.

F. Vigouroux.

6. ANTIOCHUS VII SIDÈTES, le dernier roi de Syrienommé dans les Livres Saints (138-129 ou 128 avant J.-C; de 1ère des Séleucides, 174-183). C'était le second fils deDémétrius I er Soter (fig. 178). On lui a donné le surnomde Sidètes, parce qu’il était né à Sida, en Pamphylie.Eusèbe, Chron. arm., i, 40, t. xix, col. 262. Lorsque son frère Démétrius II Nicator fut tait prisonnier par Mithridate I er (Arsace VI), roi des Parthes, I Mach., xiv, 2-3 (138 avant J.-C), il se trouvait dans l’île de Rhodes. Appien, Syr., 68. Il résolut aussitôt de ceindre la couronne du roi captif, et pour s’assurer des alliés contre l’usurpateur Tryphon, qui disputait le trône à Démétrius II,


177. — Antiochus VII Sidètes. Tête diadémée d’Antiochus VII.

R. ANTIOXOY BASIΛEΩΣ. Aigle aux ailes ployées avec une palme.

il écrivit «des îles» mêmes, I Mach., XV, 1, avant d’avoir débarqué sur la côte de Phénicie, à SimonMachabée pour lui confirmer tous les privilèges qui luiavaient été déjà accordés, et pour lui conférer de plusle droit de battre monnaie. I Mach., xv, 1-9. C’est donc de cette époque que datent les premiers sicles hébreux.Simon, pour reconnaître ses bienfaits, lui envoya deuxmille hommes; mais, avant qu’ils fussent arrivés, Antiochus VII était devenu maître de la situation. Il avait épousé sa belle-sœur Cléopâtre, qui lui avait par ce mariage assuré le trône. La plupart des soldats de Tryphon l’avaient abandonné, et il avait été réduit à s’enfuir à Dor, sur la côte de Phénicie, où il ne tarda pas à être assiégé par son vainqueur. I Mach., xv, 10-14. Il réussit cependant à s'échapper de cette place, et se retira en premier lieu à Ptolémaïde (Charax, dans Müller, Histor. græc. fragm., t. iii, p. 644, n. 40), puis à Orthosiade, au nord de Tripoli en Phénicie, I Mach., xv, 37, et enfin à Apamée, où il fut encore assiégé et où il périt. Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 2; cf. Appien, Syr., 68; Strabon, xiv, 5, 2.

Les succès d’Antiochus VII l’avaient rendu moins conciliant pour les Juifs. Lorsque les troupes envoyées parSimon étaient arrivées à Dor avec les présents du princeasmonéen, il avait refusé de les recevoir, retiré les concessions qu’il avait faites, et demandé par Athénobius, un de ses officiers, . que les places fortes occupées par lesJuifs en dehors de la Judée lui fussent rendues, ou qu’onlui payât mille talents. I Mach., xv, 26-31. Simon Machabée revendiqua les droits de son peuple auprès d’Athénobius; il offrit cependant cent talents pour Joppé et Gadara. Antiochus VII ne les accepta pas, et, pour soumettre les Juifs à ses volontés, il fit marcher contre eux un de sesgénéraux, Cendébée, qui s'établit dans une forte positionà Cédron ou Gédor, dans les environs de Jamnia, et ravagea de là tout le pays environnant. I Mach., xv, 32-41. Simon était trop avancé en âge pour aller combattreen personne Cendébée; il envoya à sa place ses deux iilsJudas et Jean, qui remportèrent contre les Syriens unevictoire complète.

C’est le dernier événement de l’histoire d’Antiochus VIIet des guerres des Syriens avec les Juifs que rapportentles auteurs sacrés. I Mach., xvi, 1-10. Nous savons par Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 23, et par Eusèbe, Chron. arm., ii, t. xix, col. 511, qu’Antiochus VII tenta plus tardde venger lui-même la défaite de Cendébée, après la mortde Simon, lorsque le fils de ce dernier, Jean Hyrcan, futdevenu grand prêtre, en 135-134 avant J.-C. Simon avaitpéri, près de Jéricho, assassiné par Ptolémée, son gendre, et l’assassin avait demandé du secours à Antiochus VII.I Mach., xvi, 11-16. Le roi syrien envahit la Judée, ravagea tout sur son passage, et enfin mit le siège devant Jérusalem. Il fut sur le point de l’emporter d’assaut; maisenfin, sans doute par crainte des Romains, il fit avecHyrcan une paix dont les conditions ne furent pas troponéreuses pour les Juifs. Antiochus VII entreprit ensuiteune guerre contre les Parthes (129 avant J.-C). JeanHyrcan fut obligé de l’y accompagner. Le roi de Syrieremporta d’abord quelques avantages; il fut finalementdéfait par Phraorte II (Arsace VII), et succomba sur lechamp de bataille. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 4; Justin, xxxviii, 10; xxxix, 1; Diodore de Sicile, xxxiv, 15-17; Tite Live, Epit., 59; Appien, Syr., 68 (128 avant J.-C).On voit, par ce dernier trait, qu’on ne saurait admettrel’opinion des commentateurs qui pensent que l’Antiochus dont parle la lettre des Juifs insérée dans II Mach., i, 12-16, est Antiochus Sidètes. Ce dernier périt dans uncombat, tandis que celui dont la lettre des Juifs nous faitconnaître la fin tragique fut massacré dans un templequ’il voulait piller. Voir Axtiochus III. — Les historiens anciens ont reproché à Antiochus VII de s'être adonné avec excès, comme la plupart de ses prédécesseurs, auxplaisirs de la table, Athénée, v, 210; x, 439; xii, 540; cf Justin, xxxviii, 10; mais ils louent sa bravoure et son courage. — Voir J. F. Tochon, Dissertation sur l'époque de la mort d’Antiochus Évergète Sidètes, roi de Syrie, sur deux médailles de ce prince et sur un passage du IIe livre des Machabées, in-4o, Paris, 1816.

F. Vigouroux.

7. ANTIOCHUS (Septante: Ἀντίοχος), père de Numénius, qui fut un des ambassadeurs envoyés par Jonathasaux Romains et aux Lacédémoniens. I Mach., xii, 16; xiv, 22.

8. ANTIOCHUS (viie siècle), moine grec, du couvent de Saint-Sabas, voisin de Jérusalem, appartient à la première moitié du VIIe siècle, car il est contemporain, lui-même en témoigne, de la prise de Jérusalem par Chosroès (614). C’est à peu près tout ce que l’on sait de sa vie.On a de lui un ouvrage exégétique considérable, intituléPandectes Sacræ Scripturæ, plusieurs fois imprimé depuisle xvie siècle, et dernièrement par Migne, Patr. Gr., t. lxxxix, col. 1415-1855: traité de morale d’après la Sainte Écriture, et divisé en cent trente homélies, dont chacune a un sujet distinct: Qu’il ne faut pas aimer le monde; — Qu’il ne faut point se chercher soi-même; — Du rire; —De la psalmodie; — De la délectation en Dieu; — De lavocation de Dieu, etc. etc. Voir une excellente notice surcet écrivain dans Fabricius, Bibliotheca græca, édit.Harless, t. x, p. 499-504.

P. Batiffol.

ANTIPAS. Ἀντίπας, contraction d’Ἀντίπατρος, Antipater. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, i, 3.

1. ANTIPAS, fils d’Hérode le Grand et de Malthace laSamaritaine, qui fit décapiter saint Jean-Baptiste. Il n’estdésigné dans les Évangiles que sous le nom d’Hérode.Voir Hérode 3.

2. ANTIPAS (Ἀντίπας), chrétien appelé par saint Jean, dans l’Apocalypse, ii, 13, «le témoin ou martyr fidèle.» Le contexte semble indiquer qu’il avait été évêque de Pergame avant l'époque où saint Jean écrivait sa prophétie» La tradition ecclésiastique le fait en effet évêque de cetteville. Il consomma son martyre, disent les martyrologes, sous Domitien, dans les flancs d’un taureau embrasé. Oncélèbre sa fête le 11 avril. Voir Acta Sanctorum, aprilis t. ii, p. 3-5.

E. Jacquier.

ANTIPATER (Septante: Ἀντίπατρος), fils de Jason, et l’un des ambassadeurs que Jonathas envoya aux Romainset aux Lacédémoniens pour renouveler l’alliance avec eux.I Mach., xii, 16; xiv, 22.


ANTIPATRIS (Ἀντίπατρίς), ville de Judée. Saint Paul, menacé de mort par les Juifs, fut conduit, pendant la nuit, de Jérusalem à Antipatris. Act., xxiii, 31. Le jour suivant, les soldats revinrent à leur camp de Jérusalem, laissant aller avec l’Apôtre les cavaliers qui le conduisirent à Césarée au procurateur Félix.

Josèphe nous apprend qu’Antipatris était située dans lafertile plaine de Saron, Bell.jud., i, xxi, 9; qu’elle était bien arrosée d’eau, entourée d’arbres, Ant. jud., XVI, v, 2, et placée dans le voisinage de la montagne. Bell. jud., i, iv, 7. Elle avait été bâtie par Hérode le Grandsur remplacement de Kapharsaba ou Chabarzaba, et avait été appelée Antipatris en souvenir d’Antipater, père d’Hérode. Ant. jud., XIII, xv, 1; xvi, v, 2. Elle était à quarante-deux milles romains de Jérusalem et à seize de Césarée.

Robinson et d’autres archéologues ont identifié Antipatrisavec Kefr-Saba, village de huit cents habitants, situé sur une colline peu élevée, sur la route de Jaffa à Naplouse. On y retrouve quelques débris antiques. Le nom arabe de Kefr-Saba reproduit exactement la forme chananéenne ou hébraïque, Kapharsaba, du bourg ou village sur lequel avait été bâtie Antipatris. Il y a cependant à cette identification quelques difficultés que M. Guérin a relevées, Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, Samarie, t. ii, p. 357-367, et qui l’ont engagé à placer Antipatris à Medjdel-Yàba.

1° Comment les fantassins de l’escorte de saint Paul auraient-ils pu, entre neuf heures du soir et le lendemain à la nuit tombante, aller et revenir de Jérusalem à Antipatris, si on place cette ville à Kefr-Saba? Par la route la plus courte qui passait par Djifnéh (l’ancienne Gofna), Aboud et Medjdel-Yàba, il y a douze heures de marche très pénible, surtout à la sortie de Jérusalem, où l’on doit traverser un massif montagneux. Medjdel-Yàba, étant plus près de Jérusalem, permettrait de répondre à cette observation, qui déjà a été présentée par quelques exégètes contre la véracité des Actes. Mais il ne semble pas que cette marche soit exagérée pour des soldats romains, habitués aux fatigues. — 2° L’Itinéraire de Bordeaux marque entre Lydda et Antipatris un intervalle de dix milles, tandis que Kefr-Saba est à dix-sept milles; à dix milles de Lydda, on trouve Medjdel-Yâba. — 3° Josèphe dit que le territoire de Kapharsaba est bien arrosé; or aucune rivière ne coule aux environs de Kefr-Saba, tandis qu’à trois kilomètres de Medjdel-Yâba se trouvent des sources abondantes, qui forment un petit fleuve, arrosant le pays.

— 4° Eusèbe et saint Jérôme placent à six milles au nordd’Antipatris un village appelé Galgoulis. C’est Djeldjouliéh, à six milles et demi de Medjdel-Yâba. Kalkiliéh, avec lequel on pourrait identifier Galgoulis, n’est qu’à un mille et demi de Kefr-Saba. — 5° Alexandre Jannée, pour arrêter la marche des Syriens sur la Judée, avait fait construire un retranchement, qui s’étendait des montagnes qui dominent Kapharsaba, à la mer de Joppé, sur une longueur de cent cinquante stades. Or, de Kefr-Saba à la mer, il n’y a que quatre-vingts stades. Il est vrai que le fossé a pu rejoindre, au sud de Kefr-Saba, le cours sinueux du Nahr el-Aoudjèh, et se diriger ensuite à l’ouest vers la mer. On retrouverait ainsi les cent cinquante stades de Josèphe.

La nouvelle carte de Palestine, au 1/168960 publiée par le Palestine Exploration Fund, 1890, ainsi que celle de Hans Fisher au 1/700000, 1890, Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, xiii, 1, placent Antipatris à Kûlât Râs el-’Ain, localité à cinq ou six kilomètres de Medjdel-Yâba. Mais M. Guérin rejette cette identification. Les sources qui jaillissent du sol y sont tellement abondantes, qu’elles forment un marais, où l’on n’aurait pu bâtir une ville. Quant à la colline de Kûlât Râs el-’Ain, elle est trop peu étendue pour servir d’assiette à une ville. En définitive, des fouilles faites sur ces divers emplacements permettront seules de localiser Antipatris avec certitude.

En 69, Vespasien passa deux jours à Antipatris. Aux temps de saint Jérôme, cette ville était déjà à moitié détruite; c’était, à cette époque, le siège d’un évêché. En 744, les Arabes massacrèrent la plus grande partie de la communauté chrétienne habitant Antipatris. Enfin, au moyen âge, le souvenir même de l’emplacement de cette ville s’était tellement perdu, que les historiens des croisades identifiaient Antipatris avec Arsouf, l’ancienne Apollonia de Palestine.

E. Jacquier.

ANTITYPE (ἀντίτυπος), ce qui répond au type (τύπος, Rom., v, 14; Heb., viii, 5) ou figure. Ce terme grec est employé deux fois dans le Nouveau Testament. Heb., ix, 24 ( Vulgate: exemplaria); I Pet., iii, 21 (Vulgate: similis formæ). Dans l’Épître aux Hébreux, ix, 24, il a le même sens que «type». Le mot «type», dans son acception théologique et dans le langage des commentateurs, désigne un symbole, une figure d’une personne ou d’une chose future, un exemple préparé par Dieu et destiné par lui à préfigurer cette personne ou cette chose future. Ainsi Judith, Esther, délivrant leur peuple, sont des types de la très Sainte "Vierge, qui est l’antitype; l’arche de Noé, dans, laquelle ce patriarche est sauvé avec sa famille, est le type de l’Eglise, 1 Pet., iii, 20, et l’Église, dans laquelle sont sauvés les élus de Dieu, est l’antitype de l’arche.

1. ANTOINE BACELAR. Voir Bacelar.

2. ANTOINE BARBERINI. Voir Barberini.

3. ANTOINE BRUICH. Voir Bruich.

4. ANTOINE D’ASSISE, frère mineur, mort en 1466, , avait écrit pour son utilité personnelle Bibliorum Anacephalæosis.Il mit ensuite cet ouvrage à la disposition du public en lui donnant le titre nouveau de Tabula Bibliæ. C’était un dictionnaire alphabétique de la Bible, commençant par le mot Absentia. Les bibliographes franciscains le notent d’après Possevin et autres plus anciens, sans détails plus étendus.

P. Apollinaire.

5. ANTOINE DE BITONTO, théologien italien, de l’ordredes frères mineurs, né dans le royaume de Naples; il professala théologie dans différentes villes d’Italie: à Ferrarevers 1440, puis à Bologne en 1448, enfin à Mantoue en 1449. Il mourut à Atella (royaume de Naples), le 25 septembre 1459. Il a laissé plusieurs ouvrages: Quæstiones scholasticæ theologicæ in Epistolas et Evangelia totius anni, tam de tempore quam de sanctis, qu’on rencontre avec la glose (postilla) littérale et morale de Nicolas de Lyre; cet ouvrage fut imprimé d’abord en 1500, chez Nicolas Wolf, sans autre indication; puis à Lyon, en 1569, avec la Postilla de Nicolas de Lyre; Sermones in omnes Epistolas Quadragesimales, Lyon, 1496. On possède en outre de lui plusieurs recueils de sermons et des ouvrages de théologie dont quelques-uns sont restés manuscrits. Voir Fabricius, Bibl. lat. med. sev., édit. de 1734, t. i, p. 324, 671-672; Oudin, Script. Eccl., édit. de 1722, t. iii, p. 2409-2470; Hain, Ropert. Bibliogr., édit. de 1826, t. i, p. 440-442; Wadding, Script. min., édit. de 1650, p. 30.

É. Babin.

6. ANTOINE DELPHINI. Voir Delphini.

7. ANTOINE DE GUEVARA. Voir Guevara.

8. ANTOINE DE LA MÈRE DE DIEU (Antonius a Matre Dei), commentateur espagnol, carme déchaussé, morten 1679. Il fut professeur de théologie à Salamanque, etoccupa les premières charges de son ordre. Il nous restede lui: Præludia isagogica ad Sacrorum Bibliorum intelligentiam, in quibus de essentia et existentia S. Scripturæ, de libris protocanonicis et deuterocanonicis, deque

eonim auctoribus secundariis, de linguis quibus scriptiet in quas translati et de cujusque translationis auctoreet auctoritate agitur. Accessit tractalus appendix denotifia et usu eruditionis profanx ubi stabïlitur ex Scriptura et Patribus talem notitiam et usum licitum esseac decenlem, in-f°, Lyon, 1669; in-4°, Mayence, 1670; Apis Libani, sive commentarius in Proverbia Salomonis, 3 in-f>, 1685-1700. Voir Bibliotheca Hispana nova, t. i, p. 144; Bibliotheca Carniel., t. i, p. 182.

B. Heurtebise.

9. ANTOINE DE LEBRIJA (en latin Antonius Nebrissensis), ainsi appelé de Lebrija, lieu de sa naissance, enAndalousie, théologien et orientaliste espagnol, né en 1444, mort en 1522. Cet homme éminent, également versé dansla théologie, le droit, la médecine, le latin, le grec etl’hébreu, fut le restaurateur des sciences et des lettresen Espagne. Après avoir étudié à Salainanque d’abord, puis à Bologne, en Italie, il ouvrit dans sa patrie, en 1473, la première école d’humanités et de rhétorique. Le cardinal Ximénès le nomma professeur d'éloquence latineà l’université d’Alcala de Hénarès, et le fit travailler àl'édition de la Polyglotte de Complute. Il écrivit la vie deFerdinand le Catholique. Parmi ses nombreux ouvrages, le plus remarquable au point de vue exégétique est sonQuinquagena locorum Sacres Scripturx non vulgariterenarratorum, in-4o, Paris, 1520; in-8o, Bâle, 1543; in-8o, Anvers, 1600, et dans les Crilici sacri, Londres, 1660, t. xiii, p. 1165; ouvrage digne de mention, parce que l’auteur prend pour base de ses explications le texte original.Voir "W. H. Prescott, Ferdinand and Isabella of Spain, 8e édit., t. i, p. 450.

10. ANTOINE DE PADOUE (Saint), né à Lisbonneen 1195, mort en 1231. Issu d’une illustre famille qu’ondit être celle du chef de la première croisade, il se nommaitFernandez de Bouillon avant d’entrer dans l’ordre de SaintFrançois. Il était chanoine régulier de Saint-Augustin aumonastère de Sainte-Croix, à Coïmbre, lorsque l’attrait dela grâce et le désir du martyre le décidèrent, à l'âge devingt-cinq ans (1220), à embrasser le genre de vie desfrères mineurs. Il prit le nom d’Antoine, et s’embarquapour le Maroc; mais la divine Providence le conduisit enItalie (1221). Ce fut le premier mineur auquel saint François confia le soin d’enseigner à ses frères les sciencessacrées. Pour étudier à fond la théologie mystique, il allaà Verceil, où il trouva Thomas Gallo, un des plus célèbres maîtres de cette école. Ce grand mystique, commeaussi l’auteur de l’Imitation, 1. III, en. xliii, font de lascience de notre saint le plus bel éloge: «Quidam amandome intime, didicit divina et loquebatur mirabilia. «Aprèsavoir professé la théologie à Bologne, à Toulouse, à Montpellier, à Limoges, saint Antoine se livra exclusivementà la prédication. Les succès de son éloquence apostolique, appuyée par ses vertus et ses miracles, furent vraimentprodigieux en France et en Italie. Il mourut à Padoue, le13 juin 1231, à làge de trente-six ans. Sa science del'Écriture le fit appeler par Grégoire IX: «Arca Testamenti et divinarum armarium Scripturarum.» Il faut ledire cependant, le sens littéral est trop souvent sacrifié parlui à des applications mystiques parfois un peu subtiles; c'était, il est vrai, le goût du siècle. Ses œuvres scripturaires sont: ° lnterpretalio myslicain Sacram Scripturam, imprimée dans ses Œuvres complètes; 2° Concordantix morales SS. Bibliorum eu m annotalionibus, imprimées pour la première fois, in-4o, à Rome, 1623, et aussi dans les Œuvres complètes publiées à Paris, parles soins de Jean de la Haye: Opéra omnia S. AntoniiPaduani, in-f°, Paris, 1641. L' Interprétatif) mystica inSacram Scripturam n’est pas à proprement parler uneœuvre originale de saint Antoine. C’est un recueil d’extraits de ses écrits. Tous les passages de la Bible expliqués dans ses sermons ont été recueillis et réunis sous lestitres des différents Livres Saints. Ils se rapportent à la

plupart de ces livres; pour quelques-uns, Y Interprétatif)ne contient qu’un ou deux versets commentés. Cette collection a été faite sans doute par quelque frère mineur, grand admirateur de notre saint. Il en est autrement desConcordances morales. Dans leur état actuel, elles sontbien l'œuvre de saint Antoine. Elles sont divisées en cinqlivres: le premier concerne l’homme dépravé par lepéché; le deuxième, la conversion; le troisième, le combatspirituel; le quatrième, l’homme perfectionné par les vertus; le cinquième, les différentes conditions. Dans chacunde ces livres, les textes de l'Écriture qui ont trait auxmatières indiquées sont rangés sous de nombreuses subdivisions. Ces divisions et subdivisions forment comme lecanevas d’une Somme morale ou théologie ascétique avecdes textes d'Écriture Sainte tout préparés pour chaquearticle. Le P. A. Azzoguido a publié à part: S. AntoniiVlyssiponensis cognomenlo Patavini Sermones in Psalmos, 21n-4°, Bologne, 1757. Cf. Acta Sanctorum, 13 juin; Puyol, La doctrine de l’Imitation, in-8°, Paris, 1881, p. 380; Dirks, Life of St Anthony of Padua, in-8°, NewYork, 1666; P. Hilaire, Saint Antoine de Padoue, sa légendeprimitive, in-8o, Montreuil-sur-Mer, 1890.

E. Levesque.

11. ANTOINE DE RAMPEGOLO, religieux augustinde la province d’Italie, naquit à Gênes. La seconde partiede son nom est écrite de manières fort diverses par lesauteurs qui parlent de lui. Dans ses œuvres, il est appeléAnthonius de Rampengolis. Il fit son noviciat en Lombardie et devint profès du couvent de Gênes. En 1390, il était dans tout l'éclat de son talent et de sa réputation.Supérieur par l’intelligence, savant exégète, habile juriste, il enseigna avec éclat à Padoue, à Bologne et à Naples. Enoutre, prédicateur éloquent et renommé, il édifia l'Églisepar sa parole soutenue de ses exemples. Il représentala république de Gênes au concile de Constance, et s’yfit remarquer par ses controverses avec les Hussites.On ignore l'époque de sa mort; mais, au témoignaged’Ossinger, Bibliotheca Augustiniana, Ingolstadt, 1768, p. 732, il aurait assisté au concile de Bàle en 1433. Voicila liste des œuvres exégétiques d’Antoine de Rampegolo: Figure Biblie (sic) clarissimi viri fratris Anthonii deRampengolis ordinis S. Augustini, in-8°, Paris, 1497.Caractère gothique. Bibliothèque Nationale. Réserve B40532. — Biblia aurea, in-8°, Paris, 1510. Caractèregothique. Bibliothèque Nationale. Réserve D 9478. —Ossinger, loc. cit., cite un troisième ouvrage: AureumBibliorum repertorium, conlinens locos communes detitulis theologicis, Nuremberg, 1481. Ossinger ajoute quela bibliothèque du couvent de Munich, où il écrivait luimême, possédait un exemplaire de cette édition, dont lemanuscrit se trouvait à la Bibliothèque Ambrosienne.

Possevin, Apparatus sacer, Cologne, 1008, t. i, p. 104, juge très sévèrement les Figurse Bibliorum. Dans ce livredit-il, l’auteur développe le sens tropologique des faitsracontés dans la Bible et montre leur relation avec une desvertus morales. Au point de vue de l’orthodoxie, on a degraves reproches à lui faire; aussi le pape Clément VIIImit-il à l’index les Figurse Bibliorum. Cette défense nefut levée qu’en 1628, lorsqu’on eut fait disparaître, dansles éditions nouvelles, les erreurs signalées dans lesanciennes. «Dans ce livre, dit encore Possevin, l’auleuirapporte les faits autrement qu’ils se sont passés suivantle récit biblique; dans ses citations de la Sainte Écriture, tantôt il altère le texte sacré, tantôt il le reproduit d’unemanière imparfaite et sans indiquer les endroits de laBible d’où il tire les passages allégués. Il manque decritique, citant comme canoniques des pièces ou desfragments de pièces apocryphes. Ses citations des Pèresont besoin d’un contrôle soigneux. Enfin, des solécismes, des barbarismes viennent encore déparer cette œuvre.Néanmoins, ajoute en terminant le savant critique, l’utilité de ce livre serait immense, après correction. Mais ilparaît plus aisé de le refaire que de le corriger.» Le

second ouvrage d’Antoine de Rampegolo, Biblia aurea, traite le même sujet que le premier, mais la dispositiondes matières est plus méthodique: il subdivise en diverschefs de doctrine l’enseignement relatif à chaque vertu, et range ainsi dans un certain ordre, sous chacun de cespoints secondaires, les faits corrélatifs de la Bible. VAureum Bibliorum repertoriwn, sous un titre différent, semble être le même que la Biblia aurea. Voir Fabricius, Bibliotheca latina, Florence, 1858, t. i, p. 123; Hain, Repertorium bibliographicum, Paris, 1838, t. ii, part. IIe, p. 189; Brunet, Manuel du libraire, Paris, 1860, t. i, p. 246. 0. Rey.

12. ANTOINE DE SAINT-MICHEL, théologien français, né à Arles, en Provence, mort le 13 juillet 1650, entradans l’ordre des Récollets, dans la province de SaintCarmen melicum, quod Canticum canticorum dicitur, ad metrum priscum et modos musicos revocatum, in-8°, Wittenberg et Leipzig, 1800; Carmen alphabeticumintegrum operationis in hytnnis decantandis vel apudHebrseos usitatx, in-8°, Wittenberg, 1805. Il s'était occupéspécialement de la poésie hébraïque dans Dissertatio demétro Hebrseorum antiquo, in- 4°, Leipzig, 1770; Vindicte Dissertationis de métro Hebrxorum antiquo a dubitationibus virorum doctorum, in-8°, Leipzig, 1771-1772.On a aussi de lui: Nova loci I Sam., ri, 19, interpretandi ratio, 1780; Dissertatio de verisimillima librumJonse interpretandi ratione, in-4°, Leipzig, 1794. Voirsa biographie publiée par son iils Karl Gottlieb Anton, dans son Programm zum Andenken an K. G. Anton, in-4°, Gôrlitz, 1816; Rosenmùller, Handbuch fur dieLitteratur, biblische Kritik und Exégèse, t. IV, p. 140.

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178. — La citadelle Antonia, à Jérusalem. État actuel. D’après une photographie.

Denis, où il se fit remarquer par son zèle et sa piété. Ilavait un talent particulier pour expliquer les allégories del'Écriture Sainte. Il écrivit plusieurs ouvrages mystiqueset une Catechesis theologica in Apocalypsim Joannis, mysticis et tropologicis exculta conceptibus, in-8°, Pariset Tours, 1625. É. Babin.

13. ANTOINE MARIE DE RIETA. Voir SCHYRLE.

14. ANTOINE MÉDICIS. Voir MÉDICIS.

15. ANTOINE SOBRINO. Voir SOBRINO.

ANTON Konrad Gottlob, philologue allemand, né àLauban, dans la haute Lusace, le 29 novembre 1745, mort à Wittenberg, le 4 juillet 1814. Il devint, en 1780, professeur de langues orientales à Wittenberg. Parmi sesouvrages, on remarque: Rationem prophetias ilessianasinterpretandi certissimam nostrseque eetati accommodàtissimam exponit, Dessau, 1786; Abhandlung von deralten hebràischen Tonkunst, dissertation publiée dans leXeues Repertorium de Paulus, t. iii, p. 36 et suiv., danslaquelle il considère les accents comme des notes musicales. Il développa davantage cette idée dans Salomonis

ANTONIA fvvTtovia), forteresse de Jérusalem occupéepar la garnison romaine au temps de Notre -Seigneuret des Apôtres. Elle n’est pas désignée par ce nom propredans le Nouveau Testament, mais elle y est indiquée parle mot itape[igo).T| (Vulgate: castra), lieu où habitent lessoldats, ou, comme nous dirions aujourd’hui, «caserne.» Saint Paul y fut enfermé, lorsqu’il fut arrêté dans letemple, avant d'être conduit à Césarée. Act., xxi, 34, 37; xxii, 24; xxiii, 10, 16, 32. Cette forteresse dataitde l'époque des Machabées. Elle avait été construite parJean Hyrcan, fils de Simon, et avait servi de palais auxprinces asmonéens. Elle était connue d’abord sous le nomde Baris, «forteresse.» Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4; XVIII, iv, 3. Hérode le Grand l’agrandit et l’embellit, et lui donna le nom d’Antonia, en l’honneur de Marcvntoine, son protecteur et son ami. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iv, 3; Bell, jud., i, xxi, 1; V, v, 8. L’historienjuif l’a décrite tout au long, Bell, jud., V, iv, 2; v, 8 Elleétait bâtie sur un rocher de cinquante coudées de haut(environ vingtsept mètres), à l’angle nord-ouest dutemple, à l’endroit où est encore aujourd’hui la caserneturque (fig. 178). Le mur d’Antonia s'élevait de quarantecoudées (vingt et un mètres) au-dessus de la cour dutemple. Elle était de forme carrée et flanquée d’une tour

à chacun de ses quatre angles. Trois de ses tours avaientcinquante coudées de haut; la quatrième, celle du sud-est, avait soixante et dix coudées (trente-six mètres), et dominait tout le temple avec ses parvis. À l’intérieur, l’Antoniaétait un vrai palais, renfermant de nombreux et beauxappartements, avec des galeries, des bains et de grandessalles qui servaient de logement à la garnison romaineétablie à Jérusalem. Elle renfermait tout ce qui était nécessaire à la vie, de sorte qu’elle formait comme une petiteville. Au nord, elle était séparée du mont Bézétha par unfossé profond. Elle donnait accès, au sud, dans les coursdu temple par des escaliers, Act., xxi, 35, qui communiquaient avec le portique du nord et de l’ouest. Les soldatsromains pouvaient ainsi pénétrer dans le temple, quandleurs chefs le jugeaient à propos, et c’est par là que letribun romain accourut pour tirer saint Paul des mainsdes Juifs qui s'étaient emparés de sa personne dans letemple et voulaient le tuer. Act., xxi, 30-40. L’Apôtrefut ramené par ce même chemin dans la forteresse, quilui servit de prison, Act., xxii, 24; xxiii, 10; et c’est desmarches de l’escalier qu’il montait, Act., xxi, 40, qu’avecla permission du tribun, il adressa un discours au peuplerassemblé dans la cour voisine du temple. Act., xxii, 1-21. — Le Prétoire de Pilate, où fut conduit Jésus aumoment de sa passion, Matth., xxvii, 25, était aussi dansla forteresse Antonia. Voir Prétoire.

    1. ANTONIDES Théodore##

ANTONIDES Théodore, calviniste belge, mourut aucommencement du xviiie siècle. Il a laissé des commentaires estimés, malgré quelques singularités, sur diverslivres de la Sainte Écriture: Schristmatige verklaringeouer den eersten sendbrief Pétri, in-4o, Leuwarden, 1693; Schristmatige verklaringe ouer den tweenden sendbriefvan Pelrus en de ludas, in-4o, Leuwarden, 1697; Schristmatige verklaringe ouer den algemeenen sendbrief vandenvpostellacobus, in-4, Leuwarden, 1699; Bedenkingenvoorgestelt ter nader verklaring van’t boek lobs, in-4o, Leuwarden, "1700. Cet ouvrage fut combattu par Schmidius, dans une dissertation De mystico historiée lobesesensu, in- 4°, Leipzig, 1703. Pour Antonides, Job est lafigure de l'Église. B. Heurtebise.

    1. ANTONIN de Plaisance##

ANTONIN de Plaisance, auteur d’un Itinéraire desLieux Saints. Tout ce qu’on sait de ce pèlerin, c’est qu’ilétait de Plaisance, en Italie, et vivait dans la seconde moitiédu VIe siècle. Quant à la qualification de martyr, qu’on luidonne dans les manuscrits, elle paraît devoir être attribuée à l’erreur d’un copiste qui a confondu notre pèlerinavec un saint Antonin, martyr, honoré à Plaisance. Sonvoyage en Syrie, en Palestine, au mont Sinaï et en Mésopotamie, doit se placer vers 570: c’est le dernier pèlerinqui ait vu la Terre Sainte soumise encore à la dominationdes empereurs chrétiens. L’antiquité de cette relation luidonne un grand intérêt; elle contient des indications, troprares, il est vrai, mais très précieuses pour la géographiede la Palestine. Cet itinéraire a été imprimé pour la première fois à Angers en 16W), d’après un manuscrit del’abbaye de SaintSerge: Itinerarium B.Antonini martyris, in-4°, Angers, 1610. En 1680, les Bollandistes endonnèrent une autre édition d’après un manuscrit deTournày: Acta sanctorum (maii), t. ii, p. x-xvra. Cetteédition a été reproduite en 1747 par Ugolini, Thésaurusantiquitatum sacrarum, t. vii, p. 1207-1224, et en 1849par Migne, Pat. lat., t. lxxyii, col. 898. Ces éditionsimparfaites ont été surpassées par l'édition critique dudocteur Titus Tobler, De locis sanctis quse perambulavitAntoninus martyr, in-12, Saint-Gall, 1863; publiée denouveau dans les Itinera et descriptiones Terrse Sanctsede la Société de l’Orient latin, in-8o, Genève, 1877, t. i, p. 91-138. En 1880, Tobler et Molinier ont donné unerelation abrégée du même pèlerinage dans les ItineraHierosolymitana de la société de l’Orient latin, Itineralatina, I, p. 360-382. Cf. F. Tuch, Antoninus martyr,

seine Zeit und seine Pilgerfahrt nach den Morgenlande, in-4°, Leipzig, 1864; M. Delpit, Essai sur les ancienspèlerinages à Jérusalem, in - 8°, Paris, 1870.

E. Levesque.ANTONIO DE ARANDA, théologien espagnol, del’ordre des Frères mineurs (xvp siècle). Il était originairede la petite ville d’Aranda de Duero, dans la VieilleCastille. D’une très grande piété, il devint le directeurspirituel de la reine de Hongrie et de l’infante de Portugal, filles de Charles -Quint. Vers 1530, il fit un séjour àJérusalem et quelques voyages dans les lieux les plusvénérés de la Palestine. Nous trouvons le résultat de cespieuses pérégrinations dans son livre intitulé: Verdaderadescription de la Tierra Santa, como estava et ano de 'mdxxx, in-8o, Alcala de Hénarès, 1531. Cette premièreédition, aujourd’hui fort rare, fut suivie de plusieursautres en 1537 (Tolède), en 1545 (ibid.), en 1563 (Alcala)et en 1587 (ibid.), avec des titres quelque peu modifiés. LaDescription du P. Antonio d’Aranda est précieuse à consulter pour connaître l'état des Lieux Saints dans la première moitié du xvie siècle. Nous devons aussi au franciscainespagnol les deux ouvrages suivants, qui n’offrent pas lemême intérêt: Tratado sobre las siete palabras que seleen en et Evangelio haber dicho nuestra Seiiora ouLoores de laVirgen nuestra Senora, in-8o, Alcala, 1557; Loores del dignissimo lugar del monte Calvario, enque se relata todo lo que nuestro Senor Jesu Christohizo y dixô en él, in-4°, Alcala, 1551. Voir Nie. Antonio, Bibliot. nova, t. i, p. 96; Wadding (continuation), Annales ord. Minorum, t. XIX, p. 28. M. Férotin.

ANUS. Saint Jérôme traduit par ce mot dans la Vulgate, I Reg., vi, 5, 11, 17, les deux termes hébreux 'ôfâlîmet tehôrim. Voir 'Ofalîm.

AOD, hébreu: 'Êhud, «union;» Septante: 'AcSS.

1. AOD, fils de Balan, descendant de Benjamin. I Par., vu, 10. Il ne faut pas le confondre avec le juge d’IsraëlAod, qui était de la famille de Géra.

2. AOD, fils de Géra, de la tribu de Benjamin, lesecond des juges d’Israël. Jud., iii, 15-30. Le titre dejuge, Sôfêt, qu’on lui donne généralement, ne lui est pascependant expressément attribué par l'Écriture; elle ditseulement que le Seigneur suscita aux Israélites un sauveur, môSi a, du nom d’Aod. Jud., iii, 15. Mais par celamême il eut une mission à remplir de la part de Dieu, comme les autres libérateurs; et, de fait, il «jugea», c’est-à-dire sauva ou affranchit Israël au même sensqu’eux. Après la mort du premier de tous, Othoniel, qui avait maintenu l’indépendance de son pays pendantquarante ans, les Israélites retombèrent dans l’idolâtrie.Le fléau dont Dieu se servit pour les châtier une secondefois fut Églon, roi de Moab, qu’il «fortifia contre eux», et auquel «il associa les enfants d’Ammon et ceuxd’Amalec». Jud., iii, 13.

Les Moabites traversèrent le territoire de Ruben, dontles Amorrhéens les avaient autrefois chassés en les refoulant au sud de l’Arnon. Num., xxi, 26. Puis, ayant passéle Jourdain, ils battirent les Israélites établis à l’occidentdu fleuve, et s’emparèrent de la «ville des Palmes», nom qui désigne Jéricho, selon le sentiment commun.Cette ville avait dû se relever, au moins en partie, de sesruines, .malgré l’anathème porté par Josué contre ceuxqui la rebâtiraient, Jos., vi, 26, la défense ne se rapportant probablement qu'à la reconstruction des remparts.Cf. Jos., xviii, 21. Églon y établit le siège de son gouvernement. Cette fois, le châtiment ne consista donc passeulement dans le malheur de la défaite et le payementd’un tribut annuel, qu’on devrait porter au vainqueurrentré dans ses États; le tribut fut exigé, mais le vainqueurresta. Églon avait voulu faire la conquête du territoire sur

lequel il avait battu les Israélites, à savoir, la partie de latribu de Benjamin qui avoisinait le Jourdain. Un mot del'Écriture, Jud., iii, "19, ferait croire qu’il entendait aussitravailler à la conquête religieuse du pays et y faire régnerses faux dieux en attirant à leur culte les habitants.

Au bout de dix-huit ans de ce régime d’oppression, lesIsraélites se tournèrent vers Dieu et le supplièrent de lesdélivrer: il leur suscita un sauveur, Aod, qui devait fairepérir Églon de sa propre main et mettre ainsi un termeà l’asservissem*nt de son peuple. L'écrivain sacré fait remarquer qu’Aod était ambidextre, c’est-à-dire égalementhabile à se servir de la main droite et de la main gauche, ce qui devait lui permettre d’exécuter plus sûrement etavec plus de facilité le projet qu’il avait formé de tuer leroi de Moab. Cet avantage, si apprécié avant l’invention desarmes à feu, était commun dans la tribu de Benjamin: nousvoyons au chapitre xxi, 16, de ce même livre des Juges, sept cents hommes de Gabaa ambidextres comme Aod.

Barac, qui ne fut que l’auxiliaire de Débora. Quelle quesoit d’ailleurs la moralité intrinsèque de cet acte, on nepeut le juger équitablement qu’en se conformant à cetterègle élémentaire de critique historique, trop souvent méconnue quand il s’agit de l’histoire sainte: pour apprécierun fait quelconque, on doit tenir compte des mœurs etdes idées régnantes au temps où vivait celui qui l’a accompli. Or les Orientaux ont de tout temps donné lapréférence à la ruse sur la force, même quand ils pouvaient recourir à celle-ci avec espoir de succès; à plusforte raison doivent-ils employer la ruse, quand elle estle seul moyen de réussir: c'était le cas d’Aod. Il ne fautpas d’ailleurs oublier que les Israélites considéraient lesMoabites comme des ennemis campés sur la portion dela Terre Promise qu’ils avaient usurpée par la violence; leur domination oppressive n'était donc, aux yeux d’Aodet de ses compatriotes, que la continuation de la guerresous une autre forme. On conçoit dés lors que, pour lui,

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179. — Tributaires apportant le tribut à Sargon, roi d’Assyrie. D’après Botta, Monument de Ntnive, Architecture, pi. 29.

La dix-huitième année de la servitude, il fut chargépar ses compatriotes d’apporter le tribut au roi de Moab, avec un certain nombre d’autres Israélites; car, selon lesusages de l’Orient, il y avait un porteur pour chacun desprésents offerts. Sur les bas-reliefs des palais assyriens, onvoit de longues files de personnages venant, à la suite lesuns des autres, déposer leur offrande aux pieds du puissant souverain de Ninive (fig. 179). Les choses durent sepasser à peu près de la même manière à la cour d'Églon.Après la cérémonie, Aod aurait, selon l’hébreu, laissé partirses compagnons et serait resté dans la ville ou mêmedans le palais; mais, d’après la Vulgate, il sortit aveceux de Jéricho, et ils allèrent ensemble jusqu'à Galgala.Là il les quitta, et revint seul à Jéricho pour mettre à exécution le plan qu’il méditait depuis longtemps. Il avait eusoin de placer sous ses habits, à son côté droit, où personnene pouvait soupçonner la présence d’une arme, une daguequ’il avait fait fabriquer exprés: elle avait deux tranchants, et la garde était longue d’un gôméd. Voir Gôméd.C’est avec cette arme cachée qu’il se présenta devantEglon. Il avait, disait-il, une communication à lui faire.Le roi fit sortir tout le monde pour l’entendre; Aod luidit alors: «J’ai à vous transmettre une parole de Dieu.» A ces mots le roi se leva de son trône par respect; Aodprofita de ce mouvement pour saisir sa dague de la maingauche et la lui enfonça dans le ventre avec tant de force, que la poignée même disparut dans la plaie et fut recouverte par la graisse, car Églon était fort obèse.

Cette action d’Aod, si blâmable qu’elle puisse paraître, ne saurait fournir un motif d’attaquer l'Écriture, qui seborne à rapporter le fait sans le louer ni le blâmer. Ennous disant qu’Aod avait été suscité par le Seigneur pourdélivrer les enfants d’Israël, elle indique bien qu’il avaitreçu de Dieu sa mission; mais lui soûl est responsabledu moyen qu il a choisi pour l’inaugurer. C’est même unechose remarquable que la phrase: «L’Esprit de Dieu futen lui, le remplit, etc.,» ne se lit pas au sujet d’Aod, tandis que nous la trouvons appliquée à tous les autresjuges, sauf Abimélech, que Dieu n’avait pas choisi, et

la mort d'Églon fût seulement un épisode de cette lutteet le prélude de la bataille sanglante qui devait la terminer. Il serait facile de montrer par de nombreux faitsanalogues, celui de Mutius Scœvola par exemple, combienles peuples de l’antiquité admiraient, loin de les blâmer, ces traits de bravoure, dans lesquels ils ne voyaient quel’audace intrépide au service d’un ardent patriotisme.

Aod, sans prendre le temps de retirer son arme, fermaà clef rapidement les portes de l’appartement, et s’enfuit «par la sortie de derrière». Jud., iii, 24. Ces derniersmots, rapprochés de ce qui est dit au ꝟ. 20, que leroi «était assis seul dans sa chambre d'été», nous l’ontcomprendre la facilité avec laquelle Aod put réussir dansune entreprise si hardie et s'échapper sans être vu depersonne, parce qu’ils nous mettent en quelque sorte sousles yeux le plan du palais d'Églon. Les habitations offraientsouvent, en Orient, une disposition particulière qu’on yretrouve encore fréquemment de nos jours. Elles se composaient de deux maisons: la principale, dar ou bayit, et, attenante à celle-là, une autre plus petite, mais ordinairement plus élevée d’un étage et qu’on appelle, aujourd’hui comme au temps des Juges, 'alhjâh. On y donnel’hospitalité aux étrangers; le maître y trouve, en touttemps, un lieu tranquille pour s’occuper d’affaires ou s’yreposer et, en été, un séjour plus frais que la grandemaison. Elle communique avec le bayit par une porteintérieure et avec le dehors par une autre porte donnantsur un escalier extérieur, qui conduit à l’entrée principaleou bien même directement à la rue. C’est par cet escalierqu’Aod se sauva, après avoir fermé par dedans la portede communication et par dehors la porte extérieure du'aliyâh, dans lequel gisait Églon.

Comme il l’avait prévu, les serviteurs du roi, pensantque leur maître avait lui-même fermé la porte, attendirent longtemps sans chercher à pénétrer chez lui; etlorsque, honteux enfin de cette longue attente, ils ouvrirent, ils le trouvèrent étendu mort parterre. Aod étaitdéjà loin; le trouble dans lequel cet événement jeta lesgens d'Églon servit à assurer encore mieux sa fuite. Il

s’en retourna par le même chemin jusqu’au point d’oùil était revenu, aux environs de Galgala, et de là il sedirigea vers Seirath. Il fit aussitôt retentir la trompette dela délivrance dans les montagnes d'Éphraïm, et les enfants d’Israël, répondant à cet appel, vinrent se mettresous ses ordres. «Suivez-moi, leur dit-il, carie Seigneurnous a livré entre les mains nos ennemis les Moabites.» Jud., iii, 28. Il s’avança d’abord à la tête de son arméevers le Jourdain, dont il fit occuper les gués, afin d'ôteraux ennemis tout moyen d'échapper, et marcha ensuitecontre eux. Pris ainsi à revers par les Israélites et déjàdémoralisés par la mort de leur roi, les Moabites furenttaillés en pièces, et ils périrent tous dans le combat, aunombre d’environ dix mille. Quatre-vingts ans de paixet de sécurité furent le résultat de l' «humiliante» défaitequ’Aod infligea en ce jour aux Moabites. Jud., iii, 30.

E. Palis.

    1. APADNO##

APADNO (hébreu: 'Apadnô) désigne, d’après la Vulgate, une ville où Antiochus IV Épiphane devait «fixersa tente, entre les mers, sur la montagne célèbre etsainte». Dan., xi, 45. Les versions ont différemmentcompris ce mot. Les Septante l’omettent; Aquila et Théodotion en font un nom propre: 'Eçaêavw ou 'AçaSavù; Symmaque traduit 'ohôlê 'apadnô par Ta? axrivàç toû'n17tO(7Ta<Tt’o> aOtoû, «les tentes de sa cavalerie» ou «deson écurie»; la Peschito, ne considérant que l'étymologie paddan, «plaine, pays plat,» sans tenir comptedu suffixe possessif, met simplement: «dans la plaine.»

Les commentateurs sont également divisés. Les uns, voyant dans Apadnô une ville, l’identifient avec une localité nommée 'ArcàSvaç par Procope, De ssdificiis Justiniani, ii, 4, peut-être 1' 'Açocêâvw de Ptolémée, v, 18, située, en Mésopotamie, au confluent de l’Euphrate et du Chaboras. Porphyre, cité et en même temps réfuté par saintJérôme, Comment, in Danielem, t. xxv, col. 573, la placeentre le Tigre et l’Euphrate. Dom Calmet, traduisant demême l’hébreu: 'Apadnô bên yammim par «Apadnôou Padan d’entre les deux mers», reconnaît ici «Padand’entre les deux fleuves, ou Padan Aram ou AramNaharaïm, qui signifient incontestablement la Mésopotamie; les fleuves du Tigre et de l’Euphrate sont assezgrands pour être nommés des mers, surtout dans leursdébordements». Commentaire sur Daniel, Paris, 1715, p. 735. On suppose encore qu' «Apadnô entre les deuxmers» désignerait la Parétacène, dans laquelle QuinteCurce, v, 13, place la ville de Tabès, où mourut Antiochus IV. D’autres la cherchent en Palestine, non loin deJérusalem ou aupi'ès d'Émmaiis-Nicopolis. Cf. S. Jérôme, In Dan., t. xxv, col. 574. Enfin, d’après M. Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1891, t. ii, part.Il, p. 1426, Grâtz a soutenu tout récemment que le mot'apadnô désigne la ville d’Apfadna en Élymaïde.

Avec le texte hébreu, tel que nous le possédons actuellement, il est impossible de faire un nom propre du mot quinous occupe. Pour traduire: «Il fixera sa tente à Apadnô,» il faudrait un suffixe possessif à 'ohôlê, et la prépositionbe devant Apadnô; d’un autre côté, 'oholê, étant à l'étatconstruit, indique que 'apadnô est son complément. Aussila plupart des exégètes anciens et modernes en font unnom commun. C’est, dit saint Jérôme, In Dan., t. xxv, col. 574, un mot composé qui signifie ôprjvou aOtoO,» sontrône;» et le sens est: «Il fixera sa tente et son trôneentre les mers.» D’autres traduisent: «Il fixera les tentesde son palais,» expression employée par le prophète, probablement en souvenir des grandes tentes, semblablesà des palais, en usage chez les rois orientaux. C’est doncentre ces deux sens que flotte 'apadnô. Pour Gesenius, Thésaurus linguse heb., p. 1<)92, ]isx, appédén, n’est

autre chose que pédén avec aleph prosthétique, et serattache ainsi à la racine pâdan, d’où l’arabe. x., xS 'faddan, a. construire en haut,» et …JsS, fadan, «tour

élevée,» en sorte que notre mot signifie «palais, citait ydélie». Le syriaque Ii^qI > ofadên, a la même signification chez les auteurs profanes et chrétiens, et danscertains passages de la version biblique; I Par. xv, 1; Eccli., xxl, 5. Le Targum de Jonathan a rendu parFW15N, 'apadnêh, le mot safrîrô, un ornai; eyi).zvQ-i,

c’est-à-dire, qui ne se rencontre qu’une seule fois dansl'Écriture, Jer., xliii, 10. èafrîrô, dans la phrase du prophète, est certainement en parallélisme avec kis'ô, «sontrône;» mais a-t-il ce sens précis? M. Fabre d’Envieule croit: «Le saprir dont parle Jérémie, dit-il, était, eneffet, un trône royal, splendide, que les rois chaldéensemmenaient avec eux, et sur lequel ils s’asseyaient pourjuger les rebelles et pour recevoir les hommages, lesadorations de leurs sujets, et aussi la soumission desvaincus.» Daniel, t. ii, part. ii, p. 1427. D’autres auteursy voient simplement une annexe ou un ornement du siègeroyal, c’est - à - dire le tapis ou les draperies qui le recouvraient. On explique le mot safrîr par l’assyrien saparu, supar-ruru, «étendu,» «extentum vel expansum, ergoffTpw|jia, stramentum.» J. Knabenbauer, Commentariusin Jeremiam, Paris, 1889, p. 492.

On peut rapprocher du terme hébreu 'apadnô le motapadâna écrit en caractères cunéiformes sur des monuments de Persépolis, et qui semble réunir les deux sensdont nous venons de parler. Il désigne, en effet, selonplusieurs savants, une «salle du trône» dans laquelleles rois de Perse donnaient leurs audiences solennelles.Cependant il reste encore des doutes sur cette expression. «Nous voyons bien, dit M. Perrot, que ce mot se lit surdes bases qui ont appartenu à une salle de ce genre; maisla seule étymologie qui en ait été présentée par un linguiste compétent, M. James Darmesteter, Études iraniennes, t. ii, p. 133, ne suggère pas d’autre idée que cellede «bâtiment élevé sur une hauteur», et c’est avec cemême sens de «citadelle», de «palais», qu’il a passédu perse dans les langues sémitiques, en hébreu, ensyriaque et en arabe.» Histoire de l’art dans l’antiquité, Paris, 1890, t. v, p. 664. Nous ne pouvons discuter icil’origine du mot apadànâ; il nous suffit de retenir queles différents sens qui viennent d'être exposés conviennentparfaitement à 'apadnô, dont l’idée générale peut se résumer dans celle de «: pavillon royal».

A. Legendre.

    1. APAMÉE##

APAMÉE, contrée de la Syrie, que traversa Holopherne dans sa marche contre le peuple d’Israël. Judith, m, 14. Le texte latin seul la mentionne. C’est le territoire que Strabon, xvi, 10, édit. Didot, p. 640, désigne part) 'Aîtâ(jieia, tj 'A71aij.£<ov-f îj, et qui, outre la capitale de

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180. — Monnaie d’Apamée de Syrie.

Tête Iaurée de Zeus. - ^. AIIAMEQ[N] THS IEPASKAI A2YA0T. Un éléphant.

même nom, comprenait des villes telles que Larisse (Qala’atSeidjar), Mégare et Apollonie. Voir en particulier la Géographie de Strabon, traduite du grec en français, Paris, 1805-1819, t. v, p. 206-208, avec les notes de Letronne. Laville principale s’appelait Aparnée surl’Oronie (fig. 180), pour la distinguer de plusieurs cités de ce nom, entre autresd’Apamée de Phrygie, dans le voisinage de laquelle unetradition fait arrêter l’arche de Noé. Le géographe grec

décrit en ces termes Apamée de Syrie: «C’est une villetrès forte de presque tous les côtés. En effet, elle consisteen une colline parfaitement bien fortifiée, qui, s’élevantau milieu d’une plaine basse, est entourée presque entièrementpar FOronte et par un grand lac, dont les débordementsforment de vastes marais et d’immenses prairiesqui nourrissent des boeufs et des chevaux: voilà ce quirend la position d’Apamée si forte, et ce qui lui a valule nom de Chersonèse (presqu’île).»

Cette description convient bien à Qala’at el-Moudiq, localité regardée généralement comme l’emplacement del’ancienne Apamée, et située à quelque distance au nordpetite cour rectangulaire. Des fûts brisés et d’une grandevariété jonchent le sol. La forteresse ou acropole est situéesur une colline isolée, dans la ligne occidentale des murailles; elle contient un petit hameau dans son enceinte(fig. 181). Cf. Ed. Sachau, Reise in Syrien und Mesopotamien, Leipzig, 1883, p. 71-82.

Primitivement appelée Phamakë, cette ville reçut deSéleucus Nicator, qui la fortifia et l’agrandit, le nomd’Apamée, en l’honneur de sa femme À pâme. «Elle reçutaussi dés premiers Macédoniens le nom de Pella, parcequ’un grand nombre de ceux qui faisaient partie de l’expéditions’y fixèrent.» Strabon, xvi, 10. Séleucus Nicator

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181. — Vue d’Apamée de Syrie.

ouest de Hamah. Elle occupe le bord occidental de lagrande plaine qui s’étend entre les pentes méridionalesdu massif montagneux où se trouve ElBarak, et leshauteurs que domine Qala’at Seïdjar. La colline surlaquelle elle est assise descend, à l’ouest, vers la valléede l’Oronte (Nahr el-Aci); au sud et à l’est, elle est séparéedu plateau voisin par une tranchée naturelle qui a dûservir de fossé à la ville; vers le nord, ce fossé est engrande partie comblé. De la forteresse et de différentspoints environnants, la vue embrasse toutes les partiesde l’horizon; mais le plus beau panorama est du côté del’ouest, où, par-dessus le fleuve, l’on aperçoit les flancsélevés et massifs des monts Ansariyéh.

Ce large plateau, élevé de cent mètres au-dessus del’Oronte, est recouvert de ruines, qui rappellent l’antiqueimportance d’Apamée. On y voit les restes d’une enceintepresque entièrement détruite, sauf la porte du nord, enfouie sous les décombres d’une tour. De cette portepartait la rue principale, longue d’environ quinze centsmètres, et bordée de chaque côté par une colonnadecorinthienne, qui, de distance en distance, formait une

en fit une sorte d’entrepôt de la vallée de l’Oronte, oùl’on gardait ses éléphants, ses chevaux et les trésors deguerre. Tryphon Diodote, compétiteur des Séleucides, assiégé par Antiochus dans Dor (aujourd’hui Tantoura, sur la cote palestinienne, entre Césarée et le Carmel), parvint à s’échapper par mer et à se rendre à Orthosia, port de la Phénicie, entre Tripoli et l’embouchure deî’Eleuthère (Nahr el-Kébîr). I Mach., xv, 37. Josèphe, complétant le récit sacré, nous apprend que de là il gagnaApamée, sa patrie, où il fut ensuite pris et mis à mort.Ant. jud., XIII, vii, 2. Pompée, quittant ses quartiersd’hiver, probablement auprès d’Antioche, et se dirigeantvers Damas, rasa la forteresse d’Apamée. Ant. jud., XIV, m, 2. Les habitants de cette ville, comme ceux d’Antiocheet de Sidon, montrèrent à l’égard des Juifs, pendant laguerre, des sentiments d’humanité que leur refusèrentd’autres cités, où ils furent jetés eu prison et massacrés.Bell, jud., II, xviii, 5. Apamée est YAspamia du Talmud.Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1808. p. 304. Au temps des croisades, elle portait le nomde Fâmiéh. ou Fémie. A. Legekdre.

APELLE ('ATtéMuic), chrétien de Rome, salué parsaint Paul, Rom., xvi, 10. L’Apôtre l’appelle tôm 8<5xi(jlovèv XpuTTû, c’est-à-dire «serviteur fidèle du Christ».Origène a supposé sans fondement, In Rom., xvi, 10, t. xiv, col. 1281, qu’Apelle était la même personnequ’Apollo. Act., xviii, 24. Le fameux trait satiriqued’Horace: Credat Judseus Apella, non ego, Sat. I, v, 100, montre que ce nom juif était bien connu à Rome.D’après la tradition, Apelle était un des soixante et douzedisciples, et devint évêque de Smyrne ou d’Héraclée.J. A. Fabricius, Salutaris Lux Evangelii, in-4o, Hambourg, 1731, p. 115. Les Grecs l’honorent le 31 octobre.Le martyrologe romain marque sa fête le 22 avril et le10 septembre.

APHAECRÉMA ('A<paipe[jia), une des trois toparchies, vonoù; , détachées de la Samarie et ajoutées à la Judéepar les rois de Syrie. I Mach., xi, 34. La Vulgate l’omet.Josèphe l’appelle 'Açepeip-â, Ant.jud., XIII, IV, 9. C’est, selon toute vraisemblance, la forme grecque de l’hébreu'Efrain(Qerï), 'Efrôn (Ketib), II Par., xiii, 19, devenuplus tard, par un changement presque insensible, 'Eçpa(|i, Ephrem, l’endroit où, peu de temps avant sa passion, Notre-Seigneur se retira, avec ses disciples. Joa., xi, 54.D’après Josèphe, cette ville tl’Ephraïm était dans le voisinage de Béthel et tomba, comme elle, au pouvoir deVespasien. Bell, jud., IV, ix, 9. C’est bien celle qu’Eusèbe place à vingt milles au nord de Jérusalem; il lanomme également 'Ecppatu ou 'Eçpæi’n. Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 254, au mot 'Éçptov, et S. Jérôme, Ephrœa, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 894. Elle est identique à YOphéra de Benjamin, Jos., xviii, 23, que Robinson et plusieurs auteurs, aprèslui, reconnaissent dans le village actuel de Thayebéh, au nord-est de Beitin (Belhel). Biblicdl Researches inPalestine, Londres, 1856, t. i, p. 447; V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 47. Pourla description, voir Éphrem et Ophéra, et cf. Aphra,

col. 736.

A. Legendre.

APHARA (hébreu: Haffârâh ou Happârâh, avecl’article défini; Septante: apâ), ville de la tribu deBenjamin, mentionnée une seule fois dans la Sainte Écriture. Jos., xviir, 23. Elle appartient au premier groupe, qui, dans rémunération de Josué, représente les partiesorientale et septentrionale de la tribu. Jos., xviii, 21-24.On trouve dans V Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 222, une ville nommée 'Açpà, que saint Jérôme, complétantune lacune d’Eusèbe, place à cinq milles à l’est de Béthel, et qu’il identifie avec le village d’Efrem ou Effrem.Liber de situ et nominibus loc. heb., t. xxiii, col. 872.Ces indications conviennent mieux, croyons-nous, à Ophéra(hébreu: 'Ofrâli), qui suit immédiatement Aphara, etque plusieurs auteurs sont portés à reconnaître dans levillage actuel de Thayebéh, à l’esl-nord-est de Beitin ouBéthel. Cf. E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 447; V. Guérin, Descriptionde la Palestine, Judée, t. iii, p. 47.

Aphara se retrouve aujourd’hui dans Khirbet Tell elrFârah, près de l’Ouadi Fàrah, qui, au sud-est de Béthelet de Moukhmas, se joint à l’Ouadi Soueinit pour entrerdans l’Ouadi el-Kelt. Voir la carte de la tribu de Benjamin.L’identité de nom et la position conforme aux donnéesde l'Écriture peuvent faire regarder comme certaine cetteidentification, proposée d’abord par Robinson, ouv. cité, t. i, p. 439, note 1; acceptée par van de Velde, Memoirto accompanij the Map of the Rohj Land, 1859, p. 338; admise par V. Guérin, ouv. cité, p. 72, et par les auteursanglais, G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Nantes andplaces in the Old and A’ew.' Testament, Londres, 1889, p. 141. On ne saurait y opposer la différence de racine etde signification entre les deux mots hébreu et arabe(Fâràh, hébreu: «génisse;» arabe: & souris,» ) car

; les noms modernes se rattachent plus souvent aux anciens

par le son que par le sens.

La colline de Tell el-Fârah, dit M. V. Guérin, ouv.cité, p. 72, «domine d’une centaine de mètres la valléeau milieu de laquelle elle s'élève, et elle est elle-mêmecommandée par plusieurs montagnes voisines. Son sommet, divisé en deux parties par une petite dépressioncentrale, est couvert de menus matériaux appartenant àdes habitations complètement rasées. Au bas du tell, versl’ouest, près du confluent de l’Oued Soueinit et de l’Ouedel-Fàrah, je remarque les débris de plusieurs constructions, entre autres d’un aqueduc, dont je suis les tracesjusqu'à son origine, en remontant, l’espace de quatrecent soixante pas, à l’ouest, les bords de l’Oued el-Fârah.Le lit de ce torrent est rempli de roseaux gigantesqueset de magnifiques touffes d’agnus castus. Bientôt j’arriveà une source très abondante, qui tombe en cascade et dontles eaux étaient autrefois en partie dérivées dans le canalde l’aqueduc que je viens de mentionner. L’oued est, encet endroit, resserré entre deux énormes masses de rochers, qui se dressent, presque verticalement, à une trèsgrande hauteur. Les parois sont percées, à différentsétages, d’un certain nombre de grottes artificielles… Riende plus austère et de plus saisissant que cette gorge sauvage, où l’on n’entend que les cris des oiseaux de proiequi ont élu domicile dans ces cavernes, depuis longtempsabandonnées, et dont la source solitaire est, vers le soir, lerendez-vous des bêtes fauves qui hantent les montagnes

voisines.»

A. Legendre.

APHARSACHEENS (chaldéen: 'Âfarsekâïê'; Septante: 'Acpïpraxaïoi; Vulgate: Apharsachœi et Arphasachxi), captifs transplantés par les Assyriens dans l’ancien royaume d’Israël, mentionnés dans I Esdr., v, 6; vi, 6, comme hostiles au rétablissem*nt des Juifs dansleur patrie et à la reconstruction du temple de Jérusalem, et signataires d’une lettre adressée dans ce but à Darius.On les confond assez souvent avec les Apharsatachéensmentionnés I Esdr., iv, 9: ces deux noms ne différantque par l’addition ou la suppression d’un ii, thav, et d’unpatach ou a bref, il est possible que ces signes soienttombés ou aient été ajoutés par l’inadvertance des copistes.Clair, Esdras et Néhémie, sur I Esdr., v, 6, dans laBible de Lethielleux, 1882, p. 30; Kitto, Biblical Cyclopsedia, t. i, p. 163; Eb. Schrader, dans Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, t. i, p. 69. En soi, lasuppression serait plus probable que l’addition; cependantil faut noter que le mot Apharsatachéens ne se trouvequ’une fois dans la Bible, tandis que l’autre y est répétédeux fois (et même dans notre Vulgate, par une faute decopiste évidente sous deux formes légèrement différentes, Arphasachéens dans la lettre à Darius, et Apharsachéensdans la réponse). Du reste, rien n’oblige à confondre lesdeux noms: les circonstances sont différentes, la première lettre, signée par les Apharsatachéens, Dinéens, etc., I Esdr., iv, 10, est adressée à Artaxerxès; celle desApharsachéens l’est à Darius.

H. Rawlinson, Journal of the Royal Asiatic Society, t. xv, p. 239, ayant fait des Apharsatachéens une tribuélamite, les Hafar-Sittacéniens, fait de même des Apharsachéens les Hafar-Saces; il est suivi par Rœdiger dansle supplément à Gesenius, Thésaurus linguse liebrsese, Addenda, p. 107. Mais, outre que c’est couper ces deuxnoms bibliques d’une façon arbitraire, les inscriptionscunéiformes contemporaines ne nous présentent jamais'les noms ainsi combinés, et eux-mêmes se nomment toujours Aibir dans leurs inscriptions de Mal-amir. — Delitzsch(dans Schrader -W’hitehouse, The cuneiform Inscriptionsand the Old Testament, t. ii, p. 64, note) voit avec plusde vraisemblance dans ces deux noms les localités mèdesde Partakka et Partukka, soumises toutes deux à l’Assyriej sous le règne d’Asarhaddon, dont la situation doit corj respoudre à la Parétacène des anciens. Voir Apharsata

CHÉESS. Ces deux localités voisines eurent naturellementle même sort; transplantées en Samarie par Asénaphar ouAsarhaddon, elles se conrondirent avec les néoSamaritains

et restèrent en hostilité avec les Juifs.

E. Pannier.

    1. APHARSATACHEENS##

APHARSATACHEENS (chaldéen: ' Âfarsatkaiê'; Septante: 'AçapoaOcr/aîot; Vulgate: Apharsathachsei), captifs transportés dans le royaume d’Israël lors de laseconde colonisation opérée par Asénaphar, c’est-à-direAsarhaddon, ou, suivant quelques assyriologues, son filset successeur Assurbanipal. (Voir ces noms.) Ils tâchèrentd’empêcher la reconstruction du temple de Jérusalem.I EsJr., iv, 10. Quelques auteurs les confondent avecles Apharsachéens mentionnés par I Esdr., v, 6; VI, C, comme signataires d’un rapport adressé à Darius au sujetde la même entreprise; ces deux noms ne différant, eneffet, que par l’addition ou l’omission d’un tliav et d’unvatach ou a bref dans les points-voyelles, il est possibleque ces signes soient tombés ou aient été ajoutés parl’inadvertance des copistes. Dom Calmet, Commentairelittéral, sur 1 Esdr., iv, 10, 1722, p. 32; Clair, Esdras etNéhémie, dans la Bible de Lethielleux, sur I Esdr., iv, 10, 1882, p. 25; Keil et Delitzsch, Biblischer Commentar, Th. v, Chronik, Esra, sur I Esdr., IV, 10, Leipzig, 1870, p. 437; Kitto, Biblical Cyclopsedia, au mot Apharsachites, 1. 1, p. 163; Eb. Schrader dans Riehm, Handworterbuchdes biblisclien Altertums, t. i, p. 69, etc.

Les Apharsatachéens paraissent originaires de l'Élamou plutôt de la Médie. Leur rapprochement des Susanéchéenset des Élamites dans le texte d’Esdras a fait penserque c’est une tribu élamite (A. H. Sayce, dans lesTransactions of the Sockty of Biblical Archseology, t. iii, part. ii, The Language of the cuneiform Inscriptionsof Elam and Media, p. 468); de plus, dans la langueélamitique, sur laquelle les inscriptions cunéiformes jettentdéjà quelque jour, la désinence ak ou (a)-ka se remarquedans les appellations géographiques et sert à la dérivationdes adjectifs: SuHnak, suSunka, Susien ou de Susiane.A. H. Sayce, ibid., p. 478, 479 et passim; J. Oppert, Les Inscriptions en langue susienne, p. 179, dans lesMémoires des congrès des Orientalistes, Paris, 1873; etdu même, Susian texts, dans les Becords of the Past, l re série, t. vii, p. 81. — Les inscriptions d’Asarhaddon, que nous ne possédons pas complètes d’ailleurs, ne mentionnentpas de guerre en Elam; mais Sennachérib, sonprédécesseur, fut en lutte avec les Élamites alliés auxBabyloniens durant la plus grande partie de son règne; il remporta sur eux de grands succès et leur fil de nombreuxprisonniers. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 215, 221-223; Eb. Schrader, KeiUnschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 102-105, 106-111; The cuneiform Inscriptionsof Western Asia, t. i, pi. 37, col. 19; pi. 41, col. v, 1. 5-85 et passim. Ces prisonniers de Sennachérib, auxquelsvinrent s’adjoindre ceux que fit à son tour Asarhaddondans les régions voisines (681-668), auraient forméle contingent de cette deuxième déportation en Israël.Mais la difficulté est de trouver dans le pays d'Élam unnom géographique se rapprochant de celui des Apharsatachéens; en prenant la désignation d'Élam au sens large, c’est-à-dire en y comprenant la Susiane et les provincesque les textes assyriens y rattachent, parce qu’en effet àl'époque de leur rédaction tous ces pays appartenaient aumême souverain, on reconnaît dans les inscriptions susiennesun district voisin de la Médie et nommé Habirdi; les inscriptions cunéiformes trouvées dans cette localitémême donnent la forme Aibir, le pays des Amardes desanciens, le plateau de Mal-Amir actuel; sous ces mêmesnoms Hapirti, Hapirtip, les inscriptions modiques désignentmême l'Élam dans toute son étendue. Il se peutque les victoires des monarques assyriens sur les troupesélamites aient mis à leur disposition des prisonniers dupays d’Aibir; mais il y a trop de différence entre ce nomet celui qu’on trouve dans I Esdras. — H. Rawlinson fait

des Apharsatachéens les Aibir ou «Hafar-Sittacéniens» ou de la Sittacène; mais, outre que c’est pratiquer dansle texte une coupure arbitraire, il faut bien reconnaîtrequ’aucune inscription ne permet la jonction de ces deuxnoms propres. H. Rawlinson, Journal of the Boy alAsiatic Society, t. xv, p. 239; Vigoureux, La Bible et lesdécouvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 261; Rœdigerdans Gesenius, Thésaurus linguse hebrses, supplément, p. 107. Voir aussi sur les I.Iabirdip: Fr. Lenormant, Lesorigines de l’histoire, t. ii, p. 487 et suiv.; Oppert, Lepeuple et la langue des Mèdes, p..15, 10 et 236; Sayce, dans les Transactions of the Society of Biblical Archseology, t. iii, part. ii, p. 468 et suiv.; Amiaud, Cyrus, roi dePerse, p. 253-254, dans la Bibliothèque de l'École desHautes Etudes, sect. philol., fascicule 73, Mélanges Benier.

Fr. Delitzsch (Daniel, p. ix, et dans Schrader -Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 64, note) préfère avec raison y voir destribus mèdes soumises par Asarhaddon lui-même: les(A)-pharsatachéens seraient les habitants de Partakka, comme les (A)-pharsachéens et les (A)-pharséens seraientceux de Partukka et ceux du Parsua, autres localitésmédiques. Du reste la Médie confinait à l'Élam, et lalangue des inscriptions médiques ne diffère que peu decelle des inscriptions élamites. Quant à la transcriptionde ces noms en chaldéen, le p du syllabaire cunéiformecorrespond au double emploi du phé hébreu ou chaldéen, p et f; l’addition de Yaleph prosthétique ne peut passurprendre, car les Mèdes se nomment indistinctementaussi dans les inscriptions assyriennes Madà ou Amadâ, et les géographes anciens nous ont conservé côte à côteles deux formes MàpSoi et "AjjapSoi, Strabon, xv, 3 etvin, 8, édit. Didot, p. 619 et 440. Asarhaddon, dans sesinscriptions, mentionne en effet ses conquêtes dans lesdistricts de Partoukku, Partakka et autres circonvoisins.The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 46, col. iv, 1. 8-38; Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 244; Eb. Schrader, KeiUnschriftliche Bibliotftek, t. iï, p. 132; voir aussi Fr. Lenormant, ibid., t. ii, p. i, p. 489490; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichlsforschung, p. 175, note. Cette dernière opinion ne diffèredonc pas beaucoup de l’ancienne, qui faisait des Apharsatachéensles habitants de la Paretacène ou des Scytho-Mèdes.Dom Calmet, Comment, lillér. in IV Reg., xvii, 24, 1722, p. 193.

Asarhaddon nous renseigne aussi sur le sort qu’il réseivvait à ses prisonniers; il transplanta dans le mat Hatti, qui embrassait la Phénieie, Chanaan, la Syrie, dont ilavait au préalable enlevé les habitants révoltés, «leshommes des montagnes conquis par son arc, et ceux dela mer du Levant,» c’est-à-dire les riverains du golfePersique, et les montagnards des diverses chaînes duZagros qui ferment à l’est le bassin du Tigre. Or cesexpressions conviennent aux Élamites et aux Mèdes; à cepoint que Eb. Schrader, après avoir révoqué en doutecette deuxième colonisation de la Samarie par Asarhaddon, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1867, p. 497et suiv., l’admet sans hésiter dès la première édition deses Keilinschriften und das Alte Testament, 1872, p. 244.Voir aussi Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptionsand the Old Testament, t. ii, p. 62 et 63, note; Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 241; Eb. Schrader, Kcilinschriflliche Bibl’wlhek, t. ii, p. 126-127; Thecuneiform Inscriptions of Western Asia, 1. 1, pi. 45, col. i, 1. 24-34.

La suite de l’histoire des Apharsatachéens nous estconnue par la Bible; mélangés aux déportés de la premièrecolonisation et aux débris israélites épargnés par levainqueur, ils partagèrent leurs sentiments de jalousiecontre les Juifs, et aussi leur religion où le culte du vraiDieu s’alliait avec celui de leurs idoles nationales. Zo; robabel ayant repoussé leur concours pour la recons—[ traction du temple de Jérusalem, ils la firent interrompre

par leurs intrigues, de sorte que l’entreprise ne put s’achever que sous le règne de Darius.

E. Pannier.

    1. APHARSÉENS##

APHARSÉENS (chaldéen: 'Àfarsâïê'; Septante: 'Açœpoaîoi; Vulgate: Apharsssi), tribus transplantéesdans le royaume d’Israël, avec les Apharsatachéens, etc., lors de la seconde colonisation opérée par Asénaphar, c’est-à-dire Asarhaddon, ou même, suivant quelques auteurs comme Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 329; Schrader-Whitehouse, The cuneiforni Inscriptions andthe Old Testament, t. ii, p. G5, par son fils et successeurAssurbanipal. Voir Asarhaddon, Assurbanipal. Tous cesdéportés tâchèrent d’empêcher la reconstruction du templede Jérusalem. I Esdr., lv, 9, 10. — La plupart des commentateurs, trompés par la ressemblance des noms, ontfait des Apharséens une tribu perse: ainsi dom Calmet, Conim. litt. in IV Reg., xvii, 24; Smith, Dictionary of theBible, Apharsathchites, t. i, p. 78; Rœdiger, dans lesupplément à Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, Addenda, p. 107. Il est certain que la patrie de ces tribusétait, non pas la Perse, située au sud de la Médic et ausud-est de l'Élam, mais un district du nord de la Médiecorrespondant à l’Atropatène méridionale et à la SagartieMédique, jusque vers les Champs Niséens, et nomméParsua ou Parsuas dans les inscriptions cunéiformes.Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. i, p. 526; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 173; Fr. Delitzsch, dans Schrader-Whitehouse, The cuneiforni Inscriptions and the Old Testament, et note (où Schrader se rangerait peut-être à l’opinion de Delitzsch, s’il n’en était empêché par l’identification d’Asénaphar avec Assurbanipal; mais de gravesraisons empruntées aux textes soit bibliques, soit assyriens, nous paraissent justement établir qu’Asénaphar estAsarhaddon, et non Assurbanipal). Les monarques assyriens, loin d’avoir conquis la Perse, ne la mentionnentmême pas dans leurs inscriptions. Au contraire, le paysde Parsoua fut souvent ravagé et conquis par les prédécesseurs d’Asarhaddon; Sennachérib, son père, défit mêmeà l.Ialoulê (vers 090) toute une armée de Babyloniens etd’Elamites, auxquels étaient venues se joindre les troupesdu Parsoua. The cuneiforni Inscriptions of WesternAsia, t. i, pi. 41, 1. 5-85; pi. 43, 1. 44; pi. 44, 1. 55; Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 222 et 232; Eb.Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 106-107.Dans le peu d’inscriptions qui nous restent de lui, Asarhaddon ne mentionne pas le Parsoua, mais le Patousarraet d’autres districts voisins en Médie, dont il déporta leshabitants. The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 46, col. iv, 1. 8-37; Menant, Annales des roisd’Assyrie, p. 244; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 132-135. H est possible qu’une partiedes régions environnantes ait éprouvé le même sort sansque les inscriptions en parlent explicitement; ou bienle roi de Ninive aura joint aux convois de déportés provenant de ses propres conquêtes ceux qui provenaient descampagnes de son père, pour les faire conduire ensembleen Samarie. — D’après Fr. Lenormant, Les origines del’histoire, t. ii, p. 527; A. Amiaud, Cyrus, roi de Perse, p. 255, dans les Mélanges Renier, 73e fascicule de laBibliothèque de l’Ecole des Hautes Études, sect. philol.et histor.; H. H. Howorth dans Thevcademy, 5 mars 1892, p. 231, les Parsua, épargnés par les rois assyriens, auraient commencé à émigrer vers le sud et donné auxrégions par eux conquises leur appellation nationale, Parsu des textes achéménides, la Perse.

La transcription du nom assyrien en chaldéen ne souffreaucune difficulté, lep des caractères syllabiques assyrienscorrespond au double emploi du plié hébreu (p et f); quant à l’addition de Yaleph prosthétique, les inscriptions cunéiformes elles-mêmes nous donnent pour laMédie les formes Madà et Arnadâ, Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 173, note; Strabon nous a conservé côte à côte les deux noms MâpS^iet "Au.apSoi, XV, 3 et viii, 8, édit. Didot, p. 619 et 440.

Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, part, i, p. 487, note, préfère voir dans les Apharséens les îlabirtiou Hapirtip des inscriptions médiques, élamites et susiennes. Mais dans les textes médiques ce mot a unesignification trop étendue, car il est transcrit en babylonien dans l’inscription trilingue de Béhistoun (perse, mède, babylonien) par le terme Num-a ou 'Elam-a, oumême phonétiquement 'E-lam-mat ( The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. 39, 1. 30 et 41), c’està-dire l'Élam y compris la Susiane. J. Oppert, Le peupleet la langue des Mcdes, p. 120-121, et ibid-, lexique, p. 236. Or les Élamites et les Susiens sont précisémentnommés plus loin dans l'énumération de I Esdr., iv, 9; on ne peut pas supposer qu’ils y prennent place deux foissous des noms différents. Au sens restreint, il désigne uneportion de l'Élam voisine de la Médie, habitée par lesMardes ou Amardes de Strabon, d’Arrien et d’Hérodote, la région actuelle de Mal-amir. À la vérité, il pouvait yavoir de ces Mardes d'Élam parmi les déportés en Samarie; car Sennachérib, père d’Asarhaddon, avait vaincu à plusieurs reprises les troupes élamites. Voir Apharsatachéens. Mais la forme originale de ce nom, telle qu’elleressort précisément des inscriptions cunéiformes de Malamir, est Aipir ou Aibir, d’où il paraît difficile d’obtenirla forme chaldéenne d’Esdras 'Afarsâïê. J. Oppert, ibid., p. 15, 16, 236; A. H. Sayce, The language of the cuneiform Inscriptions of Elam and Media, p. 468, 472 etpassim, dans les Transactions of the Society of BiblicalArchseology, t. viii, part. u.

Les captifs provenant des régions orientales, telles quel'Élam et la Médie, furent ensuite déportés en Syrie, y compris Chanaan et la Phénicie; voir col. 724. Thecuneiforni Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 45, col. 1, 1. 24-34; Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 241; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, t. ii, p. 124-127; Vigouroux, La Bible et les découvertesmodernes, 5e édit., t. IV, p. 258-261; Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 61-62. Dans d’autres inscriptions déjàcitées, il mentionne tout spécialement des tribus mèdes, comme ayant été par lui arrachées à leur pays. La suite deleur histoire est la même que celle des Apharsatachéens, col. 724-725. E. Paumer.

    1. APHEC##

APHEC, APHÉCA, hébreu: 'Âfêq, 'Âfêqàh, 'Âfiq, «place forte;» Septante: 'qiv., 'Atpsxi, 'Oçp£x, «xoui, nom de plusieurs villes de Palestine, dont les unes sontrendues dans la Vulgate par Aphec, les autres par Aphéca.

1. APHEC (hébreu: 'Âfêq; Septante: '0?èx t?; 'Apux), cité chananéenne, dont le roi fut vaincu par Josué. Jos., xii, 18. Il est difficile d’en déterminer exactement la situation, parce que, dans l'énumération de l’auteur sacré, les villes qui la précèdent, Taphua et Opher, aussi bienque celle qui la suit, Saron, se refusent elles-mêmes à touteidentification certaine. Une première question se présenteà nous: Appartenait-elle au midi ou au nord de Chanaan?La réponse est dans cette remarque de Keil, basée surle contexte, et très juste, à notre avis: à partir du ꝟ. 10, Josué énumère les villes royales dont la conquête estspécialement racontée au chap. x, et il y joint, ꝟ. 13, 15, 16, celles dont il se rendit maître pendant la guerre contreles Chananéens du sud, x, 28-43. Suivant le même ordredans la seconde partie de l'énumération, il donne enpremière ligne, ^. 19-20, les villes capitales des rois alliésdu nord, conformément au récit du chap. xi; puis il yrattache celles qui furent prises dans cette guerre, et quine sont pas expressément nommées. Les deux parties del'énumération correspondent ainsi au double récit quivient d'être fait dans les chapitres précédents. Noussommes donc en droit de conclure que les quatre villes

des $. 17 et 18 sont de celles qui furent conquises dansl’expédition contre le roi de Jérusalem et ses alliés, etpar conséquent doivent être cherchées, non, comme lefont plusieurs auteurs, dans le nord, mais bien dans le sudde Chanaan. Cf. Keil, Biblischer Commentar ùber dasAlte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 98-99.

Poursuivant notre calcul, nous pouvons préciser encoredavantage l’emplacement approximatif d’Aphec, au moyende Taphua et de Saron, quelle que soit l’obscurité quiles enveloppe elles-mêmes. Taphua (hébreu: Tappûa)})doit être identique à la ville de même nom qui est mentionnée dans la tribu de Juda. Jos., xv, 34. Or cette dernière se trouvait «dans la plaine», et fait partie d’ungroupe où plusieurs noms sont facilement identifiés: Estaol (Achou’a), Saréa (Sara’a), Zanoé (Zdnou’a), Jérimoth (Yarmouk), etc. Elle appartenait donc à larégion nord-ouest de la tribu, et M. V. Guérin, par uneconjecture fondée sur l’ensemble de ces rapprochements, propose de la reconnaître dans le Khirbet Khreickoum.Description de la Palestine, Judée, t. ii, p. 28. Uneconjecture semblable nous permettrait peut-être de placerAphec aux ruines de Belled el-Foka, que Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 403, et les auteurs dela carte anglaise, feuille 14, donnent comme le site probable d’Apnix 3. Nous nous gardons cependant d’appuyercette hypothèse sur le mot Foha; il pourrait sembler rappeler Aphec, mais c’est un simple adjectif qui, en arabe, signifie «supérieur» ou «d’en haut», et qui détermine plusd’un nom actuel dans la Palestine: par exemple, Beit’Ourel-Fôka, «Béthoron supérieur,» par opposition à BeiVOùret-Tahta, «Béthoron inférieur.» D’un autre côté, Saron, Jos., xii, 18, pourrait être le village de Sarona, dans laplaine du même nom, auprès de.laffa, marquant, versle nord-ouest, la limite des villes énumérées du ꝟ. 9 auꝟ. 18. Si Belled el-Foka paraît trop éloigné de ce point, nous indiquerons le Khirbet Menlj el-Fikiéh, sur laroute de Ramléh à Jérusalem, dont le nom et la positionpeuvent également convenir à la cité ehananéenne.

D’après ce que nous venons de dire, cette ville ne saurait être confondue avec l’Aphéca de Jos., xv, 53, qui, mentionnée entre Beththaphua et Hébron, se trouvait «dans la montagne de Juda». Jos., xv, 48. Voir Aphéca 2.Était-elle identique à l’Aphec de I Reg., iv, 1? Voir

Aphec 3.

A. Legendre.

2. APHEC (hébreu: 'Àfêq, Jos., xix, 30; 'Âfiq, Jud., I, 31; Septante: 'Aç£x, Jos., xix, 30; omis, Jud., i, 31), ville de la tribu d’Aser, Jos., xix, 30, dont les Chananéensne furent pas chassés, Jud., i, 31. Citée entre Amma etRohob, elle est jusqu’ici restée inconnue. Certains auteursl’assimilent à l’Aphéca de Jos., xiii, 4, limite septentrionale de la Terre Sainte, r’Açaxi des Grecs; VAfka duLiban. Keil, Biblischer Commentar ùber das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 158; Mûhlau, dans Riehm, Handivôrterbuch des Biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 69; Gesenius, Thésaurus lingux heb., p. 140.Voir Aphéca 1. Cette opinion nous semble sujette à plusd’une difficulté. Examinons d’abord la place qu’occupeAphec dans l'énumération des villes de la tribu d’Aser.Jos., xix, 24-30. L’auteur sacré, qui suit toujours un ordreméthodique, après avoir successivement parcouru le centre, le sud et l’est, se dirige vers le nord par Cana et Sidon; puis il redescend vers Tyr jusqu'à Achzib (Ez-Zib), pourfinir par une ligne qui, partant de Ras en - Naqoura, s'étend vers la tribu de Nephthali avec Amma {'Aimaech-Chaoub, ou même, si l’on veut, Khirbet 'Amméh; voir Amma 1) et Bohob ( peut-être Tell er-Rahib). Voir lacarte de la tribu d’AsER. C’est donc dans cette dernièrerégion que devrait se trouver notre ville.

Ensuite l’identification, tantôt certaine, tantôt probable, des différents noms, ne nous transporte pas au delà duLéontès, Kahr el-Qasmiyéh ou <i fleuve de la séparation». Quelques auteurs, nous le savons, placeraient volontiers Amma à Kefr Ammeih, dans le Liban, au sudà'Rammana, dans le Djourd, et Rohob à Hûb, au nordest de Djébaïl; mais, outre le caractère très hypothétiquede cette assimilation, ce serait isoler complètement cesvilles du reste de la tribu, et les jeter sans raison en pleinterritoire phénicien.

Nous croyons donc que si, en droit, c’est-à-dire en vertud’une promesse divine dont l’entier accomplissem*nt netut que momentané, les frontières de la Terre Sainte s'étendirent jusqu'à l’Afka du Liban, de fait elles n’atteignirent pas cette limite. Voilà pourquoi nous pensonsqu’on peut identifier avec cette ville l’Aphéca de Jos., xiii, 4, mais nous hésitons à y reconnaître l’Aphec de la tribud’Aser. A. Legekdre.

3. APHEC (hébreu: 'Àfêq; Septante: 'AçÉ-/.), ville oùétaient campés les Philistins au moment du fatal combatpendant lequel l’arche d’alliance fut prise et les fils d’Hélitués. I Reg., iv, 1. Nous sommes ici en présence d’unproblème topographique des plus difficiles, parce. qu’ilrenferme trop d’inconnues.

Aphec se trouvait auprès d'Ében-Ézér, «la Pierre duSecours,» I Reg., iv, 1, c’est-à-dire près de l’endroit où, vingt ans plus tard, Samuel éleva une pierre commémorative, pour rappeler la victoire miraculeuse qu’il venaitde remporter sur les mêmes ennemis, les Philistins.I Reg., vii, 12. Ce monument fut placé «entre Masphaet Sen». Sen (hébreu: Hassên, «la dent» ) semble indiquer ou un rocher pointu, ou une localité située sur unesorte de pic: sa position est incertaine. Maspha est unelocalité de la tribu de Benjamin. Robinson l’identifie avecle village actuel de Néby-Samouïl, au nord-ouest de Jérusalem; Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 460; et M. Guérin avec Cha’fath, situé plus bas, directement au nord de la ville sainte. Description de laPalestine, Judée, t. i, p. 395. L’un ou l’autre de cesdeux sites, d’ailleurs très rapprochés, représente l’undes extrêmes; mais, l’autre restant indéterminé, il devient difficile de fixer le point intermédiaire, Ében-Ézér.Les deux principales opinions sur ce sujet sont les suivantes.

Conder et Clermont-Ganneau placent Ében-Ézér à DeirAbdn, trois milles (environ cinq kilomètres) à l’est d’AïnChems, l’ancienne Bethsamès, dans la région nord-ouestde la tribu de Juda. Deir Abân, «le couvent de la Pierre,» rappellerait la première partie du nom ancien, et la situation serait en conlormité avec l’ensemble des faits racontésI Reg., iv, v, vi, vu. Dans ce cas, Aphec serait probablement Belled el-Foka, à environ six kilomètres au sudouest de Deir Abân, et se confondrait ainsi avec la citéehananéenne de Jos., xii, 18. Voir Aphec 1. Le combataurait donc eu lieu sur les confins du pays des Philistins. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1876, p. 149; 1877, p. 151-150. Cette opinion présente plusieurs difficultés que nous ne pouvons exposerici; voir Ébén-Ézér: une des plus grandes est la distancequi sépare Deir Abân de Silo. Il n’y a pas moins de quarante-huit kilomètres entre les deux endroits, et cependant le messager qui porta à Héli la nouvelle du désastrearriva «le jour même», c’est-à-dire le soir de la bataille.I Reg., iv, 12. Comme il ne partit pas avant la fin du combat,

  • . 16, 17, et qu’il était à Silo avant la nuit, 5°- 13, on peut

regarder le chemin comme trop considérable, même pourun bon coureur.

La seconde opinion, soutenue par YV. F. Birch etThomas Chaplin, place le champ de bataille dans la tribude Benjamin. Pour eux, Maspha est Néby-Samouïl, etSen est Deir Yesin, cinq kilomètres plus bas, vers le sud, nom qui répond exactement au Beth-iasan des versionssyriaque et arabe. Ébén-Ézér est, pour le premier, KhirbetSamou’il, à 1 600 mètres au sud de Néby-Samouïl, et, pourle second, Beit Iksa, un peu plus bas: tous deux reconnaissent Aphec dans Kiislàl ou Kasthoul, localité située

au sud-ouest des précédentes et au nord-ouest de DeirYesin. L’hébreu psx, 'Âfêq, signifie «forteresse», et

l’arabe Jila*aï, kûstûl, semble dériver d’un ancien castellum construit par les Romains. Le village, composé dequelques maisons seulement, est sur une hauteur d’où lavue est très étendue et d’où l’on aperçoit distinctementla mer. Le long des lianes de la montagne, on remarqueencore les traces d’une voie antique. Ct. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1881, p. 100-101; 1882, p. 262-264; 1888, p. 263-265.

Cette hypothèse évidemment n’est pas exempte de toutedifficulté, mais M. Chaplin, ouv. cité, 1888, p. 263-265, montre bien comment les différents points de cette topographie s’adaptent d’une façon naturelle au récit biblique.I Reg., iv et vu. De son exposé nous ne retenons que cequi concerne Aphec. Pendant que les Hébreux occupaientla colline de Beit lksa, entourée de vallées protondes, lesPhilistins trouvaient dans celle de Kûstûl une position sûreet parfaitement appropriée pour leur servir de point d’attaque. Au nord s'étend un large plateau qui, encore environné par les restes d’un rempart de grandes pierres, semble avoir été utilisé comme camp dans les tempsanciens. De là, ne pouvant se lancer directement sur lesHébreux défendus par la vallée comme par un fossé naturel, ils pouvaient marcher en toute sécurité vers le nord, passer par le village actuel de Beit Sourik, puis, une foisarrivés à Biddou, taire un mouvement tournant vers ladroite pour fondre sur Maspha, le centre du gouvernement à cette époque, ou sur un ennemi retranché à Beitlksa. De ce dernier point, il était facile à un coureur agiled’aller, en quatre heures à peu près, porter à Silo, aprèsla défaite et la perte de l’arche, la triste nouvelle qui

devait causer la mort du grand prêtre.

A. Legendre.

4. APHEC (hébreu: 'Àfêqâh; Septante: 'Atpéx), villeoù étaient campés les Philistins avant le combat quioccasionna la défaite et la mort de Saùl. I Reg., xxix, 1.Quelques auteurs sont tentés de l’assimiler à la précédente, I Reg., iv, 1; mais comme, au chap. xxviii, 4, le récitsacré nous montre les ennemis d’Israël déjà établis àSunam, au pied sud-ouest du petit Hermon, il faut voiralors dans le chap. xxix un épisode intercalé et racontantdes événements qui se seraient passés pendant la marchedes Philistins vers la plaine d’Esdrelon. Calmet, Commentaire sur le premier livre des Bois, Paris, 1711, p. 331; Grove, dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, t. i, p. 78.

Un plus grand nombre d’exégètes la distinguent d’Aphec 3. Eusèbe et saint Jérôme la placent «près d’Endorde Jezraël, où combattit Saùl». Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 97, 226. C’est la reproduction de l’interprétation inexacte des Septante, qui, I Reg., xxix, 1, onttraduit bâ'ain, «près de la fontaine,» par 'AevSwp. Ilne s’agit pas ici de cet endroit. Pour mieux fixer, d’ailleurs, l’emplacement que nous cherchons, rappelons lesprincipaux mouvements des deux armées ennemies. LesPhilistins, «rassemblant leurs troupes et se préparant àla guerre, viennent camper à Sunam,» I Reg., xxviii, 1, 4, c’est-à-dire au village actuel de Soulam, sur la pentesud-ouest du Djebel Dahy. Saùl, de son côté, s'établit, avec les armées d’Israël, sur le mont Gelboé, I Reg., xxviii, 4, d’où il contemple avec frayeur les forces ennemies, t- 5> Les Philistins, retranchés d’abord au pied dela montagne, reviennent vers la plaine, à Aphec, où ilspourront développer plus facilement leur cavalerie et leurschariots. En même temps, les Hébreux prennent position «auprès de la fontaine qui était à Jezraël,» I Reg., xxix, 1, 2, c’est-à-dire Y Ain el-Maïtéh, ou, plus probablement, YAïn-Djaloud, suivant M. Guérin, Description de laPalestine, Samarie, t. i, p. 309. Enfin les Philistins «montent à Jezraël,» I Reg., xxix, 11, la Zera’in actuelle, à l’extrémité nord-ouest du mont Gelboé. C’est là

que se passe le combat, là que les Israélites sont vaincus, et que Saùl, après avoir vu périr ses fils, blessé et pressépar l’ennemi, se jette sur son glaive pour se donner lamort. I Reg., xxxi, 1-6. Voir la carte de la tribu d’IsSACHAR.

D’après cet exposé, Aphec devait se trouver dans laplaine d’Esdrelon, à l’ouest de Sunam et au nord-ouestde Jezraël. Or le village qui, par sa position, répond lemieux à ces données topographiques, est celui d"Afouléh, situé sur une éminence qui domine un peu la plaine.Certaines traditions du moyen âge plaçaient là les ruinesde notre ville, et M. V. Guérin donne cette opinion commevraisemblable. Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 10$1-$210. Tel est aussi le sentiment de Van de Velde.Memoir to accompany the Map of the Holy Land, 1859, p. 286. C’est entre ce village et celui de Fouléh, à peude distance vers l’est, que, le 16 avril 1799, était campéle gros de l’armée turque, à la bataille dite du montThabor. Kléber, avec une poignée d’hommes disposés encarrés, osa l’attaquer, et résistait depuis six heures àtoute la furie de nombreux adversaires, lorsque Bonaparte, débouchant dans la plaine, enveloppa l’ennemi qui, bientôt déconcerté, s’enfuit dans toutes les directions, laissant sur le terrain d’innombrables cadavres d’hommeset de chevaux.

Conder, Handbook to the Bible, p. 403, et G. Armstrong, W. "Wilson, Names and places in the Old andNew Testament, p. 11, carte, 1890, feuille 10, placentAphec à Foukou’a, localité qui, à une altitude de plusde 400 mètres, occupe, vers le sud-est, l’un des pointsculminants du massif montagneux auquel elle a donnéson nom, le Djebel Foukou’a, ancien mont Gelboé. Cetteidentification nous semble en désaccord avec l’ensembledu récit biblique, tel que nous l’avons exposé. On sedemande d’abord pourquoi les Philistins seraient venuss’embarrasser dans la montagne, quand la plus vulgairetactique leur conseillait de choisir la plaine; puis pourquoi ce mouvement en arrière de l’armée israélite, deSunam à Foukou’a. Enfin, au lieu de «monter» d’Aphccà Jezraël, comme le dit formellement le texte sacré, I Reg., xxix, 11, ils auraient dû «descendre» de Foukou’a àZéra’in. Plusieurs auteurs prétendent que l' Aphec dontnous venons de parler est identique à celle de 1Il Reg.,

xx, 26, 30. Voir Aphec 5.

A. Legendre.

5. APHEC (hébreu: 'Afêqâh; Septante: 'Açexâ, III Reg., xx, 26, 30; 'Afêq, 'Ayéx, IV Reg., xiii, 17), ville où Achab remporta sur Benhadad II, roi de Syrie, une éclatante victoire, III Reg., xx, 26, 30; et où plustard Joas, fils de Joachaz, roi d’Israël, vainquit Benhadad 111. IV Reg., xiii, 17, 25. On la trouve dans les inscriptions assyriennes sous le nom A’Ap-qu. Ct. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 204; Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies?Leipzig, 1881, p. 178, 286, 287. Joséphe la nomme également 'Açsxâ. Ant. jud., VIII, XIV, 4.

Plusieurs auteurs l’identifient avec la précédente, carelle se trouvait «dans la plaine». Les Syriens, en effet, battus une première fois auprès de Samarie, dans unecontrée montagneuse, attribuèrent leur défaite aux dieuxdes Israélites, qui devaient être «des dieux de montagnes», et se promirent un triomphe facile dans la plaine, où cesmêmes dieux n avaient aucun pouvoir. III Reg., xx, 23-25.Voilà pourquoi ils revinrent, au bout d’un an, camperà Aphec, où ils éprouvèrent un nouvel échec. Telle estl’opinion de Keil, Biblischer Commentai' ûber das AlteTestament, die Bûcher der Kônige, Leipzig, 1876, p. 220; de Fried. Delitzsch, ouv. cité, p. 287; de Mûhlau, dansRiehm, Handwôrterbuch des Biblischen Altertums, Leipzig, 1884, t. i, p. 69.

Beaucoup d’autres placent Aphec à l’est du lac de Tibériade, sur la grande route de Damas en Palestine, auvillage actuel de Fik, dont le nom, ^jj ou t i>jj) chez Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/431 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/432 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/433 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/434 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/435 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/436

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Introduction: My name is Jamar Nader, I am a fine, shiny, colorful, bright, nice, perfect, curious person who loves writing and wants to share my knowledge and understanding with you.